HISTOIRE. MINIMUM 20 LIGNES. N'OUBLIEZ PAS D'INCLURE VOTRE AVIS SUR LA VILLE, LES ESPRITS, LES CROYANCES LOCALES,... MONTREZ NOUS VOTRE COMPRÉHENSION DU CONTEXTE. N'OUBLIEZ PAS LA DECOUVERTE DE VOTRE DON, LA FAÇON DONT VOUS LE GEREZ AU QUOTIDIEN, L'INFLUENCE DES ESPRITS SUR VOTRE VIE,...

Lorsque la lourde porte métallique claqua sur ses talons, Tim frémit. Soudain, le monde extérieur cessa d’exister. Cette pensée l’agitait toujours lorsqu’il emboîta le pas de son contact. Dans sa main, le petit caméscope qu’il traînait partout battait comme un cœur vivant. Le reporter inspira profondément en posant son pied sur la première marche, seulement éclairée par la lampe torche de son guide qui, déjà, disparaissait, avalé par l’obscurité à laquelle ses yeux avaient du mal à s’habituer. Alors, sans plus tarder, il s’engouffra dans l’escalier exigüe, ignorant ses instincts les plus primaires qui lui hurlaient de faire demi-tour, tant qu’il en était encore temps. Il n’entendit plus alors que le son de leur course dans le dédale de couloirs et de marches qu’ils traversèrent à bonne allure, et celui de son cœur qui cognait contre sa poitrine, affolé par l’excitation et le rythme soutenu. Tim avait la sensation de pénétrer dans les intestins des Ténèbres. L’humidité s’infiltrait partout et la chaleur de l’été rendait l’endroit étouffant. Essoufflé, il songea : Si je sors de là, j’arrête de fumer, et cette soudaine inspiration lui arracha un sourire. Un sourire sans éclat.
Au bout d’une dizaine de minutes, ils débouchèrent sur un étage vide de toute présence, tant humaine que matérielle. Le guide ralentit, forçant Tim à en faire autant. L’endroit, nota ce dernier, avait du abriter des bureaux. Le sol était jonché d’ordures : seringues, verre brisé, feuilles mortes. Sur le flanc du caméscope, une minuscule ampoule rouge indiqua que, désormais, tout ce qui lui passerait sous le nez serait consigné pour la postérité. Un carreau brisé, en hauteur, déversait sur eux les rayons d’un soleil mourant. La nuit tombait sur la Nouvelle-Orléans. Dans l’angle de la pièce, soudain, un mouvement attira son attention. Son contact s’immobilisa instantanément et Tim manqua de le percuter.
« Byenveni frè m '! », cria l’homme qui venait d’apparaître. Tim ne saisit pas le sens de cette apostrophe, mais les bras de l’individu, grands ouverts, leur souhaitaient vraisemblablement la bienvenue. D’ailleurs, il reprit, en anglais cette fois : « Nous vous attendions, venez, par ici ! » Alors, d’un signe de la tête, il leur indiqua la petite porte par laquelle il venait probablement d’entrer. Pas étonnant que je ne l’ai pas remarquée..., pensa le journaliste. De fait, le passage se fondait parfaitement dans une immense fresque murale. La porte qu’ils s’apprêtaient à franchir représentait la pupille étirée d’un félin.
« Tu dois être Tim, moi c’est Pharell, je suis le frère de Maybelle.
- Bonjour, ah ! C’est vous que j’ai eu au téléphone...
- Ah non, ça c’était Jesael. Notre frère. Il est en bas, avec les autres. »
Le dénommé Pharell inspira immédiatement confiance au reporter. Son sourire, ses yeux noisettes. Sa peau mâte. Néanmoins, il avait déjà rencontré la dénommée Maybelle, par le passé. La Grise, telle qu’on l’appelait dans le milieu, était en réalité très blanche. Comment pouvait-elle être la sœur d’un afro-américain ? Peut-être était-ce une façon de parler, entre croyants..., songea-t-il en répondant au sourire de son nouveau guide. Le précédent, nota-t-il, s’était effacé quelques pas derrière eux.
