Juste un simple « Au secours » composé sur son téléphone, telle une bouteille jetée à la mer ; un dernier recours avant de se laisser emporter dans les abysses de la noirceur de ce monde si cruel. Il l’envoyait à celle qui était une amie si précieuse ; celle qui pouvait comprendre les autres qui lui voulaient du mal encore une fois. Puis il pose son téléphone portable, il ne savait pas si Nitzan allait venir le secourir, saurait-elle seulement venir le trouver ? Il ne savait pas, les larmes noyaient ses joues, il ne savait plus rien. Tant de troubles ; tant de peurs… Viens me chercher ma bleue, comme le ciel où volent les oiseaux ; viens me libérer des chaînes que je traîne et qui m’enchaînent ; j’ai mal ne vois tu pas ? J’ai mal et je me noie. Il se lève, il se traîne. Ses larmes sont de sang et ses peines sont ses chaînes. Il avait renversé tout le bleu, répandu et foutu. Le ciel s’est assombri et les oiseaux se sont perdus. Où sont-ils tous partis ? Il ne sait pas, il devait les rejoindre. Cette ombre qui le dévorait, elle le savait faible, elle le savait détruit. Cette ombre qui voulait le dévorer, il avait volé ses souvenirs. Tu dois mourir, le silence n’a pas de prix. Il ne voulait pas mourir, mais les oiseaux étaient ses amis. Si tu veux rejoindre ton ami, il faut que tu voles, car il est avec les oiseaux. Son cœur est brisé et il veut croire qu’il sera là.
Où es-tu Harry ? Je vois encore tes yeux vides, je vois encore le sang qui coule et tes lèvres qui me sourient, je sais que tu vas revenir. On guérit de la mort quand on aime. Maddox perdu dans ses pensées, il essuyait ses larmes mais d’autres venaient ; son cœur battait maladroitement. Tamina était partie et il se sentait seul. Il ne voulait pas être seul, est-ce que les anges meurent ? Il ne savait pas ; il pensait que les anges devaient vivre pour toujours parce qu’ils veillent sur les autres et qu’il fallait toujours quelqu’un pour cela. Alors, Harry avait toujours veillé sur lui, Harry était un ange qui volait avec les oiseaux.
Il essaie d’ouvrir la fenêtre, lui aussi veut s’envoler. Mais il faut la clé pour la débloquer, il pouvait à peine passer le bout du nez. Il faut la prendre, la clé est cachée dans le placard interdit. Pouvait-il franchir cette ligne ? Est-ce que tu veux revoir ton ami ? Il ferait n’importe quoi… Voleur.
Le voleur voulait s’envoler, il ouvrait la fenêtre. L’ombre le suit, elle est trop faible pour le pousser, pourtant elle commence à trouver le temps long. Sautes papillon, sautes ! Mais il avait peur du vide, il était assis au bord de la fenêtre grande ouverte ; il regardait le vide en larmes « Je ne sais pas voler, je ne sais pas voler ! » Il voulait qu’on lui tienne la main, qu’on lui assure qu’il ne se ferait pas de mal, que voler était simple, c’était plus simple à deux. Sautes papillon et tu t’envoleras avec le vent des espoirs brisés. La porte s’ouvre, elle n’est jamais vérouillée. Il criait encore apeuré « Je ne sais pas voler. » Vites, saute papillon ou tu ne verras jamais plus jamais ton ami. « Harry, Harry ! Reviens par pitié… » Criait-il douloureux, les traits doux de son visage se déformaient de souffrance, il a attiré le regard et une femme crie dans la rue, effrayée par la mort. Mais il allait voler n’est-ce pas ? Il avait tellement mal, il était tellement malheureux. Pourquoi est-ce qu’on l’abandonnait ? Sautes papillon ! Des bras s’enroulent autour de son torse étroit, il est tiré sauvagement en arrière, la douleur s’échappait de ses lèvres. L’ombre avait perdu : Prince resterait dans la lumière. Pourquoi est-ce qu’on le touchait ? Il ne savait pas, il voulait qu’on le libère. Il avait peur, il criait parce qu’il ne savait plus supporter sa peine.
Je sors péniblement de mon lit, et gratouille Poe qui est immédiatement venu me demander son compte de croquettes dès que le réveil a sonné. Ron ron ron, la bête et nourrie, et m’ignore royalement sitôt sa gamelle finie, alors qu’elle me considérait comme la reine de l’univers tant que j’avais encore le paquet en main. Saletés de bestioles ingrates. Je me traîne d’un bout à l’autre de ma cuisine pour lancer la cafetière, trouver les céréales, le bol, le lait, et combiner les trois en faisant attention à l’ordre. Je pose mes fesses nues sur une chaise, juste habillée d’un grand t-shirt des Pogues, et je commence à prendre mon petit déjeuner pendant que je feuillette un magazine de musique. Mon portable bippe, signe que j’ai un sms. Je hausse les épaules, me disant que je le lirai après, une fois mon petit déjeuner achevé.
Mais je sens la présence de Nana, et sa petite voix qui murmure à mon oreille « Chaton, c’est important. Va voir ! ». Je sursaute et laisse retomber ma cuillère. Nana ne me parle pas pour rien, et ne m’impose pas de regarder mon portable pour un oui ou pour un non. C’est même la première fois. J’attrape mon portable : Maddox. Hmmm. Mon cœur se met à battre plus vite alors que le message s’ouvre, et je lis simplement « Au secours ». Merde. Putain de merde. Je réponds rapidement « J’arrive, ne bouge pas » et je file dans ma chambre enfiler le premier truc qui passe. Un boxer. Un jean qui traînait par terre. Je garde le t-shirt que j’avais pour dormir, glisse mes pieds nus dans mes DrMarteens bleu turquoise posées près de la porte, attrape mes clefs et dégringole les escaliers jusqu’à ma voiture, garée à l’arrière du magasin. Putain faites que les flics n’aient pas idée de faire des contrôles aujourd’hui, car sinon je serai sacrément dans la merde.
