Encore une journée qui avait semblé juste interminable ; une journée dans la peau de Zéèv et Skyler songeait sans cesse à sa vie d’avant, cette vie où il avait été heureux avec sa femme et son bambin qu’il ne verrait pas grandir. Ils étaient loin de lui et il était seul dans cette ville. Seul ? Plus tout à fait, habité par Yaâqov ; Skyler avait trouvé un ami qui était loin d’être un ange. Poussant la porte de son appartement minable qui avait des allures de déchetterie. Pourquoi devrait-il ranger ? Il s’en fichait complètement, il n’y avait plus qu’une chose qui puisse lui apporter un brin de plaisir. Bien sur, il aurait pu se réfugier dans d’autres merdes ; il avait testé la débauche mais ce n’était pas un envol comparable… Il avait besoin d’ailes.

Tirant le tiroir du meuble de la cuisine, décollant avec minutie le socle sur lequel reposaient des couverts et sous lequel il allait retrouver un simple petit colis qui faisait son bonheur. Stupéfaction que de constater que celui-ci n’était tout simplement pas à sa place. Retournant le tiroir qui tombait au sol sans douceur. Respirant calmement avant de se mettre à fouiller le vaisselier en vain. La panique commentait à le prendre à la gorge, jetant les verres au sol pour calmer ses nerfs avant de se mettre à chercher dans un autre endroit. Il passait de longues minutes à retourner l’appartement avant de se servir un bon verre de Whisky la main tremblante sous l’effet de l’anxiété et du manque. Puis il continuait à chercher, poussant des injures à tout bout de champs, la moitié de la bouteille venait d’y passer. Au bord de la crise de nerfs ; il savait que c’était trop tard pour contacter son dealer et qui plus est il avait dépensé énormément d’agent pour ce colis. Comment celui avait-il pu disparaître ? Il sentait qu’il devenait fou…

Transpirant à grosses gouttes ; Skyler tremblait de tout son corps et son cœur accélérait à un point qu’il sentait qu’il allait mourir. Il en avait besoin, maintenant. Retournant dans la cuisine, il constatait alors que sa bouteille été elle aussi portée disparue. Plaquant ses mains sur ses tempes ; il ne comprenait pas ce qu’il se passait… La gorge serrée, les larmes aux bords des yeux ; le monde s’écroulait autour de lui et bientôt se sera son tour de tomber. Le bruit d’un verre brisé, il se précipitait dans la salle de bain et découvrait sa bouteille brisée au sol fixant les débris sans comprendre comment celle-ci avait pu arriver jusque là. Se posant face au miroir, fixant son reflet quand tout à coup il vit l’image d’une gamine qui devait avoir l’âge de son fils. Reculant assez brutalement alors que cette fille le fixait ; encore une putain d’hallucination… Après le blondinet qui lui parlait en hébreux, maintenant il y avait cette gamine ? Ça ne cessera donc jamais ? « Foutez-moi la paix… Foutez-moi la paix… » Suppliait-il sans trop savoir à qui il s’adressait ; il lui fallait sa dose… Maintenant. C’est alors que son regard azuré se posa sur le bac à douche où il vit son colis qui était… Noyé… « Non… Non ! Non ! Non ! » Se précipitant pour le reculer, l’enroulant dans une serviette de bain, tremblant de tout son corps ; respirant de plus en plus vite ; le chauffeur de taxi était anéanti, retenant tant bien que mal ses larmes « Comment ça a pu arriver ? … Je ne comprends pas… »

Il ressemblait à un ami à Papa. Ses souvenirs n’étaient pas assez clairs et nets pour en être certaine mais c’était la seule piste qu’elle avait. Alors elle l’avait suivi jusque chez lui, et avait recommencé le jour d’après et encore après, surveillant ses moindres mouvements, tous les faits et gestes qui pourraient lui donner des indices sur qui il était. Evidemment, il ne la voyait pas non plus, comme tous les autres, alors elle pouvait passer et repasser dans son appartement incognito. Et elle avait vu ce qu’il faisait tout le temps, elle l’avait remarqué : l’alcool, l’opium. Il ne pouvait continuer sur cette voie, ce n’était pas sain, Papa lui avait parlé des dangers à son frère et elle avait compris que c’était mal. Alors elle avait regardé ce qu’il faisait, observé où il rangeait ses affaires. Et puis elle avait gentiment attendu qu’il ne soit plus là pour le prendre, après avoir eu des difficultés à s’emparer de l’objet. Son cauchemar l’empêchait de prendre des choses dans ses mains et parfois lui autorisait à le faire. Après quelque tentatives, le petit paquet se trouvait en ses mains, et elle ne sut quoi en faire. Tout d’abord, elle le cacha sous le lit, puis finalement se fit qu’elle devrait le jeter, mais quelqu’un pourrait le trouver et en profiter. Non, il fallait détruire cette substance.

