Ambiance:

Ce soir, mon groupe pose ses amplis au Chat Noir, dans les beaux quartiers. Je connais bien le directeur de la salle, et on y passe environ tous les mois. J’aime ces quelques heures passées sur scène, à me laisser porter par la musique, à tout donner, à m’abandonner complètement. J’ai fermé boutique un peu plus tôt ce soir pour avoir le temps de me changer et de faire les balances avant qu’on mette le feu. Je me planque dans les loges, et commence à enfiler ma tenue de guerre. A savoir un short noir court, d’où dépassent les jarretières de mon porte-jarretelles qui retiennent des bas léopard. Aux pieds, de lourdes bottes de motard. Le haut est plus simple, un t-shirt ample noir. J’attache mes cheveux en queue de cheval pour ne pas risquer quoi que ce soit pendant mon coup d’éclat de milieu de show.

Je charge mes yeux de noir, du rouge sur les lèvres et vais m’installer au bar pendant que les techniciens font les ultimes réglages. La salle est aux deux-tiers pleine, on commence à avoir un public fidèle dans le coin. Un léger trac commence à me gagner, comme à chaque fois avant de monter sur scène, et passe ma commande habituelle au barman.

Jack chéri, tu me mets comme d’habitude ? T’es un ange.

Le verre glisse jusqu’à moi, et je tourne la tête quand le type assis à côté de moi tente de faire la conversation. Si le regard pouvait tuer, ce connard serait déjà mort à cause de ce qu’il vient de me dire. J’inspire profondément et je tente d’être la plus glaciale possible.

Il vaudrait mieux que ce soit le contraire pour moi… c’est mon groupe. Si vous voulez bien m’excuser, j’ai une foule de tympans à aller exterminer.

Je vide cul-sec mon verre bien chargé, et je sens rapidement la chaleur de l’alcool qui m’envahit tout le corps. Qui se conjugue aussi à la rage. Je vais lui prouver, à ce con, ce que c’est que Firefly. Je repose lourdement mon verre sur le bar et tourne les talons sans un regard en arrière. Les autres membres du groupe montent sur scène en même temps que moi, et j’attrape ma guitare pendant que les autres s’installent. On joue vite, on joue fort, et on joue bien. Ma voix rauque se répercute sur les murs, je hurle, je danse, je saute partout. Je veux en mettre plein la vue à cet espèce de pédant. Et pour mon final, quand j’attrape une bouteille de vodka et que je crache des flammes, je le fixe droit dans les yeux alors que je m’essuie la bouche. Je crois que c’est mon meilleur set. Et on sort de scène sous les applaudissements et les cris de la foule, totalement crevés mais heureux. Cet imbécile a eu sa leçon.

Je m'en doutais. Une tenue aussi provocante et le fait de ne pas comprendre mon second degré. Une pure attitude de pimbèche qui beugle sur du "rock" simpliste et primaire. Limite Courteney Love chantait mieux et pourtant, je ne considère pas qu'elle chante. Firefly, c'était donc son groupe et elle semblait être la chanteuse de cette assemblée de troufions qui savent à peine gratter ou taper sur une batterie et qui osent s'appeler groupe de rock. Oui, avant de me lancer là dedans, j'ai écouté vite fait deux ou trois riffs et textes d'eux. En un mot, je trouve ça immonde. Espérons être tombé sur les plus mauvaises chansons de leur répertoire et que ce qu'elle va bêler sera à peu près audible et que les instruments ne seront pas à un tel point violés au point d'en faire retourner tout le club des 27 ans sa tombe.

- Eh bien prouvez donc moi qu'j'ai tort...

Je sors mon calepin et mon stylo. Ce même stylo qui avait fait ma notoriété, le stylo à encre rouge écarlate dont le capuchon faisait penser à une plume, d'où je tenais également mon sobriquet dans le métier de critique. Le patron écarquille les yeux quand il me voit sortir mon arsenal de bourreau qui a pour hache un stylo rouge sang. Il avait compris. Je lui adressais un sourire fier quand il me pointa du doigt en lâchant discrètement mon nom de critique pendant que le massacre auditif allait commencer.

- J'aime bien provoquer un peu les artistes, la hargne leur donne de l'énergie...