Ma vieille Mustang démarre au quart de tour, et je m’engage dans les rues de la Nouvelle Orléans. Mais on est en heure de pointe, et plus d’une fois je me trouve engluée dans le trafic ou arrêtée à un feu rouge. Mes doigts tambourinent nerveusement le volant, et plus d’une fois je fais jouer du klaxon. Un million de scénarios horribles défilent dans ma tête alors que les minutes passent avec une lenteur horrible. Allez, putain, allez ! S’il lui arrivait quelque chose et que je venais trop tard… je ne me le pardonnerai pas. Jamais. Enfin ça se dégage, et je m’engage dans sa rue. Je me gare à l’arrache en bas de chez lui en laissant les warnings, et file gravir la volée d’escaliers menant jusqu’à chez lui. Heureusement, j’ai les clefs de chez lui, suite à un accord avec Maddy et Tamina, et je peste contre cette satanée porte qui ne me laisse pas entrer assez vite. Je l’appelle à travers le bois.
Maddy ! Maddy petit prince ! Je suis là !
Enfin la porte s’ouvre et je déboule dans son appartement. Mon regard fouille l’endroit. C’est alors que je tourne la tête en sentant un violent courant d’air me fouetter le visage. Mon cœur s’arrête en le voyant sur le rebord de la fenêtre, dangereusement penché vers le vide. Oh mon dieu. C’était vraiment aussi grave que ce que Nana m’avait dit. Sans trop réfléchir je cours vers lui, je passe mes bras autour de sa taille et je le tire comme une brute en arrière. On retombe tous les deux en arrière, lui sur moi. Il se débat, commence à hurler. Il est totalement perdu. Je me bagarre un peu avec lui, lutte pour arriver à me dégager et m’installe à cheval sur lui, le maintenant au sol. Son regard est fuyant, il est perdu, loin, comme l’autre jour dans la boutique. J’arrive à lui attraper les poignets, et à le maintenir au sol.
Maddy… Maddy c’est moi ! Maddy…”
J’essaie de parler d’une voix douce, mais il est trop loin de moi pour qu’il m’entende, qu’il sache que je suis là. J’inspire profondément. Il ne me reste qu’une chose à faire. Je libère un de ces poignets, et je lui assène une gifle magistrale. Sa tête est rejetée sur le côté, avant qu’il me regarde enfin. Qu’il me regarde et qu’il me voie. Je pose ma main sur sa joue meurtrie et je lui souris.
Petit prince ! Petit prince c’est moi ! C’est moi je suis là ! Je suis là… Mon dieu mais qu’est-ce qui t’arrive !
L’adrénaline redescend d’un coup et des larmes se mettent à rouler le long de mes joues alors que je m’allonge sur lui pour le prendre dans mes bras.
Envoles toi papillon… Il ne l’entendait pas crier à travers la porte, fixant le vide qui l’appelait : viens dans mes bras papillon… Il avait peur, mais il devait avoir confiance n’est-ce pas ? Puis il est attrapé par la taille, c’était violent. Son cœur fait un bond. Il criait, il avait peur. Non ! Il voulait voler, il voulait apprendre ! Le pauvre fou se débattait, il était sur le dos et quelqu’un était là sous lui, il était terrifié. La fenêtre encore ouverte, il la fixait. Il fallait sauter ! Hurlant de toutes ses forces ; ses bras sont prisonniers. Il n’arrivait pas à se défendre, il pleurait beaucoup. Criant à l’aide ; oui quelqu’un allait venir le sauver. Pourquoi ces mains sur lui ? Qu’est-ce qu’elles lui voulaient ? Elles voulaient l’étrangler, ses pupilles s’agitaient. Les larmes sur ses joues, il allait se noyer. « Au secours ! » Hurlait-il, bien sur les voisins l’entendaient et jamais personne ne répondait ; c’était presque habituel ces derniers temps. Maddox criait à tout but de champs, se réveillait en hurlant au bon milieu de la nuit, tapant contre les murs et pleurant sans relâche. Torturé, il était au plus mal depuis la mort d’Harry.
Sa tête tournait brutalement, sa joue était en feu. Le coup avait été si fort qu’il avait étouffé son cri ; le plongeant dans un mutisme qui crevait le cœur. Il laissait échapper ses larmes, ça faisait mal… Oui, il avait mal, pourquoi est-ce qu’on le frappait ? « Alexey c’est toi ? » lâchait-il dans un murmure inaudible. Tu avais dit que quelque chose de grave allait arriver… Il chercher du coin de l’œil ; il reconnaît son visage. Elle posait sa main tiède sur son visage ; il la fixait apeuré jusqu’à ce qu’elle lui adresse un léger sourire qui lui réchauffait doucement le cœur. L’ombre a perdue, la fenêtre claque ; elle est partie. Elle parlait, il fixait ses lèvres sans comprendre ce qu’elles lui disaient ; encore sous le choc. Elle pleurait, ô ma bleue… Tu es venue me sauver… Les nuages se dispersaient dans le ciel, lui rendant sa beauté et son calme ; le vent avait tout emporté mais les oiseaux ne sont pas revenus.
