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Smells like free spirit [Jillian]

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MessageSujet: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyMar 17 Sep - 14:23

C’est le grand jour, celui que personne n’espérait. L’infirmière en chef m’avait appris lors de ma précédente visite que Jillian ne tarderait pas à sortir de l’asile. Etant une des rares personnes qui lui rendaient visite, elle m’avait demandé si quelqu’un serait présent à sa sortie. J’avais répondu par l’affirmative, prêt à la prendre sous mon aile si personne de son entourage ne se proposait ce jour là. Qui étais-je pour accomplir pareille action ? Uniquement un ami d’enfance. Sans prétention, n’attendant rien de sa part, pas même une quelconque reconnaissance. Ce jour où j’avais vu son esprit, je ne pouvais m’empêcher d’y repenser, culpabilisant de n’avoir rien pu faire pour empêcher des années de perdues. Se faire internée à cet âge là était le pire destin : sans le sou, sans aucune formation pour reprendre sa vie en main, cela revenait à sortir de prison pour reconstruire ce qui avait été détruit. Des années seraient essentielles pour que Jillian trouve sa voie dans le monde : je m’engageais pour une durée indéterminée à m’occuper d’elle. J’en avais conscience, bien que cela me soit égal : je considérais mon don de médium comme celui d’une aide à apporter aux humains.

Mon appartement soixante mètres carrés serait suffisamment pour que nous puissions y vivre à deux. Si elle voulait bien venir avec moi, une chambre l’attendrait dès son arrivée.  Je ne saurais expliquer pourquoi j’acceptais de l’accueillir chez moi, sans l’avoir vue depuis des années, était-ce une folie de ma part ? Elle pourrait combler le silence bien trop pesant dans cet appartement qui me rendait fou. Mon métier m’appelait sur le terrain en cas d’urgence, je pouvais tout aussi être absent quelques jours comme être présent durant le même temps. Je pouvais tout aussi bien voir des amis, le vide de mon appartement restait toujours aussi présent dès mon retour chez moi. J’avais effectué un peu de rangement, devant faire bonne impression. Habillé confortablement, je m’étais emparé de mon jeu de clés puis avait verrouillé la porte en quittant les lieux.
Me reconnaîtrait-elle ? Sous mon allure de jeune adulte un saillant négligé, je l’ignorais complètement. C’était une connerie de venir, une grosse erreur. Dans la voiture, je montais le volume de la radio pour laisser mon corps se faire transporter par les vibrations du son. De la techno ou du classique m’était égal, je voulais ressentir la musique à travers mon corps. Un camion manqua de m’embrocher sur la départementale : je le klaxonnais violemment pour le réveiller. Quel malade celui là ! Je cramponnais mes doigts sur le volant d’instinct, certain que je ne serai pas plus en sécurité en m’agrippant au volant. Du moins, je pouvais espérer la tranquillité de mon esprit, quoique je ne me sente pas rassuré. Allais-je parvenir en vie à l’asile ?

La nervosité s’empara de moi alors que je sortais de ma voiture, verrouillant les portières avec soin. C’était une connerie de venir, je le savais. Rebrousser chemin ? Non, un peu de courage. Je m’engageais, j’en avais conscience, j’avais pesé le pour et le contre de cette décision pour ensuite accepter de courir le risque. Que serait la vie sans un peu de piment n’est ce pas ? Les derniers pas m’amenèrent devant la porte de l’asile. Ne restait plus qu’à patienter maintenant. Huit ans avaient passé depuis cette condamnation qui avait ruinée sa vie. Je connaissais les circonstances, l’esprit n’était pourtant plus là pas vrai ? Je ne craignais donc rien, ou presque.

Mes pas m’emmènent vers le hall de l’établissement. Le blanc des murs servait uniquement à prouver la propreté des lieux et la neutralité. Lors de mes visites, j’avais fait la curieuse expérience d’un patient ne supportait aucun changement, allant jusqu’à la couleur de sa tasse de café le matin. J’espérais que Jillian ne se montrerait pas aussi difficile, me redisant une fois encore que j’étais en train de commettre une énorme erreur. Une infirmière me reconnut, m’introduisit dans son bureau pour me toucher quelques mots sur l’état de Jillian. Après autant d’années sans voir le monde extérieur, elle aurait besoin d’un certain temps de réadaptation dont le temps pouvait être variable. Egalement sous tutelle, il lui faudrait avoir un œil permanent sur elle, le temps qu’elle se reprenne en main. L’infirmière m’assura que l’asile ne l’aurait laissée sortir seule sans aucune aide. Et si personne n’était venu, comment aurait-il pu ? La question voulut s’échapper de mes lèvres mais je la retins. Surtout quand elle m’annonça que je serai son tuteur. Pardon ?!

La regardant d’un air étonné, je haussais les sourcils. Mais, j’avais le même âge qu’elle, pourquoi ne pas prendre une personne plus vieille ? Seul moyen de la faire sortir, et il suffisait d’une petite signature de ma part pour la prendre sous mon aile.
J’allais devenir le responsable juridique de Jillian. Mon Dieu. C’était comme devenir responsable d’un enfant sans y être préparé.
Je signais pourtant les documents qui assureraient la sortie de la jeune femme le temps qu’une infirmière l’amène dans le hall.
En espérant qu’elle me reconnaisse…
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyMer 18 Sep - 21:37

Dans une heure, je serais partie. A l'extérieur, hors de l'hôpital, loin de ces murs, dans les rues de la ville. Je serais sortie. Pas dans la cour ou dans le carré vert qu'ils appellent jardin, sortie pour de vrai, pour de bon. Plus de huit ans que je ne suis pas sortie. L'idée m'enchante autant qu'elle me terrifie. Depuis hier, j'oscille entre l'humeur joyeuse et les larmes. Tamsin me répète que si je montre de la volonté, tout se passera bien mais j'ai du mal à croire longtemps en ses paroles naïves. Elle a toujours été pleine d'illusions, ne voyant jamais le problème seulement quand il lui éclatait à la tronche. Sa candeur m'horripilait pendant que celle-ci lui permettait d'avoir tout le monde à ses pieds. Un sourire innocent, un regard doux, voilà qu'elle échappe au pire. Au fond, c'était une sournoise manipulatrice. L'attitude, c'est l'attitude qui compte me répète-t-elle. Tant que tu vas dans le sens des gens, ils te donneront tout ce que tu veux. Oui mais je déteste ça, en plus du fait que j'en serais incapable. Je ne mens pas, je ne fais pas la lèche-botte, je ne dirais jamais le contraire de ce que je pense. Elle me montrera, m'annonce-t-elle... C'est ça, cours toujours.

En attendant le grand départ, nous restons dans ma chambre – ma future ex-chambre. Tout est rangé, enfin tout était tout le temps rangé, plus rien ne reste de mon passage disons. Le peu qui m'appartienne gît dans mon sac. Assise en tailleur sur le lit, les coudes coincés sur mes cuisses et la tête calée dans mes mains, j'observe vaguement ce sac. Un gros sac fourre-tout sur lequel est écrit en grand « Korn », il me rappelait la vie d'avant. Avant toute cette merde dans laquelle j'étais enfouie jusqu'au cou. Est-ce que je pourrais la retrouver ? Ce ne sera pas possible, j'espère tout de même en retrouver un semblant. Des repères, ça me rassurerait. Seulement il n'y en a plus. Tout a changé. Je ne suis plus Jill' la rebelle mais Jill' la tarée.

« Jillian ? »

Une infirmière ouvre la porte. Je bondis sur mes pieds, prête à m'emparer de mon ancien cartable.

« Il n'est pas encore l'heure, nous devons d'abord te voir pour régler les derniers détails. »

Elle me sourit, un de ceux se veut rassurant et temporisant. Je ne tenais plus en place, ils le savaient très bien. Anna travaille à l'hôpital depuis que j'y suis entrée, elle me connaît bien, elle a été témoin de tous mes aléas. Je crois qu'elle était triste pour moi, même si elle considère comme tout le monde que je suis folle. Ce matin, elle m'a parlé au sujet de ma sortie ; ça n'a pas éteint mes craintes, mais ça m'a aidé d'une certaine façon. Je ne lui ai pas dit à quel point cela m'avait fait du bien. Face à ses paroles actuelles, mon visage exprime ma déception. Je relâche la sangle, puis la suit à travers les couloirs. La destination est le bureau du chef de service. Celui-ci me décrit la situation, je ne saisis pas la réalité de tout, c'est une réalité que je ne connais pas et n'ai même jamais connue. Alors je hoche la tête et prends les papiers qu'il me tend. Ce que j'ai retenu, c'est que je suis « majeure sous tutelle », quelqu'un sera donc responsable de moi et je devrais dans un premier temps revenir une fois par semaine pour une entrevue avec le psychiatre. Aussi que mes parents me verseront de l'argent tous les mois pendant un an, de quoi m'aider pour démarrer. Mon ancien compte en banque avait sans doute était vidé et fermé, je reçois une nouvelle carte et les documents qui vont avec. Je me demande ce qu'ils comptent faire de moi, mes parents. M'enfermer à la maison ? D'ailleurs, ont-ils déménagé ? Comment sont-ils maintenant ? Ils n'ont jamais accepté de me voir depuis le procès. Maintenant que je suis guérie à leurs yeux, j'imagine qu'ils viendront me chercher. Du moins, c'est un léger espoir d'enfant perdue qui sommeille en moi, couplé avec un vœu de Tamsin.

L'entretien terminé, l'annonce tant attendue et crainte arrive enfin. Je vais chercher mes affaires et l'on m'accompagne jusqu'au hall d'entrée. Sur le chemin, je tends à un infirmier la guitare qu'on m'avait permise d'utiliser. Au début, je n'avais l'autorisation de la toucher qu'après avoir eu un comportement correct, toujours accompagnée – je crois qu'ils redoutaient que je m'en serve contre les autres ou moi-même. Je n'avais que quelques notions de l'instrument à la base, j'avais eu le temps de m'améliorer bien que mon niveau reste moindre par rapport à celui que j'avais à la batterie. Une batterie dans un hôpital cela dit, ça ne le faisait pas trop. De toute manière, je ne peux plus jouer aucun des deux depuis mon accident... Je rêve ardemment du jour où ma main retrouvera ses mouvements normaux. La musique, c'est tout ce que j'avais. Je me suis plongée dans la composition, cependant quel intérêt si je ne pouvais jouer mes morceaux ? Cette incapacité me déprime. Je ne peux pas non plus maudire mon accident alors qu'il m'a libérée de lui. Je sais, Tam', on n'en parle pas, je ne vais pas plus loin.

Je coupe alors court à mes pensées, écoutant plutôt ma sœur qui m'abreuve de paroles encourageantes. Au plus nous nous approchons, au plus je ralentis mon pas néanmoins. Je tremble légèrement et mon estomac se noue de plus en plus. Ma main gauche crispée autour de la courroie du sac, l'autre glissée dans ma poche, nous arrivons finalement dans l'entrée. Je sais que nous y sommes car Anna me prévient. J'avais oublié qu'elle ressemble à ça. Je m'arrête en plein milieu et mon regard voyage sur tout, même sur les détails du décor sans intérêt. La grande porte est toute proche. Pas de traces d'un quelconque parent. Puis des pas résonnent et une infirmière et un homme apparaissent. Pas n'importe quel homme. Ce n'était pas mon père pour autant. Je savais que ça ne se produirait pas, je les détestais de toute façon. Je ne désirais que leur rendre ce qu'ils m'avaient donné, du mépris, du dégoût. Ils m'avaient laissé tombée, je n'irais pas les voir, c'était sûr et certain. Pourtant, quelque part au fond de moi, j'avais espéré. Malgré moi, constater qu'ils m'avaient définitivement rayée de leurs préoccupations me donnait envie de pleurer. Je réprimais cependant l'effet.

Hayel était la seule personne venue me rendre visite ces années. Nous étions simples amis, mais il était venu. Et là encore, il venait me faire sortir de cet endroit sordide. Pourquoi ? Je ne savais pas, j'étais juste heureuse de le voir. Cela m'apaisait un peu, moi qui pensait partir seule ou avec un inconnu. J'avais l'impression que ce serait plus facile avec lui. Il était un repère, bien que quelque peu érodé... Nous ne nous connaissons plus comme avant et quelques visites ne pouvaient pas y pallier. Il a grandi normalement, il a dû changer. Je ne veux pas qu'il me considère comme une fille inapte à s'occuper de soi, comme bizarrerie, comme... hé bien comme on pourrait voir quelqu'un qui a croupi et est devenu adulte en asile. Je ne veux pas qu'il me regarde avec pitié, crainte ou jugement. Cela me fait peur à vrai dire.

Je le regarde, silencieuse. Je suis nerveuse et angoissée, je n'écoute plus Tamsin. Elle n'a rien à dire alors qu'elle n'appréciait pas Hayel et ne se privait pas de m'en dire du mal ; évidemment, c'était un de mes amis alors elle ne lui trouvait que des défauts. J'écoute distraitement la femme avec lequel il est arrivé m'annoncer qu'il sera mon tuteur. Mes yeux, paniqués, s'échappent vers la sortie ; ça signifiait que si je faisais une gaffe, elle lui retomberait dessus aussi. Mes craintes se renforcent. Je ne veux pas qu'il voit ce que je suis devenue.

