« Mais qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance !  »

Les regards se posent sur toi. Tu détestes ça. Cette impression d'être jaugé, jugé et condamné par des inconnus dans la rue. Tu es pathétique. Pitoyable. Tu secoues la tête comme un enfant récalcitrant mais tu sais très bien que la voix dans ta tête n'ira nulle part. Elle s'est établie là, au creux de ta conscience ébranlée. Tu es devenu paranoïaque. Tu étais déjà bien tordu, au départ. Tu n'es pas d'humeur pour les railleries cruelles de ton double maléfique. La foule dense et suante te bouscule et t'emporte. Tu paniques. Tu détestes qu'on te touche. Petite nature. Tu voudrais protester. Mais tu ne peux pas. Il contrôle tout. Il est dans ta tête. Il est toi. Je suis toi. « Tais toi. » Le regard bizarre et méfiant que t'adresse le petit bureaucrate te fait prendre conscience du son de ta voix. Tu as parlé tout haut. Les gens te trouvent bizarre. Tu es étrange. Tu fais peur. Tu les gêne. Tu grognes. Les passants s'écartent un peu de toi. Tu voudrais qu'ils n'existent pas. Tu voudrais pouvoir déambuler seul dans les rues de la ville. Lâche. Pleutre. Tu n'es même pas capable d'affronter ta propre race. Tu t'étonne de ma présence en toi mais tu n'es même pas foutu de t'imposer dans ton propre monde ... Il a raison, tu le sais. Tu as peur des gens, plus qu'ils n'ont peur de toi. Reclus dans tes jardins, tu évites de parler aux clients, tu n'aime que les fleurs et les arbres. Il n'aime pas ça, tu le sens. Evidemment que je déteste ça. Je ne suis pas venu ici pour jouer avec de la terre. Tu souris. Tu penses très fort. Si tu n'es pas content, tu peux toujours aller voir ailleurs ... Il ricane. Tu auras essayé. Tu te crois malin, hein. Avance, on n'a pas toute la nuit. Tu voudrais refuser. Te rebeller. Mais il contrôle tout. Tes jambes bougent contre ta volonté. Ton corps est prit au piège, ayant deux maîtres dans sa boîte nerveuse. Alors tu avances, à contre-coeur.

Des cauchemars atroces hantent tes nuits. Tu te réveille en sueur et en larme, effrayé par les flammes de cet enfer qui t'englouti à chaque fois que le jour tombe. Tu n'es qu'une enveloppe charnelle, un outil, un instrument. La possession de cet esprit qui se joue de toi. Tu as peur. Pauvre petite chose en détresse. Tu allumes la lumière, réflexe humain pour chasser l'ombre, l'inconnu. Mais tu sais que c'est couru d'avance. La lumière ne te sauvera pas. Tu marmonnes un « Tais toi » inutile et pathétique. Il ricane. Tu te lève pour gagner la salle de bain, espérant qu'une douche te remettra un peu sur pied. Il n'aime pas l'eau. Il grogne. Tu ne l'écoute pas. Tu le prend de vitesse. L'eau coule sur toi. Il se tait. Enfin. Le silence de ta tête semble assourdissant. Tu n'as plus l'habitude. Les plaies et les hématomes sur ton corps témoignent de la lutte acharnée que tu as mené pour qu'il ne t'habite pas. Combat inutile et vain, perdu d'avance. Tu le savais. Mais tu as résisté quand même. L'eau trempe tes cheveux blonds cendrés et ruisselle sur ton visage, effaçant la sueur des cauchemars. Tu ne l'aime pas. Mais il est parfois ... salvateur. Tu le sais. Il prend le contrôle et te fait faire des choses que tu n'aurais jamais osé faire. C'est libérateur. Grisant. Effrayant. C'est de l'adrénaline pure. Tu aimes, cette sensation. Mais tu as peur. Tu as tellement essayé de te fondre dans la masse, pendant des années. Il arrive et détruit tout tes efforts. Tu voudrais garder ton emploi de jardinier. Tu aimes réorganiser la flore, ça t'apaise et les gens ne te jugent pas. Tu fais de belles choses, tu as la main verte. Mais lui, il veut de l'ivresse, de la puissance, du pouvoir. Il veut du spectacle, de l'attention. Tu ne sais pas faire. Tu ne veux pas. L'eau devient tiède. Tu as vidé la réserve d'eau chaude. Depuis combien de temps te réfugies-tu dans la douche ? Tu ne sais plus. Longtemps. Résigné, un peu apaisé, tu sors. Pas trop tôt. Erk, sèche toi, t'es encore mouillé. Tu voudrais lui désobéir mais déjà, tes doigts ont attrapé la serviette et tu t'enroule dedans. Il contrôle. Toujours.

