Story of my life

Non mais Daniel Collin King. C'est quoi ce nom de merde au fait? Mes parents ont ouvert le dictionnaire en mode aléatoire et c'est ce qu'ils ont trouvé? Daniel le protagoniste de la bible pour aller avec King, l'auteur énorme de livres de suspense, et Collin qui n'est rien en fait. Mais bon. C'est mon nom et ça fait vingt-quatre ans que je le porte et je l'apprécie. Il me définit puisqu'il est mien. Autant faire avec et en tirer le meilleur des profits.

C'est peut-être ce que je me suis dit à l'âge de quatorze ans quand j'ai commencé à écrire. J'avais jamais eut une vie épatante. Je peux vous la raconter si vous voulez: ma mère est réceptionniste à la bibliothèque de New-Orleans depuis toujours, mon père il est mécanicien à temps plein. J'avais une piscine gonflable jamais utilisée et un chien du nom de Gromit. Ma simplette famille est encore dans cette petite maison du quartier de on-s'en-balance (tiens... appelons-le French Quarter) à l'heure qu'on se parle. Rien n'a changé. Sauf que la piscine s'est brisée et Gromit est mort.

Enfin. Quatorze ans. J'allais à l'école comme tous les autres jeunes. Sauf que j'avais pas d'amis. J'ai jamais été capable d'en faire. J'arrive près de quelqu'un et je créé un malaise collectif. Pire encore: trop souvent, je passe complètement inaperçu. Un vrai fantôme. J'y peux rien. Alors je restais dans mon coin et je leur souris. Je les aime. Ils sont beaux, grands et bons. Et moi j'écrivais. Bref. Tirer profit de mon nom. Avec un nom comme «King» et une mère libraire, on se fait souvent répéter «oh! mais tu pourrais écrire!» par la parenté. Ils avaient tous bien raison.

Car au fil des années, j'ai fait mille et unes tentatives de me rapprocher des gens. Ne serait-ce qu'avoir une attention de la part d'un convoité. Pas grands choses comme conclusions. Que des bouquins et des bouquins que j'écrivais. Et je dessinais. Et j'écrivais. Et je dessinais encore et après je dessinais et j'écrivais. Je dessinais ce que j'écrivais et écrivais ce que je dessinais. Seul. J'ai jamais fait lire ces romans. Par contre, j'y ai trouvé un domaine d'étude et je me suis trouvé métier dans l'écriture de livre pour enfants. Il n'y a rien de mieux à faire dans la vie lorsqu'on s'appelle Daniel Collin King. Je vous assure.

Ces livres pour enfants ont toujours été pour moi la couleur que je ne voyais pas. Ils sont roses, verts, bleus, violets, rouges... Toutes ces teintes que je ne connais que par définition. Ils se terminent toujours bien. Donnent la bonne morale, et le sourire à un jeune détenteur de soif. Il fait pousser la plante de la créativité dans l'esprit d'un enfant, et transmet une passion à quelques uns. Une passion à venir, bien sûre. Cela fait mon bonheur et mon métier depuis que j'en ai découvert la beauté.

J'ai gagné un succès fulgurant. C'est-à-dire un maigre salaire instable grâce à mes livres. Tous ceux qui ont déjà eut un enfant on peut-être déjà acheter l'une de mes œuvres pour petits signé King bien ironiquement. Malgré ce succès qui demeure bien subtil dans la vie de tous les jours, je suis resté seul toute une vie de temps. Mis à part mon père, ma mère et Défunt Grommit. Ce chien fut ma seule relation que je puisse qualifier d'«amicale».

On se sent vide quand on est seul. La présence de mes parents m'était devenue accaparante et agressante. Je les aime. Je les adore. Mais il eut un temps où j'eus dix-huit ans. Je me choisis un appartement crade et pas cher pour y être, encore une fois, seul. C'était un cocon pour pleurer, chanter debout sur son lit et créer.

