PARTIE 1 - PENSÉES
On ne s'approprie jamais mieux les personnages d'une histoire qu'en les habitant un moment.
Voici donc quelques extraits non-exhaustifs de pensées diverses.

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Le 6 novembre 2013

Grace bascula du monde des vivants au monde des morts en moins de temps qu'il n'en faut pour une inspiration. Elle ouvrit les yeux sur une grotte sombre aux murs suintants. Elle s'écarta d'un bond de la roche contre laquelle elle avait repris ses esprits, et jeta des regards affolés dans toutes les directions. Le tunnel s'enfonçait dans la pénombre de part et d'autre de son corps tremblant, éclairé seulement pas de faibles lumières dont la source restait invisible. Elle porta une main à sa tempe en fermant les yeux, en proie à un mal de tête grinçant, puis rouvrit les paupières. Elle inspira profondément et expira ; et répéta l'opération plusieurs fois de suite. Elle alla s'asseoir sur une roche afin de faire cesser le tremblement de ses genoux, et remarqua une cavité étrange juste à côté, à l'aspect ouateux comme du coton mais d'un profond noir d'encre, impalpable lui sembla-t-il, et duquel s'échappait de légères volutes étincelantes. Ses sourcils se fronçaient de seconde en seconde, à l'instar de la crispation de sa mâchoire, et bientôt la grotte tout entière résonna de son cri :
- QU'EST-CE QUE JE FOUS DANS CETTE VIEILLE GROTTE GLAUQUE ?!
Elle porta aussitôt la main à ses lèvres, comme pour empêcher tout flux de pensée incongru de s'en échapper à nouveau. Regardant de droite et de gauche, elle sursauta alors en voyant apparaître un homme au coin de la roche. Elle se figea tandis qu'il approchait, le scrutant de haut en bas.
- Eh ! l'apostropha-t-elle, et l'homme, plutôt jeune, plutôt joli garçon, fronça les sourcils à son adresse. Excuse-moi de t'appeler « Eh », ajouta-t-elle, je ne connais pas encore ton prénom.
Les lèvres du nouvel arrivant s'étirèrent au coin de ses lèvres, dévoilant ses dents blanches. Ses yeux étaient rieurs, gentiment moqueurs. Il continua de s'approcher sans dire un mot, et son sourire disparut lorsque son regard tomba soudain sur l'étrange faille. Il parvint à la hauteur de Grace et tendit une main vers elle, bien que ses yeux s’attardèrent sur le trou noir. Elle saisit sa paume de la sienne, et il tourna enfin son attention vers elle.
- Je n'ai pas de prénom, lui dit-il.
Grace resta interdite un moment devant cette réponse sureprenante, puis décida d'éclater de rire. Un éclat très bref, toutefois. Elle enchaîna pour dissiper le malaise :
- Dis-moi, on est où là ?
- Tu es nouvelle, constata-t-il.
Le regard du garçon faisait des allers-retours entre Grace et la faille, et il enchaîna avec des explications sur un ton monocorde et désintéressé :
- Tu te trouves dans le monde des esprits. Le tunnel, plus précisément. Tu es censée te diriger vers la salle d'attente pour être réorientée vers le Paradis ou l'Enfer. Sauf que...
Il lui lâcha la main et se pencha vers la faille, examinant les pourtours flous. Grace l'observait sans mot-dire. Elle n'avait pas compris un traître mot de ce qu'il venait de lui débiter, et le prenait visiblement pour un fou.
- Ceci, continua le garçon, est une faille.
- Excuse-moi ? dit enfin Grace, sortant de sa torpeur déconcertée en secouant la tête. Une faille ?
Le garçon sembla l'ignorer, et tendit une main vers le trou noir.
- Heu, à ta place je ne toucherai pas à ce truc, ça m'a l'air un peu...
- Tu ferais mieux de me suivre, la coupa-t-il.
Et il disparut par la faille.
Les yeux de Grace s'écarquillèrent à lui faire sauter les yeux de leurs orbites, et elle ouvrit la bouche en grand. Elle se précipita à la suite du garçon.

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Mail
De : Alice Byron
A : Ruth Edington
Date : 12 novembre 2013 20:17
Objet : Douleurs...