Tu te verse une tasse de café, l'air hébété. Tu détestes le café, pourtant. Mais lui aime ça. Il en boit des litres et des litres mais ton corps ne tient pas la distance. Tu as des cernes monstrueuses sous les yeux. Tes muscles souffrent et tu voudrais dormir. Mais il t'en empêche. Bois, ça te remettra un peu sur pied. On va s'amuser, aujourd'hui ... Tu as peur, mais tu es trop épuisé pour protester. De toute manière, tu sais que ça ne sert à rien. Il fait ce qu'il veut. Aujourd'hui, tu le laisse contrôler. Tout contrôler.

« T'es bizarre. » Oh non. Pas ça. Ton regard s'obscurci, tu le sens. Tu le sais. Il arrive. Au début, il ne venait que de temps en temps, pour s'amuser. Tu l'aimais bien. Il te rendait plus fou. Plus populaire. Plus sauvage. Il annulait ta timidité, ton côté étrange et bizarre. Mais depuis la possession, il vient tout le temps. Tu ne sais même plus si tu es toi ou si tu es lui. Il est tellement fort. You're a freak. Oh, toi ta gueule. Il t'emmerde, parfois. Tu le sais déjà, que t'es un putain de monstre. Un marginal. Un laissé pour compte. Trop timide, trop différent, trop pas comme les autres. Lui, il se fond dans la masse. Il t'entraîne dans cette foule jusqu'à ce que tu ne fasse plus qu'un avec.

« Nolan ? Hey, mec, t'es toujours là ? » Tu n'aurais jamais du sortir. Cette bière avec les collègues de la société de jardinage, c'était une mauvaise idée. Tu voudrais répondre mais c'est lui qui parle « Yo, les mecs. On s'emmerde ici, c'est mort. On sort ? » Les regards. Oh, les regards. Tu détestes ces œillades d'incompréhension, ces coups d'oeil rapides que tes collègues échangent pour savoir si ils sont tous d'accord. Tous d'accord pour dire que t'es devenu fou. Ou que t'es juste fou. Depuis longtemps. Que c'est juste la confirmation de leurs craintes. Et lui là, avec sa copine ... Il te regarde comme si t'étais un alien. Peut-être qu'il a raison. Elle t'adresse un petit sourire maladroit. « Tu veux aller où ? » Tu voudrais lui sourire. Mais ce n'est pas possible. L'autre ne lui accorde même pas un regard.

Tu résistes si fort que ton corps hurle. Il prend ta place. Bordel, ça fait mal ! C'est comme si chacun de tes os se brisait, un par un, réaction en chaîne. Il transforme ton sang en une sorte de lave en fusion, ça chauffe tes veines. Si fort. Tu te consomme mais tu ne peux pas pleurer. Il détient le pouvoir. Tu ne veux pas lui laisser le contrôle. Dégage, putain ! Tu peux hurler ce que tu veux, je suis plus fort que toi. Il est plus fort, c'est indéniable.
Il devient toi. Tu deviens lui.

Soudain, tu n'existe plus.

