Tu dormais. Si bien. Pour une fois, tu ne rêvais pas de choses étranges et angoissantes. Tu détestes, quand tu te réveille en sueur à cause de ces images floues, électriques, bizarres. Tellement stressantes. Tu dormais comme un bébé, pour la première fois depuis des semaines. Profondément, correctement. Dans tes draps qui sentent la lessive bon marché, dans cette chambre un peu fraîche mais agréable, dans cet immeuble calme et discret. Mais tu le savais, que c'était trop beau pour durer. Inconsciemment, tu te doutais qu'Il viendrait mettre fin à ton heureuse tranquillité.

Debout, gamin. La voix, dans ta tête. Tu voudrais lutter, lui résister, l'éteindre. Lui couper le sifflet et dormir encore. Mais brusquement, ton corps s'arque dans le lit et tu sens le sommeil s'en aller. Arraché comme par lambeaux entiers. J'ai dit DEBOUT. Comme ça, tu te lève. Parce qu'Il est là, sous ta peau. Tu voudrais l'éplucher, cet épiderme maudit, hanté. Mais Il t'empêche de faire ça. Peut-être qu'il souffre, lui-aussi, quand tu te blesse. Après tout, Il est en toi. Tu es son enveloppe charnelle. Il y accorde peut-être de l'importance ... Il ricane. Tu comprends qu'Il sait ce que tu penses et que ça l'amuse. Tu tends les doigts, allume la lumière et cherche tes clopes. Il a envie de fumer. Avant, tu n'y touchais pas, à cette saloperie. Tu ne fumais pas, tu ne buvais presque pas non plus. Une bière de temps à autre et encore. Désormais, tu tiens l'alcool mieux qu'un ivrogne et tu fumes comme un pompier, tu vas même traîner dans les ruelles mal famées de la ville pour ramasser des filles faciles. Enfin, quand Il te contrôle. Parce que toi, Nolan, tu ne fais pas ça. Evidemment, t'as peur des filles. Ta gueule, connard. Il ricane. Tu sais que tu ne devrais pas le provoquer.

Des coups contre la porte. Tu te tends. Qui peut bien venir frapper chez toi à cette heure avancée de la nuit. « Putain Nolan ouvre, c'est moi. » Merde. Merde. Merde. Darlène. Merde. Non. Oh, quelle bonne surprise ... va donc lui ouvrir. Non. Tu rencontres un mur, violemment. Il t'a jeté dessus. Tu saignes, tu t'es ouvert l'arcade sourcilière. Putain. Il te propulse vers la porte. Tu luttes. Si fort. Il n'aime pas Darlène. Il lui veut du mal. Tu l'aime, toi. Elle a toujours été là. Toujours. Depuis le début. « Je suis genre dégoulinante de transpiration, pas maquillée, et la nuit tombe. Tu vas me laisser en plan comme ça ? Bordel Nolan ! » Tu t'accroche à tout ce qui passe. Il ne faut pas qu'elle entre. Tu l'entend glisser contre la porte. Merde, elle va rester là. Il ne faut pas. Il va la blesser. Il est capable du pire.

Tu renverses une lampe. Elle s'éclate sur le sol et se brise, ça fait des éclats. Le sang coule sur ton visage. Putain, il est trop fort. Tes doigts s'approchent de la poignée de la porte. Tu trembles, de tout ton être. Tu luttes si fort que ça te brise les os, t'as l'impression. Elle est là, juste derrière la porte. Elle te manque. Mais c'est pour son bien. Il ne doit pas s'approcher d'elle. Il va lui faire mal. Tu m'énerve, gamin. T'es trop lent. D'un seul coup, tes doigts tournent la poignée. La porte est ouverte.

Tu disparais. C'est désormais lui qui contrôle.

« Salut, beauté. » Elle s'est affalée sur le sol, ne s'attendant surement pas à ce que la porte s'ouvre si brutalement. Elle est jolie, toute essoufflée comme ça. Sa peau couverte de sueur luit doucement, sous la lumière. Il allume une clope en souriant d'un air narquois. Elle ne sait pas, que ce n'est pas Nolan qui parle. Il va en profiter. « Je t'en prie, entre donc. Tu veux une clope ? » Il s'éloigne un moment pour aller chercher son briquet. De loin, il lance une pique acide « Ou une douche, peut-être. Tu ne sens pas vraiment la rose ... » Un sourire mesquin effleure ses lèvres, une seconde. Il va passer une bonne soirée ...