Chère Ruth,

Ma tendre amie... Je t'écris aujourd'hui avec des larmes dans les yeux et un cœur dont on a arraché une partie. Oh, Ruth... Grace nous a quittés.

J'ai à peine la force de taper sur ce clavier, et pourtant je dois me montrer solide pour Ariane, qui a perdu la moitié d'elle même si ce n'est plus ; sa sœur bien-aimée.
J'ai peur que notre famille se délite. Si peur. Notre quatuor est passé si brutalement à un trio... il nous manque un pied pour nous soutenir. Je pleure sans cesse. Ariane ne pleure même plus, elle n'en a plus la force. Elle ne mange plus, ne parle plus... Elle reste allongée toute la journée depuis que c'est arrivé, il y a six jours déjà, et reste ainsi loin de nous dans sa chambre. « Votre présence me fait mal », m'a-t-elle dit hier, lorsque je suis venue m'allonger contre elle. J'ai senti physiquement mon sang se retirer de mon visage, mon cœur battre moins fort et se ratatiner douloureusement. J'ai peur pour notre famille, Ruth ! J'ai peur de ne pas me relever de cette absence lancinante... et j'ai peur qu'Ariane suive la trace de sa jumelle.

J'entends Douglas qui rentre. Je t'écris bientôt pour te donner des nouvelles. Ne t'inquiète pas trop, tu connais mon tempérament. J'ai mal mais je me battrai.

J'espère que Bryan a cessé ses crises et que ton sommeil se porte mieux. Parle moi de toi, de James, de Londres... Tu me manques. Tout Londres me manque. Voilà seulement 6 mois que nous sommes installés à la Nouvelle Orléans après ma promotion... Je ne sais pas comment ce nouveau foyer va se reconstruire sur ce terrible départ...

Avec toute mon affection,

Alice.

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Journal d'Ariane Byron
Le 13 novembre 2013

J+7
J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal.
J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal.
Rendez-moi ma sœur...
Rendez-moi mon âme...
Je suis perdue.
J'ai mal.

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Mail
De : Alice Byron
A : Ruth Edington
Date : 13 novembre 2013 04:12
Objet : Re : Enterrement

Chère Ruth,

Oui, pardonne-moi de ne pas t'avoir donné plus d'informations, c'est si frais et... je ne voulais pas t'accabler plus que de raison. C'est terrible.
J'en fais des cauchemars effrayants, angoissants ; je me réveille en sueur pour trouver les bras de Douglas autour de moi, protecteur, le regard vif. Il ne dort pas plus que moi. Mais la tristesse, chez lui, s'accompagne d’une haine et d'une détermination redoutables.
Grace n'est pas décédée d'un accident ou d'une maladie, Ruth... Quelqu'un s'en est pris à elle.
Son corps a été retrouvé dimanche matin, au milieu de Marigny. Une enquête est en cours, et je te tiendrai au courant de l'avancée des découvertes... s'ils en font. Les policiers ne nous le disent pas directement, mais Douglas, j'en remercie son passé militaire, sait déceler les comportements des enquêteurs et sent bien que quelque chose leur échappe.

L'enterrement aura lieu le 20 novembre, ici, à la Nouvelle-Orléans. J'espère de tout cœur que tu pourras venir lui dire au revoir avec nous...

Je t'embrasse,

Alice.

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Mail
De : Alice Byron
A : Ruth Edington
Date : 27 novembre 2013 12:22
Objet : Ariane

Chère Ruth,

Comme je te l'ai déjà dis... te revoir m'a fait un bien fou, même, ou surtout pour cet enterrement. J'ai envoyé ton petit pull oublié par colis, il devrait te rejoindre bientôt avec un petit présent supplémentaire.

Je souhaiterais te parler d'autre chose. Ce matin, Ariane est descendue de sa chambre avec... j'ose le dire... un sourire. La revoir si rayonnante, si peu de temps après l'enterrement, m'a fait un terrible froid dans le dos. Elle est venue directement dans mes bras et, tout en me serrant très fort, m'a soufflé « Tout ira mieux maintenant, maman. ». Cela ressemble à une phrase de deuil, mais j'ai peur, je te l'avoue... pour sa santé mentale. Ruth, toi qui l'a vue, toi qui est médecin, qu'en penses-tu ? Que dois-je faire ?
J'attends de tes nouvelles...