Il était tout contre elle, elle était couchée contre son corps et elle pleurait. Il était terrifié ; personne ne le touchait de la sorte. Non, c’était bien trop terrifiant, quand Tamina venait contre lui ; il fuyait parce qu’il appréhendait. Mais tout cela venait d’arriver tellement vite, elle avait caressé sa joue qui le brûlait ; il restait figé là. Rien… Il ne se passait rien. Il avait moins peur tout à coup ; il était juste là dans ses bras et c’était même agréable… Oui, il se sentait assez bien, c’était réconfortant. Enlace moi ma bleue, je me sens bien ici. Il s’en voulait alors d’avoir été si cruel avec Tamina, de l’avoir repoussé sans cesse, de refuser ses mains sur lui. Il s’en voulait parce qu’il l’aimait ; parce qu’il voyait sa peine et aurait voulu éviter cela. Mais c’était la terreur qui le gouvernait. Prince se sentait assez bien, rassuré… Doucement l’une de ses mains partait dans la chevelure brune de la jeune femme ; c’était doux et il fermait lentement les yeux.
« Je ne sais pas voler… » Soufflait-il alors, cette proximités commençait à l’étouffer. Il avait encore beaucoup de mal à s’habituer aux contacts avec les autres, mais il avait confiance en elle. Oui, il n’arrivait rien de grave, elle ne lui faisait pas de mal. Elle ne volait pas son corps, elle ne lui voulait pas de mal n’est-ce pas ? Il arrêtait enfin de pleurer, se redressant doucement, les cheveux en bataille il cherchait des yeux cette ombre qui avait quitté les lieux. Maintenant personne ne pourrait le croire. Ses yeux brillent, il se sentait assez fatigué. Fixant la jeune femme avec attention « J’voulais pas voler tu me crois ? Je sais qu’Harry va revenir, il va aller mieux… J’voulais pas y aller, j’voulais pas... » Je t’en prie crois moi ma bleue, je ne suis pas un menteur… « J’n’ai pas d’ailles… Je ne suis pas un papillon… » Pleurant de nouveau, la chaleur des bras de la jeune femme le réconfortait. Partagé entre crainte et confort.
Je crois que je viens d’avoir la peur de ma vie, le genre de moments où le cœur s’arrête, et où la moindre seconde semble durer une éternité. Je me revois encore, comme au ralenti, courir vers Maddox alors debout sur le rebord de la fenêtre, penchant dangereusement vers l’avant. Et même après que je l’aie ramené sur le plancher des vaches, il continue à se débattre, à lutter contre moi, sans me reconnaître. Encore un de ses épisodes où il s’enferme dans son univers à lui, son monde, loin de tout le monde. Il appelle à l’aide, il hurle et il pleure. Comme un enfant qui a fait un cauchemar, sauf que ce grand môme a une dizaine d’années de plus que moi, et, sans déconner, et bien vingt kilos en plus. Alors le maîtriser, le bougre, c’est pas facile. Je me débrouille tant bien que mal, et j’arrive finalement à le plaquer au sol, même si ça se rapproche assez du rodéo. Dans l’urgence, et panique, je trouve rien de mieux pour le calmer que de lui décrocher une bonne vieille baffe. Et, mine de rien, ça a l’air de fonctionner.
Toute ma panique se relâche quand je vois dans son regard qu’il est là, qu’il m’a reconnue. Enfin. Enfin j’ai réussi à le ramener. Il s’en est fallu de peu. Tellement peu. Putain. Je me suis même pas rendue compte que je pleure comme une madeleine, et par réflexe, je prends Maddy dans mes bras. Pendant quelques secondes je laisse couler quelques sanglots, le front contre l’épaule de Maddox, raide comme un piquet. Je sais qu’il est pas super à l’aise avec le contact physique, mais là j’en ai besoin. Comme pour m’assurer qu’il ne va pas recommencer le dos tourné. Chose curieuse, quelques secondes plus tard, je sens une main se poser dans mon dos, et l’autre dans mes cheveux, pour me rendre mon étreinte. Et se détendre. Wow, je suis carrément surprise.
Je profite de l’instant, mon cœur se calmant petit à petit, et mes mains arrêtant de trembler. C’est alors que je l’entends parler, dire de sa petite voix « Je ne sais pas voler ». Mes épaules se mettent à se secouer, je suis prise d’un fou rire. Je me redresse doucement toujours à cheval sur lui, mais assise, et lui se plaçant sur les coudes. Pendant un instant, je prie pour que personne ne débarque à ce moment précis, parce que ça pourrait être très très … très mal interprété. Heureusement qu'on est habillés.
Bien sûr que tu sais pas voler Petit prince… t’as pas d’ailes !
Pendant un instant je le regarde, si perdu, et innocent comme un môme, et je tends la main pour le recoiffer un peu et lui caresser le visage.
On pourra aller voler un jour si tu veux. Faire du deltaplane ou du parapente, peu importe, si ça te dit !
Maddox a des lubies… des idées saugrenues qui le prennent parfois, comme une envie de pisser, et qui l’obsèdent pendant quelques jours, avant qu’il ne passe à autre chose. Sauf que là, cette dernière lubie aurait pu être la dernière. Je me relève doucement, et me mets à genoux à côté de lui, et plus sur lui. Plus politiquement correct. Je le regarde encore quand il continue à tenter de m’expliquer son délire, mais une nouvelle pièce s’ajoute au puzzle. Un certain Harry.
Je comprends pas Petit prince… tu voulais voler, et maintenant tu veux plus ? Et qui est Harry ? Explique moi mon chaton… je ne comprends rien…
Et après avoir proclamé « je ne suis pas un papillon » d’un ton désespéré, il vient se nicher entre mes bras, éclatant en sanglots. Je le serre contre moi, une main autour de ses épaules, et l’autre dans ses cheveux à nouveau en bataille, et comme d’habitude presque, je me mets à le bercer doucement en chantant la chanson qui, pour moi, lui est associée.
