"Tout a un commencement. L'univers par le Big-bang, la vie par l'eau, le jour par le matin et Maddox par la douleur. Personne ne se souvient du jour de sa naissance, des cris, des hurlements, de la douleur... Ses instants qui sombrent dans l'oublie, mais qui forment finalement la réponse de tout."

Nouvelle Orléans, Décembre 1975. La ville avait revêtu son glacial manteau blanc, les rues étaient désertes et silencieuses. Un hiver rude, le temps semblait figé par un froid extraordinaire dans cette région. La belle Jenna assise au bord de la fenêtre attendait avec une patience exemplaire le retour de son amant. Il frappait à la porte, elle l'accueillait avec un café de triste qualité, il s'installait à table tandis qu'elle lui retirait tendrement sa chemise pour lui frotter le dos à l'eau chaude pour le réchauffer. Puis il se levait et conduisait sa "moitié" vers la chambre pour sentir la chaleur humaine de son corps d'adolescente de 16 ans alors que celui ci avait déjà 35 ans et était marié. La biologie, la reproduction... Une science bien que connue était parfois inévitable. Cette nuit là, une fusion magique se produisait en Jenna. Elle ne se rendait compte de rien, la vie continuait, la routine, l'école, les parents. Puis quatre mois plus tard, elle se rendait compte d'une augmentation de la taille de son ventre, très légère, mais il en avait suffit pour la rendre inquiète. Issues d'une famille catholique particulièrement stricte, un enfant à 16 ans serait une honte surtout d'un adultère, alors elle se cachait. La nouvelle chez le médecin fut accablante. Un enfant. C'était faux ! Elle niait l'évidence et son ventre grossissait très peu depuis, puis vers les sept mois la poche éclatait. Des hurlements dans cet appartement, la peur, la douleur et le déni. Il était là, violet, hurlant de froid. Un petit enfant aux yeux clos s'époumonant dans les bras de la mère de Jenna tout simplement horrifiée. Prématuré à sept mois de grossesses, il avait énormément souffert de la malnutrition de sa mère qui suivait des régimes idiots et de son tabagisme, mais surtout sa souffrance résidait dans le déni de grossesse et le rejet de sa mère. Mais l'enfant avait survécu et ce fut cet enfant sans nom qui fut déposé à l'orphelinat de la Trinité cette nuit du lundi 13 juin 1975 et cela sans le moindre regret de la famille entière qui déménagaient dans la semaine couverts d'une honte silencieuse. Accueilli par la directrice de l'orphelinat le petit ange ouvrait pour la première fois ses yeux azurs sur un monde qu'il ne comprendrait jamais...

Accueillie, il rejoignait d’abord la nurserie qui était débordée. Mais cet enfant aux yeux bleus si magnifiques attirait l’attention d’un couple assez aisé dont la femme était malheureusement stérile. Après plusieurs visites, ils avaient vraiment fini par s’attacher à cet enfant. Il était calme et ne criait pas. Il les observait silencieusement, il semblait juste parfait. Ce fut sans peine que l’enfant sans nom fut adopté et fut ainsi nommé Prince Maddox Seelerk. C'était le commencement de sa vie. Âgé de cinq mois seulement il fut emporté vers ce nouvel avenir. Le couple considérait l'enfant comme le leur et c’était leur petit prince, et firent étouffer l'idée qu'il soit un enfant adopté. Il était leur fils, point. Ils s'étaient isolés quelques mois en campagne, le plan était parfait. L'enfant était ce qui venait de ressouder le couple Seelerk au bord de la crise, ils avaient portés tout leur amour vers cet enfant qui les inquiétait rapidement. Prince était difficile à alimenter, l'enfant semblait se développer lentement, très lentement, trop lentement. Que ce soit physiquement et mentalement. Tout deux se mirent à culpabiliser, frôlant la dépression songeant qu'ils ne seront jamais de bons parents. Mais avec le temps, amour et persévérance, l'enfant avait fini par se développer. Toujours avec un retard certain, mais marchait enfin à l'âge de trois ans et commençait enfin à parler. Aucun médecin ne savait expliquer ce retard psychomoteur ; comment auraient-ils pu le savoir avec les moyens qu'ils avaient ? Comment auraient-ils pu savoir que l'enfant avait des lésions cérébrales irréversibles dû au déni de grossesse et au traumatisme d'un accouchement dont personne n'avait connaissance ? Ce sera à l’âge de six ans qu’il passera un scanner qui révélera la source de ses problèmes et qui démontrait que jamais il ne serait comme les autres. Il avait fini par acquérir une motricité normale et il se montrait particulièrement intrépide parfois et paradoxalement parfois trop calme... Voir amorphe... Changeant dans sa façon d'être, on le qualifiait de lunatique. Mais avec le temps, cela n'avait jamais été en s'arrangeant. Il prenait peu à peu conscience de ses capacités, de son pouvoir sur ses parents. Parfois violent, parfois inoffensif et soumis. Puis ce fut l'apparition des crises de colère. Une colère