Bien à toi,

Alice.

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Journal d'Ariane Byron
Le 27 novembre 2013

J+21
Ce matin, quelque chose d'étrange s'est passé. Je m'étais levée pour aller à la salle de bain car ma bouche était sèche, et en voulant allumer le robinet j'ai surpris mon reflet dans le chrome. Sauf que mon reflet ne pouvait pas apparaître à cet endroit précis du chrome, selon la position dans laquelle je me trouvais. Je suis restée immobile quelques secondes, un peu surprise bien qu’ensommeillée, fixant cette minuscule silhouette un peu déformée et cherchant vaguement la cause scientifique de cet effet d'ptique, quand soudain ce petit reflet de moi-même s'est déplacé sur la partie plus épaisse du robinet. Je n'avais pas fait un seul geste. J'ai cligné des yeux et secoué la tête, tentant de me réveiller, et ai à nouveau regardé attentivement en me penchant. Mon propre, mon vrai reflet, est alors passé au dessus de ma petite silhouette.
J'ai suffoqué d'un seul coup. Je me suis reculée si violemment contre le mur que mes coudes en résonnent encore.

- Ariane ? M'a interpellée ma mère.

J'ai failli ne pas répondre.

- Tout va bien maman, j'ai glissé, ai-je finalement dit.

J'ai senti mon cœur se calmer et mon souffle retrouver un rythme régulier, puissant, plus puissant qu'il ne l'avait été depuis la disparition de Grace. J'ai eu soudain faim et soif et une violente envie de prendre l'air, je me suis sentie revivre, revivre !
J'avais compris.
Si tu lis au dessus de mon épaule... et je l'espère... sache que je t'aime et que je suis heureuse, oh, si heureuse de savoir que tu es là, à veiller sur moi, ma chère Grace... ma chère sœur. Je ne suis plus seule.

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PARTIE 2 - FAITS

Ariane accepta avec une facilité déconcertante la présence surnaturelle du fantôme de sa sœur. Une facilité tellement déconcertante, d'ailleurs, qu'elle aurait ressemblé à une pathologie médicale suite à un traumatisme violent, si la réalité du fantôme en question n'avait pas été avérée. Dans le cas présent, elle arrangea beaucoup les choses.
Ariane commença à passer un certain temps dans la salle de bain pour pouvoir contempler sa sœur tout à son aise. Elle s'asseyait sur la cuvette des toilettes avec ses cours et révisait là sa médecine, jusqu'à ce qu'elle se rende compte que le chrome de son robinet n'était pas le seul réceptacle au reflet fantomatique de Grace. Elle pouvait l’apercevoir dans les couverts pendant le déjeuner, dans le verre de la table du salon, dans le vase de la bibliothèque... en somme dans n'importe quelle surface réfléchissante et un peu tordue. Grace lui adressait des sourires immenses à chaque fois qu'elles se croisaient, et très vite Ariane désira ardemment découvrir comment elles pourraient communiquer autrement que par de vagues signes.
Elle commença des recherches internet en ce sens, mais ne trouva rien de satisfaisant concernant son cas, parmi les méthodes douteuses de fumistes obscurs et les pseudo-traitements psychiatriques oculaires. Mais n'étions-nous pas à la Nouvelle-Orléans, après tout, largement réputée pour les histoires d'esprits et de sorcellerie ?
Ariane parti ainsi pousser la porte d'un médium, et lui exposa de but en blanc sa situation. Le charlatan qui l'écouta lui conseilla tant de solutions farfelues et tant d'argent, que l'esprit vif de la jeune fille en conclut assez rapidement qu'elle se faisait honteusement avoir. Elle claqua la porte au bout d'une semaine sans autre forme de procès.
Grace, visiblement énervée qu'elles se soient fait rouler, modifia alors le cours de leur drôle d'aventure en faisant apparaître son ombre sur le mur de la chambre d'Ariane. Cette dernière en resta bouche-bée, et relia très vite l'élément excès de sentiment avec l'évolution possible de leur communication. Est-ce qu'un fantôme pouvait finir par apparaître, par toucher des éléments avec de la concentration ? Elles ne comprenaient ni l'une ni l'autre ce qu'elles vivaient, mais elles s'acharnèrent chacune de leur côté à tenter de communiquer ; Ariane en continuant des recherches théoriques, se cantonnant cette fois-ci à la bibliothèque pour éviter toute rencontre qui lui aurait fait perdre son temps, et Grace en tentant de se concentrer de différentes manières pour gérer ses apparitions. Elle parvint ainsi à apparaître dans des surfaces moins tordues qu'une cuillère, comme le miroir de la penderie de sa sœur. Elles restèrent devant ce grand miroir bien souvent, l'une en face de l'autre, à discuter de leur situation, des chatons du voisin, de maman qui pleurait toujours et voulait emmener Ariane chez le psy, de papa qui s’immisçait dans les enquêtes de police et de la vie en général. Ariane parlait normalement, et Grace s'exprimait par quelques gestes rudimentaires du langage des signes, qu'elles avaient commencé à apprendre toutes deux au centre social pendant leurs heures de bénévolat.
Entre la première apparition de Grace dans le robinet de la salle de bain et la possession du corps d'Ariane par sa jumelle, il s'écoula six semaines.