En recherche d’une idée, elle avait tout versé dans l’eau. Il ne pourrait plus la renifler ainsi, c’était fini, il n’aurait rien ! Entendant le jeu de clés dans la porte de l’appartement, la petite fille s’enfuit de la salle de bain, se mettant en quête d’autre chose à faire. Non, elle allait l’observer, pour voir sa réaction, car c’était pour son bien. Son papa serait fier qu’elle aide un de ses amis ! Il n’avait pas l’air content, et c’était normal. L’opium rendait dépendant, il devait faire attention ! Elianor n’en avait jamais vu de sa vie et ne pouvait se douter que cette poudre blanche était de la drogue mais passons là-dessus, les effets néfastes avaient été parfaitement compris pour sa part, et il n’était pas question qu’il se détruise le corps.

« Non, vous ne toucherez pas à ça ! »

Même s’il ne l’entendrait pas, la petite fille avait profité de l’occasion pour se ruer sur la bouteille délaissée par son propriétaire pour s’en emparer. Ce fut le même combat que pour le sachet d’opium, il lui fallait avoir la volonté de s’en emparer avant de pouvoir le prendre entre ses mains. Une sensation des plus étranges qui cependant allait porter ses fruits. La bouteille entre les mains, elle se rua dans la cuisine pour la vider dans l’évier et l’abandonna là. Vide de tout son contenu pendant que l’homme devenait fou. N’hésitant pas à revenir vers lui, il la vit, à travers le reflet du miroir, seulement une pirouette de sa part la fit disparaître de son champ de vision. L’enfant ne voulait pas être vu, même si lui semblait plutôt devenir fou qu’autre chose. Il perdait toute raison de vivre, obsédé par ce sachet de poudre abandonné dans la salle de bain. Déjà, il le ressortait du liquide, ce qui ne fut pas au goût d’Elianor qui se hâta de l’empêcher de reprendre son bien, tirant sur la serviette pour l’arrêter dans son élan. L’enfant ne se laisserait pas faire, il était encore temps pour lui de reprendre le chemin de la guérison. Ce qu’il faisait était mal, très mal, et Elianor ferait tout pour l’arrêter, même jusqu’à le rendre fou.

« Il faut vous arrêter tout de suite Monsieur, vous allez vous tuer. »

Que dirait Papa s’il savait pour ami ? Ah ça non il ne serait pas du tout content ! Alors il allait aller mieux et très vite, foi d’Elianor !

Qu’est-ce qu’il se passait ? Skyler ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Etait-il devenu fou pour de bon ? Tremblant de tout son être ; il avait besoin de ça. Le chauffeur de taxi avait peur, il était terrifié par ce qu’il était en train de se passer. Il n’était pas capable d’expliquer les événements qui se déroulaient. La disparition de sa bouteille et de sa drogue. Comment c’était possible ? Est-ce qu’il avait perdu la raison ? Puis il eut le visage de cette petite fille dans le miroir, une faculté qu’il avait de voir les esprits dans les reflets et même parfois de les entendre depuis qu’il était hanté par Yaâqov. Il se sentait abandonné, seul au monde et incompris. Se jetant sur sa drogue qui avait pris l’eau, il n’avait pas même de sèche cheveux pour espérer en sauver ce qui n’avait pas été dilué. Attrapant une serviette, mais celle-ci volait, arrivant en plein sur son visage, le faisant basculer en arrière jusqu’à tomber sur son arrière train ; la sensation d’avoir fait la chute depuis le haut d’un immeuble de dix étages ; son regard se perdait alors que lointainement une voix enfantine lui disait d’arrêter. Passant sa main sur son visage blafard ; il se sentait tellement mal…

Le colis était sur le carrelage, son état était lamentable mais au moins il ne prenait plus de bain. Se relevant avec bien des peines ; il ôtait sa chemise avant d’ouvrir les robinets de l’évier, ses mains sous l’eau froide en recueillaient avant d’envoyer cette eau sur son visage baignant de sueur. Laissant l’eau couler sur son torse, la tête plongée dans l’évier puis quand il se redressait enfin il la vit de nouveau dans le miroir ; penché à le regarder intriguée l’air de se demander ce qu’il était en train de faire. Sursautant brutalement, regardant derrière lui ; plongeant son regard dans celui de l’esprit sans pour autant la voir. Ses yeux se mirent alors à la chercher ; elle n’était pas là. Il devenait fou c’était certain. « Ok… » Soufflant lentement, il se tournait vers son colis, du moins ce qui en restait ; se penchant pour le saisir avant de prendre ses jambes à son cou en direction du salon comme si… Quelque chose le poursuivait. Un drap au sol et il trébuchait, le paquet lui fille entre les doigts et éclate sur le sol. Son visage se crispe, c’était trop dur… Les larmes coule sur son visage, il était absolument pitoyable.