Il lui disait qu’il ne savait pas voler et elle se mit à rire ; est-ce qu’elle se moquait de lui ? Pourquoi l’ombre lui disait de voler avec les oiseaux ; mais il n’avait pas d’ailes. Les larmes étaient tout ce qu’il avait. Elle se redressait, elle était assise sur lui ; mais elle ne pesait pas bien lourd. Il la fixait de ses yeux azurés brillants de larmes d’un chagrin inconcevable. Il la fixait, elle le coiffait. Un contact qui ne le gênait plus autant qu’avant, il s’habituait à la présence de la médium, une présence bénéfique, une aura douce et bienveillante. Il le sentait. Elle lui proposait de voler un jour, il l’observait sans rien dire ; elle descendait de lui ; rendant son corps ; il aurait presque dit merci tant ça le soulageait dans le fond. Pourquoi ne pouvait-il pas être comme les gens heureux ? Il ne savait pas, il ignorait où trouver la réponse. Alors, il tentait de lui expliquer, -crois moi je t’en prie-. Oui, ses yeux bleus la supplient de croire ce qu’il disait. Elle lui disait alors ne pas comprendre, son regard s’assombrissait. Il était tellement malheureux, pourquoi personne ne voulait le comprendre ? Pourquoi personne ne voulait le sauver ? Dans son désespoir, lâchait qu’il n’était pas un papillon, s’écrouler dans les bras de la jeune femme ; des larmes qui roulaient sur son visage. -Je t’en supplie, comprend moi… Comprend moi… Je ne suis pas fou…-
Elle le berce ; elle chante. Son cœur se serre ; -pourquoi ça fait si mal maman ? Pourquoi ça fait si mal d’être en vie sans toi ? Qui sera là pour me protéger maintenant ? Qui sera là pour me dire qu’il suffisait d’un sourire pour balayer les poussières d’un mauvais rêve. Oui, qui sera là pour sourire et chasser les monstres ?- Il restait là, contre Nitzan, brisé. Son âme était comme une poupée de porcelaine ; - ô berces-moi tendrement contre ton cœur, ô dis moi que tu m’aimes et que jamais je ne serais cassé. Chantes moi la vie, chantes moi les oiseaux ; emmène moi danser sur le vent dans mes souliers de nuages, emmène moi loin de la pluie de larmes qui chagrine mon cœur -. Il se calmait peu à peu - serres moi plus fort dans tes bras. Serres moi et casses moi de bonheur.-
« Il a promis que tout irait bien, Harry… C’est mon ami, il m’a sauvé la vie. Il sait ce qui est bon pour moi ; ô il reviendra… Il reviendra parce que les autres mentent toujours. » Disait-il à mi voix, restant auprès de la jeune femme où il se sentait si bien étrangement. « Il ne m’a pas abandonné, parce que je sais que c’était mon ami. J’ai peur Nitzan, j’ai peur des hommes en noir. Leurs armes tirent du feu et il y a beaucoup de sang. » Son regard se perdait, se balançant machinalement comme dans le magasin sous la vu de son médecin qui s’écroulait devant ses yeux couvert de sang « Il y a plein de sang sur toi Harry, il faut se laver avant de rentrer. Il y a plein de sang sur toi Harry… Il y a plein de sang sur nous… » Alors il commençait à frotter ses mains avec énergie. –Débarrassons nous de tout ce sang, il faut être propre- Puis le visage, il se frottait le visage avec rigueur. « Ô vite, lavons nous… Tamina ne veut pas voir tout ce sang qui coule. » Il relevait les yeux vers Nitzan et commence à lui frotter le visage également, il n’y avait pas de sang, il le voyait bien. Mais il fallait qu’il y en ait, parce qu’il allait revenir, parce que tout le monde devait voir que ce n’était pas grave « Il y a plein de sang partout, et quand nous serons tous propres… On pourra rentrer. On va tous rentrer chez nous… » Il souriait naïf ; pauvre fou… Il souriait d’un espoir sans queue ni tête, il souriait parce qu’il espérait ne plus verser de larmes, car son chagrin était si fort qu’il était de sang.
Je n’aime pas le voir comme ça, perdu et apeuré. Je déteste avoir l’impression de ne rien pouvoir faire pour lui, de ne pas arriver à entrer dans sa tête pour débloquer tout ce qui va pas, et lui accorder une vie normale et simple, sans tous les squelettes dans le placard, sans ses phobies et autres. Je tente de le faire parler, qu’il me donne les pièces du puzzle que je puisse rassembler, mais tout est trop confus, et je crois que lui-même n’est pas au clair avec ce dont il me parle. Je vois qu’il est dépité en sentant que je ne le comprends pas, et il abandonne, venant se réfugier dans mes bras en pleurant. Je le serre avec force, un bras autour de ses épaules, l’autre dans ses cheveux, que je caresse doucement. Pour certains, notre relation est étrange. Un homme qui a presque le double de mon âge, au physique d’adolescent, que je considère comme mon petit frère. Il est l’un des enfants perdu et je suis sa Wendy. La grande sœur qui fait s’envoler les cauchemars. Je dépose de temps en temps de légers baisers dans ses cheveux en bataille, et on reste un long moment l’un contre l’autre, à attendre que ses craintes et sa peine ne se dissipent. Petit prince…
Je suis là Petit prince… tant que je serai là, rien ne t’arrivera. Je te le promets. Je te protège…
Mentalement, je demande à Nana de me filer un coup de main, et petit à petit une chaleur humaine, une vague de douceur flotte dans l’atmosphère. Je sens Maddy se détendre peu à peu, et j’adresse un « merci » silencieux à mon arrière-grand-mère. Elle aussi l’aime bien, et elle a pitié de lui. Ses sanglots s’apaisent, et il ouvre enfin la bouche pour reprendre ses explications. Comme avec un enfant, je reprends petit à petit avec lui.