Le 8 janvier 2014
Grace ne se rendit pas compte de ce qu'elle faisait, cette nuit là, mais elle pensait tellement fort à son lien avec Ariane, à son amour pour elle ; elle voulait tellement fort être là physiquement, sentir la chaleur du souffle endormi de sa soeur... qu'elle se réveillèrent brusquement, en sursaut, les poumons à vide comme au sortir d’une noyade. Elles griffèrent les draps de leurs longs doigts fins et blancs, jusqu'à ce que le mécanisme de leur respiration se remette en marche. Alors, écarquillant leurs yeux, elles comprirent qu'elles cohabitaient dans le même corps.
- Ariane ?
- Grace ?!
- Oh Ariane !
- Oh Grace !
Elles se serrèrent dans leurs bras à s'en claquer un muscle (note de Grace : se serrer dans les bras lorsqu'on n'est qu'une entité physique n'est pas à refaire en public, au risque de passer pour violemment perturbée).
- Je suis si contente de pouvoir enfin te sentir, ma Grace !
- Tu ne m'en veux pas... ?
- Non, voyons, je suis tellement heureuse ! Ne me quitte plus jamais...
- Croix de bois, croix de fer...

C'est ainsi qu'Ariane et Grace se retrouvèrent à vivre dans le même corps, par consentement mutuel.
Elles n'évoquèrent jamais la mort de Grace et les circonstances du décès. Grace, dans tous les cas, ne s'en souvenait pas, ou ne voulait pas s'en souvenir. Pas plus qu'elle tourna et retourna dans sa tête la scène de la Galerie. Les deux sœurs vivaient dans un semi-déni, et maintenant qu'elles étaient réunies, elles ne souhaitaient pas revenir sur cet épisode douloureux de leur existence ni même réfléchir à leur état. Du moment qu'elles étaient ensembles, elles étaient heureuses.

PARTIE 3 - RP
Comment la famille Byron accepta la possession.

Le 31 janvier 2014

- Ariane ! Ariane, descend s'il te plaît, ton père et moi voudrions te parler.
- Ils vont encore nous proposer un psy.

Ariane et Grace se levèrent de leur lit et reposèrent sur la table de nuit le roman Dracula, de Bram Stocker. Elles s'étaient découvert un récent intérêt pour le surnaturel.
Descendant l'escalier, Ariane souffla à sa sœur :

- Il faut qu'on leur dise.

Grace acquiesça silencieusement, et elles entrèrent dans le salon. Leurs parents étaient assis sur le canapé. Alice avait les mains crispées sur ses genoux anguleux, et les sourcils de Douglas formaient une barre sévère au dessus de son regard franc. Ariane et Grace vinrent s'asseoir à leur tour sur le fauteuil en face d'eux, de l'autre côté de la table basse où trônaient un gros plat de pop-corn et des bols de chocolat chaud.
Grace haussa un sourcil et demanda :

- Toute cette mise en scène pour une soirée ciné en famille ? Papa, maman, je vous ai connu plus détendus.

Alice jeta un regard presque nerveux à Douglas.