Il devait se ressaisir. C’est à quatre pattes qu’il progresse vers la poudre éparpillée, qu’est-ce qu’il pouvait y arriver de pire à présent ? Tout était renversé, quel gaspillage… « Tout ça c’est dans ta tête mon vieux, il n’y a pas d’enfant qui hante cet appartement. Il faut dormir… Dormir… » Oui dormir, partir dans ce putain de monde fabuleux où il ne fait plus mal, plus honte, plus triste ; quelle météo de rêve. Sa tête heurte le sol, il sanglote encore. Le dépressif en avait assez de vivre, sa vie d’avant lui manquait bien trop. Il voulait retrouver sa femme ; il voulait retrouver sa vie ou il voulait mourir parce que cette nouvelle vie ne lui convenait pas. Skyler voulait dormir pour toujours. « Je veux mourir… Je veux mourir… » Sanglotait-il dans son désespoir le plus absolu, perdant toute raison. Il était près à se planter un couteau dans le cœur lui-même ce soir là, de toute façon il n’en restait plus grand-chose.

Elle était triste pour lui, triste pour cet état effroyable dont l’enfant vivait la scène. Il ne lui était pas supportable qu’un grand homme comme lui ne veuille pas vivre et se laisse tuer petit à petit. Ce n’était pas juste, il méritait de se relever et de tenir bon. Ce n’était pas ce qu’elle voulait. L’empêcher de prendre sa drogue aurait dû avoir un autre effet que le voir pleurer comme un enfant. Il avait besoin d’aide et Elianor ne pouvait rien faire pour lui. Il ne l’entendait pas, comment pouvait-il avoir conscience que quelqu’un était là pour l’aider, à ses côtés ? Elianor ne voulait pas qu’il pleure, mais ne pouvait empêcher cela d’arriver alors courut chercher un mouchoir qu’elle déposa à ses côtés. Tranquillement, elle le regardait, et parfois, il lui semblait qu’il la voyait, à travers les miroirs. Comment c’était étrange n’est-ce pas ? Devait-elle se montrer ou au contraire ne rien faire et attendre ? Il ne fallait pas qu’il reste tout seul, il pouvait faire des bêtises en tous genres. Quand Maman pleurait, elle voulait rester seule et quand elle ressortait de cette pièce d’où toutes les larmes de son corps avaient coulées, Elianor voyait bien que rien ne s’était arrangé pour autant. Quand elle était triste, elle cherchait du réconfort, quelqu’un pour la consoler. Alors peut-être que s’occuper de cet homme lui redonnerait le sourire ? La petite fille courut dans la chambre, d’où elle tira une couverture vers elle, la plia soigneusement et la porta jusque dans la pièce où Zéèv se trouvait. Elle déposa la couverture sur lui tant bien que mal.

« Pourquoi tu es tout triste ? Pourquoi tu fais ça ? »

Parce qu’elle ne comprenait pas ce qui pouvait lui passer par la tête, parce qu’elle voulait l’aider quoi qu’il en dise ou fasse, parce qu’au fond, Maman lui avait toujours dit de venir en aide aux plus démunis quoi qu’il arrive. C’était ainsi qu’on l’avait éduqué, à être une fille parfaite, et devenir une femme de maison. Sauf qu’elle n’avait pas conscience actuellement que jamais elle ne pourrait devenir une femme, jamais. Il était trop tard pour ça. En attendant, elle voulait aider cet homme que la vie avait décidé d’être dure avec lui, elle voulait être présente pour lui et le réconforter. Il ne la voyait pas, ni ne l’entendait, cependant elle demeurait là, devant lui. Eut envie d’élaborer une autre petite idée qu’elle avait dans la tête, celle de lui faire une bonne tasse de thé chaud. Cela faisait toujours bien, et après, s’il ne se relevait pas, elle essaierait de le tirer jusque dans sa chambre. C’était toujours mieux que de dormir par terre quand même sauf qu’elle n’avait pas assez de force et que personne ne semblait présent pour l’aider. Et puis, déjà que porter des objets lui semblait incroyablement lourd et difficile, il n’était peut-être une bonne idée de se charger de le porter lui. Et bien, les choses viendraient à lui, nananère ! Se ruant dans la cuisine, elle chercha une casserole, et tenta de faire fonctionner les plaques électriques. Sauf que, dans cette cuisine étrange, elle ne savait pas qu’il fallait tourner le bouton et ne trouva même pas de gazinière. Tant pis pour le thé, d’ailleurs, il ne semblait pas en avoir dans tous les sortes de placards étranges qu’elle ouvrit. Il y avait de nombreuses boîtes avec des images de gâteaux, ça n’allait pas lui être utile ça. Alors elle revint dans la pièce de cet homme, et s’assit à côté de lui, attendant patiemment qu’il cesse de pleurer, parce que mine de rien, ça la rendait bien triste de le voir dans cet état.