Discours de l'infirmière terminé, je m'approche doucement de lui, à quelques pas. Je lui adresse un sourire, ou une parodie de sourire. Il n'a plus rien à voir avec celui que j'affichais avant. Et puis l'angoisse n'arrange rien. J'ai envie de rester en sa présence, et de m'enfuir. Je ne prononce pas un mot. Je ne sais pas quoi dire.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyJeu 19 Sep - 11:27

Je ne m’attendais pas à devenir tuteur du jour au lendemain, responsable d’une personne qui était mon amie d’enfance. Nous n’avons même pas un mois d’écart en âge, et pourtant en signant ce morceau de papier je devenais son responsable, d’une certaine manière. Si juridiquement parlant c’était le cas, je ferai en sorte de le montrer qu’en cas d’extrême nécessité. Je ne suis pas un parent sévère ou quoi que ses parents sont. Je ne veux pas leur ressembler, même si en temps que tuteur j’ai un rôle à jouer. Tout ce que je veux c’est qu’elle sorte de l’asile une bonne fois pour toutes. Le reste arriverait en temps et en heures, rien ne pressait. Je n’étais qu’un humain à qui on collait une responsabilité de taille, ce qui impliquait un sérieux changement d’habitudes de ma part. La vie de célibataire m’offrait la possibilité d’avoir un certain laisser-aller apparent, chose maintenant impossible, Jillian venant vivre à la maison j’allais devoir revoir certaines bases de ma vie. Je ne doutais pas d’y arriver, il faudrait aussi qu’elle comprenne que j’avais des horaires de travail irréguliers. En espérant qu’elle n’était pas réglée comme une horloge sur les habitudes ou elle allait avoir beaucoup de mal avec la vie. Pensant déjà à la logistique alors que je ne l’avais pas encore vue, l’infirmière me fit sortir de la pièce et m’accompagna pendant qu’une de ces homologues faisait de même avec Jillian. Désormais face à face, je scrutais ses réactions avec minutie. Allait-elle accepter de venir avec moi ? Je pouvais tout aussi bien l’effrayer. J’avais radicalement changé depuis le secondaire, tout comme elle. Pour ma part, je m’y étais fait d’une certaine manière. Avoir survécu à une possession, je ne pouvais imaginer les dommages causés sur l’esprit en lui-même. Retrouver son identité n’était pas une mince affaire. Mon regard se posa sur elle, puis je brisais le silence qui nous traversait depuis que nous étions face à face.

« Bonjour Jillian »

Ma main se tendit, voulant prendre son sac pour le porter à sa place. Fait soi-disant en voie de disparition, je savais faire preuve de galanterie quoi qu’on pense des hommes de nos jours. Que l’on colle une étiquette générale m’exaspérait. Je ne voulais forcer Jillian à rien pour le moment, le tout était de se sentir en confiance avec moi. Si ce n’était pas le cas, il était préférable que nous annulions le tutorat entre nous. Je ne suis pas un mauvais gars qui profite des personnes, je veux faire bien et dans les règles voilà tout. J’ignore tout de ses réactions, il ne m’est pas facile d’imaginer ce qu’elle est devenue. Possédée et dans sa chambre, je la voyais d’une certaine manière, maintenant je la voyais encore autrement puisqu’elle ne l’était plus dorénavant. Tout avait changé, et il appartenait à Jillian de décider de son avenir. Venir avec moi ou rester ici. Les infirmières ne la lâcheraient certainement dans la nature après tout ce qu’elle avait vécu, ce serait du suicide.

« On y va ? »

Je lui proposais de partir. S’en aller, quitter ses locaux définitivement. Ce n’était pas une farce, mais la réalité. Tu es libre Jillian, vraiment libre. Je n’ai pas l’orgueil de dire que c’est grâce à moi. Je l’aurais fait pour n’importe quel ami qui aurait eu besoin d’aide. Elle en avait besoin et j’avais accepté de la soutenir dans cette étape difficile de sa vie. J’espérais qu’un jour elle puisse prendre son envol, faire ce qu’elle voudrait, autonome et heureuse. C’était mon seul but, les seules choses que je souhaitais pour elle. Je l’épaulerai si elle le voulait. Uniquement suivant son bon vouloir. Pas le mien, pas celui des autres. Le sien. J’ignorais les traitements infligés à l’asile, ou du bien en avait une petite idée. Je tairais ce genre de choses. Aujourd’hui, cela s’appelait le passé. Demain serait bien mieux.
Et le présent décidait de son avenir. Son choix. Par cette simple question, je lui demandais si elle voulait partir ou rester, si elle était prête à me suivre ou rester dans un lieu familier.
Son désir.
J'attendis patiemment un signe. Un geste, un mot. Un signal.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyJeu 19 Sep - 14:19

Je n'arrive pas à croire que c'est Hayel face à moi. Lui qui était un de mes meilleurs amis est dorénavant un étranger. Je ne l'aurais sans doute pas reconnu s'il ne m'avait pas rendu quelques visites ces dernières années. Il aurait pu me tourner le dos comme les autres l'avaient fait. Et s'il venait pour s'assurer que je ne mettrais pas un pied dehors ? Est-ce qu'il craignait que je recommence ? A délirer, à péter les plombs, à torturer quelqu'un... Ce n'est pas moi la responsable de ces actes, seulement personne ne le croit. Intérieurement, ce que je ne révélerais jamais à quiconque, j'ai peur que l'esprit avait raison : que c'était au fond de moi et qu'il avait ressorti le pire de mon âme. J'ai beau affirmer que je n'aurais jamais fait ces horreurs à personne, pourtant je n'ai pas réussi à l'arrêter. J'ai regardé ce qu'il infligeait à Tamsin et je n'ai rien fait. Je n'avais pas la possibilité d'agir, il m'avait enfermé dans un rôle passif. Je ne pouvais rien faire ; je m'accrochais à cette pensée. Hayel ne sait pas ce qu'il s'était passé, il me prend pour une folle psychopathe comme les autres. La différence est qu'il n'a pas coupé entièrement les ponts. Je ne sais pas pourquoi. Une foule de sentiments me traverse. Neuf ans plus tôt, j'aurais sûrement sauté dans ses bras. Maintenant je reste à distance, paré d'un regard méfiant. Le semblant de sourire que je lui adresse n'enlève pas la crainte de mes yeux. Ce visage représente alors bien le paradoxe que je ressens.

Il me salue et tend une main. Conservant mon silence, j'observe sa main qui s'approche de moi. Que veut-il faire ? Je n'en ai aucune idée. Mes jambes me font reculer d'un pas. Il y a un type interné qui s'amuse à serrer la main des gens soit-disant pour leur dire bonjour à longueur de temps, sauf que sa poigne se renforce et il prend son pied à broyer la main des gens. A force, il n'y avait plus que les nouveaux qui se faisaient avoir. Mon ami d'enfance me demande si je suis prête à partir. Face à cette question la surprise. Oui, il est bien mon tuteur, il veut m'emmener. Je tourne la tête vers la sortie et la panique me submerge. Le regard de retour vers lui, j'acquiesce d'abord de la tête. Tamsin peste de devoir le suivre, mais je ne l'écoute pas. Mes doigts grattent la lanière du sac en un geste nerveux. Avant il ne prononçait jamais un mot et voilà qu'il parle plus que moi. Ça me fait toujours aussi bizarre d'entendre le son de sa voix, même si j'ai déjà eu quelques aperçus lors de ses visites. J'articule finalement un :

« Oui, s'il-te-plaît. »

Je ne veux pas qu'il doute et se dise qu'il vaudrait mieux me laisser. Je ne veux pas qu'il m'abandonne, je ne suis pas sûre d'avoir le courage d'aller dehors seule. Il attend que je sois prête, moi le seul moyen que je trouve pour l'être est de lui prendre la main. Celle-ci, tremblotante, quitte ainsi mon épaule pour se loger dans la sienne. Avec ce contact, j'ai l'impression que ce sera plus facile. Les infirmières nous disent au revoir.

« Au revoir. Monsieur Blackson, n'hésitez pas à appeler au besoin. » Anna ajoute : « Prend soin de toi Jillian. »

Je l'observe un instant avant de bafouiller d'une petite voix :

« Au revoir. »

Je suis contente de ne plus dépendre d'infirmiers, pourtant ne plus la voir me déstabilisera. Il est temps de partir, il le faut avant que je ne fasse une crise d'angoisse. Je serre légèrement la main d'Hayel et je lui souffle :

« On peut y aller. »
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyJeu 19 Sep - 21:41

J’aurais sans doute du m’exprimer en tendant ma main vers elle. A la place, je l’effrayais, la faisant reculer. Merde. Je ramène cette même main vers moi. Tant pis, je n’aurais pas du me montrer aussi avenant. La prochaine fois, je saurais. Je la regarde, l’observe. Qu’ai-je fait de mal pour qu’elle prenne du recul comme ça ? Ce n’était qu’une main tendue pour prendre son sac, rien de plus.
Sa peur mise à part, la jeune femme murmurent ses premiers mots depuis que nous sommes face à face. Elle veut bien venir avec moi. Fausse alerte, elle est d’accord pour partir en ma compagnie. Je ne veux pas la forcer.
Finalement, elle finit par s’emparer de cette même main que j’ai rangée dans mon coin. Surprise. Sans doute a-t-elle besoin de se sentir rassurée. Je ne sais pas ce qu’elle a en tête, elle me parait à la fois familière et complètement étrangère. Mais j’ai accepté tout de même, je ne reviendrais pas sur ma décision de m’occuper d’elle. L’infirmière nous fait signe d’au revoir, ajouta les dernières recommandations. Jill était prête, il n’y a plus rien qui ne nous retenait.

Appelez au besoin ? Ce ne sera pas nécessaire. Maintenant que Jillian était sous ma protection, j’allais en prendre soin. Je ne la laisserai pas retourner là-bas, du moins je l’espérais en tous cas. Désormais guérie, je ne voulais pas la voir repartir là-bas. C’était maintenant terminé, ce chapitre de sa vie se refermait pour en écrire un autre. Pour faire plaisir aux infirmières, je hochais la tête.
Jillian m’annonça qu’elle était prête à partir. Le signal était donné pour sortir de l’endroit. Tenant toujours sa main, je poussais la porte de l’asile. Le vent frais me chatouilla les narines, signal que la liberté était là. Le monde s’offrait à nouveau à Jillian. Tout ira bien, je te lâcherai pas d’une semelle. Je marche au rythme de la jeune femme, la guidant vers l’emplacement de ma voiture. Il y a un peu de chemin jusque chez moi, nous pourrions peut être un peu discuter tous les deux, hormis si le silence s’empare de l’ambiance entre nous.

« Est-ce que tu as faim ? S’il y a un endroit où tu aimerais manger, ou quelque chose que tu voudrais faire avant de rentrer, dis le moi »

Je ne veux pas m’imposer trop violemment, ignorant complètement comment la jeune femme pourrait réagir si je me montrais trop brusque ou pressé. Aujourd’hui, libre à elle de faire selon ses envies ; je ne l’obligerai en rien. J’ai pris mon jour de congé exprès pour m’occuper d’elle, ainsi que les deux prochains qui suivront et le week-end, ce qui fera cinq jours pour l’habituer à son nouveau logis. Je me ferai également à sa présence dans les lieux… avoir une colocataire n’est pas pareil que vivre seul dans son antre de célibataire… Il y a que j’accueille Jillian chez moi, mais que j’ignore tout d’elle : ses goûts, ses habitudes… qui dit si nous allons nous supporter ensemble ? Je l’ignore complètement. J’ai sauté dans l’inconnu, d’un bond. Maintenant, bien que je connaisse la ligne directrice, j’ignore complètement où je vais atterrir. Je ne suis pas effrayé pour autant. A ne jamais prendre de risques, la vie devient ennuyante et banale, autant la pimenter un peu. C’est comme un défi, savoir si je serai capable un jour de me montrer plus sociable que je le suis actuellement.
Je n’ai pas forcément choisi la bonne personne pour le devenir je crois…
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptySam 21 Sep - 16:40

Il ne me rejette pas. Il aurait toutes les raisons de le faire pourtant. Il paraît juste surpris, peut-être un peu troublé, mais rien ne trahit de la peur ou du dégoût. Je ne sais pas comment il fait, cependant je ne m'en plaindrais pas. On salue le personnel ; je ne dis pas « adieu » parce que je reviens dans une semaine. C'est le deal : je sors à condition qu'ils me suivent encore. Plusieurs heures une fois par semaine, ce n'est vraiment rien comparé à y passer sa vie. Peut-être que ça me rassurera dans un premier temps. Pas de rupture trop brutale. La perspective de vivre en dehors me semble toutefois moins terrifiante maintenant que je sais qu'Hayel sera présent. Il ne me laissera pas tomber, son attitude le prouve. J'espère, en tout cas, qu'il ne changera pas d'avis en réalisant que sa pote s'est à moitié faite bouffer. J'aimerais redevenir la Jill' de l'époque, à voir si c'était possible. De toute manière, je ne pourrais jamais oublier, ni me pardonner. J'aurais toujours ce poids sur la conscience, même si Tamsin, elle, m'a pardonnée. Elle est bien trop gentille. Est-ce qu'Hayel pourra se montrer aussi laxiste ? Je ferais tout pour qu'il ne me voit pas comme un monstre.

