« Je vais chez Nitzan... » Lui répondait-il tout simplement le regard quelque peu vitreux alors que Tamina lui demandait ce qu'il comptait faire en le voyant enfiler ses chaussures. Relevant le regard vers la jeune femme qui le demandait s'il voulait qu'elle l'accompagne. Lui adressant un léger sourire avant de lui dire que tout irait bien ; il savait qu'elle avait encore beaucoup de travail à faire et que cela faisait plaisir à la jeune femme qu'il s'aventure seul dans les rues en signe qu'il avait moins peur. Pourtant la peur était toujours là, il ne lui avait pas dit qu'il avait revu Alexey. Le beau brun en était bien trop apeuré encore, hanté par des souvenirs violents qu'il n'arrivait pas à oublier. Il y avait bien trop de choses qui se tramaient dans son esprit, des éléments qui ne le concernaient pas. Maddox avait un rapport étroit avec les souvenirs ; son inconscient en regorgeait et les trois quart ne lui appartenaient pas et d'ailleurs il n'avait pas conscience de tout ce qu'il avait emmagasiné. Puis sous certains stimuli l'inconscient débordait par des lapsus, des moments de transes, des retranscriptions sur son papier dessin... Des phénomènes qu'il ne contrôlait pas, qu'il ne comprenait pas vraiment la plus part du temps. Finissant de lacer ses Rangers, il retroussait sa chemise avant d'attraper sa veste qu'il enfilait en poussant la porte de chez lui ; jetant un dernier regard à Tamina qui lui adressait un sourire rassurant ; doucement il lui rendait ce léger sourire avant de sortir.

Dans la rue, il longeait quelque peu les murs, apeuré au moindre bruit inhabituel. Il connaissait plutôt bien le chemin et la rue semblait calme à cette heure ci. Toujours sur ses gardes, ses yeux se méfiaient des passants, craignant de voir le visage d'Alexey... De son pire cauchemar... Quand reviendrait-il pour lui ? Il ne savait pas, peut-être qu'il l'observait... Cette crainte demeurait et le consumait petit à petit. Marchand au ralenti, il ne la senti même pas arrivée, mais lorsque ce courant glacé l'eut traversé il se figeait sur place comme si on venait de le transpercer d'une épée de glace. Le souffle coupé, les flashes d'une vie le brutalisant. Sa main se posait contre le mur pour l'aider à ne pas s'effondrer, mais plus la vie défilait plus les souvenirs étaient douloureux... Une voiture, des cris, des coups, des vêtements déchirés, des coups, encore et encore... Des brûlures de cigarette, des cordes autour des poignets, le sang qui coule sur la peau, des larmes, des cris... Tombant lentement à genoux essoufflé ; pas loin de perdre connaissance. Une main bienveillante sur son épaule pour s'assurer que tout allait bien ; le dément se mit alors à hurler « Ne la touchez pas ! » Prince avait toujours eu un rapport compliqué avec le toucher, lui même violenté par le passé en hôpital psychiatrique et par son ancien thérapeute qui avait profité de leur dernière rencontre pour caresser son torse contre sa volonté. Fragile face au toucher de l'autre, au regard... Puis le visage de la jeune femme se dessinait là devant lui, inerte taché de sang ; la peur au fond de ses beaux yeux alors que son rouge à lèvre avait coulé sur son menton et que son mascara lui faisait des cernes immondes, ses cheveux blonds et rouge de sang emmêlés ; elle était terrifiée comme si la mort n'avait pas su lui donner la paix. Il était cette femme à cet instant ; il était devenu elle parce qu'elle lui avait donné les souvenirs de sa vie elle aussi.

La rue revenait à lui, troublé ; il regardait cette personne qui lui faisait face. Un parfait inconnu qui lui demandait si tout allez bien, il fredonnait désorienté une chanson ; mais pas n'importe quelle chanson. C'était celle que Serena avait chantée au final avant son enlèvement. Une fois relevé, il prit la fuite sans trop savoir où il allait. Courant aussi vite qu'il le pouvait avant de se perdre dans cette rue qu'il ne reconnaissait pas ; sentant cette présence autour de lui et toujours cette mélodie sur les lèvres alors que ses yeux ne semblaient demander qu'à oublier....