J'ai toutes mes dents mais j'ferais pas de vieux os ... ma vie prendra fin dans les flammes de l'enfer - On ne me connait pas, mais appelez moi Bad Wolf - J'ai connu le forum en passant par Blue Velvet, j'ai surfé sur les partenaires - Présence sur le forum : régulière/quotidienne -  Je joue Evan Peters et il faut créditer @Another.pan pour l'avatar et Tumblr pour le reste. - J'autorise l'intervention de joueurs esprits dans mes réponse.

T'étais un gamin nerveux. Un timide, un marginal. Tu n'a jamais vraiment été à ta place, nulle part. Tes parents, ils s'en foutaient un peu. Même eux ils ne voulaient pas de toi, à la base. T'es juste un accident. Une erreur à laquelle ils ont finit par s'accommoder. T'as jamais été maltraité. T'as jamais vraiment été aimé non plus. T'étais juste là. Ils remplissaient leurs obligations de parents, sans faire plus, sans faire moins. Et toi, bah t'as grandi comme ça. Sans amour et sans haine. Sans moment partagé avec eux. Les dîners étaient silencieux ou bien troublés de quelques banalités. A l'école, t'étais pas mauvais. Mais t'étais pas bon non plus. T'aimais bien l'histoire. Un peu le sport. T'étais en difficulté dès qu'il y avait un peu trop de chiffre. Comme tout le monde, un peu. Mais sans vraiment être comme tout le monde. A la fin de la journée, tu rentrais à pieds pendant que les autres gamins retrouvaient leurs parents. Tu les entendais raconter leur journée, tu voyais les parents sourire, poser des questions, s'agacer, s'émerveiller ... Tu voyais tes camarades monter dans les voitures et rentrer chez eux. Et toi, tu déambulais dans les rues avec ton cartable sur le dos. On te disait bonjour de temps en temps et tu répondrais par un timide sourire. Mais c'est tout. Tu rentrais chez toi sans t'arrêter nulle part et dans la maison vide, tu faisais tes devoirs avec un verre de coca-cola.

T'étais pas méchant. T'étais même plutôt gentil, au fond. Tu aimais les animaux, les livres et la musique. T'étais un bon gamin. Tu comprenais vite et tu ne faisais pas d'histoire. Mais tu ne pouvais pas savoir que tes parents s'en foutaient. Tu ne pouvais pas comprendre, ça. Qui le pourrait ? C'est trop horrible, de réaliser que tes propres parents auraient préféré que tu n'existes pas. Alors tu fermais les yeux et tu continuais comme ça. Sans faire de vague. Tu ramenais de bons bulletins. Pas spécialement brillants mais pas nuls non plus. Tes professeurs t'aimaient bien. Sans plus. T'étais tellement dans la moyenne qu'un jour, on ne t'a plus vraiment remarqué.

Tu t'es retrouvé sur la touche. Oublié de toutes les activités. Sans ami. Sans relation. Silencieux, tu t'es replié sur toi-même. Tu n'avais que ça, après tout. Toi-même. Tu aimais les livres et ils t'ont sauvé la vie, en partie. Avec eux, tu n'étais plus vraiment seul. Mais tu ne pouvais pas passer ton temps dans les bouquins. Tu allais à l'école, subir les moqueries et les rires de tes camarades. T'étais pas con, tu aurais pu aller loin si t'avais été entouré. Mais non. Au lycée, les bizutages ont commencé.