intense et brûlante, incontrôlable ; impossible à raisonner. Une violence sans nom et non maîtrisable. L'unique réponse était d'attendre... Attendre qu'il se calme enfin, que sa colère s'éteigne... Et souvent ses colères étaient suivies de crise d'anxiété débilante en général accompagnée d'épisodes auto-destructifs, de larme et d’un paranoïa déroutante. Impuissants, le couple supportait parce qu'ils aiment Prince malgré tout, ils ne voulaient pas l'abandonner. L'enfant fut enfin diagnostiqué dément psychotique, ils savaient qu'il ne saurait jamais vivre seul, qu'il aurait toujours besoin d'eux et ils avaient juré d'être là pour lui. Prince a grandi ainsi, il avait un professeur particulier qui lui apprenait à lire et à écrire. Mais ce fut un professeur spécifique à ses besoins qui lui servait également de gouvernante, elle savait calmer ses crises, elle avait cette magie là avec lui. Elle calmait ses paranoïas et ses colères. Elle tentait d'inculquer à l'enfant des valeurs, mais tout semblait confus dans sa tête, c'était désordonné, c'était instable et incohérent. Elle essayait de casser ce sentiment de vide chez lui, il se sentait incompris et différent. Ses parents lui donnaient tout l'amour qu'ils avaient dans le cœur. Ses crises d'anxiété devenaient de plus en plus violentes et indomptables, mais plus rares. Jusque l'adolescence sa démence ne fit qu'augmenter de la sorte. Puis à l'âge de 17 ans, son état se stabilisait, il avait fini d'empirer du moins. Comme s'il s'était enfermé pour de bon dans sa bulle, vivant ses craintes et ses délires dans le meilleur des mondes. On avait fini par s'habituer à lui, à ses problèmes. L'entourage extérieur à la famille aussi semblait l'accepter tel qu'il était. Même si lui ne cessait de se dévaloriser, de ne pas comprendre pourquoi il était à part. Beau garçon torturé, il était une merveille aux yeux de tous. Malgré sa démence, il était un garçon intelligent, charmant et si calme et agréable à vivre en dehors de ses crises... Mais voila, alors qu’on l’on pensait que sa situation allait s’améliorer, que l’évolution de l’enfant était plus que positive, le drame arrivait fatalement.




Ses parents décédaient dans un accident de voiture et il n’avait que dix-sept ans. On pense que ça n’arrive qu’aux autres, probablement auraient-ils survécu s’ils avaient mis leur ceinture de sécurité... Seul. Il se mit à angoisser de plus bel et c’est à cet instant que sa maladie replongeait. Et cette fois ci ce fut fatal, le déconnectant pour toujours du monde réel. La déréalisation de ce monde fut pour lui une façon de lutter contre sa solitude qui lui faisait peur, de lutter contre ce sentiment d’abandon. Un mécanisme de défense qui lui était propre. A présent, il ne serait jamais plus seul. Le monde réel se mélangeait à l’imaginaire et ses pensées étaient tout à coups réels. Cette brèche dans son esprit déclenchait un don extraordinaire qui passait à la trappe parce qu’on se contentait de le penser fou. Ce fut à l’asile qu’il fut envoyé pour une dizaine d’année, un changement d’environnement brusque, il était devenu complètement paranoïaque avant de s’habituer. Cloîtré dans l’enceinte de l’institut il se sentait si malheureux, il s’était alors tourné vers le dessin pour immortaliser ce qu’il voyait, pour que l’on comprenne son malaise. Mais personne ne comprenait rien. Il se sentait tellement triste, pourquoi personne ne croyait en lui ? Personne ne le croyait, pourtant c’était vrai ! Il voyait et vivait toutes ses choses ! Alors puisque plus personne ne voulait le croire, il refusait qu’on l’appelle Prince, il n’était plus que Maddox... Plus tard un psychologue décidait de le faire sortir, mais petit à petit. Un psychologue absolument génial qui était impliqué pour ses patients ; Maddox lui faisait confiance. Puis après avoir mis un pas dehors, l’oiseau prenait quelque peu son envol. Un appartement en centre ville assez sobre, une heure ; deux heure, un après midi, un jour, une nuit, deux jours... Puis il avait fini par s’y accoutumer et vivre dedans, recevant quotidiennement la visite de son psychologue et d’une femme d’entretien. N’oubliez pas qu’il avait hérité de l’argent de ses parents qui étaient loin d’être démunis. Maddox commençait a acquérir une autonomie plus que bancale, il se mettait facilement en danger parce qu'il n'avait pas vraiment de notion du risque, mais il se sentait mieux que dans l'asile... Il était assez heureux avec sa psychologue, il avait 30 ans et ne connaissait encore rien à l'amour, mais l'attachement qu'il avait pour cette fille allait tout changer... Faire l’amour pour la première fois à cet âge là, c’est peut être pathétique, mais en avait-il eu le choix ? Non, et enfin il était libre d’aimer. C’était un secret entre eux, elle lui avait appris à avoir enfin pleinement conscience de son corps et il pensait que son bonheur ne s’achèverait jamais...