- Ariane... Depuis quelques temps... nous te sentons un peu perdue.
- Détrompez-vous, je me sens parfaitement... complète, répondit Grace.
- Tu... écoute, c'est difficile depuis la mort de ta sœur. Tu t'es remise... très rapidement, et... Tu es intelligente, Ariane. Tu comprends ce que l'on essaie de te dire ?

Ariane et Grace comprenaient parfaitement. Depuis qu'elles habitaient le même corps, soit maintenant plus d'un mois, elles avaient de plus en plus autorisé Grace à parler à sa façon lorsqu'elle le voulait. Or, leurs parents reconnaissaient leur fille décédée dans ces manières, et cela les inquiétait qu'Ariane l'imitât ainsi. Voulait-elle ignorer la mort de sa sœur en reprenant sa façon de parler ?
Cela faisait environ une semaine qu'Ariane et Grace s'étaient accordées l'une et l'autre, sans même se concerter, sur le fait de leur dire la vérité. Grace voulait que ses parents la voient comme ce qu'elle était, et Ariane souhaitait que ses parents cessent de la considérer comme complètement folle.

- Maman, reprit Ariane. Papa. Je ne suis pas folle, ni perturbée ou schizophrène. Papa, toi qui suit l'enquête autour du décès de Grace... (Alice grimaça devant l’apparente facilité d'Ariane à évoquer ce décès) tu sais que quelque chose est anormal. Presque... paranormal. Tu nous l'as dis toi-même, l'autre jour, quand la discussion à dérivé sur le surnaturel. Maman, tu avais répliqué que tu étais d'accord, et que tu sentais même quelque chose de bizarre dans cette ville. Ce sont tes mots. Tu te renseignes un peu sur les pratiques de cette ville. Tu t'ouvres au... surnaturel.
- Ariane, où veux-tu en venir ?

Alice était plus crispée encore qu'à l'entrée de ses filles dans le salon. Douglas retenait sa respiration. C'était comme s'ils attendaient depuis longtemps qu'Ariane leur confirme ce qu'elle s'apprêtait à confirmer.

- Nous ne vous dirions pas ça maintenant si nous ne sentions pas que vous y êtes prêts.

Alice et Douglas échangèrent un regard, et le visage de leur mère se vida de son sang.

- Nous croyons à l'existence après la mort. Nous pouvons encore mieux y croire dans le contexte de cette ville. Comment expliquer tous ces épisodes, ces meurtres étranges... s'ils ne sont pas le fait de quelque main surnaturelle ?
- Oh Ariane... souffla sa mère qui porta la main à son cœur.

Les parents Byron avaient toujours été des personnes extrêmement ouvertes à tout ; et avaient inclus cela dans leur éducation. « Pas de discrimination, ne rejetez jamais aucune idée farfelue. » leur répétait leur père.

- Tu peux aussi m'appeler Grace, maman.

Il y eu un petit silence, durant lequel tout le monde se regarda. Il se passa une compréhension, une fusion des faits dans l'esprit de chacun, si bien que la vérité s'imposa sans trop de difficulté à eux, tout comme la réalité du fantôme de Grace s'était épanouie dans l'esprit d'Ariane, après l'épisode du reflet dans le robinet.
Alice se leva, et Douglas l'imita. Ariane et Grace en firent autant.

- Grace ?
- Oui ?
- Ariane ?
- Oui... ?
- Mon Dieu.

Alice se rassit. Ariane et Grace éclatèrent de rire, un rire un peu nerveux mais également soulagé.

- Dites-le clairement, les filles, s'il vous plaît, nous avons besoin de l'entendre. Bien qu'ouvert, il nous faut... y croire, être surs que tu n'es pas simplement schizophrène, mon Ariane...

- Je vais vous chercher mon journal. J'ai écris en détail tous les événements depuis la mort physique de Grace, ainsi que mes réflexions suite à mes recherches. C'était pour en apprendre autant que possible sur les esprits, sur la réincarnation, sur la vie après la mort, sur la communication avec les âmes défuntes que je fouillais les livres de la bibliothèque. Vous allez tout comprendre. Vous allez y croire.

Grace fit le tour de la table basse et se jeta dans les bras de son père. Tendant une main vers sa mère, elle releva celle-ci pour qu'elle se joigne à l'étreinte.

- Je vous aime. Nous vous aimons tellement. Nous remercions le ciel de nous avoir donné des parents si ouverts.