Et la hargne était bien là, je la sentais mettre toutes ses tripes dans son micro. Elle était mauvaise chanteuse pour moi, c'était clair. Mais le truc que je pouvais pas lui reprocher, c'était qu'elle croyait qu'elle pouvait bien chanter, qu'elle savait qu'elle pouvait faire des miracles (pour elle, soyons clairs !), qu'elle s'était pas improvisé chanteuse, qu'elle ne chantait pas depuis deux jours. Elle avait travaillé pour arriver à son niveau. Ce travail si acharné méritait d'être critiqué de façon plus réfléchie. J'avais l'habitude de demander à ceux qui étaient là pour écouter le concert avec moi pour avoir leur ressenti. Bien souvent, j'ai droit à des "Ouais, c'était trop bien, j'suis trop in love de la chanteuse". Qu'y connaissent-ils à la musique, ces résidus de fausse couche ?! Rien !! La chanteuse finit par me cracher des flammes presque à la gueule, l'air de tire "dans ta face, connard". C'était pas faux, les gens autour avaient l'air d'apprécier ce "rock" de bas étage. Moi le seul truc qui m'a un peu bluffé, c'est son crache feu. Elle a rien inventé, mais c'est respectable... Au fur et à mesure que j'écrivais de ma plume écarlate, le patron avait remarqué que je tirais la gueule, il sentait que ma critique allait être comme celle d'un sniper : BAM ! Dans ta gueule ! Ramasse tes dents et crève. Je finis rapidement de noter ce que je veux dire et une fois que le groupe est parti, je fais un rapide tour de salle histoire d'avoir les commentaires des (masochistes) adorateurs de ce groupe. Eh ben oui, il faut tenir compte de l'avis des groupies pour être constructif et mieux casser derrière. J'ai eu droit à des gens plus évolués ayant apprécié le spectacle, comme quoi c'était un bon petit groupe sympathique. J'ai eu des avis de groupies comme je m'y attendais et j'ai aussi eu des gens qui n'avaient pas apprécié et qui sont restés pour x ou y raison. J'avais ce qu'il me fallait pour faire une critique constructive. Je payais mon soda et le verre de la chanteuse en guise de bonne foi et sortis du bar. Je chevauchai ma Harley avant de foncer pour rentrer au bercail.

Mon bureau. Chez moi. Ici, je peux écrire mes critiques. Et c'est donc ici que je me mis à rendre mon jugement... Après avoir prit dans mon frigo une bouteille de soda en verre, je me mets à taper sur mon clavier.


Je commence à me fatiguer, et finis par fermer les yeux. Je ne le voyais pas mais je continuais d'écrire avec énergie et un large sourire allongé par ses ombres faites par la lumière de mon ordi et des bougies autour de moi.

Deux jours plus tard, on put lire ma critique que je n'avais même pas mailé au directeur ! Et.. Je ne l'avais pas finie, surtout ! Mais je lus alors ce qui semblait être la suite de ma critique...

Scarlet Feather, votre bien-aîmé critique

Mais... J'avais jamais écrit ça ! Je parlais la langue de bois couramment, pourquoi frapper à grands coups de batte de base ball un groupe qui a de si petites ailes de façon aussi cruelle ? C'était décidément pas moi, mais l'écrit était publié. D'ailleurs tous les mails de mes collègues me disaient "Bien joué, Tony !" A croire que c'était une bonne idée... Bref ! J'avais envie de me poser, écouter de la musique autre. Harleen m'avait laissé un petit mémo sur mon PC : "Passe au Music Hole, y a de bons vinyles et la tenancière est sympa !" Qu'à cela ne tienne, après m'être lavé, habillé et cétéra, j'enfilais mes Dr Martens avant de chevaucher ma bonne vieille Harley pour aller dans ce magasin... C'était alors que j'allais me retrouver nez à nez avec...

- Vous ?!

Et comme on entend dans les épisodes de série : Tiiiin TIIIIIIN Tiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin...

Je quitte la scène complètement épuisée, mais ravie. Le public a adoré, on a donné tout ce qu’on pouvait… une vraie belle soirée. Avec les garçons et leurs moitiés respectives, on décide d’aller fêter ça dans un club en ville, et Lucas nous rejoint après son service. L’alcool coule à flots, l’ambiance est à la fête, on rit, on fait les cons, et c’est vraiment génial. La soirée s’achève chez moi au petit matin, ou Jeff et Nate échouent sur le canapé qui se trouve dans un coin de la boutique, pendant que je regagne mon royaume privé.