Plus rien à faire ici, il entame le pas, que je suis. Il ouvre la porte, le vent s'engouffre, fait danser mes cheveux, puis retombe. Agrippée à Hayel, je franchis le seuil. Dans un premier temps, je m'arrête et contemple la vue. Il fait beau et clair. Pas clair comme les pièces de l'hôpital grâce aux néons. La lumière est chaude, elle me réchauffe de l'intérieur. Après que mes yeux se soient habitués, elle n'est plus agressive. Aussi douce que l'air est vivant. Son contact contre ma peau est complètement différent, il me donne des frissons. Je respire l'air de l'extérieur et je ne suis plus derrière la vitre pour voir le paysage. Il n'y a plus de barreaux pour gâcher la vue. Un énorme sourire déforme mon visage alors que je reprends la marche. Tamsin me signale qu'aucun nuage ne cache le soleil ; c'est à cet instant précis que je me sens le plus libre et surtout libérée. Il est parti, plus de danger. Je suis Hayel et des larmes silencieuses commencent à couler sur mes joues.

Il me demande ce que je veux faire. Un endroit où manger, un lieu où je veux me rendre... Je lui dis et il exaucera mon souhait. Je peux aller où je veux. C'est à moi de choisir, et il ne me donne aucune restriction. J'ai du mal à le croire. Je n'ai pas décidé de mes repas pendant huit ans, à peine de mes activités. Mes voyages ne duraient que quelques mètres. Destinations principales : chambre, salle commune, réfectoire, bureau du psychiatre. Je finis par pleurer franchement.

« C'est vrai ? Je peux choisir ? »

Entre incrédulité et joie, effarement et émerveillement. Ma main se détache de la sienne tandis que je sors la droite de ma poche, puis je les porte devant moi, paumes vers le ciel. Une brise commençait, je la sens ainsi passer sur mes mains. Je pleure toujours, mais le sourire n'est jamais loin.

« J'aimerais... manger un hamburger. » Je ris à travers les larmes. « Tu sais, là où on allait souvent. La première fois on croyait que c'était dégueulasse et puis, on a quand même testé et c'était les meilleurs hamburgers qu'on ait jamais mangés. »

Je repense à cette soirée mémorable. Il était deux heures du matin, on avait quelques verres dans le nez et on crevait de faim. La façade du snack ne donnait vraiment pas envie d'y entrer, mais on avait la flemme d'en chercher un autre. Mon sourire s'efface quand je demande, sérieuse :

« On n'est pas obligé d'y aller. Tu as une autre idée ? »

Je ne veux pas imposer mon choix, je n'ai pas le droit. En plus, il va déjà me supporter, je ne veux pas être une charge. Je serais la plus transparente possible.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptySam 21 Sep - 19:39

Je la guidais tranquillement jusqu’à la voiture, l’observant retrouver le goût de la liberté. Des années dans ce blanc insupportable, elle devait apprécier l’intensité du soleil. Je la laissais marcher à son rythme l’observant du coin de l’œil. Je hochais la tête devant son étonnement : elle pouvait choisir, oui, parfaitement. Pour sa sortie, nous pouvions fêter ça tout de même ! Je l’observais, toujours : des larmes se mirent à couler sur ses joues. Incrédule, je me demandais ce qu’il se passait pour qu’elle se mette dans un état pareil. Etait-ce la joie ou bien la tristesse qu’elle ressentait ? Je ne voulais pas la savoir malheureuse maintenant que sa sortie était assurée. Elle m’exprime son désir de manger un hamburger, et pas n’importe lequel : celui au goût de deux heures du matin un certain soir, il y a des années. Je me souvenais de ce jour : j’avais fait le clown, premier à danser sur n’importe quelle musique. Soirée entre nous, je m’en souviens comme si c’était hier. Et puis nous étions sortis pour chercher à manger parce qu’il n’y avait rien pour nous caler à cette heure-ci. Le seul snack ouvert à deux heures du matin quand même nous tendait les bras. Je me souvenais de l’adresse, même après une dizaine d’années il était encore ouvert. Je m’arrêtais puis regardais la jeune femme. Une main se posa sur sa joue tendit que mes doigts se chargeaient d’essuyer les perles s’échappant de ses yeux. Ne pleure pas s’il te plait avais-je envie de lui dire. Je ne voulais pas la voir triste. Elle poursuit, refusant de m’imposer un choix. Je hoche la tête une nouvelle fois encore.

« L’endroit que tu as choisi est parfait. »

Je fis un grand sourire à son adresse, répondant de même à son rire. Nul besoin de se rendre ailleurs, cet endroit à lui seul regorgeait de multiples souvenirs, le meilleur moyen pour renouer avec elle. Je la reconnaissais un peu, elle se souvenait. Ce n’était une femme qui recommençait sa vie sans aucune bride de son passé, non, ils étaient présents également, avec elle. J’ignore comment je compris qu’elle me faisait confiance. Je le compris, c’est tout.
Parvenus à la voiture, je lui proposais de mettre son sac sur la plage arrière afin d’être à l’aise au devant la voiture. Prenant place côté conducteur, je démarrais le véhicule, direction le snack dont Jill rêvait d’aller. Elle pourrait s’empiffrer de hamburgers si elle le désirait. C’était elle la reine de la journée, elle pouvait choisir ce qu’elle désirait faire. Il y aurait bien d’autres difficultés à surmonter plus tard, aujourd’hui était le jour du nouveau départ, autant commencer du bon pied !

« J’ai vu que tu avais eu une guitare… est ce que tu voudras que je t’en prête une ? »

La musique nous avait toujours réunis en quelque sorte. Notre moyen d’expression à tous les deux, nous avions parfois enchainé improvisations sur improvisations sans être capable de nous arrêter. Il n’y avait pas de batterie à l’asile, je m’en doute bien, alors si la guitare l’intéressait tout autant, je pouvais lui prêter la mienne sans aucun problème. Tout ce qui importait, c’était qu’elle se sente bien et à l’aise. Je ferai en sorte que ce soit le cas pour éviter une rechute ou tout autre désagrément. La voiture roula à vive allure, traversant la départementale en direction du snack. Je reste plutôt silencieux, n’ayant pas l’habitude de démarrer les conversations. La voiture finit sa traversée en se garant sur un parking non loin de l’établissement où se trouvent ces délicieux hamburgers. Avant de nous diriger vers l’établissement, je passe un message à Jill :

« Tu choisis ce que tu veux, sans restriction. Je régale. »

Bienvenue dans la réalité.

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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptySam 28 Sep - 14:24

« Pas touche ! »

Le contact de sa main sur ma joue me surprend. Je dois faire une drôle de tête tandis que je recule d'un pas. Le problème ne réside pas en ce que je ne veux pas qu'il me touche, le problème c'est que je n'ai vraiment plus l'habitude de ce genre de gestes. Les centaines des derniers contacts se contentaient d'être formels ou indésirables : soit des infirmiers m'attrapaient pour m'immobiliser, soit des patients exprimaient leur délire. Il me faudra du temps pour me faire à l'idée que les gestes résultent de volonté différente. Hayel ne cherchait sûrement pas à me paralyser ou à m'infliger un quelconque trip bizarre. Maintenant que la surprise est passée, je peux me raisonner. Il va finir par croire que j'ai quelque chose contre lui. Je suis en larmes et j'arrive à le jeter. J'essuie une pommette alors que je lui explique mon recul.

« Désolé, j'ai pas... J'ai plus l'habitude. »

Merde, il va se dire qu'il fait une connerie. Il n'aurait pas tort. Je vais être un fardeau. Je ne comprends même pas quand il se montre gentil. Bordel Jill' ! Tu as réussi à sortir, ne fous pas tout en l'air espèce de conne ! Les larmes coulent de nouveau un peu plus, de peur, de rage. Je ne veux plus y retourner. Je ne veux pas qu'Hayel s'emmerde avec moi, il faut que je sois la moins chiante possible. Il faut qu'il ne me remarque à peine, ne pas bousculer sa vie, ne pas lui rappeler l'erreur qu'il vient de commettre en acceptant ma charge. Il me disait en même temps que je m'éloignais de lui que l'endroit était parfait. Est-ce qu'il avait continué à s'y rendre ? Est-ce qu'il voulait se montrer gentil ? C'est lui qui choisirait au final. S'il n'accepte plus, tant pis. Je serais contente qu'on aille n'importe où de toute façon. Je le suis, silencieuse, jusqu'à la voiture, je verrais bien où il m'emmène. Autant éviter d'aggraver mon cas.

Sur la route, le silence s'attardait un moment entre nous. Ça ne m'étonnait pas venant de sa part, il n'avait jamais été un bavard... Surtout qu'il ne parlait pas du tout avant. Quand avait-il commencé à émettre des sons ? Je l'avais entendu lors de ses visites à l'hôpital, et avant ? Y réfléchissant, je n'arrivais pourtant pas à me souvenir. Ça fait un bail que je manque tout, pas très surprenant. Je sais que je n'en revenais pas, je crois que je lui ai posé des questions mais c'est assez flou dans mon esprit. Je n'étais pas moi-même quand on ne me hantait pas alors... Du coup, j'ai l'impression de l'entendre réellement aujourd'hui. Ça me rendait heureuse pour lui. Pour sûr, ça lui aura facilité la vie... Je n'y voyais aucun problème, je parlais juste pour deux à l'époque, mais il en avait bavé à cause de son mutisme. J'espère qu'il a pris sa revanche sur ses petits cons. Sa voix va nous sauver en quelque sorte : comme je ne supporte plus qu'on m'approche sans qu'on me prévienne, la situation aurait été délicate. Hayel use encore de ses cordes vocales. Mes larmes ont séché, je lance un regard dans sa direction. En fait, ils ne lui ont rien dit. L'ont-ils au moins prévenu que ce ne sera pas simple ? Parce que s'il ne sait rien du tout de mon internement, alors je comprends mieux pourquoi il s'est porté volontaire. Il n'a peut-être aucune idée de ce qui l'attend. Ma main, c'est un détail. Mais comment j'en suis arrivé là, c'en est un gros. J'aurais cru qu'on l'aurait mis en garde, qu'on m'aurait bien enfoncée pour qu'il ne me laisse rien faire limite. Je serre ma main droite dans l'autre et baisse mon regard dessus.

« C'est gentil, mais ça servirait à rien. J'peux plus jouer. » Pas d'étalage, c'était douloureux d'en parler. « Tu joues encore souvent ? T'as encore un groupe ? »

J'aimerais l'entendre à nouveau. C'était un putain de musicien, j'adorais partir en vrille avec lui. Il ne mettait des mots sur rien à l'époque, il le transmettait par la musique, ce qui la rendait encore plus forte. Il parlait avec les notes, c'est ce qui faisait la différence. Je n'avais jamais caché ma fascination sur ce qu'il faisait.

Il se gare, nous sortons de la voiture. Je ne pense pas à prendre mon sac. Je crois que je vais aduler cette voiture longtemps, elle peut m'emmener partout, elle m'a éloignée de la maison de fous. Si j'avais peur de sortir, pour le moment je n'en ressentais qu'un énorme soulagement, une joie hors du commun. Je souris d'ailleurs à Hayel.

« Merci. » Puis j'ajoutai : « C'est vachement cool de t'entendre, tu sais. »

On part ensuite vers le snack – il n'a pas changé d'avis finalement. Je ne suis quand même pas à l'aise. Maintenant il y a des gens en rue, puis à l'intérieur. Je vais me faire toute petite. La salle a bien changé, mais on a toujours pas confiance pour la qualité de la nourriture. Je n'ose pas trop regarder partout, je ne veux pas attirer les regards. On s’assoit, je lis la carte avant de me décider pou un chicken burger et des frites. N'importe quoi sera mieux que ce qu'on nous servait à l'asile. Je n'ai plus l'habitude non plus de manger de grandes quantités. Ma main droite est sur mes genoux, sous la table ; je n'aime pas la regarder. Je n'observe pas non plus franchement mon ami d'enfance, mais je finis par lui demander :

« Tu veux bien me parler de toi ? »

Il a dû se passer tellement de choses. Il a dû changer, mûrir. Ce n'est plus un ado qui passe son temps à jouer ou à traîner, il doit avoir un métier, des responsabilités. On ne se connaît plus, on a sans doute plus grand-chose en commun. Je sais que l'entendre de vive voix va me faire mal, mais je veux des infos pour ne pas commettre une connerie.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyDim 29 Sep - 21:12

Le geste de Jill me surprit. Je ne m’attendais pas du tout à une réaction de ce genre. Surpris, je m’écartais également. Moi qui pensais que cette main qu’elle m’avait tendue suffisait à instaurer la confiance, je me trouvais complètement. Je ne pense pas qu’en lui laissant du temps, elle aurait fini par détruire cette barrière. J’aurais facilement pu la prendre dans mes bras pour la consoler, mais si elle ne supporte pas le contact avec quelqu’un d’autre, je ne vais pas forcer les choses. Elle m’explique les raisons de sa réaction, mais c’est inutile, je n’ai pas tenu rigueur de son geste. Je ne mords pas, je ne lui ferai aucun mal. Encore faut-il qu’elle en soit persuadée elle-même, et cela ne se fait pas en quelques minutes. Je haussais les épaules, puis sourit.

