1982
« Quel âge as-tu, Liam ? »Le psychologue se comportait de façon à rassurer un gamin qui le dévisageait. Celui-ci semblait attendre quelque chose, et le craindre. Comme rien ne se passait, il répondit enfin.
« -
Huit ans.-
Oh tu es un grand garçon. Je parie que tu n'as peur de rien.-
De rien. Sauf des monstres. »
A ces mots, l'enfant observa la pièce, sans oublier derrière lui. Puis il revint à l'homme qu'il ne lâchait pas des yeux.
« Tu vois des monstres ? »On lui avait dit de tout raconter, mais il avait tellement l'habitude qu'on le réprimande qu'il ne préférait pas trop s'avancer. Pourtant, le médecin l'encouragea à poursuivre. Liam regarda autour de lui : ses parents n'étaient pas présents, restés dans la salle d'attente, ni sa petite sœur.
« Ils sont pas beaux, ils ont plein de sang sur eux ! Même qu'ils sont méchants. Mais ils sont transformés en nous, alors personne les voit. »Le dernier qu'il avait vu ressemblait à une femme. Seulement, elle était trempée, avait les yeux rouges et de l'hémoglobine dégoulinait le long de ses bras. Elle lui avait adressé un sourire effrayant avant qu'elle ne disparaisse à travers les traits d'une jeune femme anodine. Il avait hurlé. S'était réfugié auprès de sa mère en affirmant que la dame allait le tuer. Une claque de son père stoppa la scène. Mais Liam surveillait toujours l'apparente demoiselle. Sa sœur était venue lui prendre la main et il lui avait juré de la protéger.
« -
Pourquoi tu les reconnais, toi ?-
J'ai peut-être des yeux de super-héros. Tu me crois ? Papa et maman disent que ça existent pas, ils veulent pas me croire que je vois les monstres.-
Je te crois, mais on va trouver un moyen pour que les monstres ne t'ennuient plus. Pense qu'ils n'existent pas, ça t'aidera. »
1982, plusieurs mois plus tard
Il trouvait l'homme gentil au début. Rigolo même. Ses playmobiles ! Dire qu'il avait partagé ses playmobiles avec un monstre ! Il était fou de rage. Il aurait dû le voir plus tôt. Ses parents ne le croyaient pas une nouvelle fois, l'avaient puni. Siobhán avait pleuré et papa l'avait encore plus rouspété. En parallèle, le monstre continuait de faire celui qui ne comprenait pas. Ses parents lui avaient expliqué, gênés, que leur fils suivait un traitement depuis plusieurs mois, mais des crises se manifestaient encore parfois. Qu'il ne devait pas le prendre mal. Liam savait qu'il ne devrait plus voir les monstres. C'était mal. C'était comme s'il en était un aussi. Ce n'était pas normal.
Puni dans sa chambre, l'enfant balançait ses jouets du pied quand la porte grinça. Lui. Le faux humain avança vers lui, l'innocence couvrant ses traits. Le garçon recula.
« Pourquoi tu as peur de moi ? »L'homme semblait réellement curieux de la réponse. Liam le fixa quelques instants, méfiant et en colère.
« -
Parce que... t'es un monstre. Avoue !-
Je crois que tu as trop d'imagination, Liam.-
JE MENS PAS ! », hurla-t-il en jetant une petite voiture contre un mur.
Il en avait marre qu'on le traite de menteur. On lui avait appris que mentir ne se faisait pas. Il n'était pas lâche, alors il ne mentait pas. L'ami de la famille suivit le jeu du regard, interloqué.
« Je ne dis pas que tu mens. », répondit-il finalement d'un ton calme avant de s'accroupir devant la gamin.
« Pour toi, c'est peut-être vrai, mais tu es grand, tu dois vivre dans le monde réel. Si tu t'obstines, c'est toi qu'on va prendre pour un monstre. On risque de t'enfermer. »Les paroles démontraient de la bienveillance, et surtout de la fermeté. Faire peur au petit pour qu'il cesse ses bêtises. Il fallait étouffer un don si dangereux.
« M'enfermer ? »L'hyper-actif ne voulait certainement pas se retrouver reclus. L'interrogé acquiesça de la tête, d'un air faussement triste. Liam l'examinait, mais rien ne se passa. Plus rien d'anormal.
« Tes parents et ta petite sœur seraient plus heureux si tu arrêtais de leur faire peur. » Il se releva et tendit une main vers le garçon.