Il prenait la fuite, courrant sans savoir où se réfugier. Il a vu cette femme, il l’a vu souffrir, il l’a vu mourir. Il l’a vu heureuse, chanteuse, aimé. Tous ces gens qui la regardaient, qui l’admiraient. Il avait vu cette horreur et il avait si peur. Cette mélodie qui le hantait ; il fuyait quelque chose qui était tout simplement invisible. Il avait peur, pourquoi est-ce qu’il se souvenait de tout cela à présent ? Est-ce qu’il avait fait quelque chose de mal ? Il avait mal, oui si mal. Maddox arrivait dans une ruelle à l’allure peu rassurante ; il est fatigué. Il aurait tant voulu rentrer chez lui, qu’on vienne le chercher et qu’on lui disse tout simplement que tout irait bien. Puis une poubelle chante ; il ralentissait apeuré. Cette musique… Il avait si peur, son cœur se serrait dans sa poitrine. Ce n’était pas dans sa tête n’est-ce pas ? Il n’était pas fou ? L’homme enfant se retournait lentement, rien. Il n’y avait personne, cette poubelle chantait… Partagé entre l’envie de fuir et celle d’approcher pour voir ce qu’il se passait ; il restait finalement immobile. –J’ai peur chère mélodie, j’ai peur, mais qu’est-ce que tu veux me dire ?- Ses yeux ont peur ; il ne voulait faire de mal à personne. Prince était d’un naturel si innocent, un gamin enfermé dans ce corps d’adulte ; un gamin terrorisé. La vie l’avait mordu, le temps l’avait brûlé. Il était détruis, il aurait voulu ne jamais avoir grandit, il aurait juste voulu que jamais on ne lui impose de se comporter en adulte. Il ne comprenait pas ce qu’on lui voulait ; il n’était qu’un enfant dans le fond. Il était perdu dans ce monde d’adulte, dans ce monde d’esprit. Il ne comprenait pas ce que le monde, la vie attendait de lui.

Il s’approchait lentement, ses pas hésitent. Est-ce qu’il devait vraiment y aller ? C’était tellement dangereux, ô oui, il sentait que c’était dangereux. Il était encore secoué des images qu’il avait vu, il voulait oublier tout ça. Pauvre enfant traumatisé par ces souvenirs ; des vies qui n’étaient pas les siennes qui s’accrochaient à lui pour le meurtrir un peu plus encore. Elle est morte, elle ne pouvait plus rien faire. Elle était fatiguée de se battre, purée qu’est-ce qu’elle avait mal… Pourquoi les adultes sont aussi cruels ? Ses lèvres se figeaient enfin, ses yeux brillaient de larmes ; pourquoi il avait mal comme si son corps était tranché, comme s’il avait été frappé… Pas encore une fois… Il ne voulait plus être battu… -J’ai peur chère mélodie, j’ai peur de ce que les gens peuvent faire… Ne meurs pas Mélodie, mon cœur se serre…- Doucement ses doigts effleuraient le couvercle de la poubelle ; il le prit doucement, le retourne. Son reflet ; cette blonde. Il lâche le couvercle qui tombe dans un bruit assourdissant. « J’ai peur Mélodie… » Soufflait-il glacé ; il reculait et son dos percute le mur. Le beau brun enfermait sa cage thoracique entre ses bras.

Le dément était pourchassé par les fantômes de sa vie, il était trop fragile pour tout cela ; pourtant jamais le manège ne cessait de tourner, il était un medium fascinant ; son don permettait d’exister de nouveau, de retrouver ce qui avait été perdu. Convoité ou désir de mise à mort, réduisant son existence à se cacher. Il n’était pas cet enfant souriant, cet enfant vivant… Quel mal lui voulait-on cette fois ci ? Cette musique et tout cette lumière ; puis la noirceur de ses yeux ; le sang qui coulait sur sa peau parfaitement blanche. « Qui es-tu ? » Est-ce qu’elle pouvait seulement l’entendre, les gens l’accusaient toujours de n’être qu’un pauvre fou qui bavassait seul avec ses amis imaginaires ; n’était-il pas tout simplement fou ? Est-ce qu’elle pouvait lui répondre ? Il ne savait rien et finalement tout d’elle. Il savait comme elle avait souffert, il savait comme elle avait été aimée. Il aurait voulu qu’elle puisse vivre encore, il aurait voulu qu’elle chante parce que c’était ce qui la faisait vibrer. Doucement il s’approchait de nouveau, apeuré de voir encore le reflet de cette pauvre fille…