Des murs blancs relevés d’or et de rouge. Une décoration luxueuse, crieuse, tapageuse. Lyz l’aime cette chambre. Sa chambre. Leur chambre. La plus chère. Elle veut la garder. Jack le sait. Les réserves qu’elles ont gardées de leurs derniers coups s’amoindrissent, Lyz le voit bien. Elles ne tiendront pas longtemps avec ça. Jack lui a promis de trouver une solution. Elle en trouve toujours une, sa Jack, quand il s’agit de lui faire plaisir.

Evidemment le plus simple serait de prendre l’argent là où il se trouve. Mais leur fuite spectaculaire n’est pas passée inaperçue. Elles sont recherchées. Traquées. Pistées. Leur visage est encore frais sur les journaux qui relatent leurs derniers déboires avec la police. Et même si NOLA est loin de leur dernier point de chute, leur histoire est parvenue jusqu’ici.

Bien sûr la presse ne tardera pas à s’emparer d’une nouvelle affaire. Plus juteuse. Plus fraiche. Plus originale. Et elles pourront reprendre leur vie. Mais en attendant pas de casse, pas de meurtre. Rester sage. Lyz n’a rien contre ces moments de calme. Ces petits havres de tranquillité dans leur vie mouvementée. Ce petit cocon de protection illusoire autour duquel plane le doute et la menace d’être découvertes. Ces moments qu’elles passent ensemble, toutes les deux, seules, entre l’urgence de la fuite et le temps suspendu d’un répit. Elle les savoure.

Et les occupations sont nombreuses pour les deux jeunes femmes en fuite. Bien plus nombreuses que l’on pourrait le penser, enfermées dans une chambre d’hôtel. Lyz en a encore le doux souvenir, et elle sourit en regardant les draps défaits dans lesquels elle est blottie, sur le lit à baldaquins. Les draps vides. Jack n’est pas là. Jack est partie. Pas longtemps, elle le sait bien. Elle touche ses lèvres, se remémorant le doux baiser qu’elle y a déposé avant de s’éclipser acheter des cigarettes. Elle sourit. Elle aime déjà les souvenirs qu’elles ont construits ici. Et elle en voit encore beaucoup d’autres à construire. Elle veut la garder cette chambre.

Doucement la poupée se lève, emportant avec elle le drap rouge qu’elle tient d’une main. Masquant à demi son corps aux courbes parfaites. Pas par pudicité, mais parce qu’elle ne se lasse pas du contact de la soie sur sa peau. Le seul contact qu’elle lui préfère, c’est celui de la peau de Jack. S’approchant de la baie vitrée elle soulève le rideau épais qui masque la lumière du jour, espérant apercevoir sa Jack, attendant son retour.

Et puis lentement l’idée germe dans l’esprit de Lyz. Pourquoi attendre ? Pourquoi se contenter d’attendre que sa Jack la lui offre cette chambre ? Après tout c’est elle qui la veut. Elle qui veut y rester encore, malgré son prix exorbitant. La poupée aime l’idée qui prend forme et s’installe en elle. Elle va épargner à Jack la tache de trouver une solution. Cette chambre elle va la gagner elle-même. Et c’est elle qui va l’offrir à Jack. La petite poupée va couper ses fils, et s’offrir elle-même ce dont elle a envie. Après tout ce n’est pas pour ses cadeaux qu’elle l’aime. Pas seulement.

La chevelure blonde disparaît à la fenêtre tandis que le rideau retombe lourdement à sa place. Le drap reprend sa place sur le lit, jeté négligemment par la poupée qui se prépare, se vêtit, et se recoiffe. Saisissant un post-it de l’hôtel sur la table basse elle rédige une petite note à l’intention de sa Jack. Pour ne pas qu’elle s’inquiète. Pour qu’elle lui fasse confiance. Elle prend un manteau noir, léger, et elle quitte la chambre. Sa chambre. Leur chambre.

Son petit cœur bat la chamade. Elle espère qu’elle ne la croisera pas. Ca gâcherait son plan. Elle presse le pas, du haut de ses talons, les plus confortables qu’elle possède. Le dernier pan de son manteau disparaît au coin de la rue, et elle s’arrête quelques secondes pour laisser l’excitation l’envahir. Elle va agir. Elle va participer à leur histoire. Elle va écrire une page, elle aussi. Pas à l’encre rouge du sang d’une victime. En tous cas elle l’espère. Même si la froideur du métal contre sa peau est là pour la rassurer. Jack ne lui en voudra pas de le lui avoir emprunté. Et Lyz ne s’en servira probablement pas.