« Pourquoi cet endroit ?, l’interrogea-t-il.
- J’espère que vous n’êtes pas claustrophobe. », se contenta-t-il de répondre. Pharell n’attendit pas pour autant de réponse de la part du petit blanc qui pressait le pas pour ne pas se faire dispenser. Tim O’Leary n’était pas Louisianais, c’était un petit New-Yorkais typique. Calvitie précoce, mains de femmes, langage foisonnant. Pharell pouvait bien se montrer sous son meilleur jour, il s’était farouchement opposé à la venue du journaliste. C’était une idée de son frère jumeau, et la communauté l’avait majoritairement soutenu. Jusqu’à la dernière seconde, il avait tenté d’annuler le rendez-vous. Mais Maybelle elle-même semblait plutôt encline à le recevoir. Néanmoins, il ne fallait pas qu’il s’attende à recevoir des réponses de sa part à lui. Il avait d’ailleurs successivement décliné toutes les demandes d’interview que le petit blanc lui avait fait parvenir, à la différence de Jesael qui n’en avait pas raté une seule.
« Vous ne m’avez pas répondu, insista Tim.
- On ne donne que ce que l’on a, répondit Pharell, du tac au tac, allez, petit américain, garde ton souffle pour la marche.
- On en a encore pour longtemps ? »

A plusieurs moments, Tim aurait juré que quelque chose, dans l’obscurité, les observait. Tantôt dans un angle, tantôt dans une crevasse, une ombre ou une clarté attirait son regard. Mais rien de palpable ne daigna se laisser capturer par l’objectif. Ils progressèrent donc sans interruption, pendant de longues, longues minutes. Ils descendaient de nouveaux dans les entrailles des ténèbres, mais cette fois Tim commença à s’y sentir très mal à l’aise. Dans sa tête, les idées se bousculaient jusqu’à devenir inaudibles. Avec les mois, il avait été le témoin incrédule d’événements que son esprit rationnel n’avait pas été en mesure de démêler. Laureen, sa chef, lui avait demandé du tangible. C’était, en partie, la raison pour laquelle il était venu caméra au poing. Mais cette expérience, il l’avait maintes fois rêvée, au cours des mois. Rencontrer la Grise était devenu une véritable obsession.
Tout avait commencé en 2005. A l’époque, Laureen et lui étaient encore mariés. Elle attendait Lucy, leur seconde fille, se souvînt-il. Partenaires dans la vie, ils étaient avant tous collègues. Tim et elle s’étaient rencontré à Yale, et leur coopération d’étudiants s’était vue renforcée lorsqu’ils s’étaient mariés. Mais, déjà en 2005, les beaux jours étaient depuis longtemps passés. Tim et Laureen avaient fait des enfants pour sauver leur mariage. D’ailleurs, à son retour, elle était partie, pour de bon. Elle l’avait quitté, sans crier gare, et lui s’était plongé corps et âme dans son boulot. Bref, c’était donc l’année Katrina. En septembre, on ne parlait que de ça. C’était à la chaîne ou au journal qui dégotterait la meilleure histoire, la plus touchante ou la plus héroïque. Tim avait donc quitté New-York pour la Nouvelle-Orléans, plusieurs projets en tête. Pour d’obscures raisons, aucun d’entre eux ne fut mené à son terme. Si bien que, à la fin de son séjour, déprimé par la vie en général, il s’était morfondu dans un vieux troquet en noyant son désespoir dans l’alcool. Il était entré dans ce boui-boui presque par inadvertance, comme si quelqu’un de l’intérieur l’y avait attiré de force. L’endroit était désert, à l’exception du tenancier, un homme gras, suant mais souriant, répondant au nom de Théodore Adoré. L’homme l’avait écouté, sans piper mot, tout en le resservant. Puis, ça avait été le black-out. Il s’était finalement réveillé, au beau milieu de la nuit, le visage collé au zinc du bistrot. Quelqu’un l’avait secoué. Mais cette personne avait disparu lorsqu’il émergea. Sur le comptoir, quelque chose avait attiré son attention. C’était une photographie aux couleurs légèrement passées. Deux prunelles bleu-nuit le transpercèrent lorsqu’il s’en saisi. Au dos de la photographie, un mot avait été rapidement griffonné : « La Grise t’attend. Trouve-la. » Cette sentence, il l’avait maintes et maintes fois retournée dans tous les sens. Il ne comprenait pas, pourtant ça l’obsédait déjà. En rentrant à New-York, le surlendemain, il n’avait plus qu’une idée en tête : retrouver le regard de la photographie, retrouver la Grise, retrouver son âme.