Il n'y avait que deux choses qui me donnaient la flamme d'une relation humaine: écrire et mon costume. Un costume? Oui. Enfin, non. Je ne sais trop. Bref... Ça, lui, devint mon autre meilleur ami à partir de mes seize ans. Un ami plus superficiel mais dont je ne saurais me détacher.

Seize ans. Je me sentait plus démuni, vide et malheureux que jamais. C'est à cet instant que j'ai commencé à «halluciner». Je croyais des hallucinations dans le temps. Je me croyais schizophrène. Parfois, surtout la nuit, quand je me regardais dans la glace, je n'y voyais mon visage. Je voyais lui: Rabbit Dickens. C'est lui qui se donne ce nom ridicule. Moi, je n'aurais jamais osé lui octroyer un tel patronyme.

D'où venait-il? Je n'en sais rien. Il m'apparaissait en rêves, parfois je croyait le voir dans le noir total de ma chambre. Il m'incitait à faire comme lui, me promettait le ratoureux et le savoureux... Il m'avait incité à me fabriquer un costume identique au sien en me promettant que tout irait mieux. Je m'étais exécuté. J'avais fait comme il m'indiquait de le faire. J'avais créé un costume copie conforme au sien.

L'exactitude près de ce que ce Rabbit Dickens portait. Il me hantait, dans mes nuits et mes songes près. Tant que j'ai voulu, un jour, porter sa fourrure. J'avais dessiné ce costume pour Halloween. J'ai toujours adoré Halloween. J'ai toujours aimé les bonbons. Alors j'ai toujours participé à cette fête. Solo ou en famille. Bref, ce costume de lapin m'était sortit des doigts et s'était craché du bout de mon crayon jusqu'au brouillon du papier. Et j'avais pris l'initiative de le créer. Le coudre. Lui donner un visage. Des membres. Et une carcasse pour que je puisse devenir sa petite âme. Il m'allais comme un gant. Il me va toujours comme un gant. Nous sommes fait l'un pour l'autre, c'est indéniable.

J'ai donc porté ce costume une soirée de temps. Et j'ai compris. J'ai ressentis l'effet d'une fascination, d'un regard porté sur soi. De quelqu'un qui se tourne pour te regarder, d'un étranger qui te remarque et te pointe depuis l'autre côté de la rue. Et surtout, de cet œil qui s'agrippe au tien invisible sous le masque et qui porte toute la terreur du monde. C'était donc ce que Rabbit Dickens m'inculquait: être un être important aux yeux des autres! Parfois il me consolait. Il était mon sauveur, en quelque sorte. Non? J'en sais trop rien.

Toujours j'ai été fasciné par les sentiments puissants qu'on les humains. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai toujours aimé les enfants je crois. Ils les vivent un max. Ils se sentent en vie, j'en suis certain. Et la manière de se sentir le plus en vie, je crois, c'est par la peur extrême. J'ose deviner. Du moins.

Alors imagine un instant que tu peux incarner la peau d'un autre et te pointer devant quelqu'un qui peut te donner toute son attention, son émotion la plus viscérale en entier. C'est ce qui m'arrive lorsque je mets mon costume de lapin la nuit. J'effraie les gens et, enfin, je peux sentir que j'ai une valeurs auprès des autres. Une attention. Un cri en mon honneur. Ça me flatte l'aorte et, en un hurlement de sursaut, je trouve la chaleur que pourrait offrir un baiser sur la joue.

Mais moi, je déteste avoir peur. Moi je veux rire.

Je les consolerai, s'il le faut. Tous et chacun. Mais je les ferai crier d'abord. J'Y peux rien.

Pourquoi suis-je hanté par ce Rabbit Dickens? Je crois que ce gros lapin est là pour m'apprendre à consoler. Consoler et effrayer. Ça rime bien, je trouve.

Seize ans, trois heures et demi. Me semble que j'ai rêvé à rien.