C'était assez banale, la soignante qui tombe amoureuse de son patient... Mais il n'était pas près à se séparer d'elle... Mais un jour, la relation fut brusquement arrêtée, elle lui disait qu'elle s'en allait et qu'il devait s'y habituer, mais il ne voulait pas qu'elle s'en aille et un matin elle avait disparue... C'est ainsi qu'elle lui fut arrachée. Il avait eu beau pleurer, hurler, supplier... Elle n'était jamais revenue... Pourquoi était-elle partie ? Il l'ignorait, mais elle s'était laissé posséder par un esprit et il n'en était pas innocent. Parlons esprits dans ce cas. Souvent il semble que les visions se mêlent à la vérité et il en avait beaucoup parlé à la jeune femme, elle avait fini par s'intéresser trop près à l'un des esprits au point d'ouvrir une brèche et se laisser posséder par celui-ci. Il se sentait tellement meurtris, il ne comprenait pas pourquoi ça lui arrivait à lui... Quelques jours plus tard, le nouveau psychologue venait établir le contact, mais ce fut un véritable calvaire... Il n'aimait pas les histoires qu'inventait Maddox et il ne supportait pas que celui-ci lui tienne tête en insistant sur le fait que ce qu'il voyait était réel, mais c'était vrai pour lui. L'aide ménagère ne supportait plus le comportement de l'homme qui pleurait beaucoup, réclamait sans cesse de l'attention, inventait des histoires de maltraitance... Mais n'était-ce que des histoires ? Faux... Enfermé toute la nuit dans la salle de bain, laissé sans nourriture pendant trois jours et l'aide qui refusait de lui donner à manger parce qu'elle pensait qu'il disait n'importe quoi... Elle est partie elle aussi et suite à cela les bleus sont apparus sur son corps ainsi que des fractures. Un jour, il s’est enfui et il a été retrouvé au poste de police, il avait tout raconté et les symptômes étaient là pour appuyer ses propos... Le Traumatisme était passé, mais il avait peur et il était devenu bien plus difficile de l’apprivoiser. Après une longue hospitalisation, il pouvait enfin retourner chez lui et reprendre doucement ses marques. Son médecin s’était occupé de lui et il devait lui trouver une tutrice qui saurait prendre en charge ce garçon et uniquement lui... Il devait apprendre à vivre de nouveau, malgré la peur, il devait retrouver un équilibre dans sa vie et le chemin risquait d’être long, très long... Il avait besoin qu'on le tienne par la main.