Harry. Un ami tu dis ? Mais c’est génial si tu es arrivé à te faire d’autres amis.
La suite me laisse perplexe. Il parle d’hommes en noir et d’armes à feu. De quoi est-ce qu’il parle ? L’inconvénient avec mon Maddy, c’est que c’est dur de comprendre ce qui tient du réel, et de l’imaginaire. Un film qu’il a vu peut lui sembler aussi réel que le monde qui l’entoure. Et parfois quand il mélange le tout… ça donne un brouillard dont il est difficile de le tirer…
Tu n’as pas à avoir peur petit prince. Je suis là et je te protégerai…
Son regard se trouble et il s’éloigne de moi, s’enfonçant davantage dans ses souvenirs et dans ses visions. Il commence à se balancer doucement et parle de sang. Pendant une seconde je l’inspecte, et jette un œil à mon tshirt, mais rien. Et il va encore plus loin en essuyant du sang imaginaire de mon visage. Ni lui ni moi ne sommes blessés. Je sens que pour le ramener vers moi, je dois faire un pas vers lui, et entrer un peu dans son univers. Je me redresse et lui tend la main.
Viens petit prince, on va aller enlever tout ce sang.
J’ai surtout peur qu’il se fasse mal, à s’écorcher la peau comme ça. Je l’emmène dans la salle de bains, le fais asseoir sur le rebord de la baignoire, et mouille un gant de toilette que je lui passe doucement sur le visage, puis sur les mains.
Voilà. Tu vois, tout s’enlève. Tu vas être bientôt propre. Mais dis-moi… qu’est-ce qui s’est passé pour qu’il y ait autant de sang ?
Il est dans son rêve, il est loin. Et je reste cruellement sans réponses. Il faut que je sache. Et quelle meilleure source d’informations qu’une arrière-grand-mère roumaine, gitane, qui erre dans le monde des esprits ?
Nana… tu peux me dire ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Son ami est mort… Il a été tué il y a peu… Ton ami était présent, mais il n’a pas compris que Harry m’avait rejoint…
Oh mon dieu… pauvre Maddy. Je n’avais jamais entendu parler d’Harry, mais je me doutais qu’il comptait pour lui. Peu de personnes faisaient partie de la vie de Maddox, mais elles en constituaient les piliers. Et j’étais en train de contempler ce que ça faisait, quand un de ces piliers s’effondrait. Il s’était enfermé dans le déni, et il fallait que je l’en sorte. Enfin … moi ou… le principal intéressé. Je pense que c’est la meilleure solution.
Après avoir fini de débarbouiller mon ami, je l’amène dans la cuisine et l’installe sur une chaise, comme on l’a déjà fait plusieurs fois. Mon bol de thym séché, de gros sel qui retient une bougie est toujours là, en cas de besoin. J’allume la mèche, prend les mains de Maddy et je récite lentement l’incantation qu’il faut. Bientôt, je sens une autre présence dans la pièce.
Maddy ? Harry est là, avec nous. Il est là pour te parler… Il a des choses à te dire mon prince…
Il s’enfermait dans son délire, frottant le visage de la jolie brune qui n’était pas maquillée ce jour là ; la fixant avec insistance. Puis ils se relèvent, elle lui dit qu’ils vont aller se débarrasser du sang. Maddox la suivait calmement, frottant ses joues encore un peu plus ; ils entraient dans la salle de bain, il se laissait faire inoffensif. Elle lavait son visage, il fermait les yeux comme un enfant ; puis ses mains furent nettoyée. Alors qu’elle rinçait le gant ; il le prenait doucement entre ses doigts pour le passer sur le visage de la jeune femme finalement bien heureusement pas maquillée. « Toi aussi tu dois être propre. Ô Harry, tu en as mis partout… » Il souriait naïvement ; il n’entend pas Nana, il était enfermé dans sa folie. Son refus de croire que son médecin et ami était mort. Il se calmait enfin, passant encore le gant sur ses bras ; il se sentait mieux ainsi. Ils étaient enfin propres et Tamina n’allait pas crier. Elle ne verrait pas tout ce sang, il ne voulait pas qu’elle ait peur parce qu’il tenait à elle. Encore assis sur le rebords de la baignoire ; il laissait ses pieds pendre dans le vide bien que les plantes effleuraient le sol ; Prince tu n’es plus un enfant…
Le déni était une mauvaise chose pour toutes les raisons que l’on connaît et qu’il est impossible de survivre dans le mensonge ; mais il fallait savoir que le déni était un mécanisme de défense quand notre esprit déclare que c’était bien trop. Trop de souffrances pour accepter la réalité. Le déni était une façon de se protéger contre cette douleur qui pourrait le dévorer, c’était le cerveau qui disait STOP, qui se protégeait du mal que pouvait causer un événement si tragique. Maddox s’enfermait dans cette protection, s’obstinait à refuser la réalité parce qu’il sentait qu’il allait s’effondrer. Ils ont enfin terminé ; se laissant guider calmement en direction de la cuisine. Elle lui désignait une chaise et lentement il s’y asseyait. Elle fouillait dans la cuisine et il ne bougeait pas, dessinait du bout des doigts sur la table une œuvre invisible « Harry est médecin, il m’a réparé… Tous les os… Comme j’avais mal… » Disait-il, dessinant encore et encore. Puis il sent les mains douces de la jeune femme prendre les siennes ; elles sont propres. Il souriait ; c’était propre…
Il la fixait, elle récitait. Oh non, maman allait gronder parce qu’il n’avait pas été sage… Puis elle parlait ; elle lui disait qu’Harry était là. Son regard cherchait ; le visage illuminé. Oui ! Il savait qu’il allait revenir ! Il s’apprenait à lâcher les mains de la jeune femme pour courir à sa recherche, ouvrir les portes et les placards ; où tu te caches mon ami… Je te trouverais, oui je te trouverais n’importe où ! Mais les mains de Nitzan le retiennent, il croisait son regard et la voix d’Harry lui parvient. Il était tellement faible… ‘Je suis là Maddox, mais tu ne peux pas me voir’ ; ses yeux s’embrumaient maintenant ce n’était plus le sang qui l’empêchait de voir mais ses larmes. « Oh non… Je veux que tu rentres maintenant… J’ai dessiné plein de choses pour toi, il faut que tu rentres parce que je vais être cassé. Ils ont tous dit que quelque chose de grave allait arriver et cet homme... Il est venu me faire pleurer ; toi tu sais comment leur dire de me laisser tranquille. Il faut que tu reviennes ; il faut tout ranger ici. Il y’a tout ce bazar et dans ma tête rien n’est à sa place. » Comme c’était douloureux, Maddox avait beaucoup compté dans la vie d’Harry dans une époque où il s’était cru inutile ; il avait trouvé auprès de cet homme un rappel de pourquoi il avait fait tout cela. Le fils qu’il n’avait jamais eu.