Il se sentait si fragile, si étrange ; Pourquoi tous ces événements s’acharnaient sur lui ? Une petite fille chez lui, invisible. Il hallucinait, il était donc fou à lier. Il craquait, il ne voulait pas être fou, il ne voulait pas être interné dans un asile et défoncé aux neuroleptiques en attendant la mort. Il voulait mourir maintenant. Il se mit à pleurer, tremblant de manque. Il était un homme brisé. C’est alors que quelque chose se posait sur lui, une couverture ; se redressant brusquement, assit au sol les joues noyées de larmes. Cherchant du regard qui avait fait cela, parcouru d’un frisson glacial. Une voix dans les airs lui posait alors deux questions, plaquant ses mains sur ses oreilles. Il n’était pas fou ! Oh qu’il pouvait l’entendre, mais il refusait de l’admettre. Resserrant la couverture autour de lui avant de se traîner jusqu’au mur contre lequel il s’adossait. Entendant du bruit dans la cuisine, est-ce qu’il y avait un voleur ici ? Peut-être, c’était bien plus probable que la présence d’un fantôme chez lui. Recroquevillait dans son coin, pleurant toutes les larmes de son corps. Puis se fut de nouveau silencieux.

Il était glacé à présent. C’était drôle, mais il avait le sentiment que quelqu’un était là, dans cet appartement. C’était peu rassurant… Se calmant peu à peu tant bien que mal ; passant ses doigts sur ses joues pour chasser cette eau saline. Repliant les jambes contre son torse. « J’ai tout perdu… Même la raison… » Soufflait-il dépité. Peut-être ferait-il mieux de s’achever tout de suite, de prendre le couteau dans le tiroir de la cuisine ou le flingue planqué sous son matelas pour achever ses pauvres jours qui lui restaient. Fini la souffrance. Il rêvait de mort alors qu’à cet instant des milliers de gens suppliaient la vie. Mais lui, il n’avait plus de vie à laquelle s’accrocher. Mais la force, le courage lui manquait. Il n’avait plus le courage de se relever, alors doucement sa tête se posait contre le mur derrière son dos, fixant le vide ses yeux rougis de désespoir. « Tu es là ? Je… Je parle seul… Est-ce que je suis fou ? » Il parlait dans le vide, tremblant de tout son corps. Il voulait sa drogue, il en avait besoin. Pourquoi est-ce que l’on voudrait l’en empêcher ? Est-ce qu’il était en train de revers ? Non, il hallucinait complètement, il était fou ; il n’était plus que l’ombre de lui-même. Un toxicomane. Oh non, jamais plus il ne rentrerait chez lui. Il n’était plus de même homme, jamais plus il ne toucherait sa femme. D’ailleurs, il ne savait pas lui-même s’il en était encore amoureux. Il s’accrochait au passé parce que c’était tout ce qui lui restait, il avait oublié comme il était agréable de se réveiller à ses cotés, comme il était doux d’entendre son rire… Il avait oublié… Le visage de son enfant qu’il ne verra pas grandir… Ses traits lui semblaient lointains… Il parlait seul parce qu’il était seul.

« Laissez moi mourir, je suis épuisé de me battre en vain… Laissez moi, personne n’y verra rien… » Priait-il sans savoir pourquoi, peut-être parce que pour une fois il disait ce qu’il ressentait, ce qu’il pensait. Il parlait au vide, mais qu’importe… Il ne voyait pas cette petite fille, mais il ressentait sa présence. Son enfant, ô elle créait un tel sentiment de manque, de vide en lui… Il avait si froid.