« Ce n’est pas grave. »

J’avais souvent usé du langage corporel pour m’exprimer, ne parlant pas. Des gestes pour exprimer tendresse, colère, déception. Je préférais largement en user encore aujourd’hui, trouvant l’approche bien plus simple à exprimer que par les mots. Nous n’étions que des humains après tout, et, parmi ce monde qui nous entourait, monde embelli par l’illusion et pourri à l’intérieur, l’amour pour ses proches était la seule chose de vrai intarissable. Mais pour cela, Jillian devrait d’abord reprendre confiance en elle avant tout.
Les médecins m’ont prévenu pour beaucoup de choses ; le comportement de leur patiente pourrait également se révéler dangereux. Ils ont même essayé de m’effrayer en me disant qu’elle avait tué quelqu’un, que ce n’était pas une mince affaire de l’avoir sous tutelle. Oui, et alors. Les mises en garde étaient une chose, Jillian n’en était pas moins un être humain. Parfaitement, un être humain, ce qu’à l’asile on tendait peut-être à oublier. Je ne voulais pas qu’elle quitte une prison pour en rejoindre une autre. Alors, je lui faisais confiance, pour l’instant. Si des problèmes survenaient, je serai présent pour intervenir et agir en conséquence. Le sentiment de frustration, d’insécurité ou même de crainte, pourrait même aggraver l’état déjà fragile de Jill. Ce n’était pas le but. Tout le monde pouvait avoir droit à une seconde chance, sinon, pourquoi les garder en vie ? Autant qu’ils soient morts plutôt que de croupir dans une cellule ou un asile sans aucun espoir de retrouver la liberté. Elle n’était pas un monstre, bien qu’on tentât de me le faire croire par des sous-entendus plutôt douteux.

« Non, je n’ai plus de groupe. Mais je joue toujours lorsque j’ai du temps. Tu ne voudras pas réessayer un jour de jouer toi aussi ? »

Je sais que cela lui apporterait joie et détente. Bon exutoire pour elle, autant profiter de pouvoir jouer sans s’arrêter. Je ne comprends d’ailleurs pas vraiment pourquoi elle ne peut plus jouer. Je le saurais probablement plus tard, l’heure n’est pas aux larmes et aux souvenirs douloureux, mais à la première bouffée d’oxygène hors de l’asile de Jillian. Une occasion pareille se fête, bien évidement ! Je réponds par un sourire à sa propre remarque. C’est qu’il en fallut du temps pour articuler comme il faut. Au début, ma voix prenait tellement de tournants aigus et graves qu’on ne me comprenait absolument. J’avais évidemment mué, déjà que c’est une catastrophe pour les garçons adolescents, alors pour ma part, j’étais même pire qu’une horreur ! Je remarque que la main droite de Jillian semble lui poser problème. Mon regard remarque facilement lorsque quelque chose cloche : mes sens se sont plutôt développés lorsque je ne parlais plus. Je n’émets aucune remarque, fort conscient que je finirai à un moment ou un autre par lui poser la question clairement. Nous nous installâmes, étrangement au même endroit de la salle qu’il y a quelques années. Même une dizaine d’années ne suffisent pas à faire disparaître certaines habitudes, c’est étrange. Je passe également ma commande au serveur qui repart pour préparer tout ça. Jillian a envie de parler un peu, de me connaître. Je n’aime pas trop parler de moi, mais une fossé de presque dix années nous séparent, il y a beaucoup à dire. Il est encore trop tôt pour que je lui mentionne les raisons de ma voix retrouvée. Cet esprit la suivant a déclenché un choc, aussi profond que le jour où mes parents sont décédés. Celui-ci a produit l’effet inverse, j’ai retrouvé ma voix, et je ne pourrais expliquer comment cela pouvait être possible. Par où commencer, je l’ignore. Mais il faut bien démarrer par quelque chose.

« Après le secondaire, je passais mon temps chez un orthophoniste pour parler correctement, tu aurais ri en voyant mon intonation des plus médiocres ! Le groupe s’est dissous et je n’ai pas cherché à en reformer un. Je suis devenu pompier, on a eu beaucoup de travail après l’ouragan Katrina, parfois on nous appelle encore pour vérifier des locaux abandonnés. En tous cas ça me plait beaucoup même si les interventions peuvent parfois être épuisantes. Y a-t-il quelque chose que tu aimerais savoir en particulier ? »

J’avais effectué un résumé plutôt condensé de huit années, d’un autre côté, je n’étais pas non plus le genre à parler longuement. Jill pourrait tout aussi bien reprendre quelques questions pour me demander des précisions si cela l’intéressait. Pour ma part, j’avais une autre question qui me turlupinait et désirais avoir son avis sur la question.

« Je ne suis certainement pas la personne que tu t’attendais à voir pour ton jour de sortie. J’ai accepté de prendre soin de toi. Mais j’aimerai savoir, si toi, tu acceptes de me faire confiance, et de vivre chez moi, le temps que tu retrouves tes repères. »

Patiente de l’asile ou non, j’estimais qu’elle avait le droit d’avoir un avis sur la question. Qu’il était même dans son droit de refuser de rester avec moi.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyMer 2 Oct - 17:22

Tu vois, il est idiot, il ne comprend pas ce qu'on lui dit. Ou bien il le fait exprès pour t'entendre en parler... Dans tous les cas, c'est salaud. Ta gueule Tam'. C'est mon tour, t'as rien à dire. Rien à dire du tout. Au lieu de répondre à Hayel, j'engueule mentalement ma sœur, laissant planer le silence dans la voiture. Elle ne l'aime pas, donc elle sautera sur toutes les occasions inimaginables pour prouver qu'elle a raison. Je ne veux pas l'entendre déprécier Hayel. Il est le seul qui soit venu aujourd'hui, le seul qui soit venu me voir ces dernières années. Ses amis à elle se contentent de me  cracher dessus ; j'en ai eu quelques aperçus avant mon internement et je suis certaine qu'ils ne s'en priveraient pas moins aujourd'hui. Nos parents n'ont même pas essayé de comprendre. Que je sois une psychopathe ne les étonne même pas. Alors va casser les couilles de ton si merveilleux entourage avant de critiquer le mien, chère sœur. Je ferme les yeux, essayant de chasser toutes les pensées qui me viennent en tête. J'écoute le bruit du moteur, les tac-tac des clignotants, la respiration du brun. Ma main gauche ne cesse cependant de presser la droite, la pression ne s'arrête que quand la douleur devient trop forte. La cicatrice la rend plus sensible.

Finalement, on arrive sur un parking. Une bonne surprise m'attend puisque le conducteur a choisi de suivre ma proposition. Je n'ai pas répondu à sa question en fin de compte, comme je ne lui ai pas dit que j'aimerai l'entendre à nouveau user de sa guitare. Arrivés au snack, on s'installe et regarde la carte. L'ambiance n'a plus rien à voir avec celle qui nous accompagnait quand on venait ici avant. Avant. Tout se compare à « avant » maintenant. Ce sera toujours différent, toujours pire qu'avant. Avant, la belle époque. Je voudrais une machine à remonter le temps. Ne pas me retrouver ici maintenant. En voyant la scène sur une autre table, je me rends compte que le serveur va me regarder, me demander ce que je prends. Il ne doit pas me regarder. Je ne veux pas lui parler. Ma nervosité se manifeste par le mouvement rapide d'une de mes jambes. Je ne bats aucun rythme, le mouvement est rapide et sec. De l'anxiété à l'état pur. Plus besoin de la carte, mon choix est fait, ma main gauche rejoint l'autre sur mes genoux. Je commence à me tordre les doigts.

« Tu veux bien parler à l'homme pour moi, steuplaît ? »

L'homme en question s'approche. A quoi il ressemble ? Je n'en sais rien, je n'ai pas regardé son visage. Je supplie Hayel du regard.

Quand le serveur repart, je me calme un petit peu. J'hésite quelques instants, jouant violemment avec mes doigts cachés sous la table. Puis je me lance ; comment est devenu un ancien ami ? Je veux et ne veux pas savoir. Peut-être que j'espère l'entendre dire qu'il n'a pas changé et qu'il relèverait encore des défis complètement stupides. Quand il commence à m'expliquer, je baisse les yeux. J'aurais voulu être là quand il a retrouvé sa voix. Comment ça se fait au fait ? Il n'a plus rejoint de groupe, il est devenu pompier. Il parle plus de travail qu'autre chose. Il m'intimide tout d'un coup. Il fait quelque chose de bien. Je me rends compte qu'en face de moi se tient un adulte et, puisque je suis sous sa tutelle, qui a l'autorité sur moi. Il est responsable, il doit être comme ses avocats, juges, médecins qui savent ce qu'il faut aux autres. Qui portent un jugement, sans chercher, sans s'abaisser à prendre en compte l'avis de quelqu'un d'autre. Parce qu'ils savent. Ça me fait peur. Plus de torsions de doigts, je relève les yeux, un peu effrayée. Pourquoi a-t-il accepté ? Est-ce qu'il veut me surveiller ? M'expliquer comment je dois me comporter ? J'essaye de rester calme, mais mon angoisse augmente progressivement.

« Comment est-ce que tu as retrouvé ta voix ? »

A son tour, il me pose une question. A laquelle je ne m'attendais pas. Si moi j'accepte ? J'ai le choix ? Si je ne veux pas, il me ramènera à l'hôpital de toute façon, et je ne veux pas ça. Surtout pas ça. Il veut aussi que je vive avec lui, vraiment ? Il n'a pas peur ? Il a raison sur un point, je m'attendais pas à le voir dans ce couloir. Est-ce que c'est mieux ou pire ? Est-ce que je lui fais confiance ? Je n'en sais foutrement rien. Ça fait très longtemps qu'on ne m'a pas posé des questions pareilles, qu'on m'a dit que j'avais le choix. Comment est-ce que je fais pour savoir ? De toute manière, il va décider pour moi au final.

« Pourquoi tu as accepté, toi ? »

C'est tout ce que je trouve à dire. Peut-être verra-t-il la panique dans mes yeux ou dans le ton de ma voix. Cette situation me perturbe, me perd.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyJeu 3 Oct - 13:02

Jillian a changé. C’est une affirmation à moi-même que je dis. Elle semble beaucoup plus craintive du monde, a l’air d’avoir perdu ses marques et ses repères. Je ne sais quoi faire ou dire pour la mettre à l’aise. Tout ce que je peux faire c’est attendre qu’elle retrouve ses habitudes et se reconstruire. En une heure de sortie de l’asile, il n’est pas possible que tout soit redevenu comme avant. J’essaie de tenir le cap d’une conversation, alors je lui pose quelques questions sur elle. Si elle ne répond pas, alors elle répondra plus tard, tout simplement. Je ne vais pas la forcer maintenant. Les inconnus semblent lui faire peur, elle n’a même pas regardé le serveur dans les yeux. Je me contente de prendre la commande, comme si ce n’était qu’une simple formalité. Ce que Jillian a vécu, je ne peux l’imaginer. Son comportement me prouve qu’elle en a souffert. Je suis plutôt satisfait de l’avoir fait sortir de cet enfer.

« J’ai eu un choc émotionnel important. »

Je ne peux encore me résoudre à lui expliquer les raisons de ce choc, car elle y est directement impliquée. Il est encore trop tôt pour lui dire la vérité, Jillian n’est certainement pas prête à l’entendre. A un autre moment un peu plus tard, je lui dirais probablement ce qu’il s’est passé. En attendant, je garde le silence sur ce douloureux secret dont je n’ai expliqué à personne l’origine. Mon psychologue lui-même n’en sait strictement rien. C’est bien mieux ainsi, personne ne me posera de questions indiscrètes pour m’énerver. Jillian semble avoir perdu une chose importante lors de son internement : son libre-arbitre. J’ai comme l’impression qu’elle s’est habituée au fait que l’on choisisse à sa place, qu’on ne l’écoute pas. Retournement de question à laquelle elle ne voulut répondre, je reçus le miroir de la mienne en retour.

« Tu es mon amie Jillian. Je sais parfaitement les raisons pour lesquelles tu as été internée, j’en ai pleinement conscience. J’estime que tu as le droit comme tout le monde à une seconde chance. Voilà pourquoi j’ai accepté. »

Je ne suis pas devenu pompier par hasard également. C’est pour combattre les flammes qui ont tués mes parents que je suis aussi passionné par ce métier. Une revanche au quotidien sur le drame de ma vie. Comme ce premier choc qui m’a rendu silencieux, celui qui me l’a rendu a également été source de motivation. Il me fallait faire quelque chose pour elle, me sentant presque responsable d’avoir vu cet esprit et n’avoir rien pu faire. La culpabilité ne me rongeait pas non plus, mais je n’aurais pas laissé mon amie d’enfance toute seule à attendre que quelqu’un la prenne sous son aile. Et puis quoi, elle aurait eu un tuteur juridique, aurait été jetée dans la nature pour reprendre sa vie sans repères ? Assurément, la tutelle aurait duré des années avant qu’elle ne soit à nouveau libre d’entreprendre ce qu’elle voulait, se construise sa vie sans un passé pour la poursuivre inlassablement. J’en voulais à ses parents de n’avoir rien fait pour leur fille.

