Elliot était un lion. Pas littéralement, bien sûr, mais astrologiquement parlant. Il avait tout du lion, d’ailleurs. Il était chaleureux et possédait un grand cœur, bien qu’il fût avant tout égoïste et ambitieux. Son propre confort passait avant tout, mais ensuite il cherchait à s’assurer du confort des autres. Il est né le 4 août 2005 d’une mère et d’un père qui s’aimait. Sa mère était mère au foyer et son père était homme d’affaires, ou quelque chose du genre, il ne savait pas trop. Il portait toujours un costume-cravate et rasait sa barbe tous les matins. Pour Elliot, c’était clairement le signe qu’il était homme d’affaires, ou alors avocat.

Il a grandis dans les bras de sa mère, qui l’a protégé de tous et de tout. Il n’a appris à marcher que très tard, mais sa langue s’est déliée bien avant cela. Elliot adorait parler. Il parlait tout le temps. Même si, au début, ses phrases ne faisaient aucun sens, il avait un avis sur tous et exigeait qu’on l’écoute toujours parler. Sa mère adorait l’écouter babiller, alors elle ne faisait aucun cas de ses petites crises. Elle lui vouait une véritable admiration. Comme toute mère, peut-être. Elle se sentait incapable de le priver de quoi que ce soit, de le punir de quelque manière que ce soit. Et cela était bien sa seule erreur.

Élevé par sa mère et son père presque toujours absent, il était normal qu’Elliot se rapproche davantage de cette dernière. Mais il développa bien assez vite son propre complexe d’Œdipe. C’était sa maman à lui. Il criait, pleurait, aussitôt que celle-ci portait plus attention à son mari qu’à lui. Et cela marchait à tous les coups. Ce qui, bien entendu, énervait énormément Monsieur Kristiansen. Au final, Elliot perdu son papa. Était-ce par jalousie, ou alors parce qu’il était simplement partit vivre ailleurs ? Elliot s’en fichait. Il le remarqua à peine dans les premières semaines. Heureusement, car sa mère n’aurait jamais su comment lui expliquer que son père avait été tué par un Dibbouk.

Même si elle savait tout ce qui se passait là-dehors, elle n’a jamais rien fait pour mettre son enfant au courant des événements. Bien sûr, il sortait dehors, mais seulement sur son terrain à elle. Il jouait avec les enfants du voisinage. Il n’est jamais allé à l’école, alors elle n’avait pas ce problème-là. Elle lui avait toujours fait l’école à la maison. Son enfant, après tout, méritait bien mieux que l’école publique. Il était bien plus intelligent que cela.

Mais cela ne l’a pas empêché de se faire tuer. Ni elle, ni lui. Cependant, lui est resté, pas elle. Il jouait dehors, avec le seul de ses amis qui n’avait pas mystérieusement disparu. Et sa mère a hurlé. Ensuite, il ne se souvient de rien. Peut-être est-ce par choix qu’il a oublié la suite. Peut-être son inconscient n’a-t-il pas voulu se rappeler sa mère, possédée par un Dibbouk qui l’a tué, lui et son ami. Peut-être a-t-il voulu s’accrocher à l’idée que ce monstre n’était pas sa mère. Peut-être est-ce pour cela qu’il la cherche encore.

Maman ? Maman, tu es où ?
J’avance péniblement dans la ruelle. Je suis fatigué. J’ai envie de rentrer à la maison. Mais maman n’est pas là. Je veux ma maman. Où est maman ? Il fait noir, il fait sale et il y a un monsieur que je ne connais pas là-bas. J’ai peur. Je sursaute; un chien jappe quelque part. J’avais un chat, moi, mais je ne le trouve plus nulle part, mon minou. C’est lui que j’ai suivis ici, enfin je pensais. Mais ce n’était pas le bon chaton. Le mien, il a le bout du nez tout blanc et des yeux comme ceux de ma maman.

Sauf que, maintenant, je ne sais plus où je suis. Les maisons sont plus grosses par ici et plusieurs personnes vivent dedans. Beaucoup de personnes. Pas comme là où ma maison est. On a de toutes petites maisons, avec juste une famille dedans. Mais les voisins, eux, ils avaient une grooooosse famille. Trois enfants, le papa et la maman ! C’est beaucoup beaucoup de gens. Plus que maman et moi. Mais ils n’avaient pas de chat, eux. Ni de chien. Pas même un poisson ! Mais ils ont disparus, eux aussi. Comme maman.

J’ai essayé d’aller voir mon ami, Mickael, mais il est méchant. Il fait semblant que je ne suis pas là ! Je lui parle et il n’écoute même pas. Méchant. Et puis après, je jouais avec lui juste parce que les autres sont partis. Alors maintenant je ne jouerai plus avec lui, tant pis pour lui ! Moi j’ai été gentil avec Mickael, je lui ai même prêté mon vélo rouge ! Pff, quel nul.

Je suis tout seul maintenant. Maman elle est où ? Il faut que je la trouve. Il faut que je lui dise qu’il y a un méchant Monstre à la maison. Il faut que je lui dise, sinon, elle ne le saura pas ! Et si elle ne le sait pas, le Monstre il lui fera comme à moi ! … À moi ? Qu’est-ce qu’il m’a fait, à moi, le Monstre déjà ? Je ne me souviens plus. Pas grave, il faut que je le dise à maman quand même ! Ça va être facile, je vais la trouver suuuuuper vite. Je suis un grand maintenant, j’ai deux chiffres dans mon âge ! Et puis, maman me disait tout le temps que j’étais son super-héros à elle. C’est sûr que je vais la trouver !

Attends-moi, maman, j’arrive !