Il n'y a pas grand chose à dire sur moi, vous savez. Je ne comprends décidément pas votre fascination à ce sujet. Alors… J'ai grandit dans une famille catholique. Si, si, je vous jure. Dès le plus jeune âge, j'ai donc pu être sensibilisé à la Parole du Saint Père. Un avantage pour moi. Je n'ai jamais hésité, je n'ai jamais douté du chemin à prendre. Enfin, j'ai longtemps hésité quant au métier que je pratiquerais en grandissant. Les Prêtres, Curés et Pasteurs me semblaient bien, mais je voulais faire plus. Je voulais avoir une incidence dans la vie des gens, je voulais être important. Ce n'est pas très catholique, je vous l'accorde. J'ai donc songé à devenir médecin, ou alors psychologue, et brièvement, soldat. Mais il y avait des centaines de médecins, des psychologues à la pelle et je n'étais pas un tueur, je n'aurais jamais pu tenir une arme pointée sur mes frères. Et puis, je voulais exprimer ma foi au travers de mon métier, je voulais sauver non seulement les vies, mais les âmes aussi. Je m'enrôlai donc dans les ordres, souhaitant devenir prêtre. Mais il me manquait alors toujours quelque chose. J'avais toujours ce sentiment d'être capable d'apporter bien plus. Et pas seulement de par mon sens de l'humour imbattable. Ce qui m'a ouvert les yeux est arrivé une journée alors que je n'était encore que novice. Un couple s'était présenté avec leur fille, une pauvre gamine complètement folle. Ou pas. Plutôt, elle semblait possédée par un démon puissant, assez puissant pour résister aux exorcismes traditionnels. J'y assistai, d'ailleurs, impuissant. Un sentiment courait sous ma peau. J'avais l'impression que je devais intervenir, m'en mêler. Cette fois, je ne crois pas qu'il se soit simplement s'agit de ma tendance à vouloir jouer les héros. Plutôt, je crois que c'était là un signe du Tout Puissant afin de me montrer quelle était réellement ma destinée. Je me suis donc avancé et, mon regard croisant par hasard le reflet d'un miroir, j'ai su ce que j'avais à faire. Il y avait déjà un cercle de bougies autour du lit sur lequel la gamine était attachée. Il y avait, sur une table, un récipient contenant de l'eau bénite. Les mots sont venus d'eux-mêmes, placés dans ma bouche par le Père, j'en suis convaincu. Tout en psalmodiant, je agrippait au chapelet que je portais toujours, offert par ma mère. Je réussis. Les choses, ensuite, s'enchaînèrent assez rapidement. Je fus fait prêtre exorciste et je commençai à rechercher les démons afin d'en purger le monde.

Car, oui, voyez-vous, certains vous parleront d'esprits, mais ils ont tort. Ce sont les démons qui possèdent les âmes, corrompent les innocents et assassinent la veuve et l'orphelin. Il n'existe nul esprit en ce monde, soyez-en assurés.

Bref, je devins donc exorciste. La Nouvelle-Orléans, mon berceau, semblant devenir une terre d'accueil pour les damnés, j'avais devant moi le terrain de jeu idéal. J'allais pouvoir enfin sauver tout ce beau monde, éclairer leur chemin, purifier leurs âmes. Mais j'avais un soucis. Tout seul, il est assez difficile de trouver toutes ces âmes damnées. J'arrivais à mettre la main sur des possédés de temps à autres, mais il me fallait un soutient, l'aide de quelqu'un qui aurait le talent de les repérer... C'est comme ça que je me suis retrouvé à rejoindre cette bande d'illuminés. Ils avaient beau raconter des craques et croire aux fantômes, ils arrivaient à mettre la main sur des possédés, bien mieux que moi. Du coup, je me suis résigné. Et puis, il y en a quelques un qui sont bien. Le fait qu'ils croient en des mensonges ne fait pas d'eux de mauvaises personnes, juste des Brebis un peu égarées. En tant et lieu, je les mènerai au Droit Chemin. D'ailleurs, j'y travaille déjà.

Le démon posait ses yeux directement dans les miens. Son regard maléfique me perçait de part en part. Je pouvais sentir son influence négative sur l'innocence des jeunes qui fréquentaient régulièrement cet endroit. Bien sûr, je désapprouvais, mais ma croisade ne concernait pas ce démon-ci. Je ne pouvais, après tout, combattre sur tous les fonts en même temps. De plus, ce problème-ci n'était pas des plus majeurs. Je devais d'abord sauver la vie des gens, puis je sauverais leurs pauvres âmes hypnotisées par les paroles du démon.

Donc, je détournai mon regard de celui du démon sur l'affiche présentant le concert heavy métal d'un groupe de musique. Cette saleté de musique désagréable et pleine d'insanités. Un jour, je ferai comprendre à tous ces " métalleux " que cette musique du diable n'est pas bonne pour leur âme. Mais chaque chose en son temps, après tout. Je pris une gorgée de ma bouteille d'eau, jetant ensuite un regard autours de moi. L'affiche décolorée par la pluie, assombrie par des marques de brûlures et les taches de suie pendouillait sur le mur d'un bar qui affichait fermé. Les rues étaient vides, ou presque, les rares passants se dépêchant de se mettre à l'abris chez eux. La peur, toujours la peur. Les plus grands dictateurs avaient compris que celle-ci était la meilleure des armes.

Avec un soupir, je repris ma contemplation des lieux. Les rues étaient sales, des déchets côtoyaient des débris d'accidents et quelque chose qui ressemblait à du sang séché, là, sur le trottoir. J'eu mal au coeur pour la pauvre personne qui avait perdu autant de son sang. Ça avait dû faire horriblement mal, peu importe ce qui avait causé cela. Il y avait aussi une petite affichette qui était salie par les souliers qui l'avaient piétinée à répétition et les cafés qu'on avait renversés dessus. Mais, en me levant et en l'attrapant, je pu déchiffrer ce qui y était inscrit. C'était une publicité pour une soirée au musée vaudou pour Halloween, mais pas celui de cette année. L'autre d'avant. Merde, ce truc était vieux. J'avais un vague souvenir d'avoir entendu dire que cette fameuse soirée s'était mal terminée, mais je n'en connaissais pas les détails.

J'eu un soupir et jetai la feuille dégoûtante dans la poubelle juste à côté du banc sur lequel j'étais assis un instant auparavant. Puis je pris le chemin qui menait à chez moi. C'était l'heure du dîner. Je ne pouvais quand même pas arriver en retard à un dîner avec moi-même. Si l'on ne pouvait même plus compter sur soi, sur qui pouvait-on compter ?