« Prêt pour le dessert ? »Sans bouger, l'intéressé réfléchit, puis opina du chef. Il suivit le faux monstre en silence. Sans attraper la main tendue.
1989
Son sac de boxe sur l'épaule, Liam passa la porte d'entrée. L'entraînement s'était mal passé : les rumeurs circulaient et les adolescents avaient bien sûr pris un malin plaisir à le provoquer à leur sujet. Résultat, les assauts étaient devenus plus agressifs que nécessaire. L'irlandais avait passé la fin de la séance sur le banc. Autant dire qu'il avait une humeur de chien. L'énorme œil au beurre noir qu'allait ramener Kyle à l'école le lendemain l'emplissait cependant de satisfaction. Il comptait monter directement dans sa chambre, mais sa mère contrecarra ses plans.
« Liam ? »Il souffla.
« Ouais. »« -
Viens dans le salon.-
J'ai des devoirs à faire, 'man. », maugréa-t-il.
En réalité, il ne tenait pas à les faire. Depuis qu'ils avaient appris que sa petite amie était enceinte, ses parents en avaient sans cesse après lui. Cela faisait deux semaines qu'ils le harcelaient pour qu'il rende visite à ses « beaux-parents ». Néanmoins ceux-ci avaient décidé que leur fille ne le fréquenterait plus et, si avant ils ne l'appréciaient tout simplement pas, à présent ils le haïssaient.
« Tu les feras après, viens. »S'il ne fallait surtout pas tenir tête au paternel, on ne discutait pas plus avec la mère. L'ado laissa tomber son sac avant de se diriger vers le salon. Son père siégeait dans le fauteuil, impassible. Pourtant, ce visage fermé cachait une réprobation sans mesure, il le savait bien. Son fils avait à peine mis un pied dans la pièce que sa mère entama les hostilités.
« -
Tu as été les voir ? -
Ils veulent pas.-
As-tu fait un effort au moins ?, interrogea monsieur Hewson, sourcils froncés.
-
J'ai essayé plusieurs fois, ils m'écoutent même pas ! Ils me claquent la porte au nez et ce que dit Elaine change rien. Ils la surveillent pour qu'elle ait plus de contact avec moi, ces...-
Ton vocabulaire.-
Désolé, 'man. Mais ils m'énervent. Ils me détestent et ils veulent qu'Elaine aussi, me déteste. Je fais comment ? »
Dans ces circonstances, comment assumait-il ses conneries ? Ses parents avaient beau lui répéter qu'il n'avait pas le droit de laisser la jeune fille subir la situation seule, ses parents à elle ne le permettaient pas. L'inimité avait évolué sans mesure. Elaine et lui ne se voyaient plus qu'à l'école, où ils n'avaient pas vraiment la paix non plus. Depuis la découverte de sa grossesse, tout allait de travers. Le patriarche prit la parole :
« Les parents d'Elaine nous ont appelé pour demander que tu arrêtes de les ennuyer et de détruire la vie de leur fille. Et ils ne l'ont pas dit de façon aussi calme, tu imagines bien. Nous te croyons. La situation étant ce qu'elle est, ta mère et moi avons pris une décision, Liam. Puisque tu ne peux pas assumer tes responsabilités, tu vas t'éloigner de NOLA. Je n'aime pas le tournant que tu prends, mon garçon, tu subis une mauvaise influence. Mon cousin, Ryan, va te recadrer en Irlande. Tu partiras après Noël. »Les décisions parentales restaient sans appel. Inutile de protester, ça ne ferait qu'aggraver son cas.
« -
Combien de temps ?-
Le temps nécessaire. »
1999
« Tu es bien pensif depuis quelques jours. »Sa femme s'assit à côté de lui dans le canapé, lança un regard vers la télévision allumée puis vers le visage de Liam. Aucun doute, il ne regardait pas l'émission de sport qui était en train de passer. Et pour qu'il ne prête pas attention aux résultats du football américain, quelque chose le tracassait sérieusement.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? »L'homme l'observa d'abord sans un mot, hésitant. Il n'était pas pressé de révéler le sujet de ses pensées. Mais il devait le faire. Deux ans qu'ils étaient mariés, s'il attendait plus longtemps, la réaction serait pire. L'horreur serait qu'elle l'apprenne de quelqu'un d'autre.