« Je serai à tes côtés pour t’épauler. Tu es libre de reprendre ta vie comme tu l’entends. Tu as le choix, ne l’oublie jamais. Si d’ici quelques temps tu veux ton propre appartement et ton indépendance, je ne t’empêcherai pas de le faire. C’est ta vie et je ne la contrôlerai pas. Je t’apprendrais à la prendre en main, à trouver une formation qui t’intéresse, te coacherai si nécessaire, t’aiguillerai en cas d’écarts, te conseillerai. »

Je n’étais pas son père, mais un tuteur. Je voulais qu’elle devienne responsable et indépendante financièrement parlant. La priver de sa liberté la tuerait petit à petit. Je ne voulais pas qu’elle quitte une prison pour en retrouver une autre. Peut-être qu’elle avait oublié ce que c’était de faire un choix, qu’elle trouvait plus simple que l’on choisisse à sa place, ce n’était certainement pas ce que je voulais. Jillian avait trop perdu de sa vie pour que sa jeunesse soit une fois de plus gâchée. Les commandes arrivèrent et nous passâmes à table. Le premier hamburger de Jillian depuis bien longtemps !
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyDim 13 Oct - 17:24

Un choc émotionnel important. Qu'a-t-il bien pu se passer de si fort pour qu'il retrouve soudainement sa voix ? Il n'a pas l'air de vouloir en parler, je l'entends grâce à cette voix retrouvée et à sa façon de se tenir. Mon séjour m'aura au moins apporté un enseignement ; je sais quand quelqu'un veut parler, parle par obligation ou veut s'attarder le moins possible sur un sujet. Hayel m'a dit le strict minimum, il ne veut pas en discuter plus. Il change d'ailleurs de sujet, me dit qu'il a accepté de prendre soin de moi et me demande si j'approuve la situation. La question me noie dans des interrogations auxquelles je n'arrive pas à lier un semblant de réponse. Plus de questions que de découvertes. Pourquoi est-ce qu'il me demande ça ? Qu'est-ce qu'il cherche, qu'est-ce que ça lui apportera ? Je n'ai pas le choix. Si je veux rester libre, je dois le suivre. C'est comme ça, que je le veuille ou non. Il y a dix ans, je lui aurais probablement dit sans réfléchir que oui, je lui faisais confiance. Mais maintenant, tout est différent. Et mon esprit en vient à une conclusion pour laquelle je n'ai pas plus d'explication. Le son de ma voix perce avec peine l'air. Je suis hésitante et perdue. Aussi, je m'attends au pire.

Il sait. Il sait très bien ce qui s'est passé. Je me disais bien qu'on ne pouvait pas avoir gardé le secret. Il fallait qu'il sache pour qu'il me surveille, pour m'empêcher de recommencer. Je m'attendais bien à ce qu'on m'ait dépeinte comme un monstre – dément, mais un monstre quand même. Pourtant il ne m'accuse pas. J'ai droit à une seconde chance selon lui. Est-ce que c'est une façon de m'amadouer ? Ou est-ce que lui croit à ma version ? Hayel poursuit, sur le fait qu'il va m'épauler mais qu'il me laissera toujours le choix. Je devine à son discours qu'il compte à ce que je récupère une vie normale. Et il veut m'aider pour ça. Dans tous les mots qu'il prononce, « surveiller » n'apparaît jamais. Psychiatres et infirmiers avaient utilisé des méthodes pour m'amadouer, mais ils ne m'avaient jamais rien dit d'aussi gros. C'est tellement gros par rapport à ce que eux me promettaient que je crois Hayel.

« Je te fais confiance. Je veux rester avec toi. »

Mes jambes quittent leur transe infernale. J'accroche pour la première fois réellement son regard. Je me rends compte qu'il me rassure. Tant que ces yeux me suivront, j'ai l'impression que ça ira. Même si je tombe, il sera là pour me relever. Pour la première fois depuis neuf ans, mon âme s'embrase d'espoir. La preuve en est, un sourire se dessine sur mon visage.

Les perspectives nouvelles me font tellement tourner la tête que je remarque à peine le serveur venu déposer nos commandes. J'observe les plats, des yeux agrandis par la joie. Je les dévore d'abord ainsi.

« Hm, ça sent bon. Bon appétit. »

Je lève mes mains pour attraper mon hamburger avant de stopper soudain mon geste. L'espace d'un instant, j'ai oublié un détail, pas vraiment insignifiant. Je joue avec ma main droite pour voir si j'arriverais à la plier suffisamment pour tenir mon repas, mais c'est inutile. Ma gaieté en est quelque peu ternie. Je me contente de prendre le hamburger seulement par la main gauche, aidée par ce qu'il me reste de l'autre avant de renvoyer celle-ci sur ma cuisse. Pas pratique du tout pour manger. J'ai appris à prendre ma fourchette de la main gauche et j'ai développé une technique pour pouvoir découper les aliments. Je me sens à chaque fois plutôt ridicule, mais au moins je me débrouille toute seule. Je goûte la première bouchée.

« Oh putain, j'avais oublié à quel point c'était excellent ! »

Je m'extasie, tellement il n'y a pas de comparaison possible avec la nourriture de l'hôpital. Je continue ensuite le repas, savourant chaque bouchée. Seulement il y a un désavantage à tenir un hamburger d'une seule main : tout se fait la malle de l'autre côté. Alors que du ketchup s'écrase à moitié sur ma main et sur ma cuisse devait bien arriver. Le problème, c'est que j'ai contracté une peur panique du sang en plus du fait que je perds les pédales à chaque fois que quelque chose me rappelle le corps écorché de ma sœur. Et quand mes yeux se baissent vers la tache, ils ne voient pas une bête tache de sauce, ils voient le sang qui s'échappe de la jambe de Tamsin, Tamsin qui tente d'arrêter le flux avec sa main. La mienne bouge sous le choc, ce qui ne fait qu'étaler le ketchup et attiser plus encore la terreur qui s'empare de moi. Celle-ci est avivé par les souvenirs qui montent en flashs. Je jette le reste du hamburger sur le plateau en criant. Je ne vois plus vraiment l'endroit où nous sommes vraiment. Je suis dans la chambre de ma jumelle et je ne vois que son corps gisant. Dans un sursaut, je me lève et recule, mes traits déformés par la frayeur.

« Tamsin... »

Je heurte quelque chose, un mur. Je me laisse glisser alors à terre et me replie sur moi-même, mes bras attirant mes jambes pliées contre moi. Des larmes suintent. Je baisse la tête, ferme les yeux.

« Ce n'est pas moi, je ne voulais pas... »
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyJeu 24 Oct - 23:01

Nous avions tous les deux nos propres secrets. Des choses dont nous aimerions tous deux enterrer six pieds sous terre et ne plus jamais les oublier. La vie les expose les jours les plus imprévus, ceux où l’on avait enfin finis par les effacer... Jusqu’à ce qu’ils ressurgissent brutalement, pour vous arracher le cœur et le morceler un peu plus. Je respecterai les secrets de Julian aussi longtemps qu’ils n’auraient pas d’impacts directs sur cette nouvelle vie qui l’attendait.  Il y a des choses que je ne comprends pas, certaines qui ne me sautent pas aux yeux, comme par exemple l’usage de son unique main gauche qui semble lui compliquer la vie alors qu’elle s’empare de son hamburger.

« Tu peux utiliser tes deux mains, ce sera plus simple Jill. «  

En d’autres circonstances, j’aurais usé d’un registre blagueur, boutade pour détendre l’atmosphère. J’ignore comment la jeune femme réagissait, après huit années et des chemins différents, je ne me permettais de remarques qui pourraient lui sembler blessantes. Pour l’instant, je me contente de rester formel et de l’observer. Ses réactions, sa manière de parler, ce ne sont que de stupides détails qui permettent de comprendre une personne. C’est d’ailleurs pour cela que le silence est d’or. Observateur, il en apprend d’avantage que la parole.
Tout semblait se passer bien pour l’instant, et je devinais à travers les sourires de Jillian la joie de retrouver les bonheurs les plus simples de la vie. La nourriture de l’asile ne devait pas être des plus fameuses, aussi manger un hamburger devait la ravir. Nourriture de base certes, mais tellement plus alléchant que n’importe quel autre plat.

Et pourtant, je n’étais pas au bout de mes surprises ; Le comportement de Jill changea du tout au tout, et je ne compris pas au premier abord ce qui en était la cause. Il semblait que quelque chose l’avait effrayé, suffisamment pour raviver les mémoires les plus sombres, ceux qui devraient rester au fond du tiroir, ceux là que l’on hait pour ce qu’ils ont fait de nous. Le visage la jeune femme se fit de plus en plus effrayant ; vieux démon qui remontait à la surface. Les mêmes tourments nous poursuivent inlassablement le long de notre vie, et ce n’est pas pour cette raison que nous terminons à l’asile pour autant… Et je savais d’avance que ce serait difficile, et imprévisible. Cependant j’avais fait preuve de trop d’optimisme en pensant que tout irait bien d’un coup. Médusé, je me précipitais vers elle alors qu’elle venait de rejoindre le sol, recroquevillée sur elle-même. Un coup d’œil au gérant lui assura que je prenais en main la situation et qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer. Rapidement, je me mis à genoux à côté de la jeune femme et m’enquit de son état. J’aurais aimé lui prendre les mains pour la rassurer, seulement je ne préférais l’effrayer un peu plus, ou pire encore, qu’elle se braque définitivement. Alors je la regardais droit dans les yeux, à l’alerte du moindre de ses gestes. J’étais là. Je compris d’un coup d’œil en voyant la trace de ketchup ce qui avait sans doute créé le vertige : souvenir du sang ? J’avais entendu le prénom de sa sœur prononcé, cela pouvait être parfaitement possible.

« Calme-toi, calme-toi Jill’ OK ? Ce n’est rien, ce n’est qu’une tâche… »

Je ne savais pas quoi dire ou faire dans cette situation. Il était possible qu’elle enchaine sur une nouvelle crise de nerfs, ou bien finisse par se relaxer. Impossible de savoir, tant la jeune femme me semblait imprévisible. Je n’abandonnerai pas l’affaire, attendrait un signal de sa part pour réagir. Lorsqu’elle serait prête. Me voulant réconfortant, je cherchais  lui rendre cet optimisme, celui que j’avais perçu dès sa sortie de l’asile.

« Je suis là, d’accord ? Chasse-les, chasse ces souvenirs… Crées –en de nouveaux, ceux dont tu n’auras pas peur, ceux qui te feront rire. »  
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyDim 3 Nov - 13:26

Hayel me voit me battre avec le hamburger, sans comprendre les difficultés que je rencontre. Ils lui ont laissé des surprises à découvrir au fur et à mesure, ça m'étonne de leur part. Je ne m'en plaindrais pas, s'ils lui avaient vraiment tout raconté de A à Z, il ne serait probablement pas assis devant moi, un regard bienveillant, à m'accorder tous les choix du monde. J'ai souvent tenté, surtout au début, de me tuer. Je pensais que c'était la seule façon de me débarrasser de l'esprit, de retrouver une quelconque paix intérieure. Vivre avec ce psychopathe dans ma tête me paraissait insupportable, insurmontable. Il allait de toute manière me détruire. Je préférais lui couper l'herbe sous le pied et m'en charger moi-même. Ça l'aurait mis en rogne ; à l'époque, c'était une rare chose qui me faisait sourire. Avec lui, le processus aurait été affreusement long. Malgré des rapports de médecins, je n'étais pas sadomasochiste. Ma dernière tentative d'écourter ce processus fut celle qui s'approcha le plus près du but. Elle rata, mais me libéra quand même. En contre-partie, j'avais une main à moitié paralysée pour que je n'oublie jamais. Image de ce que l'esprit avait brisé. Je pouvais presque l'entendre à nouveau quand je portais trop longtemps mon attention sur ce débris de main. Une paire cassée pour une paire séparée.

« J'aimerais bien, mais j'peux pas. » Je relevais des yeux tristes en même temps que la main concernée et fis en sorte de la refermer pour qu'il voit par lui-même. « Elle est paralysée, enfin en grande partie. »

Durant l'essai de former un poing, mes doigts s'étaient pliés légèrement tout en restant raides. Seul le pouce arrivait à rejoindre le côté, mais il restait rigide quand même. Je baisse l'épave aussitôt l'expérience faite et retourne mon attention sur le repas.

Et tout d'un coup, une angoisse risible s'empare de moi. La scène de notre fin, à toutes les deux, m'agresse. Je revois son corps mutilé, le sang, tellement de sang. Je sens à nouveau cette odeur de mort qui m'avait suivie pendant des mois. Je me souviens du poids du couteau dans ma main, celle que je ne peux plus utiliser maintenant. S'ils avaient fait leur travail correctement, ils auraient compris, ils m'auraient cru. J'étais gauchère, l'esprit droitier. Je me rappelle aussi trop bien le plaisir malsain qui avait rongé l'intrus, le sourire qu'il avait étiré avec mes lèvres. Toutes ces sensations m'assaillent, l'horreur me submerge et la détresse me fait flancher.