Neuf ans plus tard, il touchait au but.

~

Cassette B2-14 // Entretiens // E-12 - Jesael Cloutier // Extrait.
« Répondez. Pourquoi la Grise ? C’est un surnom étonnant.
- Je ne sais pas. On l’a toujours appelée comme ça, ici. Même si les blancs l’appelaient Maybelle. Pour nous, c’était la Grise. Peut-être parce qu’elle n’appartient pas à une réalité, mais à plusieurs. Elle est noire et blanche, elle est là et partout.
- Que voulez-vous dire par là ? Je l’ai rencontrée, elle m’avait bien l’air là et pas ailleurs.
- Hm, petit blanc, ne te moque pas de ça. Tu ne sais pas ce que tu fais.
- Pourquoi ? ... pourquoi toute votre famille n’est jamais capable de répondre à mes questions ?
- Hé, pose les bonnes questions et tu auras les bonnes réponses !
- Hm... je l’ai bien cherché celle-là, hein.
- Ecoute, tu veux la rencontrer c’est ça ?
- Elle accepterait ?
- Mieux qu’ça, mon vieux. Elle t’attend. »
(Fin de l’enregistrement)
~

« Nous y sommes. »
Pharell lui intima l’ordre de s’arrêter. Tim plissa les yeux. Devant eux, au bout du couloir, une tenture rouge épaisse lui barrait la vue. En-dessous luisait la clarté chaleureuse des bougies. Immobile, il patienta que Pharell lui fasse un signe. Celui-ci s’était approché et sa tête s’était glissée dans l’autre pièce. Il échangeait des paroles avec un individu dont Tim ne distinguait que les pieds nus sur le béton. Bien qu’il puisse clairement entendre chacune des syllabes de ce qu’il se disait, l’irlandais n’était pas en mesure de comprendre le sens qu’elles produisaient. A nouveau, Pharell parlait en créole. Au bout de quelques minutes, il leva la main en sa direction et lui fit signe d’avancer. Alors, d’un ample geste, le jeune homme tira sur le rideau pour lui laisser un passage et il s’engouffra à sa suite. Le premier guide, quant à lui, resta à l’extérieur.
Tim eut un hoquet de surprise. Il resta un instant les bras ballants, son esprit tentait d’analyser ce qu’il voyait mais la masse d’informations qu’il devait traiter semblait le court-circuiter. La pièce était bien plus vaste qu’il ne l’avait imaginé. Et, surtout, elle était bondée. Une centaine d’hommes et de femmes, nus pour la plupart, se tenaient immobiles les uns contres les autres. Les bougies formaient un cercle autour d’eux, d’autres étaient suspendues dans les airs. Si les vivants ne prêtèrent aucune attention à sa présence, comme s’il était invisible, les masques haïtiens, eux, le surveillaient. Ces imposantes figures taillées dans le bois, garnies de pierres semi-précieuses à la place des yeux, dardaient sur lui des regards pesants, intrusifs. Alors, dans un coin, un tambour donna le rythme. Boom-boom, boom-boom... Et le caméscope, dans la main droite de Tim, vibra de nouveau, comme un cœur dans sa cage. Boom-boom... Les corps noirs, les uns après les autres, prirent vie, ondulant au rythme du tambour. La voix chaleureuse d’une femme entonna alors un chant, reprit par d’autres voix. Le reporter reconnu Jesael, mais celui-ci ne lui porta pas plus d’attention que les autres. Néanmoins, au cœur de cette marée humaine, un chemin se dessina. Comme s’il y était poussé par une main fantômatique, il fut propulsé dans son sillon. Forcé d’avancer, le chemin se refermait sur lui. L’encens lui monta peu à peu à la tête, et les chants emplirent son âme, chassant les pensées et les craintes. Un sourire lui monta aux lèvres, son esprit lui sembla si léger...