Ou je suis toujours dans les brumes d'un rêve émietté. S'égorge mon sommeil alors que je force l'éveil de mes yeux à mes frotter, et les frotter. Je bats ces paupières qui s'inclinent à la lune plein tranchant la fenêtre de ma chambre barbouillée. Barbouillée de notes, de dessins, d'affiches de Simple Minds ou de babillards de photos jolies. Je ne peux voir la panoplie qui échafaude les murs, parce qu'il fait un noir presque total. Mais je la connais. Seule la veilleuse me permets de voir des formes bougeant et les papillons nocturnes.

Seize ans, trois heures et demi du matin. Toujours une veilleuse. Oui, c'est que j'ai peur du noir. Toujours, oui. Dans le noir, on se perd. On se noie. C'est étouffant et trop hasardeux à la fois. Je préfère les rayons d'astres. Cela fait quelques semaines à tout calcul que j'ouvre l'iris à cette horloge exacte sans me souvenir de mes rêves. Je commence à croire à la...

“
Réveille-toi.
”


Mon cœur se fracasse de milles morceaux à l'aorte contre ma cage thoracique. Qui a parlé? Mon souffle compte les possibilité. Une voix caverneuse, d'échos à la fois. Autant grave qu'aigüe. Glaciale et chaleureuse... J'avale difficilement et me glisse hors de mon lit pour afficher à la luciole égarée un pantalons à carreaux délavé ainsi qu'un chandail dix fois ma taille des Rolling Stones. Peut-être leur musique m'aurait donné courage, mais je ne connais aucun de leur morceau. Ce n'est plus que du beurre dans mes tempe qui se muent en un genre de battement à la panique. Je suis effrayé, la luciole égarée même s'en rend compte. Mon souffle rêche devant moi m'ouvre la voie vers le corridor. J'ouvre la porte de ma chambre dans un grincement si lent qu'un réalisateur de suspens navet aurait été jalousie.

Personne. Évidemment. Je fais des craquelures de lattes en pas. Je suis la précaution incarnée et tremble comme une feuille d'automne à la bourrasque. Je n'aime pas ça. La boule d'angoisse dans ma gorge donne envie aux larmes de rouler sur mes joues blêmies. Je prends initiative d'ouvrir la bouche pour interpelé le vivant, mais n'utilise celle de parler. Je reste muet. Je laisse tomber mes épaules. Peut-être suis-je toujours dans les vapes du sommeil, sur la fin d'un rêve, ou dans l'alcôve d'entre les mondes de lune et de soleil. Je me dirige vers la salle de bain, histoire de boire un verre d'eau pour cette gorge asséché d'anxiété. Celle qui retombe. Que je force à faire retomber en me disant qu'il n'y a rien, voyons.

“
Tu brûles.
”

Cette voix, cette même voix qui retentit alors que je pose le fil de mes doigts sur la poignée de la dite pièce. Puis je réalise qu'elle est dans mes oreilles. Dans mon crâne. D'autant je suis apeuré que curieux, cette fois. J'ouvre la porte et glisse un visage inquiet dans son cadre. Personne. Pas un mouvement, un signe de vie... J'y entre avec précaution et ferme derrière moi.

C'est en me retournant vers le lavabo que je vois, au dessus dans le miroir, mon reflet. Qui n'est pas mon reflet. C'est ma taille, ma hauteur, mes mouvements... Mais portant un immense costume de lapin. Un horrible costume de lapin. Émaillé, le poil des bras ébouriffé, celui du torse jaunit et mort. La tête est un crâne, ses dents sont des terreurs. Ses oreilles sont cassées et ses yeux sont vide et grand. Mais je sais qu'ils regardent. Qu'ils me regardent. Comme je regarde la glace à l'instant. Je sursaute à l'horreur en poussant un cri faible et étouffé. Je me calme à en devenir peu à peu paisible quand je réalise qu'il s'agit de mon exact reflet. Portant un costume. Tout simplement. Qu'il ne peut donc pas me faire de mal, aussi laid soit-il. Peut-être suis-je toujours en somnolence, qui sait...