Le lendemain, ou plutôt, quelques heures plus tard, on émerge dans un état passablement lamentable. La gueule de bois est en train de faire un numéro de pompom girl de compétition dans nos pauvres crânes malmenés. Une bonne douche fait du bien, et je pousse la générosité jusqu’à aller chercher des donuts et autres cochonneries bonnes à filer du diabète et du cholestérol à la boulangerie du coin. Le temps que tout le monde soit réveillé et presque opérationnels, il est déjà midi. On s’installe à mon comptoir, et Jeff va récupérer le journal. On nous avait prévenus qu’un critique allait se trouvait dans la salle, et on est tous super impatients de savoir ce qu’on a dit de nous. On sait pertinemment qu’on est pas des superstars, mais on travaille dur pour assurer un set correct, des chansons qui tiennent la route, et pour satisfaire les gens qui sont en face de la scène. Tout comme on sait qu’on ne sera jamais les Rolling Stones, et on a tous notre job à côté. C’est plus comme… notre moyen à nous de nous évader. Certains font du sport, vont au ciné, partent marcher en forêt. Nous on joue du rock.

J’attrape le journal que je feuillette rapidement jusqu’à arriver aux pages « Culture », et je vois le nom de notre groupe. Mon cœur s’arrête de battre et je m’éclaircis la voix avant de commencer à lire aux autres. Sauf que dès la première phrase ça passe mal. A la fin du premier paragraphe, je marque une pause et lève les yeux vers les garçons.

- On sait qu’on est pas parfaits… il nous a pas trop coulés je trouve.
- Il était un peu vache mais bon, ça aurait pu être pire…
- Attendez les mecs, je continue.

Ma voix perd de son assurance, et se noue au fur et à mesure des lignes assassines qui suivent. Putain mais le mec avait envie de tuer quelqu’un et s’est lâché sur le premier prétexte qui passait ou quoi ? Je termine de lire avec une voix à peine plus élevée qu’un murmure, et quelques larmes ont roulé sur mes joues. Ce connard vient juste de bousiller nos rêves, de nous traiter de connards et d’incompétents. De… sous merdes. On se fait un long câlin histoire de se serrer les coudes, et on termine le reste de notre petit déjeuner dans un silence de mort. Puis Jeff, qui avait pris le journal entre temps, me montre la photo du critique qui nous a incendiés.

C’est pas le type qui t’a déjà dit de la merde hier au bar ?

En effet, mais d’un côté il est resté sur la constante, il s’est montré un parfait connard du début jusqu’à la fin. J’inspire profondément et frappe dans les mains.

Vous savez quoi, ce mec on l’emmerde. Qu’il aille se faire foutre ! Nous au moins on a eu les couilles de monter sur scène et de jouer devant tous ces gens, pas comme lui qui est juste resté le cul posé sur son tabouret, et à faire dans son pantalon à l’idée de casser des musiciens. Allez on va pas se laisser abattre… Ce sera pas le dernier à nous cracher à la gueule.

Après une nouvelle tasse de café, les garçons s’en vont, et moi je retourne aux affaires courantes de ma boutique. Je décharge une livraison de vinyles et de goodies, et m’occupe d’un peu de paperasserie. On est au milieu de l’après-midi quand le carillon de la porte résonne. Je relève le nez du présentoir à cordes de guitare que je suis en train de remplir, et mon cœur rate un battement quand je reconnais le nouvel arrivant. Ah ça c’est trop fort ! Le sale con !

Toi ! Comment t’as osé !

Le carton de cordes retombe sur le sol alors que je m’avance vers lui comme une furie, les poings serrés. Et je l’alpague depuis l’autre bout du magasin et pendant tout le trajet.

T’es venu pour savourer ton article hein ? Ca t’as bien fait jouir de nous démonter ? Hein ? T’as pris ton pied ?

Et sans qu’il comprenne quoi que ce soit, mon poing vient rencontrer sa mâchoire avec une force impressionnante. Je serre les dents pour ne pas gémir de douleur, je ne lui ferai pas ce plaisir. Alors qu’il manque à moitié de tomber, je continue mes… « explications » un peu musclées.

Tu peux être critique, mais ça, c’était de la méchanceté gratuite. Le truc qui ramène rien à personne, à part à compenser l’égo défectueux de celui qui l’a écrit. Maintenant casse-toi, connard ! Et que je ne te revoie jamais remettre les pieds ici, ni à un de nos concerts !