Les pas résonnent sur le pavé. Dimanche. Fin d’après-midi. La plupart des magasins sont fermés. C’est pour ça que Jack a du s’absenter si longtemps pour aller chercher ses précieux tubes de fumée. La jolie blonde ne croise presque personne. Tant mieux. Exactement comme elle l’avait espéré. La satisfaction vient se mêler à son excitation tandis que ses pas la rapprochent de sa cible. Un magasin d’antiquités qu’elle avait aperçu de loin lorsqu’elles avaient franchi les portes de la ville et rejoint la chambre. Sa chambre. Leur chambre.

Un petit magasin qui ne paie pas de mine. Mais la blonde a repéré à l’intérieur quelques objets qui ont l’air facilement revendables pour un prix intéressant. La sécurité du magasin est peu évoluée. Pas de grille pour en protéger l’accès. Il lui sera facile d’y pénétrer. Elle espère juste qu’il n’y a pas d’alarme directement reliée au commissariat. Tirant une épingle à cheveux de son chignon elle ouvre la porte, jetant un dernier coup d’œil pour s’assurer que personne ne passe à ce moment-là. L’adrénaline et l’excitation se mêlent en un cocktail de bien-être dans ses veines et la poupée sourit.

Une fois à l’intérieur Lyz referme la porte. La jolie blonde se sent dans un rêve, dans un film, ou l’un de ces livres romantiques. Elle va ramener de quoi payer leurs prochains jours dans la chambre. Sa chambre. Leur chambre. La notion de malhonnêteté ne la frôle même pas. Elle ne voit que la beauté du geste qu’elle s’apprête à faire pour sa Jack. S’enfonçant dans la boutique afin de se dissimuler aux regards des éventuels passants, elle observe les objets entassés. Pots, tableaux, argenterie, livres, bijoux… Lyz réfléchit. Elle ne veut pas faire d’erreur. Elle veut être parfaite. Pour Elle. Sa Jack. Elle élimine d’office les tableaux. Coûteux, mais trop difficile à revendre.

La petite tête blonde est l’objet d’une succession d’idées, de réflexions, de décisions et de changements d’avis. Trop de choses, pas assez. Elle ne parvient pas à se décider. La place qu’elle a dans son sac est limitée, et son temps également. Elle finit par se décider sur un instrument de musique. Une flûte traversière. Facile à transporter, et qui peut rapporter facilement. Alors qu’elle la glisse dans son sac elle entend un bruit. Le cœur de la petite Lyz rate un battement. Elle s’immobilise, puis se retourne en se baissant pour se dissimuler derrière une étagère. Elle espère que l’intrus ne l’a pas vue. Elle se maudit tout à coup d’avoir cette idée, et en même temps l’excitation du danger imminent la transporte.

Elle n’a pas peur, pas vraiment. Amusée, elle joue à cache-cache entre les meubles, perchée sur ses orteils pour empêcher ses talons de claquer sur le sol. Elle est attentive. Aux objets qui l’entourent pour ne pas en faire tomber un. Ne pas révéler sa présence. Elle est concentrée. Sur l’intrus. Elle tente d’en épier les mouvements, de l’entendre se déplacer. Elle sait qu’il y a quelqu’un. Elle en est certaine. Retenant son souffle la petite poupée se déplace vers un coin de la petite boutique, dans l’intention de revenir par le côté vers l’entrée, prenant à revers l’intrus. La main est posée sur l’arme. Prête à s’en servir si il le faut.

Petit à petit la jeune voleuse avait évolué… Elle qui se satisfaisait encore de vols à l’arrachée il y a de cela quelques semaines avait découvert une activité bien plus intéressante que ce soit sur le plan financier où bien en terme d’apport en adrénaline, soit les deux raisons pour lesquelles elle s’est tournée vers cette voie là… Alors certes elle n’est pas dans le besoin financièrement parlant mais l’argent semble avoir une place primordiale dans son existence… Comme si tout tournait autour de cela au fond… La plupart des gens censés trouveront ça bien triste tandis que d’autres jalouseront sa capacité à se procurer les biens d’autrui avec une pareille dextérité…

Cela dit si elle avait pu travailler dans la solitude la plus totale lorsqu’elle se contentait de défausser les biens d’autrui dans la rue, cela était nettement plus compliqué avec les casses qu’elle comptait entreprendre. Il fallait plus d’organisation, il fallait prévoir le déroulement des choses et ne rien laisser au hasard dans la mesure du possible. Mais au fond tout cela plaisait réellement à Sana et elle n’hésitait pas à demander à ses connaissances des astuces et autres afin de parfaire son art du cambriolage.

