26 février 2014.
Je n' irais jamais mettre les pieds sur sa tombe. Qu' il pourrisse six pieds sous terre seul et bouffé par les vers les insectes. C'est là la véritable place de la pourriture après tout. Qui ça? Mon père. Jakob Baudelaire. Jake pour les intimes. Sauf que lui et moi on a toujours été tout sauf intime. J' étais ici pour venir sur la tombe d' Ava Charlotte Baudelaire. Ma petite soeur. Mon bébé que je n'ai pas su protéger. Je ne vous parlerais pas de ma mère. Cette lâche a fui mon père et sa violence en nous laissant Ava et moi à sa merci. Livrées en pâture au plus dangereux des alligators de cette ville qu' était mon géniteur. Oh elle est en vie elle . Ailleurs à élever heureuse une autre famille loin de la Nouvelle Orléans. Je suppose car c'est ce qu' on ma dit. Dans mon esprit elle est morte de la pire des manières. Je me souviens d'elle pourtant. Elle était belle, très belle. Elle arborait fièrement ses origines caribéennes. Sa famille lui avait portant dit de ne pas épouser ce Jakob. Il faut dire qu ' ils se méfiaient de ce blanc issu d' une vieille famille de la Nouvelle Orléans aux origines françaises. Un juif de surcroit. Pour lui, ma mère avait renié sa famille et s' était convertie au judaisme. Et elle lui a donné deux filles. Chacune portant un nom qui rendait hommage à une femme célèbre pour sa beauté ET une femme célèbre pour son intelligence. Je dois mon nom à l' actrice Norma Jean Mortenson,aka Marilyn Monroe, et à l' écrivain Agatha Christie. Quand à ma soeur elle devait le sien à Ava Gardner et Charlotte Brontë. Quand je pense au temps qu' ils ont passé à chercher nos noms pour leur délire, ils auraient plutôt dû le réserver pour suivre une thérapie. Enfin surtout lui. Ca nous aurait évité à Ava et moi, toutes ses années de douleurs physiques et psychologiques qu' il nous infligeait.
J'ai grandi. Ava n'a pas pu. Elle est morte, elle ne lui a pas survécue. Oh il ne l'a pas assassinée. Il ne lui a pas mis cette corde autour du cou. Mais c'est lui qui a implanté en elle cette détresse, ce désespoir, cette terreur de vivre à ces côtés. Personne ne l'a protégée, personne ne nous a protégé. Aurais-je pu sauver ma soeur? J'avais 13 ans quand elle est morte. Et elle n'en avait que 12. Un an nous séparait et pourtant elle était mon bébé. Vous l'auriez vue. Si frêle, si douce. Et elle était sourde. Piégée avec notre père, piégée dans un silence constant. Elle a toujours été prisonnière de la vie et je n'avait pas la clé pour l'en libérer. Alors elle a lâché prise. Elle a renoncer à survivre. Mais pas moi. Je voulais vivre autant qu' il paie. Alors j'ai tué mon père. Pour lui je n'ai pas choisi la corde. Je l'ai poussé du haut de la balustrade de chez nous. Son corps s'est effondré au rez de chaussée. Un accident selon la police. Ce n' était pas un accident quand je l'ai regardé en bas, mort. J'avais 14 ans et j' étais libérée de lui. On m'a mis bien sûr en famille d' accueil ensuite. Pas longtemps, me faisant émanciper à 16 ans. Ma vie ensuite a été bien moins chaotique que mon enfance. Pas idyllique, juste ordinaire. J'ai bien sûr ce poids sur la conscience. Mais je n'avais pas le choix. Je n'ai pas de regrets mais des remords. Pour ma soeur. Et puis cette rage qui me ronge de l' intérieur. Je sais ce dont je suis capable et j'ai peur. Peur de mes potentiels actes. Peur que le fantôme du croque mitaine de mon enfance revienne demander des comptes. Peur que le monstre tapi en moi ne se révèle un jour ou qu' il attire vers moi les plus sombres des âmes tel le chant d' une sirène. Parce que peut être qu'au fond je suis pire que mon père. Parce que peut être qu' il a formé malgré lui son héritière.

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