Il était là, écroulé dans le canapé ; le Prince au Bois dormant enroulé dans une couverture au point que l'on pouvait se demander s'il pourrait en sortir. Un peu de peinture sur la joue, cette fois ce fut le parquet qui fut la victime de son art. Au sol gisait la représentation d'une pendaison les pieds liés. Et le visage de cet homme était masqué dans un sac, cependant ; ses bras nus désignés des tatouages qui étaient bels et bien ceux de Maddox. Erreur de jeunesse ? Non, il était assez satisfait de ses tatouages, il les avait réalisés sans vraiment savoir pourquoi ou ce que ça signifiait, c'était cette voix qui lui avait dit de le faire et il avait fait. Le petit Prince au bois dormant vivait des scènes surréalistes et il était mort un bon nombre de fois selon ses dires, il savait ce que c'était de mourir et cette nuit, il avait été pendu. Pourquoi ? Il ne savait pas, il en avait été tellement terrifié qu'il avait retranscrit ce qu'il avait vu. La peinture était encore fraîche quand il s'était endormi épuisé. On frappait à la porte, il n'avait pas entendu cela, ni les pas dans les escaliers et encore moi les voix dans les couloirs. Cela n'avait pas d'importance après quelques minutes, une clée fut insérée dans la serrure et la porte s'ouvrait, le médecin possédait bien évidement le double. Il était tant de présenter à Maddox sa nouvelle future tutrice car jusqu'à la preuve du contraire ; il ne l'était pas. Il avait expliqué à la jeune femme le cas de ce garçon et elle ne semblait pas effrayé, il lui en avait simplement expliqué les grandes lignes et lui avait parlé du précédent psychologue du dément. Doucement, ils pénétraient dans le salon quand un « Seigneur dieu ! » S’échappait de la bouche du psychologue à la vue de la fresque au sol. Un cri de surprise qui ne semblait pas perturber le sommeil du petit Prince ; rependant ses esprits, il se dirigeait vers le canapé pour secouer légèrement le jeune homme pour le tirer du pays des rêves ; c’est à cet instant qu’il ouvrait ses yeux azurés encore endormi, resserrant instinctivement sa couverture contre lui avant de reconnaitre l’homme qui avait soigné son corps des coups et blessures. « Bonjour Maddox, bien dormi ? » Mais le dessinateur restait silencieux, son regard se posait vers la jeune femme qui se tenait là, se redressant doucement. Est-ce que le médecin la voyait comme lui voyait ? Il ne savait pas vraiment, il avait cessé de poser cette question depuis bien longtemps... Silencieux, il contemplait cette fille de petite taille mais avec un charme époustouflant, il la fixait de ses yeux bleus si purs d’un air d’incompréhension la plus totale de sa présence ici...

« Tu te souviens, je t'avais parlé d'une nouvelle psychologue qui s'occupera très bien de toi... Dis lui bonjour voyons. » Cette phrase résonnait dans sa tête, il avait l'air surpris que le médecin puisse la voir aussi ; il était tellement primitif et transparent dans sa façon de ressentir les choses... Il se souvenait bien de ces conversations où le médecin avait discrètement mis le sujet sur le tapis ou avait glissé des sous entendu sur le fait qu'il ne pourrait pas toujours rester avec lui... C'est à cet instants qu'il parut, effrayé, se recroquevillant contre l'accoudoir en fixant son soignant avec insistance en laissant échapper de ses lèvres sa voix enivrante « Aujourd'hui ? Tu vas partir ? Pourquoi tu me laisses tout seul ? Tu me detestes... » Un véritable discourt d'enfant venait de sortir de son adorable bouche, dejà ses yeux se voilaient de larmes d'un mélange de peur et de tristesse, se laissant prendre dans les bras chaleureux de cet homme qui lui répondait « Bien sur que non, je ne te déteste pas... Mais j'ai plein d'autres patients qui ont besoin de moi, je viendrais toujours te voir Maddox ; mais cette dame s'occupera de toi tous les jours. Aujourd'hui, elle va juste passer la journée avec nous et elle reviendra la semaine prochaine, d'accord ? » Il ne lui révélait pas immédiatement que la semaine prochaine il serait seul avec elle, il devait le préparer par étape, c'était un garçon plein de repères et les bouleverser pouvait lui causer bien du tord. Mais ce médecin n'avait aucune qualification en psychiatrie et il ne pouvait pas répondre pleinement à la demande de Maddox pour l'aider à se stabiliser. Il refusait de gaver son patient de médicaments pour en faire un légume, Maddox était un être plein de vie et il ne voulait pas lui ôter cela. « D'accords... Mais dis lui qu'elle marche sur mon genoux et ça va me faire mal... » Finissait-il par lâcher en pointant du doigt son dessin fort heureusement sec, elle avait son talon posé sur le genouxdu pendu. Tout était parfois dans le détail et le dément ravala ses larmes quand elle levait le pied comme s'il était soulagé.« Tu sais, tu peux lui parler par toi même Maddox. N'aie pas peur, elle ne te fera aucun mal. » C'est à cet instant que le médecin fit un signe à la belle inconnue de tenter sa première approche avec ce garçon extraordinaire...