« Ça ne va pas te plaire, chérie. »L'expression de l'intéressée se modifia. En silence pour inviter à poursuivre sans attendre.
« -
J'ai un enfant. En dehors de Tristan, je veux dire.-
Je crois comprendre ce que tu veux dire, répondit-elle froidement allié à un mouvement de recul,
Depuis quand est-ce que tu me trompes ?-
Quoi ? Non ! Enfin je te trompe pas !-
Et tu l'as eu comment, ton gamin, dis-moi ? Elle t'a violé ? »
Sarcastique, comme à chaque fois qu'elle était en colère. Le champion de boxe, 1m89, tout en muscles, être mis à terre par une donzelle en manque, la vision choc. Sienna se leva, suivie par son mari qui eut la mauvaise idée de poser une main sur son bras.
« Ne me touche pas ! »La main fut brusquement écartée et des yeux sombres foudroyèrent le géant.
« Écoute-moi, bon sang ! »Son haussement de voix fit sursauter le bébé, qui venait de fêter ses deux ans, occupé à jouer avec ses blocs en bois à côté. Ses pleurs résonnèrent dans la pièce, sa mère gifla son père avant d'aller le rassurer. Liam maîtrisa sa voix pour ajouter :
« Je vois personne d'autre, Sienna. Si tu me laissais parler, tu saurais que le gamin à 10 ans. On se connaissait pas il y a dix ans aux dernières nouvelles. »La jeune femme afficha une expression de franche surprise avant de répliquer.
« T'as de ces entrées en matière en même temps ! Et je suis quand même en colère, Hewson ! C'est une info que j'aurais voulu apprendre avant de me laisser passer la bague au doigt, tu vois. Maintenant, tu m'expliques. »Ce soir-là, Liam dormit sur le canapé. Cependant la discussion avait conduit à une décision, soutenue étrangement par son épouse : il devait retrouver l'orphelin.
1999, trois semaines plus tard
Le soir tombait sur la Nouvelle-Orléans quand Liam gara la voiture devant la maison de ses parents. Cela faisait plusieurs semaines que sa femme avait appris la nouvelle de sa première paternité. Elle ne l'obligeait plus à dormir dans le salon, mais elle ne lui pardonnait pas pour autant.
Il était revenu d'Irlande à dix-sept ans, alors qu'Elaine avait abandonné anonymement le bébé dans un orphelinat. Il n'avait eu aucun mot à dire, sinon adieu. A l'époque, l'adolescent n'était pas prêt à retrouver un gamin dont il ne saurait quoi faire. Il avait poursuivi sa vie sans penser que cet épisode viendrait le déranger des années plus tard. Il avait une femme, un fils, un métier... Son existence s'était posée, il était adulte, alors sans doute était-il temps qu'il prenne certaines responsabilités en main. Son paternel lui ferait sans doute remarquer qu'il s'y prenait tard.
Les murs de la maison laissèrent échapper un cri aigu. Puis un autre.
« Prend Tristan, allez dans la voiture. »L'enfant quitta les bras de son père pour rejoindre ceux de sa mère. Le premier entra en trombe dans la demeure, vola de pièce en pièce jusqu'à découvrir une scène horrible. Un homme découpait le visage de Siobhán ; une joue était déjà ouverte sur la largeur, révélant une chair noyée par le sang et les larmes. Ligotée sur la chaise d'à côté, leur mère avait subi le même traitement. Sauf que l'agresseur n'avait pas été interrompu. Inconsciente, sa tête tombait lâchement sur sa poitrine.
Un coup de poing envoya le psychopathe à terre, qui lâcha le couteau dans sa chute. Liam se jeta sur lui pour le tabasser. Alors qu'il l'assommait de coups, le déséquilibré planta soudainement la lame dans sa cuisse, sans qu'il n'ait vu comment il avait pu la récupérer. L'agresseur en profita pour reprendre le dessus.
« Ttt, ne bouge pas. Si tu te laisses faire, je ne tuerais pas ta mère ni ta sœur. »Il lui sourit. Un sourire effrayant. Un sourire sadique. Un sourire inhumain. Ce phénomène que Liam refoulait depuis des années se manifesta violemment, douloureusement pour briser les barrières qui l'emprisonnaient depuis son enfance. Comme un instinct de survie qui se réveillait en force ; vois ce que tu dois combattre. L'apparence du monstre lui écorcha les yeux. Leurs fronts se cognèrent, suffisamment fort pour que ce dernier lâche prise. Ils se retrouvèrent face à face, mais bien vite un objet assomma l'humain.