Si on avait prévu cette confrontation, on aurait pas fait mieux. Une véritable furie avait foncé sur moi avant de me rentrer dedans et de me frapper poing fermé au visage. Plus puissant qu'une locomotive ! Et à peu près aussi subtil... Je l'entendais hurler comme une possédée alors que j'avais fermé la porte. Ne me demandez pas ce qu'elle m'avait dit, je n'avais rien compris de ce qu'elle avait dit. Un peu comme quand j'avais écouté leur chanson, d'ailleurs, comme quoi, j'étais pas dans le faux !

Cette beigne, m'avait décroché la mâchoire, heureusement que ma tête était bien soutenue à ma colonne, autrement, elle volait. J'en étais même sonné. J'avais l'impression que le tonnerre avait grondé dans ma tête au fil des battements de mon coeur qui ont accéléré par l'adrénaline. Je ferme les yeux.

Je souris largement, je cerne le regard. Les ombres prennent forme sur mon visage. Le poing serré, je regarde d'un oeil furieux la brune devant qui semblait se trouver dans une brume grise et épaisse. Nos regards se croisent. Je lui souris, je bondis, prêt à lui rendre son attaque. Je donne un coup violent dans sa direction, je cogne son épaule de plein fouet, je l'entend craquer. Je tente de donner un autre coup de poing. Elle se dégage vite et je frappe avec colère le mur.

Mon poing saigne beaucoup. Je l'essuie sur mon visage, à côté de ma bouche jusqu'à remonter le long de ma joue droite. Alors qu'elle est figée, je l'attrappe par les bras avant de la plaquer la tête contre ce foutu mur qui a encaissé le second coup à sa place. Mon regard est noir, mauvais, plein d'ombres, du sang sur le visage, mon sourire est crispé, sadique. Alors que je sens sa respiration et son coeur s'accélérer, je lui hurle littéralement dessus.

- NE ME TOUCHE PAS, RESIDUS DE FAUSSE COUCHE, DECHET DE LA MUSIQUE, ÊTRE INFERIEUR !


Ma voix résonnait dans la boutique. Personne n'était là. Juste elle. Et moi. Je voyais ses yeux cristal pétrifiés, une goutte de sueur perler sur son front. Autour de nous, je voyais cette même brume épaisse à couper au couteau, elle gagnait petit à petit mon champ de vision je ne vis plus rien. Mes yeux se ferment.

Je vois ma main droite qui était censée être en sang imaculée, sans aucune coupure, aucun choc. Elle était là, contre le mur, certes, mais je ne la tenais pas... Je tournais la tête vers le miroir le plus proche. Mon visage était pâle, aucune ombre particulière... et surtout... Pas de sang. Je tremble. D'où venaient ces événements ? Aucune idée... Je les ai rêvés ? Je vois le visage de mon interlocutrice qui semblait plus calme que quand je suis entré... Il n'était pas bon de rester alors... Mais rester fâchés de la sorte, ça ne me plaisait pas. Je lui parlais alors.

- Ecoutez... Passez-moi un coup de fil quand vous serez décidée à traiter les choses un peu plus sérieusement... Je vous laisse ma carte.

Je sors de la poche intérieure de mon cuir une carte rectangulaire toute blanche avec mes coordonnées dessus. Elles s'y trouvent toutes d'ailleurs. Nom, prénom, profession, numéro de fixe, mobile, bureau, adresse postale, adresse courriel, adresse courriel professionnelle... Je la dépose sur le comptoir, avec le petit bruit du carton sur le bois du meuble et en ouvrant la porte de la boutique, je lâche un

- Veuillez m'excuser pour cette entrevue expéditive, mais j'ignorais que vous teniez aussi une boutique de vinyles qu'on m'a conseillé. A une prochaine, j'espère au plus vite, que l'on règle rapidement cette méprise.

Je sors sans écouter ce qu'elle aurait éventuellement à me redire derrière ça, je chevauche mon Harley et retourne à la maison. Je ne l'ai pas vu ni entendu, mais une fois que j'ai fermé la porte, le miroir qui avait croisé mon regard eut un impact. une fissure. Il se brisa.

Une fois rentré, je m'assieds sur mon canapé en cuir noir, perdu dans mes pensées...