Il pleurait à présent et il était si difficile de consoler quelqu’un quand l’on est mort. ‘Maddox, sèches tes larmes. Je serais toujours auprès de toi ; mais je ne pourrais jamais revenir. Je suis tellement désolé ; j’aurais voulu te protéger. J’aurais voulu croire que tout ce que tu me disais été réel ; mais j’ai du attendre la mort pour le comprendre. Pour te comprendre.’ Son front contre la table, ses doigts se seraient autour de ceux de Nitzan ; il pleurait. « Oh non ! Mon dieu ! Je saigne en dedans ! Je saigne là dedans ! » Hurlait-il au désespoir. « Au secours je saigne ! Je saigne ! Harry, viens me réparer ! Au secours ! Au secours ! » Ses pieds nus tapent le parquet ; pourquoi est-ce qu’on le torturait de la sorte ? Il voulait qu’on le laisse espérer encore, il voulait croire que l’on peut guérir de la mort. ‘Je t’en prie, calme toi… Ecoute ma voix Maddox…’ Non, il ne voulait plus ; il criait encore parce que c’était la seule arme qu’on ne pouvait pas lui voler « Non ! Au secours ! » Il était épuisé et pourtant il hurlait encore. Non personne ne volera son ami ! Il ne voulait pas être seul, pourquoi est-ce qu’on voulait tout lui prendre ? « Tu racontes n’importe quoi ! N’importe quoi ! Tous ces gens me détestent ! Ahh !!! Je saigne ! Je meurs Harry !! »
Quand mon petit prince est pris dans son monde, et ses lubies, je sais qu’il ne faut pas tenter de le raisonner, ou de le brusquer. Dans ces moments-là, il a une logique bien à lui, un mode de fonctionnement particulier, et que lui seul comprend. Tenter de le lui faire abandonner finit par le braquer, et il faut toujours y aller en douceur. Quand il a parlé de sang, j’ai tout de suite pensé à l’emmener se nettoyer, même s’il n’y avait rien. Le fait que je montre que j’étais d’accord avec lui, que je voyais les mêmes choses que lui, le rassurait. Et il se mettrait plus facilement à parler.
Comme un enfant sage, il se laisse emmener dans la salle de bains, me regarde mouiller le gant de toilette et ferme les yeux quand le tissu un peu rêche passe sur son visage, visiblement content. Il se détend, est plus calme à l’idée de faire quelque chose qu’il voulait. Au moment de rincer le gant une deuxième fois, il me le prend des mains, et le passe sur mon visage. Dans un certain sens, se faire réveiller au saut du lit à son avantage. Je le laisse me débarbouiller, tout en faisant des commentaires. Il est en train de rire de son ami décédé, se moquer de la violence de ce qu’il a vu. L’esprit est parfois bizarre, pour mettre de tels mécanismes de défense en place. Mais je ne peux pas le laisser trop longtemps s’enfermer dans l’idée que Harry est toujours là, et qu’il va revenir bientôt.
Content de se sentir propre, je l’emmène dans la cuisine. Je dois ouvrir le voile qui sépare nos mondes, car personne, à part Harry, ne pourra lui faire prendre conscience de ce qui est arrivé. Je lance le rituel, et pendant ce temps, Maddy m’explique que Harry était son médecin, qui l’avait soigné, et guéri, à plusieurs reprises. Enfin je sens que mon appel a eu une réponse.
Quelqu’un, en plus de Nana, est parmi nous. Je vois un grand sourire s’afficher sur le visage d’enfant de Maddox, et je le sens vouloir se relever, pour aller gambader à la recherche de son ami. Encore une fois, il n’a pas compris que c’était la voix d’un esprit qu’il entendait, et pensait qu’Harry était là, quelque part. Je lui retiens les mains, le forçant à rester assis face à moi.