Elle avait récemment entendu parler d’une boutique dans le French quarter qui revendait des reliques et autres objets précieux. Il semblerait que la boutique ait actuellement en stock plusieurs objets assez onéreux et Alesana comptait bien y faire un petit tour lorsque le propriétaire n’y sera plus.

Deux jours avant la date prévue pour réaliser son casse, elle s’était rendue dans la boutique en repérage et avait prit quelques photos en toute discrétion. Elle était même parvenue à dérober un petit objet sans que le vieil homme à la caisse ne s’en aperçoive.

Ayant pu observer la localisation des objets qu’elle convoitait et ayant également repéré l’emplacement des différents systèmes de protection, elle était fin prête à passer à l’action et elle comptait tout prévoir pour que dans deux jours son plan se déroule sans le moindre souci.

Presque 48h plus tard il était désormais tant de se préparer sans oublier le moindre objet dont elle pourrait avoir besoin. Une paire de gants en cuir, son couteau, son sac a dos et un masque de clown pour ne pas être repérée par les caméras de sécurité.

Elle approcha de la boutique et à sa grande surprise elle surprit un homme à la carrure imposante qui semblait être à la recherche de quelque chose ou de quelqu’un. Vu son comportement il devait chercher une personne. Prenant le temps de réfléchir à tout ça, car mine de rien elle avait espérait pouvoir agir en toute tranquillité et c’était visiblement loupé… Prêtant d’avantage attention à ce qui se passait dans le commerce, elle remarqua la présence d’une jeune femme qui tentait tant bien que mal d’échapper à la vigilance de l’homme. Nul doute qu’il devait s’agir d’une voleuse et l’homme semblait vouloir l’en empêcher.

Il n’y avait aucun doute à avoir désormais et Sana comptait bien voler au secours de sa « collègue »…

Décidant de passer par la porte de secours histoire de ne pas se faire prendre, elle arriva directement dans l'arrière salle et jeta un rapide coup d’œil dans la salle mais ne parvenait pas à voir la jeune femme... Elle était probablement parti se cacher dans une autre pièce et il fallait la retrouver...

C'est ainsi qu'elle longea discrètement le mur de la pièce principale sans faire le moindre bruit et trouva une porte qu'elle ouvrit très lentement... A sa grande surprise ce n'était pas une mais deux jeunes femmes qui se tenaient derrière et elle constatait qu'une arme était braquée sur elle... Elle venait à leur secours et voilà comment elle était remerciée. Ça lui apprendra à faire preuve de bonté pour une fois !

Elle lèvera ses deux mains à la hauteur de son visage pour prouver qu'elle n'était pas une ennemie et leur chuchota :

Je ne suis pas là pour vous nuire mais pour vous aider... Faites-moi le plaisir de baisser cette arme et je m'occuperais de tout !

Une fois cela dit, il était temps de passer aux choses sérieuses...S’approchant donc discrètement de l’homme, elle dégaina son couteau et plaça la lame juste sous sa gorge.

A votre place je ne tenterais pas de jouer le héros…  Faites un geste déplacé et vous n’aurez plus jamais à vous soucier du prénom de vos futurs enfants si vous voyez où je veux en venir !

Elle demanda à l’homme de s’asseoir sur une chaise et s’apprêter à demander à aux deux jeunes femmes de se montrer.

Vous pouvez sortir de votre planque maintenant ! Toi la blonde viens donc m'aider à l'attacher à la chaise.

S’intéressant désormais à la jeune brune, elle lui lança :

Quant à toi assures toi que personne ne rentre... Il ne faudrait pas qu'on se fasse remarquer dans ces conditions...*dit-elle d'un ton qui se voulait ironique*

Il n’était pas question de laisser quoi que ce soit au hasard et cet homme allait en faire les frais… Enfin à priori il devrait pouvoir rester en vie… Espérons-le pour lui !

Bon vous êtes qui et vous faites quoi ici au juste ? *demanda t-elle à l'homme qui semblait pour le moins paniqué par la tournure des événements... Il était mal tombé ça c'est clair...*

Je suis John Hellberg... Le fils du gérant de cette boutique... Si vous voulez prendre un objet prenez le mais je vous en supplie ne me faites rien !

Le toisant de bas en haut, Alesana ne comptait pas le tuer mais pourquoi pas mêler l'utile à l'agréable en le prenant en otage afin d'obtenir une caution !