Il se réveilla à l'hôpital. Il apprit que sa mère était morte, que la police était arrivée peut-être à temps pour sauver Siobhán. Quant à lui, il avait hérité de coupures plus ou moins profondes aux mêmes endroits que celles de sa sœur, qui lui légueront des cicatrices, fines avec le temps mais toujours visibles. Son père lui avouera avoir vu le meurtrier user de télékinésie. Il était prêt à croire son fils, lui-même abandonnant l'idée d'être fou.
Les médecins sauvèrent Siobhán. Elle ne supporta néanmoins pas les conséquences de ses blessures. Elle ne supporta pas plus l'expérience qu'elle avait vécue. Quatre mois plus tard, elle se suicidait.
2006
Un entrepôt abandonné à la sortie de la ville constituait un endroit idéal pour séquestrer quelqu'un. Liam avait suspendu le dénommé Adam par les poignets le temps de lui poser quelques questions. Adam n'était pas ce qu'il semblait être. Créature sous de faux traits ou esprit ayant pris possession de l'homme – une personne lui avait un jour parlé de cette hypothèse, l'irlandais ne connaissait la vérité mais ça ne l'empêcherait pas de poursuivre sa vendetta. Celle-ci avait commencé il y avait près de sept ans, suite à l'assassinat de sa mère et le meurtre indirect de sa sœur. Depuis cette année-là, il n'étouffait plus cette étrange capacité à repérer ces monstruosités. Au contraire, il en tirait avantage. Il les détectait, les kidnappait, les interrogeait puis les tuait. Quand ils ne lui laissaient pas le choix, les deuxième et troisième étapes étaient passées. Ils étaient rarement coopératifs.
Un regard suffit à confirmer que c'était Sean, son père, qui les rejoignait. Arrivé à leur hauteur, celui-ci entama immédiatement les hostilités.
« -
As-tu des informations sur John Sheppard ?-
Vous lui voulez quoi, à ce type ?-
Répond.-
Si j'en avais, j'ai aucune raison de vous les donner. »
Le poing du jeune Hewson s'abattit sur la mâchoire de l'insolent.
« En voici une bonne : sinon tu crèves. »Les propos déclenchèrent un rire franc.
« Très drôle. Vraiment très drôle ! »Sean adressa un signe de tête à son fils, qui sortit un poignard. En silence, il s'approcha d'Adam et enfonça la lame dans son épaule.
« Toujours rien à dire ? Je suis sûr que vous vous connaissez. Lui découpe ses victimes, toi tu en bouffes... Quelles parties tu lui demandes ? »Il n'avait pas lâché l'arme, le remuant dans la plaie pour accentuer la douleur. Dans ces circonstances, il ne ressemblait plus à l'homme que l'on connaissait. Les années l'avaient changé. Cependant il tenait à offrir une vie correcte à sa famille. Voilà pourquoi il y avait deux versions de Liam Hewson.
« Tue-moi. »La lame fut retirée du corps, des regards s'échangèrent. Enfin le souhait fut exaucé. Père et fils s'enfermèrent dans un mutisme dont ils avaient appris la signification. Un moyen de communication plus usité que la parole. Alors que le poignard était essuyé sur les habits du mort, il s'envola et perça le cœur du vieil homme. Trop rapidement. Impossible de contrer un ennemi invisible. Ils n'étaient pas préparés à ça. Liam s'élança auprès de son paternel. Il eut beau déloger le couteau et appuyer sur la blessure pour arrêter l'hémorragie, c'était trop tard. Il hurla.
Au même instant, une voiture de police se garait devant le bâtiment.
[...]
Sienna ouvrit les yeux. Dans l'obscurité, elle discerna une silhouette appuyée contre le chambranle de la porte de sa chambre. Elle resserra son étreinte autour de son fils.
« -
Tu n'aurais pas dû revenir.-
Je voulais vous dire au revoir. »
Liam s'avança dans la pièce, face à quoi son épouse se redressa et le prévint :
« -
N'approche pas.-
Tu sais que je ne vous ferais jamais rien.-
C'est ce que tu as dit aussi à Sean ?-
Je ne l'ai pas tué.-
Si tu avances, je hurle. »
Heureusement qu'il avait troqué son t-shirt imbibé de sang contre un propre. Il en restait des traces sur ses bras et son visage, mais la nuit les masquait. Il avait réussi à fuir les policiers venus sans savoir réellement ce qu'ils allaient trouver. Néanmoins, ils l'avaient vu. Ils devaient être à sa recherche. Il n'avait plus d'autre choix que de se planquer.