~

Cassette B2-14 // Entretiens // E-24
« Nous sommes le... 20 mais 2014. Je suis en compagnie de Maybelle Cromwell. », énonça calmement la voix d’un Tim visiblement nerveux et excité. « Vous êtes prête ?
- Oui, monsieur O’Leary. », répondit une petite voix douce, « Je suis prête.
- Vous souvenez-vous de notre première rencontre ?
- Je m’en souviens. C’était à l’occasion du prix, n’est-ce pas ?
- (rire gêné) Vous vous en souvenez... Je ne pensais pas.
- Vous êtes inoubliable, monsieur O’Leary.
- Vous... vous exagérez. (rire gêné)
- (rire cristallin) Si vous le dites. Je me souviens avoir répondu à vos questions sur les photos... vous m’aviez laissé une drôle d’impression.
- C’est pour ça que vous m’avez envoyé votre photo ?
- Ma photo ? De quoi parlez-vous ?
- (silence) Non, de rien. Je... je vais suivre les questions que j’avais prévu de vous poser, dans l’ordre.
- Faites, faites. Je vous en prie.
- (silence) Merci. Alors... Vous avez été élevé ici, à la Nouvelle Orléans, par la famille Cloutier. J’ai tenté de comprendre ce qui vous reliez à ces gens...
- Parce qu’ils sont noirs et moi blanche ?
- Euh, oui. Entre autre.
- Hm, vous avez rencontré mon père pourtant.
- Le Révérend Cromwell, oui. Mais ce sont vos réponses qui m’intéressent.
- D’accord. Eh bien... je n’ai jamais connu que mon père. Je suis née à Whittier, dans la banlieue de Los Angeles, mais en toute franchise, je ne me souviens de rien. Lorsque j’ai eu trois ans, mon père est venu me chercher et m’a ramenée ici.
- Ramenée ? Vous y étiez déjà venu par le passé ?
- C’est à cette terre que j’appartiens, monsieur O’Leary. Le temps et les époques n’ont rien à voir là-dedans.
- Que voulez-vous dire par là ? J’ai du mal à saisir...
- (silence) Ce n’est pas très important. Enchaînez.
- La Grise. Qui est-ce ?
- Certains disent que c’est moi.
- Ce n’est pas le cas ?
- Certains le pensent.
- Maybelle, les réponses sibyllines ont plutôt tendance à nourrir la confusion qu’à la dissiper... je suis navré, s’il vous plait, faites un effort.
- Bien, monsieur O’Leary.
- La Grise, donc. Pourquoi certains pensent qu’il s’agit de vous ?
- C’est une question qu’il vous faut leur poser. Je ne peux pas vous répondre.
- Que pouvez-vous me dire sur le Monde d’en bas ?
- Rien que vous ne puissiez imaginer.
- C’est-à-dire ?
- L’ennui. Vous connaissez l’ennui, Tim. (silence) Ca vous ennuie, que je vous appelle Tim ?
- Non, non, pas du tout. L’ennui... Je vous ennuie ?
- Pas vous, non. Vous ne seriez pas ici, autrement, ni moi non plus.
- Quoi d’autre ?
- J’ignore si vous parler du Monde d’en bas peut vous être d’une aide quelconque...
- C’est à moi d’en juger, sauf votre respect.
- C’est là que vous faites fausse route, Tim.
- Que voulez-vous dire ?
