Entrée n°1 : j’ai encore fait ce rêve. Le ciel est bleu et l’herbe est jaune pâle, sèche. Une petite fille noire dans une robe sale m’invite à venir jouer avec elle. Je vois des ombres danser autour de nous et des rires d’enfants emplissent l’air. Je suis petite et puis je deviens grande – je joue toujours avec Tiana. Elle se prénomme ainsi – je le sais. En m’apercevant dans le reflet de l’eau – mon apparence est encore juvénile mais proche de l’âge adulte. Une main gelée se pose sur ma nuque et me noie jusqu’à mon réveil.

Entrée n°2 : Je me réveille en sursaut sur un sol de marbre noir, glacée. Une porte immense s’offre à moi. J’entends des voix venant de nul part et partout à la fois et pourtant le silence règne. Ma tête me brûle et ma gorge est encore serrée par des sanglots étouffés. J’ai mal, mon âme est brisée – il faut réparer la faute commise. Punir les premiers violents : ces hommes. Je veux qu’il paie, souffre, hurle comme des porcs. Je veux les voir ramper et mourir comme des chiens. Ce ne sont que des brutes, des animaux. Tous mes souvenirs me reviennent. Le pouvoir leur fait peur et ce n’est pas leur petit manège qui les protègera. Une intuition me pousse à me projeter contre cette porte – frapper jusqu’à voir mes phalanges en sang. Je force l’entrée de ces portes immenses pour me projeter dans une salle dont le fond ne m’est pas visible – juste un sifflement suivi d’un claquement de langue. Une main glaciale effleure mon front avant que je m’effondre dans ses bras et blottit ma tête dans ses cheveux. « Sœur…repose toi » Sa voix est rauque, chaude, apaisante… Elle me sort la tête de l’eau

Entrée n°3 : L’eau a une odeur âcre – celle de l’essence. Je suis loin mais je sais – je vois ce qu’elle fait. Elle me sauve. Au début, nous avons la tête la qui tourne, nous sommes deux puis un seul être souffrant le même martyr. La fumée nous fait tousser et les flammes s’élèvent dans les airs. Mauvaise idée. Une sourire ses dessine sur nos lèvres fines. Elle siffle rigole puis ma langue claque pour la première fois. Le feu de la vengeance brûle les bourreaux. Une fois libérée de cette épreuve, elle me berce en chantant une berceuse dans une langue aux accents étrangers. Peu à peu je m’enfonce dans un sommeil bien mérité. Parfois j’entends sa voix me parler avec tendresse – elle prend soin de moi.

Entrée n°4 : Elle l’a tué – ce jeune garçon. Quatorze ans. Sa haine dépasse sa raison. Son ambition dépasse son appétit - insatiable. Nous sommes traquées comme des bêtes sauvages. La valse meurtrière prend toujours plus d'ampleur - nous dormons sur un lit de petits ossements tandis que les informations parle d'une tueuse en série surnommée "la goinfre". Un sourire carnassier étire nos lèvres carmin du sang de toutes ces pauvres victimes. La cuisine sent les délicates herbes aromatiques, souvenirs d'arômes de plats anthropomorphes. Il va falloir bientôt repartir en chasse. Dans une nonchalance surnaturelle, tu t'élèves et moi je rêve dans mon coin - fermant les yeux sur ce macabre banquet.

Entrée n°5 : Un piège. Ils nous ont piégé. Nous souffrons. C'est intenable. Ils connaissent ton nom. Je te connais - si tu dois partir ce ne sera pas seule. Non. Non. Je n'ai pas peur pour moi. En revanche, eux. Tu es hors d'haleine. Ils vont gagner. Je sens la douleur de la séparation brûler mon âme, la délivrer du mal. Amen. Je sens ton étreinte protectrice presque étouffante se desserrer et je retombe à genoux. Mon corps est mien. Aigre douce libération rappelant mon enfermement - loin de ce monde de tordus cruels. Sans son étreinte millénaire j'ai froid dans les os. Ma vue se brouille par le sang. Les stigmates saignent et donnent l'impression que des larmes de sang coulent le long de me joues d'albatres et des mes paumes ouvertes. Deux pantins désarticulés gisent chacun dans leur coin. Face à moi l'impie se trouve le Juste. L'ange. Il prend le temps de fermer les yeux des ces marionnettes sanguinolantes. Il prononce une prière en hébreu puis il s'approche de moi, tremblante. Il pose un manteau sur mes épaules et m'offre un sourire avant d'essuyer avec un mouchoir mon visage souillé. Une nouvelle vie s'offre à moi.

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