Reagan est né dans une famille modeste de Bâton Rouge. Ses parents n'étaient ni membres du Congrés, ni Sénateurs, mais d'ambitieux avocats aux aspirations aussi variées les unes que les autres. Ils avaient connu le racisme, l'époque où l'on obligeait les noirs à rester debout dans les bus pour que les blancs puissent s'asseoir, les manifestations de Martin Luther King. Ils avaient vécu la mort de ce dernier comme une véritable tragédie au sein de leur foyer, comme si c'était leur frère, leur père qui mourrait ce 4 Avril 1968. Ils avaient connu la colère, la rage de ne pas être considérés comme des êtres humains à part entière. Et c'était tout ce qu'ils n'avaient pas voulu pour leur fils. Ils s'étaient battus pour qu'il puisse avoir les mêmes droits que ces blancs qui ne valaient pas mieux qu'eux. Ces fainéants qui n'avaient jamais vraiment eu à se battre pour qu'on les reconnaissent réellement. Et ils ne voulaient pas de ça pour Reagan. Ce nom avec cette ambition politique déterminerait durant toute son enfance les aspirations de ses parents à son sujet. Ils voulaient qu'il ait une vie de rêve, une vie digne du président lui-même. Une enfance heureuse, gâtée, avec tout ce qu'il désirait. Une enfance de fils unique, dans une famille quelque peu étouffante mais attachante, qui lui enseigna des valeurs essentielles. Se battre pour obtenir ce qu'il voulait, se démener pour vivre comme il l'entendait et ne jamais, jamais se rabaisser.

Les années passèrent, l'adolescence le frappa de plein fouet. Il était joueur, collectionneur, charmeur et plutôt bon élève. Intelligent, sans conteste, cela ne le dispensa cependant pas de se confronter aux difficultés d'un Lycée où le maître mot semblait être « hiérarchie ». Les vestiges des années de haine raciale précédentes n'avaient pas disparus complètement et il se retrouva au bas de l'échelle sociale, le sale noir qu'il était. Pourtant cela ne l'empêcha pas de charmer avec son caractère facile et bon enfant et finalement de devenir l'un des majors de promotion. Et de commencer le Lycée à son tour. Et l'université commença.

Il se lança à l'université de la nouvelle orléans, en option médecine, et ce fut l'occasion pour lui de découvrir un tout autre monde. Un monde empli de magie, d'occultisme et de choses toutes aussi étonnantes les unes que les autres.... Mais le revers de la médaille le surprit également. Parce que toutes ces histoires qu'il pensait fausses étaient en réalité vraies. Et le décor de son monde changea totalement.

Chapitre 2 : là où le mot destin prend un tout autre sens.

Il tenta de continuer sur sa lancée. Ne pas décevoir ses parents qui mettaient tant de volonté dans le voir réussir sa vie. Mais il avait pris goût au mysticisme qu'offrait la ville où il faisait ses études, à ces ragots qui couraient les rues. Les esprits, les médiums, la sorcellerie. Il n'avait aucun don pour percevoir les premiers, pas plus pour rejoindre les derniers. Mais pourtant tout se déclencha un jour.

Il traversait la rue en direction de la bibliothèque dans l'optique d'aller à la bibliothèque lorsqu'il ressentit un frisson le long de son échine, l'impression d'un souffle sur sa nuque. Dans un premier temps il n'y fit pas attention, s'avançant dans l'immense bâtiment. Puis la sensation recommença une seconde fois, une troisième... Et ne cessa plus jamais par la suite. Si Syrah au départ pensait ne pas posséder le don de sensation et bien... il se trompait lourdement. L'humain qu'il était pouvait sentir la présence d'un esprit, deviner son positionnement bien qu'il soit incapable de le voir en chair et en os. Dans un premier temps, cela le paniqua réellement. Dans un second cela lui passa au-dessus de la tête. Parce qu'il avait des examens à passer. Mais les impressions se renforcèrent au cours des mois, puis des années. Il avait vingt-trois ans maintenant et ne pouvait plus ignorer ce sentiment qui le prenait à chaque fois. Il avait réussi à affiner ce don tombé du ciel mais...

Il termina sa troisième année de médecine, prévenant ses parents qu'il prenait une année sabbatique. Durant celle-ci, le jeune noir décida de voyager, d'explorer le monde. Il partit en Afrique Noire dans un premier temps, en Europe de l'Est, et se mit à faire quelques recherches sur le côté. Il savait qu'il ne pourrait pas continuer sa vie ainsi. Il sentait des choses, devinait des choses et ne parvenait plus à l'ignorer. C'est en Afrique justement qu'il obtint ses réponses. Et c'est là qu'il choisit également de tout laisser tomber après avoir signé pour une mission humanitaire. Loin de lui désormais l'Amérique capitaliste, sa nouvelle vocation était d'aider les peuples en difficultés.

Mais l'enfance gâtée ne l'avait pas préparé à la mort, la douleur et la colère. Et très vite, il fut obligé de rompre son contrat et de retourner chez lui. Hors de question seulement d'oublier ce qu'il avait vu, appris. La magie avait fait une partie intégrante de sa vie, et s'il ne pouvait la pratiquer, les séances vaudous auxquelles il avait assisté avaient attisé en lui une soif d'apprendre supplémentaire. Il avait vu le danger que ces possessions pouvaient faire lorsque pratiquées à mauvais escient. Et il fut assez étonné de trouver aussi facilement un prêtre exorciste peu orthodoxe – en même temps il était catholique – qui accepta de l'initier aux arts de l'exorcisme. Une formation longue, que ses parents ne parvinrent pas à comprendre. En même temps, lorsque votre fils devient exorciste alors qu'il était destiné à être médecin, ça vous en fout un coup, pas vrai ? De nombreuses disputes éclatèrent, mais jamais ils n'abandonnèrent leur fils et se résolurent au choix de Syrah. Après tout, il finirait bien un jour par revenir à ses bonnes idées non ?