Je m'approche et pose ma paume sur la glace, qui vient se plaquer à l'unisson contre la patte fausse de l'autre côté. Je penche ma tête, le lapin aussi. Je ris de peu. Je suis en train de rêver, non? ...non? Je rêve ou je suis malade mental. Mais ni les rêveurs, ni les fous ne peuvent émettre l'hypothèse de l'être. Alors je sais trop rien. Mais je n'ai plus peur. Non, je me sens correct depuis que j'ai pris la main de mon reflet qui ne l'est pas vraiment.

“
Comment vas-tu aujourd'hui, Daniel?
”

Il prend mon premier nom. Celui que je ne garde jamais dans ma bouche ou les présentations. Je fronce les sourcils et passe ma langue furtivement entre mes lèvres. Je ne comprends pas. Il le devine.

“
Je suis ici pour t'aider, Collin. Je suis ton ami. Crois-tu aux facteurs de relations?
”

La voix est toujours un échos étouffé dans mes ouïes. Je n'ai pas d'ami. Je ne comprrends toujours pas.

“
Euh... Je... En fait, je...
”

“
Pas encore.
”

Il sourit. Bien sûre que le costume ne peut sourire, il est de plastique et de tissu. Mais moi je souris. Bêtement. Alors mon reflet fait de même aussi, sans doute. J'aime bien ce lapin. Je ne sais pas pourquoi, mais je l'aime bien.

“
Moi aussi je t'aime bien. Rappelle-toi, nous sommes amis.
”

Je fais cet air bête soudainement. Celui de la personne qui se fait prendre au dépourvu. Qui ne s'y attendait pas. Qui se fait couper l'herbe sous le pied. Tout ce que je trouve à demander est:

“
T'es qui?
”

“
Je suis Dickens. Rabbit Dickens. Aimes-tu mon costume?
”

Je souris. Bêtement. Encore. Mais encore plus cette fois. Je suis joyeux. Je ris, un peu. Je ne saurais dire si son nom ridicule me donne les fossettes ou si c'est son allure qui me donne le minois du bonheur soudainement. Bien sûre que j'aime son costume, quelle question. Il est horrible, mais quand on apprend ses détails, il devient spécial et étrange à souhait.

“
Collin? Est-ce que ça va mon trésor?
”

Je me retourne subitement. Haletant de ce nouveau sursaut. C'est ma mère en pyjamas dans le cadre de la porte. Elle a pris le temps de mettre ses lunettes pour vérifier mon état. Elle a cet air inquiet que les mères ont quand elles entendent leur fils parler seul devant un miroir à trois heure le matin. Le souffle court, je lui montre avec joie mon reflet.

“
R'garde, 'man!
”

Elle bat des paupières. Mais ne bronche pas un sourcils. Mon sourire s'efface. Elle ne le voit pas...

“
Je t'ai entendu parler. Tu es encore somnambule? Veux-tu des comprimés?
”

Encore somnambule? Je n'ai aucun souvenir de l'avoir été. Mais qui à la mémoire du rêveur marcheur de toute façon? Elle s'approche de la pharmacie. Elle est à quelques pouces de mon reflet Rabbit Dickens. Elle ne le voit toujours pas. Elle prend une boîte de médicaments, en met un ou deux dans sa paume et prend ma main pour déposer en son creux les comprimés qui dorment.

“
Tiens, mon trésor. Prends ça et retourne au lit, tu vas te sentir mieux. Demain tu as de l'école, tu dois être en forme!
”

Elle me frotte l'épaule et me fait sourire raire. Arf... Je préfère pas penser à l'école. Je lui rends un sourire sincère mais trébuché.

“
Merci maman.
”

Ma mère sort en traînant de la pantoufle. Et je reporte mon visage au miroir. Le lapin est là, positionné comme moi. La main tendu avec trois pilules dans la patte. De son autre, il me dit au revoir. Comme je le fais.

Et je retourne à un sommeil profond, et confortable.