- Plus rien ne dépend de vous, à présent. Je regrette d’avoir accepté. Mais je me devais de vous rencontrer à nouveau. A présent, rentrez chez vous Tim, nous nous reverrons lorsque le moment sera venu. Ou partez, quittez la Louisiane et ne revenez jamais. »
(Fin de l’enregistrement)
~

Il se sentait comme Moïse entre les eaux de la mer rouge, à la différence près que cette mer-là était d’ébène. Le contact de leurs peaux brûlantes contre la sienne lui sembla si naturel qu’il se déshabilla, lui aussi. Nu comme au premier jour, il évolua, le cœur léger, entre les corps parfumés. L’encens, oui, il y avait quelque chose dans cet encens. Trop tard pour réagir. Au fond, une voix qui lui sembla étrangère, car lointaine, lui murmura pourtant des avertissements. Mais il n’était plus qu’une chose malléable, docile. Il n’avait pas d’autre choix. Pas d’autre choix que d’avancer.
Alors, soudain, le tambour et les voix moururent dans un silence vertigineux. Tim chancela mais deux paires de bras le soutinrent. La foule s’écarta et, au centre de cette obscurité mouvante, elle était là.
La Grise.
Blanche, pourtant. Si blanche qu’elle semblait faite de la porcelaine la plus précieuse. Uniquement vêtue d’une tunique translucide, elle trônait noblement dans un fauteuil recouvert d’une peau de bête. Sa chevelure rose tranchait contre le poil noir. Mais ce furent ses prunelles, céruléennes cette fois, qui captèrent immédiatement l’âme du pauvre journaliste hébété.
« Combien... combien de temps... suis-je... ? », murmura-t-il. Tandis qu’il s’était joint à la danse, il avait eu l’impression que quelques minutes seulement s’étaient écoulées depuis qu’il était entré. Mais, à présent, son corps était douloureux, éreinté. Plusieurs migraines lui vrillaient le cerveau et sa volonté avait largement été entamée par les psychotropes. « Ici ? », acheva-t-elle à sa place. Il hocha la tête, même si ça n’avait aucun sens. « Neuf ans, Tim. Ca fait neuf ans.
- ... Neuf ans ? Je... je ne comprends pas.
- Tim, tu es mort il y a neuf ans. Ici-même. Regarde autour de toi. Tu ne reconnais pas ? Lorsque Katrina a frappé de plein fouet cet immeuble, tu étais ici, avec tes collègues. L’inondation... vous avez été englouti dans le sous-sol. Ce sous-sol. Je suis désolée.
- M... m... Mort ? Qu’est-ce que... conneries ?
- Laureen n’a pas survécu, votre enfant à naître non plus. Mais pour une certaine raison précise, ton esprit est revenu. Tu as visité l’un de mes amis, le soir venu. Le vieux Théodore Adoré, tu t’en souviens ? Il tient un troquet à deux rues d’ici. Tu l’as visité et il t’a accueilli. Il est l’un des miens. Un médium, comme on dit. C’est lui qui t’a mit sur ma piste. Tu m’as trouvée tout seul, rapidement, et je t’ai vu immédiatement dans l’assemblée, lorsqu’on m’a remit mon prix. Je t’ai dit, plus tard, que tu étais inoubliable, Tim. Et je ne t’oublierai pas.
- M’oublier ? Pourquoi...
- Il est temps que tu fasses le Voyage retour, Tim. Il est temps de nous dire adieu. Ta quête ne t’a mené nulle part, d’ailleurs te souviens-tu seulement de la raison de ton retour ici ? Tu es perdu, Tim. A présent, je le sais. C’est ce que j’avais souhaité vérifier avec toi, la dernière fois que nous nous sommes vus. Mais c’est terminé, tout va rentrer dans l’ordre, tu vas voir. »
Cette fois, le journaliste tomba à terre. A genoux devant la Grise, il tentait de formuler quelque chose. Une question, une prière, un souhait. Mais rien ne daigna franchir le seuil de ses lèvres. Paralysé par la peur, il senti qu’on l’attachait. Poignets, chevilles. On lui passa même un collier. Lorsqu’il releva les yeux, la Grise l’avait rejoint au centre du cercle. Elle s’accroupie devant lui, ouvrant ses bras blafards en croix.
Le bleu de ses prunelles, c’est la dernière chose qu’il vit, avant le Tunnel.