Elle se tournera ensuite vers la brunette et lui demandera :

Et vous d'ailleurs... Vous êtes venues dérober quelque chose j'imagine ?

Une main se pose soudain sur la bouche de Lyz. Une main qu’elle connait si bien. L’odeur de Jack vient chatouiller les narines de la jolie blonde. Une odeur épicée, de peau, de sueur, et de tabac froid. Une odeur qu’elle ne se lassera jamais de respirer. L’excitation du danger d’être découverte et la surprise de retrouver Jack la grisent. Presque aussitôt elle sent la deuxième main qui vient se poser sur l’arme. Lyz sourit sous les doigts de sa Jack. Elle n’aurait pas tiré.

La voix de sa sauveuse vient murmurer à son oreille. Quelques mots, pas plus. Rien d’inutile, de superflu. Rien d’autre que le nécessaire. Lyz ne sent pas le moindre soulagement dans la voix de Jack. Pas le moindre petit énervement de la voir en danger. Jack est froide, concentrée, presque professionnelle. Lyz est déçue. Elle s’attendait à plus d’émotions, un soulagement de voir qu’elle va bien.

La petite poupée suit l’ombre qui l’entraîne loin du danger, sans rien dire. Un peu déçue, tout en étant soulagée d’être sous la protection de sa Jack. L’excitation du danger amoindrie par la présence de sa Jack qui de nouveau va tout régler pour elle. Mais en même temps le plaisir de la voir agir pour elles, prendre leur vie en main. La moue qui apparaît sur la bouche de Lyz est à l’image de ce qu’elle ressent. Partagée et contrastée.

La porte se referme sur elles en silence et Lyz ouvre la bouche pour faire une réflexion à celle qui se fond dans l’obscurité. Mais la bouche qui s’agite déjà est interrompue par le rai de lumière qui se fait plus large, éclairant le visage de sa bien-aimée. Le cœur de la petite poupée s’arrête quelques secondes. Elle voit l’arme désormais dans les mains de sa tueuse se lever et venir s’immobiliser à la hauteur d’un visage.

La chevelure blonde vole dans les airs tandis que les yeux viennent se poser sur le visage inconnu qui se tient au bout de l’arme. Une jeune femme. Le cœur de Lyz reprend du service. Un peu plus rapide peut-être. Elle ne leur veut pas de mal. A en croire ses paroles elle leur veut même du bien. La poupée est amusée. Deux femmes rien que pour la protéger, elle. Elle sourit en observant la réaction de sa protectrice officielle.

Alors que leur sauveuse se dirige avec discrétion et efficacité vers l’homme qui les menace, Lyz saisit le poignet de sa brune et approche ses lèvres de son cou. Embrassant la peau tendre de Jack elle lui murmure tendrement de laisser faire, et de faire confiance pour une fois. Elle entend la voix féminine s’adresser à l’homme avec fermeté. Lyz sourit.

Tu vois ?

Faisant glisser ses lèvres vers celles de Jack, elle lui donne un rapide baiser avant de rejoindre l’inconnue, entraînant Jack avec elle. Lyz sourit en entendant la jeune femme s’adresser à elle. Elle lâche la main de Jack pour s’exécuter, lui adressant un dernier regard rassurant avant de s’éloigner d’elle.

La poupée regarde autour d’elle, cherchant des yeux quelque chose qu’elle pourrait utiliser pour attacher l’homme déjà tétanisé sur la chaise. Son regard s’arrête sur des ceintures en cuir rangées dans un panier. Elle s’en empare et vient s’agenouiller près de la chaise. Les mains de la jolie blonde s’activent et bientôt l’homme ne peut plus se dégager. Elle se relève et recule un peu, observant l’interrogatoire.

Lyz prend un air franchement amusé en entendant la fille s’adresser à sa Jack. Ce qu’elles font là ? Ca l’amuserait beaucoup d’entendre la version de sa bienaimée. Lyz la regarde en souriant, près de l’entrée du magasin. Elle attend. Après tout ce n’est pas à Lyz qu’elle a posé la question c’est à Jack. Alors elle laisse Jack répondre, gardant ses lèvres closes, jusqu’à ce qu’on l’interpelle.

Je voulais juste récupérer quelques objets à revendre. Pour payer la chambre.

La blonde a des airs d’enfants pris en faute. A la fois fière de son idée, et qui sait qu’elle n’aurait pas dû. Elle regarde Jack, du coin de l’œil, comme pour vérifier si elle lui pardonne son imprudence.

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