- T'as écrit à ma place, hein ?
- J'ai écrit ce que tu pensais, sois content...
- T'as été méchant et absolument pas critique. Nan, je suis pas content...

Là voilà, ma réponse...

Autant mon poing me faisait un mal de chien, autant ça m’avait fait un bien fou de décocher une droite à ce connard de critique de mes deux. Ma rage contenue depuis ce matin explose enfin. Sauf que j’ai à peine le temps de réaliser ce que je viens de faire que je sens qu’il me porte un coup violent à l’épaule. Je recule sous le choc, et je sens une force m’attirer vers le bas, juste à temps pour éviter une nouvelle attaque. Son poing vient heurter le mur si violemment qu’il en laisse une marque. Heureusement que je suis protégée, parce que sinon il m’aurait eue. Je me retrouve à genoux quand la douleur explose dans mon corps et je me retiens de hurler. Ce mec est totalement taré ! Je tente de reculer alors qu’il s’approche de moi, le visage maculé de sang, et m’attrape par les bras avant de me projeter violemment contre le même mur. Et j’ai peur, la première fois que j’ai vraiment peur depuis qu’on m’a descendue dans ce puits. La peur de mourir. Son regard est si noir et si plein de haine, j’ai vraiment l’impression qu’il va me tuer tout en hurlant les pires horreurs. Le pire c’est que je suis seule, personne ne voit ce qui se passe, et il pourra se passer le pire que rien ne l’arrêtera.

Sauf que quelque chose d’étrange arrive. Il s’arrête, comme figé en me regardant, ferme les yeux une seconde, et quand il les rouvre, j’ai quelqu’un d’autre en face de moi. Comme quelqu’un qui vient de se réveiller et qui met quelques instants à se rappeler où il est et quel jour on est. Toutes les émotions négatives, la haine qui l’habitaient plus tôt semblent avoir disparus. Volatilisés, en une seconde. L’homme en face de moi est calme. Il me dit d’une voix neutre que tout ça n’est qu’un malentendu. Il donne l’impression de me regarder sans vraiment me voir. Et sans se rendre compte qu’il me tient toujours. Il continue son speech, qui tire même sur le courtois ampoulé, s’excusant pour l’article, qualifiant tout ça de « méprise ». Je lui hurlerai dessus si je n’étais pas aussi surprise. C’est presque hallucinant le changement qui s’est opéré, et la douleur est la seule chose qui me rappelle que tout ça s’est vraiment passé il y a une seconde à peine. Il me lâche pour chercher sa carte et me la déposer sur le comptoir, avant de disparaître en un coup de vent. Je me laisse retomber sur le sol, tremblant comme une feuille, et j’ai juste assez de force pour appeler Shiloh à l’aide.

Deux heures plus tard, le bras en écharpe et une dose de cheval de calmants dans les veines, je retrouve enfin ma boutique. Tout est calme, à part le carton de cordes que j’ai abandonné pour aller frapper l’autre con, et la marque sur le mur. A part ça, rien. J’allume une bougie sur mon bureau et j’appelle Nana. Je sais que je n’ai pas l’esprit très clair à ce moment précis, mais il faut que je fasse quelque chose.

- Nana… merci pour tout à l’heure… Sans vous je ne sais pas si je m’en serais si bien sortie…Ce type est fou ! Tu as vu ce qu’il m’a fait ! Il aurait pu me tuer !
- Mon chaton…
- Sérieusement Nana, il va falloir lui donner une bonne leçon…
- Mon chaton, tu n’as pas besoin de lui faire payer…
- Et pourquoi ? Il a failli me tuer ? Il m’a cassé la clavicule quand même !
- Il souffre déjà bien assez.
- Comment ça ? Oui il va souffrir quand on se sera occupé de lui !
- Nitzan ! Ecoute-moi… C’est une âme qui souffre. Une âme torturée. Un esprit très mauvais en a après lui…

Je médite ces paroles et je décide d’en avoir le cœur net. J’ouvre les fichiers des caméras de surveillance, et je regarde la scène. Mon cœur s’arrête quand je vois ce Tony, avec une sorte d’ombre à côté de lui. Alors qu’on était seuls tous les deux. Nana avait raison, ce type est possédé… Ce qui explique aussi pourquoi il a changé aussi vite de comportement… C’est l’esprit qui avait parlé. J’en viendrais presque à le plaindre, s’il n’avait pas failli me tuer.

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