Ses mots me font monter les larmes aux yeux : c’est tout simple, et en même temps, il sent qu’il va mal, et tente de demander de l’aide. Le voile se lève petit à petit, et la lueur dans son regard change. L’inquiétude, la peur ont pris la place de la joie qui s’y trouvait quelques secondes auparavant. Le tout mêlé de larmes. Et il lâche prise. Il se penche en avant, le front sur la table, se raccrochant à mes mains comme un naufragé à sa planche de bois. La terrible vérité vient d’arriver et de lui asséner une gifle. Il s’agite, et je sens qu’une nouvelle crise s’annonce. Douloureuse et terrible. Pauvre petit prince. Il commence à hurler, à se débattre. Ses mains lâchent les miennes, rompant le contact avec Harry, qui disparaît dans les ténèbres. Maddox hurle, et je me précipite pour l’attirer contre moi, pour tenter de canaliser sa douleur et sa colère.
Maddy… Maddy je suis là. Maddy calme toi… Je suis là petit prince, je suis là. T’es pas tout seul. T’es pas tout seul…
Je le garde contre moi, tentant d’éviter qu’il ne se fasse mal, ou qu’il fasse une grosse connerie, comme quand je suis arrivée. Il est costaud, et désespéré, et je me prends plusieurs coups maladroits dans la bataille. Je serre les dents, luttant pour le maîtriser, le calmer enfin. Et petit à petit, la crise se calme. Ses mouvements sont moins précis, moins violents, plus lents. Son regard devient vide. Il est épuisé. Depuis combien de temps il n’a pas dormi ? Je lui caresse les cheveux doucement, et me relève.
Viens Maddy… viens. On va aller dormir un peu. Ca te fera du bien !
Je le guide jusqu’à sa chambre, où il se laisse emmener en traînant les pieds, la tête basse, et se laisse docilement asseoir sur le lit pendant que j’improvise une tisane calmante dans la cuisine. Heureusement qu’à force, j’ai glissé quelques petites choses dans les placards. Je ramène une tasse fumante près de lui, le force à en boire quelques gorgées avant de la reposer sur la table de chevet, et je le fais s’allonger, posant sa tête sur mes genoux. A nouveau je chante doucement en lui caressant les cheveux. J’espère qu’en étant près de lui, il pourra grapiller quelques heures de sommeil réparateur. Je demande à Nana, qui est près de nous.
Nana… veille sur lui hein. Eloigne les mauvais rêves et les mauvais esprits… Il est à bout.
Elle l’entourait de ses bras, Harry est parti et il avait si froid. Il saignait en dedans, se débâtant maladroitement, donnant des coups à Nitzan même s’il n’avait aucune intention de lui nuire ; c’était cette agitation qui lui avait valu d’être ligoté plus d’une fois à son lit où être enfermé en chambre d’isolement parce qu’il pouvait nuire à lui-même. Donnant des coups ; il manquait de tomber de sa chaise puis enfin il se calme. Tremblant, suant… Son regard azuré cherchait un espoir auquel s’accrocher et tombait dans le regard sombre de Nitzan. Oh dis moi que ce n’est pas vrai, dis moi qu’il n’est pas mort car j’ai si peur d’être seul ; ô que j’ai peur Nitzan des démons dans mes placards ; j’ai peur parce que personne ne veut me protéger et me venir en aide.
Il se laissait prendre dans ses bras, elle lui murmure qu’il n’était pas seul ; qu’elle serait toujours là. Elle avait répondu à son appel au secours, elle avait empêché sa chute vers les enfers. Ô donnez moi des ailes que je puisse être aussi libre que le vent qui souffle sur les corps entassés des rêves brisés. Elle lui dit qu’ils vont aller se coucher, le visage marqué par les larmes, les yeux bouffis il ne savait plus vraiment où il était. Se relevant avec une lenteur déconcertante avant d’aller déambuler nus pieds sur le paquet de son appartement. Il se laissait soutenir par la jeune femme ; il avait l’impression de peser des tonnes sur le carrelage, le dos courbé comme un vieillard alors que ses cheveux dansaient à chacun de ses pas ; enfin ils pénétraient dans la chambre ; un pot de peinture bleu git au sol. J’ai renversé tout le bleu pour le ciel et maintenant il est si sombre.
Lentement il s’allongeait, retrouvait la chaleur de ses draps et le confort de sa literie. Elle l’attirait doucement contre lui, posant délicatement sa tête sur ses cuisses ; il enroulait négligemment l’un de ses bras autour de ses jambes et fixait le mur face à lui assez stressé. Les dessins y étaient épinglés les un sur les autres et lentement, l’un d’entre eux se mit à saigner. Il fermait les yeux un peu trop fort ; apeuré. La medium parlait, il avait si froid. Il sentait la couverture grimper sur ses épaules ; les doigts de la jeune femme caressaient sa chevelure brune et doucement il cédait à l’épuisement.
