« Vous ne comprenez pas. »

Dit-elle calmement tandis qu'elle venait de discuter vainement avec un fournisseur de drogue qui disait qu'il ne pouvait rien pour elle compte tenu du fait que dès qu'on mettait les pieds à la Nouvelle-Orléans, on ne pouvait plus en sortir. La sorcière vaudou envoya voler un vase de fleurs, rageant furieusement. Si cette guerre continuait, elle allait tout perdre sans pouvoir rien faire. La cheffe de gang passa une main dans ses cheveux longs, observant les choses autour d'elle. Elle avait comme la nette impression que certaines choses ne changeraient jamais, mais là, cela empirait. Sans drogue rapidement, son affaire allait couler. Toute à ses pensées, la sorcière se tourna brusquement en entendant un raclement de gorge. C'était Alisa, l'esprit domestique de son père. Eliana trouvait que c'était de plus en plus imprudent d'envoyer cet esprit neutre comme hibou pour délivrer les messages. Elle avait déjà dit à son père de lui envoyer un texto, mais il refusait d'employer ces « engins infernaux » comme il disait. Il était plus têtu que dix mules réunies. Et après on se demandait bien de qui Eliana tenait ce caractère difficile hein.

La sorcière soupira longuement tandis qu'Alisa pencha la tête de côté, la toisant, mais ne disant rien. Elle attendait l'autorisation de parler. En tant qu'ancienne esclave, elle conservait certains comportements qui échappaient à Eliana qui lui fit un signe de main pour parler.

« Votre père veut vous voir dans le parc de Mid-City dans deux heures. »

Eliana faillit dire qu'elle ne pouvait pas, qu'elle avait d'autres chats à fouetter, mais elle savait que son père ne supporterait aucun refus. Il avait autre chose à faire que l'entendre geindre inutilement. Sans attendre son accord, Alisa disparut tout simplement. La sorcière grommela bien bas et décida que vu qu'il était près de deux heures de l'après-midi, elle en profiterait pour aller s'acheter un sandwich au porc avant d'aller le manger au parc en attendant son père. Le parc était étrangement vide alors qu'il se situait dans le quartier no man's land tandis que la guerre entre esprits et l'association faisait rage dans les autres quartiers. Eliana refusait de se mêler à tout cela, elle avait autre chose à faire de son temps, par exemple vendre de la drogue. Oui c'était terriblement égoïste, mais c'était ainsi qu'elle fonctionnait. Jusqu'à nouvel avis, personne n'allait se dévouer pour lui sauver les miches, n'est-ce pas ? Et c'était ainsi depuis près de dix ans. Elle connaissait parfaitement la chanson.

Eliana s'installa sur un des bancs les moins en vue et se mit à manger calmement. Même si elle crevait de faim, elle mettait un point d'honneur à déguster son repas sans passer pour une affamée, chose qui n'était pas forcément facile, bien entendu. Enfermée dans sa petite robe noire de cocktail classe, qui irait se douter que cette femme plus ou moins menue, avec des formes là où il fallait, était une cheffe de gang qui portait en ce moment une arme ? Personne. L'habit ne faisait pas le moine. Eliana avait un holster d'épaule dissimulé sous sa veste sombre accordée à sa robe. Elle était perchée sur des talons vertigineux d'un rouge tape à l’œil. Dans ce coin reculé du parc, la sorcière aurait dû avoir peur, mais ce n'était pas du tout le cas. Elle se sentait au contraire, tranquille. Son regard foncé se posa alors sur une silhouette qui se baladait étrangement. Une impression étrange la traversa, ce type était costumé. Alors qu'elle mâcha sa dernière bouchée, elle posa le sandwich à côté d'elle. Le regard irrémédiablement attiré par cet homme déguisé en lapin... Attendez, en lapin ?! Eliana Zara soupira, encore un allumé. Quand elle le vit s'arrêter près d'elle, elle tiqua.

Qu'est-ce que c'était encore que ce bordel ? Elle n'appréciait pas sa soudaine proximité, cela la dérangeait.

« Hey, je crois que tu as confondu le jour du carnaval. »

Elle une grande gueule ? Juste à peine. Cela avait été plus fort qu'elle. De toute manière, elle n'était plus à ça près.