Mais jamais Syrah ne changea son fusil d'épaule. Au contraire, il continua dans la même lignée, s'acharnant et devant un exorciste plutôt bon. Une bonne intuition, de bons réflexes, un don de sensation très développé. Cela ne l'empêcha pas de recevoir pas mal de coups au cours de diverses pratiques cependant.Parfois trop léger dans ses dosages de somnifères, parfois un peu trop tête en l'air. C'est ce qui finit par lui apprendre la rigueur qu'il applique désormais dans ses rituels. Cinq ans suffirent à le driller à cette tâche qu'était le rituel d'exorcisme. Cinq ans où il avait contemplé la douleur mais avait appris à la dompter également. Et il sut qu'il avait enfin trouvé sa voie. L'occasion d'aider les gens sans forcément devoir côtoyer la mort de trop près. Jamais il n'eut à assister à des exorcismes trop puissant. Syrah a toujours su quelles étaient ses limites. Et c'est pour cela qu'il décida que détecter les fantômes était suffisant, et qu'il ne pratiquerait des exorcismes que jusqu'au Poltergeist. Et encore s'ils se montraient un peu trop doué, l'exorciste refusait de pratiquer les rituels seul.

Il écuma les routes par la suite, voyagea de pays en pays pendant des années. Et puis l'appel de la Nouvelle Orléans fut le plus fort, spécialement lorsque la rumeur se répandit que celle-ci était assaillie sous une guerre menée par les esprits. Il ne pouvait pas laisser cette terre si magnifique se faire ravager de la sorte. Et puis un retour aux sources ne serait pas du luxe. C'est pour cette raison que de Nashville, il roula sans relâche pour rejoindre la Nouvelle Orléans dès que l'appel aux exorcistes fut lancé. New Orleans... le voila !

La nuit avait été longue, très longue. A pied dans les rues de la Nouvelle Orléans, l'exorciste n'avait cessé de chercher après ce qui continuait distinctement d'hanter les rues de la ville... Des Esprits. Les analyser, les retrouver, les suivre et surtout comprendre leur mode de fonctionnement. Et ce dans un but très simple : arriver à les chasser d'ici. Enfin c'était ce qu'on attendait d'eux. Lui personnellement n'avait pas tant envie que ça de se frotter à ceux qui pourraient potentiellement lui en faire voir de toutes les couleurs jusqu'à ce que mort s'ensuive. Au contraire, il préférait largement les observer de loin et ne pas se mêler de leurs emmerdes. Jusqu'ici ça lui avait plutôt réussi. Il se contentait des petits esprits bien mineurs – enfin entendons-nous bien, ils étaient mineurs dans le sens d'esprits pas... en dessous de dix-huit ans hein – et à la limite de Poltergeist. En dehors de cela, les rapports sur les va et vient de chacun étaient largement suffisants également. Pourquoi chercher les ennuis quand de toute manière, ils allaient venir rapidement à vous ? Parce que soyons réalistes deux minutes... les esprits pouvaient se téléporter. Lui dans le pire des cas, courir très vite.

Son regard se posa sur la jeune médium qui l'accompagnait et qui peinait encore à maîtriser son don. Cela faisait maintenant quelques semaines qu'ils bossaient ensemble et il devait avouer qu'il l'aimait bien la petite. Speed, vive d'esprit, débrouillarde, elle n'avait qu'un défaut... elle paniquait très vite. Deux en fait, parce qu'elle parlait beaucoup trop dans ce cas-là. Mais il fallait bien dire que la gamine n'était pas dénuée de bon sens et avait bien retenu la leçon : fuir le moindre esprit qui te repérerait. Sinon, se protéger. Et il cela leur avait sauvé les fesses une bonne paire de fois.

« Hé Lou. Tu les as vu les deux dans le coin ? »

« Ouaip. Aussi clairs que de l'eau de roche. Tu veux une description ? »

« Ouais... Comme ça, on note dans le rapport et on se barre. Parce que ça va finir par sentir le roussi si on traîne trop, on va se faire repérer. »

« Un grand, roux, plein de tâches de rousseurs. Approximativement un mètre quatre-vingt. Cheveux mi-longs, un nez qui rivaliserait avec Cyrano. Il a plus l'air bête que méchant, mais comme ça je dirais qu'il serait Dibbouk. L'autre est plus petit, visage mince, yeux noirs, bouche fine, nez pointu assez rondouillard. Poltergeist ou esprit mineur difficile de savoir comme ça. Il a l'air de suivre le premier. Rencontre Tic & Tac donc... Ah non ce serait nous ça. Tu sais les Rangers du risque, tout ça ?»

Un gloussement s'échappa de ses lèvres tandis qu'elle soufflait.

« On s'arrache ils arrivent.»

Ouais... C'était sérieusement une bonne idée, une très bonne. Et bien entendu, son papotage incessant dura tout le long du trajet de retour vers le siège de l'Association. Mais au moins ils avaient deux nouvelles proies sur lesquelles enquêter.