Tristan se réveilla et, à moitié endormi, questionna sa mère avant de voir son père.
« -
Papa, tu étais où ? Qu'est-ce qu'il se passe ?-
Je dois partir.-
Quoi ? Mais je veux pas que tu partes !-
Je n'ai pas envie non plus, Tristan. Promet-moi de veiller sur maman.-
Tu reviens quand ?-
Je ne reviendrais pas. Mais vous, vous pourrez peut-être me rejoindre plus tard.-
Non, coupa-t-elle. »
Les regards de l'homme et du garçon se tournèrent en même temps vers la responsable d'un jamais. Elle ajouta :
« Tu ne nies même pas. Comment veux-tu que j'accepte ? »L'élan de l'enfant pour approcher son père fut interrompu par Sienna. Des larmes jaillirent, bientôt soutenues par des sanglots.
« Maman ! Je veux faire un câlin à papa. S'il-te-plaît, maman. »Elle le tenait dans ses bras, le retenant, défendant du regard Liam d'approcher.
« Va-t-en. Tout de suite. »Et il s'en alla. Deux semaines passèrent avant qu'Adam, ou l'esprit qui possédait Adam, ne le retrouve et lui fasse subir le même sort que son père. En pratique, cela donna cinq lames transperçant sa poitrine.
2006, après la mort
L’Enfer. La juste place d'un meurtrier. Liam avait perdu la foi il y avait bien longtemps, mais de toute façon, la réalité était au-delà de tout ce que ses anciennes croyances prétendaient. Les religions ne signifiaient rien dans le monde d'en bas. Les rites, c'était les litanies douloureuses accompagnant les spectacles horrifiques devant l'autel du chaos. Voici les seules offrandes pratiquées. L'ordre chaotique n'avait cependant rien à voir avec l'indiscipline et l'insolence.
Le récent mort parcourait la cité du Tartare, accablé par le poids d'une vie réclamant réparation. Les cris déchiraient l'obscurité, celle-ci régulièrement illuminée par des jets de lave. Il saisissait parfaitement que, dorénavant, la mort n'était plus la menace ultime. Les personnes qui hurlaient avait déjà souhaité au moins milles fois la mort. Une mort définitive ; une disparition complète. Le goût des cendres envahissait déjà sa bouche.
« Suis-nous. »Deux esprits lui barraient la route, impérieux. Ils n'étaient pas comme ceux qu'il avait croisés jusque là. Ils n'étaient pas terrifiés, ils ne regardaient pas derrière eux, ils n'étaient pas perdus. Il en avait vus dépecer une femme et même ceux-là ne paraissaient pas aussi calmes. Liam déglutit, réflexe devenu inutile mais qui prouvait que son humanité n'avait pas encore déserté.
« Pourquoi ? »Sur la défensive, il savait pourtant au plus profond de lui-même qu'il serait forcé de les suivre. Au plus il les observait, au plus il comprenait que se battre ne l'épargnerait pas. Pourtant, il n'était pas prêt à se rendre de son plein gré à l'abattoir.
« -
Obéis.-
Non. »
Mauvaise réponse. L'affrontement se termina quand ils réussirent à l'immobiliser. Un sac fut mis sur sa tête et on l'emmena loin à travers les terres infernales.
Quand on le lui ôta, il était attaché par des chaînes. La pièce était vide hormis une table sur laquelle était étalée divers instruments. Un seul homme lui faisait face. Celui-ci choisit un scalpel avant de s'approcher du rebaptisé Scáth.
« Sois heureux car tu as été choisi. »Le disciple de Belaam lui adressait un sourire lorsqu'il commença à lui ouvrir le thorax. Un geste précis et rapide dû à l'expérience. Réitéré plusieurs fois pour assurer une ouverture jusqu'à la cage.
« Je place de grands espoirs en toi, Scáth. Il ne faudrait pas que tu me déçoives. Mais d'abord, jetons un œil là-dedans. »Tranquillement, le bourreau alla déposer la lame pour revenir avec un étau.
Liam se joignait enfin aux litanies.