Alors que je balbutie un mea culpa à l'adresse de ma sœur – à moins que je cherche à me convaincre ? - je sens une colère qui ne m'appartient pas. Au plus je serre mes paupières pour échapper aux flashs, au plus je la ressens s'intensifier. Et Tamsin qui me souffle glacialement : Aie le courage de regarder ce que tu as fait. Arrête de te cacher derrière des pleurnicheries, assume ! Une autre voix, masculine celle-là, m'atteint. Elle tend à m'apaiser, mais ma jumelle se met alors à tonner pour m'empêcher de l'entendre. Tu m'as tuée, Jillian ! Une seule fois dans ta vie, sois honnête ! On t'y a poussée, mais tu l'as fait ! Je porte mes mains à mes oreilles et j'appuie, j'appuie aussi fort que je peux, en panique. Mon corps tremble et les larmes inondent mon visage. Ça ne peut pas recommencer !

« La ferme ! »

Je ne me rends pas compte que j'ai hurlé à voix haute. Tu m'as promis. Je t'ai dit que je comprenais ce qui s'était passé. Tu ne peux pas me demander d'oublier. Toi non plus, tu n'as pas le droit d'oublier. Je ferais tout pour que ça n'arrive pas. J'éloignerais ton copain par n'importe quel moyen s'il le faut. A ces mots, j'ouvre les yeux, paniquée. Hayel est agenouillé près de moi. Il me regarde comme un étrange animal. Comme une tarée. Totalement déphasée. Il doit se rendre à l'évidence.

« Je suis désolée. »

Pardon adressé aussi bien à ma jumelle qu'à l'homme. Je me relève et sors de cette salle en courant. Ce ne sera jamais suffisant, me dit-elle. A l'extérieur, je continue de courir, essayant de retrouver mes repères dans ces rues que je n'ai pas foulées depuis huit ans. J'arrive à un petit parc, à deux rues du snack. Un parc où j'avais l'habitude de me réfugier quand j'avais besoin de calme. Tout en ralentissant, je jette un regard en arrière. Pourvu qu'il ne m'ait pas suivie.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyDim 1 Déc - 16:35

Ce n’était pas une bonne idée. Cette tutelle, prendre la jeune femme sous mon aile, probablement la chose la plus stupide que j’avais entrepris. Je ne déchantais pas encore, pas tout de suite, cependant, la tâche qui m’attendait serait bien plus compliquée que je ne l’avais envisagée. Il était même fort possible que je rentre dans la peau du méchant, celui qui finirait par en arriver à menacer Jillian de retourner à l’asile si elle ne se calmait pas. Je ne la connaissais plus, après huit années, les êtres connus ont évolué, et changé. En eux, ce sont toujours les mêmes personnes ; cependant, ils ne sont pas reconnaissables au premier abord. Alors, nous pensons que ce sont des personnes différentes, alors que non. Difficile de reconnaître Jillian sous cette apparence : apeurée, peu sûre d’elle, je ne voyais que la surface d’une femme morcelée et brisée. Que pouvais-je faire si ce n’était me montrer présent à ses côtés ? Je ne savais tout simplement pas. Alors j’agirais comme je le ferai avec n’importe qui, restant fidèle à moi-même, et noterait ses réactions à partir de là. Il fallait bien que je commence par quelque chose. Mais j’ignorais si c’était la meilleure façon d’agir, j’étais pompier pas médecin.

Sa façon d’agir, ce regard triste effrayé et apeuré à la fois… Je me sentais tout simplement impuissant face à dette douleur ressentie, face au dilemme intérieur. J’ignorais comment faire, n’avait pas les compétences requises pour m’occuper de Jillian. Etait-il trop tôt pour envisager sa sortie maintenant ? La laisser là-bas n’aurait qu’augmenter l’enfermement subi, mais sa réinsertion dans le monde semblait un peu trop brutale. Il aurait été plus avisé de rentrer chez moi pour le repas plutôt que privilégier un lieu public. Le gérant du restaurant commençait sérieusement à se poser des questions et entre deux réponses, je surveillais la jeune femme sans bouger de ma place, essayant de la rassurer. C’était sans compter sur cet imbécile de gérant qui cherchait à comprendre ce qu’il n’y avait pas à comprendre. Jillian avait simplement fait une crise de nerfs. Il fallait seulement espérer que ce ne soit pas trop fréquent … pourquoi ne m’avait-on pas informé là-dessus ? Sans compter cette main paralysée… dont je n’apprenais l’existence uniquement parce que la jeune femme avait bien voulu m’en parler. Elle s’excusa auprès de moi, je ne fis aucun commentaire. L’épreuve avait été suffisamment douloureuse pour que je me permette le moindre commentaire. Je la laissais se relever, deuxième erreur de ma part.

« Jillian ! »

Sans crier, elle s’était mise à courir. Elle était partie. Disparue, évaporée à l’extérieur du restaurant, à travers les rues de la ville. Ma chance fut d’avoir réglé la note avant le début du repas. M’emparant de nos affaires respectives, je partis à la suite de la jeune femme pour ne pas la perdre de vue. Ma responsabilité. Je ne peux pas la perdre dans cette ville ou j’en subirai les conséquences en cas d’accident. La repérant, je la suivis à distance raisonnable. Nous arrivâmes dans un petit parc, d’où je la vis s’installer sur un banc. Discrètement, je pris place sur un banc à part, déposant nos affaires à mes côtés, prêt à repartir pour une course poursuite si nécessaire. Elle ne me ferait pas deux fois le même faux pas.

J’attendrais. Jusqu’à ce qu’elle se sente prête à revenir vers moi. Parce que je ne savais pas quoi faire, vraiment pas. L’autorité n’était que le dernier recours, Jillian avait quitté sa prison depuis à peine deux heures… je ne voulais pas en faire usage maintenant. Alors j'agissais comme je l'avais fait au lycée, restant à l'écart jusqu'à être invité à venir. Jillian avait toujours eu besoin de cette solitude qui la caractérisait tant, encore plus maintenant, j'avais l'impression.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyMar 3 Déc - 17:40

J'arrive dans ce parc qui m'a accueilli tant de fois. Apparemment, il est voué à reprendre son rôle. Je ne sais pas pourquoi il a ce don de me calmer, que ce soit dans mes colères les plus noires ou mes peines les plus profondes comme aujourd'hui. C'est un espace vert au beau milieu d'une ville, aussi calme que les rues sont agitées. Malgré l'énorme contraste qu'il forme par rapport à ce qui l'entoure, il a sa place. Avec ses allées escortés d'arbres, ses parterres de fleurs, ses fontaines, son bosquet... Il dégage une sérénité qui me touche. Je vais m'asseoir sur un banc en face du kiosque où des musiciens jouent les week-ends – enfin c'était le cas avant. Hayel m'a suivie, mais il ne m'approche pas alors je préfère l'ignorer pour le moment. Comme j'ai arrêté de courir, les larmes continuent de couler et bientôt les sanglots reprennent. Je ne veux parler à personne dans cet état, encore moins à mon tuteur. Autant éviter de lui donner de nouvelles raisons de me reconduire à l'hôpital.

Sur le banc, je me recroqueville, les genoux serrés entre mes bras. Si tu assumais, reprend Tamsin, ce serait plus facile pour tout le monde, tu sais. En quoi ce serait plus facile que j'admette que je t'ai tuée ? Non, ça ne serait pas plus facile. Ce serait encore plus la merde, plutôt. L'esprit a utilisé mon corps, il m'a jamais demandé mon avis. J'ai peut-être parfois pensé à t'étrangler, mais je l'aurais jamais vraiment fait. Si j'avais eu le choix, j'aurais jamais tenu le couteau. Tu n'as pas voulu assez fort dans ce cas, me répond-elle. C'est un peu ta faute, parce que tu n'as pas fait tout ce que tu pouvais pour l'arrêter. Tu es la plus forte de nous deux, mais sur ce coup tu as été faible. Ça parait si simple pour toi ! Tu sais pas ce que c'est d'être possédée. Mais je sais ce que c'est de mourir.

Sa conscience s'évapore, elle se refait ombre imperceptible, me laissant seule avec ses paroles. Celles-ci me paralysent alors que celles de l'autre esprit me reviennent en écho. Tamsin me dit presque la même chose. Au moins ce n'est pas moi qui ai voulu l'assassiner selon elle. Est-ce que j'aurais pu l'arrêter ? J'ai fait tout mon possible pourtant. Seulement ce qui me trouble le plus, c'est le visage que me révèle maintenant ma jumelle. Elle n'a jamais rien dit de ce genre quand on était encore enfermées. Elle avait besoin de moi. Maintenant qu'elle est libre... Je lui ai fait une promesse et je la tiendrais. Je veux juste que tu n'en parles plus en échange ; je l'implore.

Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé quand je relève le regard vers Hayel. Mes larmes ont séché, j'ai retrouvé le contrôle de moi-même. Je le vois comme mon avenir. J'ai besoin de lui pour en avoir un. Je passe mes mains sur mes joues pour effacer les sillons qui les décorent, puis je me lève et me dirige vers lui d'un pas posé, un peu hésitant. Je me demande quel accueil je vais recevoir. D'un autre côté, il m'a attendue sans rien dire. Il aurait très bien pu m'attraper de force pour me conduire chez lui ou à l'asile. Il aurait pu me passer un savon, me traiter de tous les noms. Il aurait pu réagir de nombreuses manières différentes, celle qu'il a choisi est la plus surprenante et celle qui me met le plus en confiance. Je m'approche de son banc, debout face à lui, comme si j'attendais sa permission pour m'asseoir à côté de lui.

« Je m'excuse. Je voulais pas t'infliger ça, je te le jure. Tu vas me ramener ? »

Question accompagnée d'une grimace. Le perspective est réaliste, mais me déchire quand même le cœur.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyLun 23 Déc - 15:50

Je reste en retrait, j’attends. C’est ce que j’ai appris de mieux, la patience. Je ne peux infliger cela à Jillian, la presser sur ses choix alors qu’elle vient tout juste de sortir de là. Elle était encore fragile et complètement instable. Nous n’étions même pas au premier jour, juste à peine sorti de l’asile, à peine la liberté retrouvée. L’oiseau en cage sera effrayé du monde environnant pour en avoir été privé de longues années. Jillian était cet oiseau effrayé, qui ferait n’importe quoi pour ne pas revenir là-bas. La jeune femme avait même conscience d’avoir commis une erreur, ce à quoi elle se punissait elle-même en pensant repartir d’où j’étais venu la chercher. Comme si elle me craignait. De la part d’une amie, c’en était blessant. Quoi qu’elle en pense aujourd’hui, elle le serait toujours.
Elle finit par revenir vers moi. Après s’être calmée, je savais qu’elle reviendrait. Et elle a peur. Mais elle revient quand même vers moi.

« Pourquoi, tu veux y retourner ? »

Je connais déjà la réponse, mais je veux que Jillian comprenne que sa vie n’est pas entre mes mains mais entre les siennes. Ses choix et son comportement auront des conséquences, exception faite que je n’ai pas à choisir pour elle tout le temps. En ce qui concerne sa garde, son compte bancaire, et certaines tâches de ce genre, j’ai mon mot à dire. Du reste, elle est libre. Cette tutelle n’a pas pour but de la contraindre pour des choses qui ne lui conviennent pas. Cet asile lui a fait oublier qu’avant toute chose elle était une personne, une femme. Pendant huit ans, on lui a dicté sa conduite, étroitement surveillé et donné une ligne droite à ne pas dépasser. La tâche sera ardue pour qu’elle quitte cette route dont elle n’a pas le contrôle. Mais je serai là, quoi qu’il arrive.
Je m’empare de ses mains, que je presse doucement. Je suis là, quoi qu’il arrive, qu’elle n’ait pas peur. Il y a des règles à respecter, certaines choses que la jeune femme ne peut pas faire. Je ne suis pas énervé, plutôt inquiet sur ce qui nous attend. Cette épreuve, c’est à deux que nous la traverserons. Seulement, il n’est pas possible que mon amie fasse ce qu’elle veule quand cela lui chante.

« Jillian… tu ne peux pas t’enfuir de cette manière lorsque ça ne va pas. Qu’est ce que j’aurais fait si je ne t’avais pas retrouvé ? »

Question ouverte à laquelle je n’avais pas non plus de réponse. Je n’aurais rien pu faire, rien. Si elle était morte ou disparue, la faute serait immédiatement retombée sur moi. Je n’avais pas idée de ce dans quoi je m’étais enrôlé avant de l’avoir face à moi, en pleine poitrine. Le poids de la responsabilité. Plus moyen de faire marche arrière, ce serait la tuer. Cependant, je n’avais pas d’autre choix que de lui faire comprendre qu’elle ne lui serait pas possible de faire ce qu’elle veut.

« Je suis responsable de toi, et je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose. Mais tu dois faire en sorte de ne pas te mettre en danger. Et cela inclut ne pas fuir sans prévenir. Tu m’as fait peur. »

Et cela ne peut pas continuer ainsi. Autant le dire tout de suite, plutôt que d’attendre. Je ne pourrais pas supporter que Jillian s’enfuie à n’importe quel moment, n’importe quelle heure de la nuit ou du jour une fois que j’aurais le dos tourné. Cette situation n’est pas possible et elle doit le comprendre.

« Tu veux rester encore un peu ? Ou on rentre chez nous ?»

