Fleur de Nuit

Event.

Je pense que les choses empirent, depuis le coup de l'entrepôt. Tout était mieux, beaucoup plus calme. Mais ce n'est désormais plus qu'un lointain souvenir. J'ai peur de rester seule le soir, quand tout recommence. Je me suis réveillée en pleine nuit, après un cauchemar affreux. Je ne sais pas ce qui m'arrive, ça ne me plaît pas. On dirait presque que.. Que la situation ne satisfait plus tout le monde, par ici. C'est le néant, silence radio, et quand vient la nuit... Elle se déchaîne, me fait vivre un enfer. J'ai de nouveau des bleus, mais mieux cachées que les fois précédentes : une voisine s'est inquiétée en me voyant. Maintenant, c'est discret, couvert par mes vêtements. Je crois que je me débats tant et si bien que j'en garde les traces d'une semaine à l'autre. Et elles s'accumulent. Il y a des moments où je me réveille, en larme, sans savoir ce qui se passe ou s'est passé. Je suis plus perdue qu'avant.. Tellement plus. Mais pourquoi ! L'énervement laisse rapidement place au découragement, puis à la déprime. C'est un cercle dont je ne parviens plus à m'extraire.
Et là, à pas d'heure, me voilà dans le noir, mains fermement ancrées dans mes poches, effleurant nerveusement mon trousseau de clef, qui me rappelle sans arrêt qu'à un moment ou un autre, il me faudra rentrer. Mais je ne veux pas. C'est bien naïf de ma part, mais j'aime penser qu'en dehors de l'appartement, je suis sauve. Tellement tellement naïf. Comme si le problème venait des murs, ou du toit. Mais non, il vient de moi. Je suis pour ainsi dire une part de ce dernier. Je traîne d'avantage des pieds, le sol mi terreux mi sableux crissant sous mes pas. Il n'y a plus beaucoup de monde, à cette heure, dans les parcs. Et c'est tant mieux. Ces derniers temps, je ressasse beaucoup, et mon altercation avec cette fille, Alexandra, me tracasse. Ça a été la première fois, mais peut-être finalement pas la dernière. J'ai peur de ce que je pourrais faire... Quand quelqu'un passe trop près de moi, j'imagine ce qu'il pourrait se passer. Je suis peut-être plus paranoïaque qu'autre chose, mais ma conversation avec Abigail me revient par fragments. Et si tout devenait pareil ? Si le processus avait juste été un peu plus long ? Je secoue la tête, avant de me concentrer sur les petits chemins du parc pour mieux m'y perdre. La dernière fois que j'étais ici, j'étais accompagnée.
Collin.. Je ne sais pas non plus ce que je peux penser de tout ça. Nous avons discutés, j'ai parlé à un inconnu comme jamais, c'était parfait. Un peu de bonheur dans un quotidien si changeant. Puis il s'est sauvé, et je suis rentrée, comme si de rien n'était. Et ensuite, cette histoire d'entrepôt. J'ai refusé l'aide psychologique qu'on ma proposée. J'avais trop peur d'être prise pour une folle. J'aurais peut-être dû accepter, finalement. Seulement, il est trop tard pour ça. Il a vu une part de moi que j'aurais préféré ne jamais montrer. Et.. J'ai moi aussi eu une révélation, le concernant. Il y a apparemment bien plus de possédés, comme moi, qu'on pourrait le penser, à première vue. Aussi, il le cachait bien. Peut-être que moi aussi. Je ne sais pas.
Un cri dans la nuit me fait accélérer. J'hésite avant de me rendre dans la direction du bruit. Quelqu'un de plus jeune que moi part en courant, visiblement effrayé. J'hausse les épaules, c'est peut-être un de ces amis qui lui fait une blague. Avec un soupir, je fais demi-tour, prête pour une énième ballade complète. Je vais finir par connaître les allées de ce parc mieux que mon propre appartement...