Ô Harry c’est toi ? Maddox courrait dans le jardin d’Eden. Se jetant dans les bras de son si cher ami, pleurant à chaudes larmes alors que cette main gigantesque lui caressait le dos. ‘Tout va bien Maddox…’ Redressant la tête, il fixait son ami. Il n’y avait plus de sang ici, oui… L’on guérit de la mort. ‘Je serais toujours là ; en toi Maddox. Il ne faut pas avoir peur de la mort Maddox.’ « J’ai peur Harry… J’ai peur de la mort, c’est si sombre. » ‘Moi aussi j’avais peur ; mais j’ai enfin compris mon garçon. La mort est terrible pour ceux qui restent en vie.’ La vie était si pénible… « Je voudrais mourir et rester avec toi. » L’homme se mit alors à rire en caressant la joue de son cher protégé ‘Ton heure n’est pas venue Maddox, je sais que tu dois accomplir encore beaucoup de choses. Maddox, il ne faut pas avoir peur de la mort ; mais il ne faut pas avoir peur de vivre. Je t’attendrais ici. Dans l’Eden les gens ne sont plus malades Prince. Le monde a encore besoin de toi et de ce qu’ils appellent ta folie. Il y a un trésor en toi que tu dois offrir avant de me rejoindre.’ « Comment je saurais quand ça sera mon heure ? » ‘Tu le sauras, comme une évidence. Tu n’auras plus peur Maddox. Mais il faut attendre car si tu restes dans le jardin d’Eden il pleuvra sur terre, bien du sang que tu ne voulais pas répandre…’
Ouvrant doucement les yeux, la chaleur des lèvres d’Harry encore sur sa joue. Il ne jouait plus dans le jardin d’Eden, il était là. Etendu dans ses couvertures et… Il a peur. Se redressait brutalement avant de reconnaître cette étrangère qui était dans son lit ; enveloppé de façon instinctive dans le drap il la fixait avant de se détendre en l’absence d’agression.« Nitzan… » Soufflait-il avant de venir se loger dans ses bras ; se collant contre elle sans crainte avant d’ajouter « J’ai dormi dans le jardin d’Eden… Les anges n’ont pas d’ailles… » Mais ils étaient beaux, chauds et leur peau si douce… « Harry s’y repose Nitzan… Il n’est pas perdu tu sais… Harry est un ange et bientôt… Bientôt on sera de nouveau ensemble. Le temps n’est pas le même là bas tu sais… Et moi j’ai peur en dehors du jardin, je voudrais y rester… » Il aurait voulu être comme les autres et ne pas être obligé de rester ici. Il avait froid ici. Ils se reverront oui… Quand il aura mérité ses ailes. Oh que le temps parait long ici, il allait vieillir et cet endroit manquera à son cœur d’une paix qu’il ne connaitrait nulle part ailleurs. « Je serais libre là bas… » Libre d’être comme les autres, d’être lui-même sans tous ces gens qui se cachaient quelque part dans sa mémoire ; il serait libre et mort. Se serrant contre son amie, il ne savait pas de quel mal Harry avait parlé ; mais jamais il ne pourrait se battre. Oh non, il avait bien trop peur… Harry avait beaucoup conversé avec ses nouveaux congénères qui avaient tenté de le pervertir devant le purgatoire. Oh maintenant, il savait quel mal rodait autour de Prince et il était trop tard… « Ö dis moi que le soleil peut encore danser sur mes ailes et que moi aussi, ô moi aussi je serais un ange magnifique dans jardin d’éden… »
Mon Maddy, mon petit prince, mon petit garçon perdu dans un corps d’adulte. Enfin il est calme, enfin il arrête de lutter contre moi, et contre lui-même. J’ai réussi à éviter le pire, mais je ne sais pas pour combien de temps… Finalement il capitule, épuisé, docile, et me suit dans sa chambre, où je le fais allonger contre moi après avoir évité le pot de peinture renversé sur le sol. Je lui fais poser sa tête sur mes genoux, je lui parle, je chante en promenant mes mains dans ses cheveux, essayant autant que possible d’avoir l’attitude la plus maternelle, et surtout, la plus rassurante possible. Une mère, c’est surtout de ça dont il a tellement besoin. D’un phare dans la tempête, d’un repère auquel il pourra toujours se fier… Péniblement, Tamina et moi essayons tant bien que mal de combler le manque, de lui apporter la chaleur et l’affection qu’il réclame. Pauvre Maddy… Il n’est vraiment pas fait pour ce monde brutal et impitoyable. Il est tellement fragile et amoché… Il lui faudrait un endroit paisible, sans rien de mal qui lui arrive… mais hélas, ce genre de lieu n’existe pas.
Petit à petit sa respiration se fait plus profonde, son corps pèse plus lourd sur le mien. Il s’est endormi. Bien, le sommeil est un des meilleurs remèdes qui existe. Je remonte la couverture sur nous, le gardant bien au chaud, et je passe de longues minutes à le contempler. Je sens quelque chose bouger, et je sursaute, mettant quelques secondes à réaliser où je suis, et ce qui se passe. Heureusement, je reconnais vite mon protégé, et je souris en l’entendant murmurer mon prénom. Il se glisse contre moi, posant sa tête contre mon épaule, et je recommence à lui caresser doucement les cheveux. Je souris quand je le sens plus confiant, et presque joyeux.
Comme un enfant qui raconte sa journée, il se met à raconter son rêve, gentiment. Je l’écoute avec attention, hochant doucement la tête de temps en temps pour lui montrer que je le suis. Ce rêve semble avoir eu un effet impressionnant sur lui : autant avant, la découverte que Harry était mort l’avais mis plus bas que terre, autant, lui avoir parlé pendant son sommeil l’a apaisé. Et il parle de ça comme s’il l’avait croisé dans la rue la veille. Je resserre mon étreinte quand il commence à évoquer l’idée d’y retourner, au paradis, faisant un lien douloureux avec ce qu’il s’apprêtait à faire quand je l’ai arrêté. J’ai peur que cette lubie le reprenne, qu’il retente à nouveau quelque chose de dingue…
Mon prince… mon prince tu es déjà libre ici… Ici tu as Tamina, qui tient beaucoup à toi, et puis moi aussi… Je n’ai pas envie que tu me quittes !
Mais quand il me demande si lui sera un ange, je dépose un baiser dans ses cheveux, glissant un bras autour de son épaule.
Maddy… tu seras un ange magnifique. Le plus beau et le plus gentil. Tu seras l’ange le plus apprécié au paradis, je te le promets.
Accueil