Chez nous ouais. Une autre idée à laquelle Jillian va devoir se faire. L’appartement lui plaira certainement mieux que l’asile. Je l’espère.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyJeu 26 Déc - 23:59

Est-ce que je veux y retourner ? La bonne blague ! Plus jamais je ne veux mettre un pied là-bas. J'avais peur d'en sortir, j'ai toujours peur de cet extérieur dont j'ai été privée pendant des années, mais je préfère trembler que retourner m'enfermer. J'étais un insecte attiré par la lumière d'une flamme. Belle et dangereuse, comme la ville. J'y perdrais des ailes, peu importe. Plus rien ne m'importe réellement maintenant. Je baisse les yeux et triture mes doigts, un peu comme une fillette prise sur le fait qui se fait enguirlander. Je n'ai jamais été comme ça. Je n'ai jamais baissé les yeux devant qui que ce soit, encore moins devant mes parents. Avant, j'étais forte, je faisais mes choix et je les assumais. Maintenant je suis à peine l'ombre de moi-même, même pas fidèle ; ils ont tué l'ancienne Jillian.

« Non, s'il-te-plaît. »

Quelle que soit ma réponse, s'il veut se débarrasser de moi, il le fera. Rien ne l'oblige à me supporter. Pendant huit ans, on m'a fait comprendre que je n'étais pas apte à prendre de décisions. Et même si aujourd'hui Hayel m'assure que je peux faire des choix, lui en a tout autant le droit. Il a en plus davantage d'ascendance sur celui-ci. Après tout, c'est lui qui m'accueille et se tient responsable pour moi, pour toutes les conneries que je pourrais faire. Il a eu un échantillon de ce qui l'attendait. Je comprendrais qu'il ne veuille pas endosser un tel fardeau. Même si je préférerais m'enfuir plutôt que de retourner dans cette prison aseptisée. Pourtant, lui faire du tort comme ça ne me plairait pas. La situation est merdique. L'instant est tendu, pris entre deux possibilités. Je suis tendue, craignant la suite.

Au lieu du verdict fatidique, il couvre mes mains de la chaleur des siennes. Mon regard étant baissé, j'ai vu l'amorce de son geste, alors je suis surprise mais ne bouge pas. Le contact me rassure étrangement. Je suis persuadée qu'il ne cherche pas à m'attraper pour m'emmener de force, non, je le ressens plus comme la promesse qu'il ne m'abandonnera pas dans une cellule blanche. Bien sûr, il ne peut pas fermer les yeux. J'ai foiré. D'une telle façon qu'il n'avait pas imaginé, je pense. Il pensait avoir affaire à une folle guérie, stabilisée. C'est l'image que j'ai donné cette dernière année, plus posée, plus calme, presque constante. Tamsin a contribué à cette réussite. Alors c'est ce qu'on a dû lui dire, que j'étais stable. Mais est-ce que posséder des angoisses indélébiles, c'est être instable ? Je ne peux rien y faire, rien ne peut y faire et aucun médoc n'y fera rien.

Je haussais des épaules à sa question, toujours cette fillette soumise. Je ne sais pas ce qu'il aurait pu faire, mais ce n'était pas mon rôle de savoir quoi faire. Le but, à la base, était de dégager de sa vue, je ne tenais pas à ce qu'il me suive. J'ai honte de ce que je suis devenue et qu'un ami d'enfance me voit telle quelle empire la blessure. Je ressens encore plus l'abîme. J'aurais voulu qu'il garde de moi le souvenir de la Jill' que j'étais avant. Je ne sais pas comment lui dire et pas sûre, de toute façon que ça soit judicieux.

« Je n'veux pas te créer d'ennuis, j'essayerais d'être plus... normale. » Je détournais le regard. « Je dois te paraître complètement barrée. »

De la lassitude, de la rancœur, de la gêne et de la tristesse emplissent et crèvent à la fois cette dernière phrase. Je reporte mes yeux sur lui quand il concrétise mon sentiment. Le « chez nous » me procure un autre sentiment étrange. Surréaliste.

« Rentrer. J'aimerais bien regarder un film. Y'en a tellement que j'ai ratés, tu voudras bien me mettre à jour ? Et niveau musique aussi, surtout. »

Je lui adresse un fin sourire, alors que mon regard s'est réchauffé. Je cherche aussi à le rassurer, lui faire comprendre que je ne veux pas lui compliquer la vie. Quand il se lève du banc, je ne lâche pas sa main, gardant la mienne en sécurité dans celle-ci et la droite se pose sur son avant-bras. Quelques instants plus tard, je me jette à l'eau, ne sachant pas trop pourquoi – probablement à cause de ces psychologues qui m'ont tant tannée pour que je me confie.

« Je suis heureuse de te voir et d'être avec toi Hayel. Mais en même temps ça me gêne. J'aime pas que tu me vois dans cet état. Je n'suis plus du tout comme avant. Si j'ai fui, c'est pour que tu ne vois pas la suite de mon pétage de plombs. J'aurais préféré que tu ne me vois jamais comme je suis devenue. » Je soupire. « Ce ne sera jamais comme avant, mais nos soirées me manquent. Les sorties, nos impros, tout. Tu as changé aussi, tu es adulte, responsable... Tu es trop bien pour être mon ami, tu le sais ça ? » Mon ton se fit à moitié amusé, à la fois une vraie plaisanterie et une réalité amère. « Je n'te connais plus, mais je t'aime quand même. Enfin comme un ami, hein, rassure-toi. Et je suis contente d'avoir pu entendre ta voix. Et je recommence déjà à parler pour deux, désolée. Je t'écouterais bien parler pendant des heures pour équilibrer. »

Je serrais sa main pendant que je parlais, comme si je craignais qu'il ne la lâche en prenant conscience de la situation en m'entendant. Je n'attends pas à ce qu'il me réponde que lui aussi m'aime, qu'il me considère toujours comme l'une de ses meilleures amies. Je ne veux rien en retour. Je tenais juste à lui dire. Qu'il ne m'abandonne pas, c'est tout ce que je veux.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyLun 30 Déc - 0:06

Je m’en doutais, Jillian ne voulait pas retourner là-bas. Son manque d’assurance et de confiance en elle n’était pas suffisamment fort face à l’angoisse de retourner à l’asile. Voilà une chose pour laquelle elle était certaine de son choix : ne plus y retourner. Et je ferai en sorte qu’elle ne repose plus jamais un pied là dedans de manière permanente. Certaines visites étaient obligatoires pour établir un suivi régulier maintenant que Jillian retrouvait le monde extérieur. Ce serait tout. Il n’y aurait rien de plus. En revanche, je refusais nettement qu’elle cherche à me plaire en voulant être comme je voulais qu’elle soit. Ce qu’elle croyait. La crainte de repartir étant trop proche, j’eus cette impression qu’elle serait prête à se façonner une image, même fausse, faite pour se protéger : ce que je refusais.

« Je ne te demande pas de jouer un rôle. Il y a juste quelques règles que tu dois suivre si tu ne veux pas me faire mourir d’angoisse. Du reste, sois toi-même, sois celle que tu as envie d’être. »

Et pas celle que tu as été. Le passé appartenait au passé, j’avais refermé le mien comme elle, le sien. Il était temps d’avancer, vers l’avant, pour construire quelque chose de bien, de sensé, dont Jill pourrait être fière d’avoir accompli de son plein gré. Et cela commencerait en prenant une feuille blanche, oubliant ce qu’il y avait avant, pour écrire l’après. Je savais que cela n’arriverait pas en une seule journée.

« Crois-moi, j’ai croisé plus barré que toi ! » M’exclamant, souriant pour la rassurer, mon ton se refit plus sérieux « Je te trouve plutôt déboussolée. Ne t’inquiète pas, tu as simplement besoin de nouveaux repères. »

J’analysais la situation ainsi. La jeune femme avait certainement voulu faire bonne impression une fois sortie de cet asile dont elle détestait l’endroit, mais les choses ne s’étaient nullement passées comme prévu. Un bête incident dont elle ne devait blâmer. J’ignorais tout de son vécu là-bas, mais il était évident que la culpabilité était fortement présente, l’étouffant et l’emprisonnant dans des pensées négatives à son propos. Depuis que j’étais venue la récupérer, je la sentais prendre un peu plus le contrôle d’elle-même, être un peu plus sereine envers moi. Ne fuyant plus à mon contact, un pas avait été traversé, un grand, le premier, celui pour démarrer. Une fois fait, il suffisait de placer un pied devant l’autre et tout irait mieux.

« Te mettre à jour en musique et films est prévu»

Répondant à son sourire, prêt à lui faire plaisir, je réfléchissais déjà à un long métrage qui pourrait lui plaire. Cependant, alors qu’elle me serrait plus fort encore la main, je sentais son ventre se nouer, voulant parler ou ayant l’habitude d’agir ainsi. Alors j’écoutais longuement, sans l’arrêter, la laisser librement s’exprimer, sortir ce qui se terrait au fond de son cœur. Je m’esclaffais à sa dernière remarque, tellement vraie, me rappelant de bons souvenirs. C’est vrai qu’avant Jillian faisait de longs monologues auxquels je ne pouvais répondre que par des hochements de tête ou des accords de guitare. Une part de celle que j’avais connu était encore là, se réveillant petit à petit de huit années de sommeil, tandis qu’une autre bien présente la rendait déroutante. Mais c’était elle, non une étrangère lui ressemblant. D’une certaine manière, je me retrouvais rassuré.
Je n’étais pas des plus doués pour donner des conseils, et parfois ne savait que répondre à tant de mots, ni même ne savait ce que l’on n’attendait de ma part en se confiant, mais néanmoins, je faisais un effort pour dire quelque chose, n’importe quoi, ce qui me passait par la tête.

« Jill’, j’ai accepté de t’aider. Cela implique les mauvais comme les bons moments. C’est cela aussi, un ami. Que je te vois pleurer, rire ou te confier, je serai là. »

Les prunelles dans les siennes, je lui montrais la confiance qu’elle pouvait m’accorder. Il ne s’agissait pas de la juger, de la regarder différemment ou de me montrer choqué par ses actes ou ses confidences. J’étais préparé au pire. Mais je ne savais juste pas ce qu’il serait. Mais j’étais prêt à parer tous soucis, seulement, Jillian devrait également faire quelques efforts pour changer son comportement sur certaines choses. Tout comme ne pas s’enfuir à l’improviste. Un sourire se fendit à nouveau sur mon visage, réponse à sa requête que j’acceptais bien évidemment à bras ouverts. Pour sûr qu’elle en avait manqué des films, et elle allait devoir réviser les classiques de la décennie précédente ! Pourquoi ne pas commencer le plus tôt possible ? J’étais même partant pour la plus simple des choses qui ramènerait notre complicité d’antan sur les rails.

« Si tu n’es pas trop fatiguée, on pourra se prévoir une série de films à voir ce soir. Et dans la semaine, j’organiserai une soirée comme avant si tu veux ! Partante ? »

Avec un programme pareil, il y avait peu de chances que j’obtienne un refus de sa part. Et puis, le reporter serait plutôt simple, puisque nous allions vivre dans le même appartement.

« On retourne à la voiture ? Il y a encore un peu de chemin jusque chez moi.»
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyDim 5 Jan - 2:59

Je ne joue pas pas un rôle malheureusement. Je suis cet être dévasté qui panique devant une tâche de ketchup, pleure comme une madeleine à tout bout de champ et se triture les doigts en attendant sa punition. D'agaçante, je suis devenue pathétique. Je ne veux pas être moi-même, surtout pas. J'ai envie de retrouver celle que j'étais avant. Les règles, je peux les suivre, quoi qu'il en soit. Mais c'est parce que je suis cette pitoyable créature qu'il a besoin d'annoncer des règles. C'est à cause de ça que l'on se retrouve dans cette situation, lui qui doit se porter garant de moi, faible chose irresponsable. Incapable de vivre dans le monde seule. Je ne veux pas être cette chose.

« Je ne fais pas exprès, tu sais. Je suis... comme ça. »

Je lui réponds en soupirant. Comme ça. Ce n'est pas un rôle. Je ne me paye pas sa tête. Et non ce n'est pas une blague. Il a croisé plus barré que moi. C'est rassurant. Il dit sans doute ça juste dans ce but, mais ce n'est pas grave, ça fonctionne. Hayel est devenu un grand Saint-Bernard. Il a trouvé la faible chose que je suis, complètement perdue, et va me ramener à bonne destination. Il me « reboussolera ». C'est un grand optimiste aussi. Je ferais cependant en sorte que l'entreprise réussisse. Ça a l'air si simple quand tu l'entends en parler. J'aimerais avoir son assurance, mais je n'y arrive pas vraiment. Pourtant, avec Tamsin j'ai travaillé pour sortir de l'asile et on a réussi. Je croyais finir mes jours là-dedans et me voilà à respirer l'air d'un parc communal. Finalement, je vais espérer avec lui. On ne sait jamais. Quoi qu'il en coûte, je m'efforcerais d'atteindre la bonne destination en tout cas.

Puis je ne sais pas ce qui me prend, je lâche mon sac, sans savoir où il va atterrir. Peut-être que c'est pour lui faire comprendre la situation. Qu'il n'a pas assisté à une comédie, que je ne fais pas semblant et qu'il n'allait pas avoir facile tous les jours. Inutile qu'il se fasse des illusions, il découvrirait la réalité tôt ou tard. Malgré ma honte, je n'aime toujours passer pour une hypocrite, pour une fille qui dit blanc alors qu'elle pense noir pour s'attirer des faveurs. Ça, c'est Tamsin, pas moi. J'ai gardé au moins ça, un peu d'honneur. Je finis par ne plus contenir mon flot de paroles, déclarant des trucs que je n'avais pas prévu. Au moins, Hayel sait à quoi s'en tenir. Il sait que je ne cherche pas à lui pourrir la vie. Ou que je ne le ferais pas intentionnellement. Sa réponse me soulage, incroyablement. Je ne pourrais pas lui expliquer et je n'en ai pas l'intention de toute façon. J'ai suffisamment été fleur bleu pour aujourd'hui. Je reste ainsi silencieuse, m'accrochant toujours à son bras pendant qu'on avance. Je relève vers lui un regard pétillant, un sourire franc aux lèvres.

« Oh ouais ! Bien sûr que je suis partante ! » Je me redresse ensuite, dos droit et prend une voix assurée. « Et pas fatiguée. J'pourrais regarder des films toute la nuit. »

Je suis trop heureuse d'être sortie pour réussir à dormir cette nuit. Si je peux regarder des films toute la nuit, j'en profiterais jusqu'au bout. Je hoche ensuite la tête et le suit jusqu'à la voiture. Je lui demande une fois dans celle-ci et qu'Hayel ait démarré :

« Tu habites où ? »

Le reste du trajet, je me contente d'observer la ville qui défile, cette ville dans laquelle j'étais enfermée sans pouvoir y vivre.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyDim 5 Jan - 23:55

Il est peut-être encore trop tôt pour le faire, mais j’eus envie de prendre Jillian dans mes bras, pour la rassurer, lui dire que tout irait bien. Je n’avais pas aucune idée de l’angoisse qui pouvait la ranger, celle de retrouver le monde « normal » après huit années de vide. Ce monde avait évolué, et avancé sans elle, tandis qu’elle essayait tant bien que mal de supporter la douleur de son séjour à l’asile. Il était encore trop tôt pour montrer de quelconques marques d’affections, surtout pas avec les réactions inattendues de la jeune femme. Chaque chose en son temps me disais-je. En une seule journée, elle franchissait un nombre incroyable d’étapes. Moi-même, je n’aurais pu imaginer qu’elle se débrouille aussi bien.

« Je le sais bien. Mais ne prends pas ce que tu es comme une tare. Tu as le pouvoir de changer le courant des choses Jill. Si tu veux, tu peux. »

Cette maxime plutôt connue lui ferait probablement prendre conscience que son choix avait une importance. On s’était chargé de décidé à sa place, il était temps que cela change maintenant, qu’elle décide pour elle. Son sac tomba sur le sol. Par reflexe, je le ramassais et le lui rendait. Il était probablement temps de rentrer, la journée avait été éprouvante pour elle. Toutes ces nouvelles choses, toutes ces redécouvertes, cela faisait beaucoup ! Et elle aurait d’autres jours pour redécouvrir le monde. Aux prises à mon bras, je la laisse faire, et nous retournons petit à petit vers la voiture.

« Alors on est parti pour une soirée films alors ! »

Esquissant un sourire, je la voyais redevenue toute joviale et prête à s’amuser. Pétillante même, l’intérêt suscité la rendait toute folle. Fatiguée ou non, Jillian serait capable de rester éveillée toute la nuit pour rattraper le temps perdu ! Je reconnaissais là mon amie d’enfance, tout à fait elle. Comme quoi, elle pouvait parfaitement redevenir celle que j’avais connue comme une autre personne qui aurait évolué avec son vécu. A elle d’en décider, de voir ce qui lui plairait le plus. A elle de prendre les rênes et de décider. Ce goût de liberté, c’était ça : pouvoir décider. Remontant dans la voiture, je démarrais, tournant la clé pour mettre le contact. Nous nous dirigeâmes progressivement dans le quartier où j’habitais, pendant que Jillian contemplait le paysage, les yeux brillants de curiosité.

« J’habite dans le quartier de Treme, là où règne la musique ! Tu verras, le quartier est très sympa, on ira faire un tour si tu veux. »

Aujourd’hui ou demain peu importe ! Le quartier ne s’envolerait pas de sitôt les festivités non plus. J’avais tout préparé pour son arrivée, fait le ménage, rangé les vêtements propres qui trainait, la vaisselle, ce genre de choses que j’avais tendance à laisser trainer longtemps. Tout semblait impeccable pour un accueil chaleureux. Le frigo était plein des biscuits apéritifs aux féculents en passant par les légumes, j’avais tout bien préparé pour l’accueil de ma colocataire. En sortant de la voiture, je proposais à Jill de porter son sac jusqu’à l’appartement. Nous montâmes au troisième étage où je fis tourner la clé dans la serrure. Ouvrant la porte, je la laissais entrer la première.

« Nous voilà chez nous ! Prête pour une petite visite ? »

Un bon soixante mètres carrés pour deux, comportant deux chambres, un séjour une cuisine et une salle de bain. Je commençais bien évidemment par le séjour où je lui montrais le vidéoprojecteur qui nous permettrait de voir les films comme au cinéma, par projection contre le mur blanc de la pièce. Capable de se mouvoir en salon et coin pour le repas, c’était sans doute la pièce où nous passerions le plus de temps ensemble, réservant les chambres à un cadre plus privé. La chambre de Jillian serait la sienne, son cocon, son nid douillet, qu’elle arrangerait comme elle en avait. Après lui avoir montré les parties les moins intéressantes ainsi que ma chambre, je clôturais la visite par la sienne.

« Voilà ta chambre ! Tu pourras l’aménager comme tu le souhaites, y ajouter ta touche personnelle. »

Lit, rangements, bureau et table de nuit, les meubles ne tarderaient guère à être recouverts par les affaires de Jillian. Je regardais la jeune femme, en attente d’une réaction de sa part.
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyMer 15 Jan - 17:41

Je ne sais pas ce qui m'émerveille le plus : contempler le paysage ou me rendre dans un endroit autre que l'asile où je vais dorénavant vivre. Cela dit, les deux sont liés, alors disons qu'ils sont à égalité. Bien que la nuit tombe, les couleurs sont agréables, fascinantes et les formes me donneraient presque le tournis. Adieu le blanc sale, les néons agressifs, les lignes géométriques, les pièces méticuleusement rangées et à moitié vides. Je suis de retour dans la vraie vie, là où règne le désordre et la diversité. C'est ce qui va être le plus dur, m'habituer à ce fouillis. Il n'y aura plus d'horaire imposé et les possibilités seront innombrables. Mes activités ne se résumeront plus aux ateliers proposés par les infirmiers ; bon vent le scrabble, merci ! Je suis libre. Chaque jour sera dès à présent composé d'un nombre incalculable d'inconnues. En me levant le matin, je ne saurais jamais à l'avance ce que je vais vivre dans la journée. C'est aussi excitant qu'angoissant.

Pour le moment, je me contente de savourer l'air de la liberté. Ce soir, je n'ai à me soucier de rien, je vais seulement découvrir l'appartement de Hayel et passer une soirée avec lui. Une vraie soirée. Avec un ami, où l'on parle de tout et de rien et l'on décide nous-même de ce qu'on fait. Si je veux grignoter, je suis sûre qu'il me le permettra. Oh manger en dehors des heures de repas, quelle douce revanche ! Et je ne serais même pas couchée pour vingt-trois heures ! Prenez ça dans les dents, na ! Ces pensées réjouissantes en tête, j'adresse un regard intéressé au pompier.

« Oui s'il-te-plaît. Je te reconnais bien dans ton choix. »

Qu'il vive dans le quartier de la musique me paraît naturel. Je l'ai connu grâce à la musique et, ensuite, il a toujours baigné dedans. J'avais l'impression qu'il trouvait dedans ce qui lui manquait, la parole en premier lieu. Je ne sais évidemment pas ce qu'il en est maintenant ; elle fait en tout cas toujours partie de sa vie d'après ce qu'il m'a dit. J'espère pouvoir l'écouter bientôt, sa musique m'a manqué.

La voiture est garée, plus qu'à sortir pour entrer dans un bâtiment animé. Hayel propose de porter mon sac, ce que je refuse. Je le garde à mon épaule ; j'ai toujours eu du mal avec ce genre de galanterie masculine. Je sais me débrouiller quoi ! Finalement, on arrive devant sa porte. Celle-ci ouverte, j'entre, curieuse. Je laisse tomber mon barda sans regarder ce que je fais, le regard captivé par l'endroit. Ma première impression est que la pièce est sombre, encombrée et en désordre. Mais j'essaye d'envoyer ça à l'arrière : non, c'est juste que c'est un vrai appartement. Je me retourne vers le proprio :

« Je te suis ! »

J'ai encore tiqué quand il a parlé du « chez nous ». Ça me paraît dingue, j'ai du mal à me faire à l'idée. Je suis aussi étonnée que Hayel présente la chose aussi spontanément et facilement. Pourtant, il va devoir cohabiter avec une folle dangereuse. Ce n'est pas une chose qui s'accepte aisément, enfin j'imagine. En plus, il doit avoir l'habitude de vivre seul. Comment c'est, de vivre seul, d'ailleurs ? Je me le demande soudain, alors que je lui emboîte le pas pour la petite visite des lieux. Arrivée à la chambre qu'il m'a préparée, je me triture les doigts, gênée. Je ne sais pas quoi dire face à tant d'attentions.

« Wouaw, tu as été à fond ! Fallait pas... Je me serais contentée d'un matelas. » Je détourne mon regard de Hayel vers la pièce meublée. « Merci en tout cas, c'est super gentil. »

Il est fou, c'est pas possible autrement ! Pour avorter toute réplique de sa part, je me tourne pour me mettre face à lui, frappe des mains, un grand sourire aux lèvres.

« On se fait ce film ? C'est encore mieux que prévu, t'as quasiment un mini cinéma chez toi ! La classe, tu fais pas les choses à moitié, hein ! »
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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyLun 20 Jan - 20:43

Je suis le genre bordélique, à laisser les affaires longtemps trainer sans être rangées. Un défaut que je vais devoir faire disparaître maintenant que j’habitais avec Jillian. Que ce soit aussi propre et rangé relevait quelque peu du miracle. Pour un gars, c’était normal de se laisser aller, pour une fille, cela passait quand même moins bien et je voulais quand même faire bonne impression auprès d’elle alors j’avais fait de sacrés efforts pour ne pas la décevoir. Je ne me donnais habituellement pas autant de mal, il fallait croire que j’avais eu la motivation pour elle. Visite des locaux, j’ai l’impression de voir une petite fille qui découvre de nouvelles choses. Toute guillerette et contente, je la voyais étirer un sourire, sans faire de remarques sur le rangement. C’est que ce devait être acceptable pour elle, très bien. Ouf. Je fronçais ensuite les sourcils : qu’elle ne recommence à se dénigrer hein ! Un matelas et puis encore ? Elle méritait plus confortable que cela !

« Un matelas ? Attends, tu es ma colocataire maintenant, tu mérites davantage ! »

Décidément, j’avais du boulot avec cette demoiselle, mais j’étais fin prêt à tout pour l’aider. Si à l’époque, j’avais compris que je voyais un esprit, les choses auraient pu être différentes et moins compliquées… mais elles ne l’étaient alors maintenant il fallait faire avec. Que ne donnerais-je pour revenir à cette période et changer le cours des choses… le mal était fait maintenant, pourquoi le ressasser continuellement ? Je voulais tout de même faire en sorte que Jillian se sente bien chez nous. Qu’elle n’ait pas envie de retourner dans sa prison blanche parce que l’extérieur l’effrayait. Mes pensées furent perturbées par la dite demoiselle qui s’extasiait devant le vidéoprojecteur. Il était assez simple de se créer un mini-cinéma chez soi à moindre coût pourquoi ne pas en profiter alors ? Alors j’avais investi là-dedans et quand on voulait se regarder un film, c’était chez moi que ça se jouait, toujours.

« Je suis un accro de cinéma. Je regarde de tout et n’importe quoi. Tu ne seras pas déçue du choix que je propose en matière de film. Je te laisse choisir. »

Et je disparus rapidement dans la pièce voisine, la cuisine, laissant à la jeune femme le soin de regarder plus en détail ce que je proposais en matière de films. Je lui conseillais d’en choisir un rapidement parmi ceux qui la tentaient, ou elle n’en finirait pas de lire tous les titres ! Dans les placards de la cuisine, je sortis tout ce qui me passait sous la main : chips, pistaches, noix de cajou, cacahouètes, gâteau, jus de fruits, bière etc… et je revins avec toutes les victuailles que je plaçais sur la table basse avec un grand sourire. Coussins et couvertures sur les côtés du canapé, au cas où nous en aurions besoin. Nous allions enchaîner les films, autant être armés !

« De quoi survivre jusqu’à demain matin. »

Quand l’appétit va tout va n’est ce pas. Votre ventre serait tout heureux d’avaler toutes ses cochonneries et j’étais certain que Jillian allait également apprécier ces biscuits salés et sucrés par rapport à la nourriture de l’asile… Je lançais le premier film, début d’une longue série. J’éteignais la lumière, nous nous installâmes ensuite sur le canapé.
Attention, ça tourne.

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MessageSujet: Re: Smells like free spirit [Jillian] Smells like free spirit [Jillian]  EmptyLun 20 Jan - 20:43

RP terminé
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Smells like free spirit [Jillian]

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