Tes lunettes. Combien de fois t'as du faire réparer tes lunettes ? Au final, t'as du opter pour des lentilles de contact. Tu ne supportais pas ça, ça te faisait tout le temps pleurer mais au moins, tu ne retrouvais pas tes lunettes cassées. Mais tes bourreaux ne te lâchaient pas pour autant. Ton sac, il finissait dans la cuvette des toilettes presque tous les jours, son contenu éparpillé un peu partout sur le sol crade. Plusieurs fois même, ils ont pissé sur tes cahiers. Alors t'as arrêter de prendre des notes. Tu passais pour un branleur. Un incapable. T'étais plutôt bon, pourtant. Tu savais répondre juste dans les interrogations. Mais les profs se sont eux aussi ligués contre toi. Alors t'as arrêté de faire des efforts. Tes notes ont chuté. Dramatiquement.
Jusqu'au jour ou un mec t'a trop emmerdé. Dans les vestiaires du stade, à te plaquer contre les casiers pour te tripoter. Depuis, tu détestes les contacts physiques. Mais ce type là, il t'a fait pété les plombs. Trop de colère, trop de peur, trop de désespoir. Tu lui a explosé la gueule si gravement qu'il a terminé à l’hôpital avec le nez cassé, la mâchoire fêlée et l'arcade sourcilière ouverte. Comme ça, tu t'es retrouvé expulsé du lycée. A quelques semaines de ta graduation, de l'obtention de ton diplôme.

Pour la première fois, tes parents se sont soucié de toi. Enfin. Ils ont fait attention à toi, assez pour te faire subir l'engueulade du siècle. Première fois que ton père a levé la main sur toi. Tu t'en souviens encore. La gifle t'a décollé le cou. Il a finit par se calmer, quelques semaines plus tard. Assez pour te confier un boulot. Au début, t'aimais pas ça. Le jardinage, c'était pas ton truc. Puis après, en voyant le résultat de ton travail, tu as commencé à y prendre goût. Assez pour y mettre vraiment du sien et commencer à gagner un peu de sou. Tu t'étais presque fait une petite réputation, lorsque Katrina a tout dévasté sur son passage. La ville, détruite. Les jardins, ravagés. Ton travail ruiné. Tu t'es retrouvé au chômage quelques temps avant de décider de travailler pour la ville. Oh, tu ne gagnes pas des masses mais ça te suffit pour vivre. Le loyer est offert par la ville, puisque tu occupes un logement de fonction. Petit appartement propre et assez lumineux. Une chambre, une pièce à vivre, une cuisine. Une salle de bain séparée des toilettes. Tu ne demandais pas plus. T'étais content de ta vie. Tu as même trouvé une association intéressante avec un entrepreneur local. Il fait les maisons et ensuite, il t'appelle pour que tu reconstruises le jardin. Et ça arrondit vachement tes fins de mois. Tout allait bien.

Mais un soir, en allant chez Darlène, ta vie a basculé. Darlène, c'est ta meilleure amie. Elle a toujours été là. C'était la seule, d'ailleurs. Tu n'aime pas en parler. Elle est un peu à toi, tu ne la partage pas. Elle est un peu folle, un peu bizarre mais elle est là. Elle te rassure. Elle te prouve que t'es capable d'avoir des amis. De te lier aux autres. Même si au fond de toi, tu sais qu'elle est comme toi. Différente. Elle invoque les esprits, elle s'amuse avec le spiritisme. Tu n'y croyais pas vraiment. Jusqu'à ce que tu te retrouve possédé par ce ... ce ... démon. Tu ne sais pas comment le désigner autrement. L'esprit frappeur qu'elle a invoqué a décidé d'élire domicile dans ton corps. Au début, tu trouvais ça marrant. C'était drôle, il te rendait fou, il te rendait drôle, il te donnait l'assurance que tu avais cherché toute ta vie. Mais après, c'est devenu moins marrant. Au fur et à mesure qu'il débarquait, tu souffrais. Tu avais mal, ton corps se couvrait de bleus, de plaie, de cicatrices. Parce que tu luttais, toi. Tu ne voulais pas le laisser t'envahir.

Sauf que ça y est. C'est trop tard. Il est en toi et il menace ta vie quotidienne. Il n'est pas là tout le temps, encore. Tu as tes moments. Une chance. Tu peux encore aller travailler, sortir un peu, voir Darlène sans qu'il ne s'en mêle. Mais sans prévenir, il débarque et toi, tu disparais. Tu te réveille plus tard sans vraiment te souvenir de ce qui s'est passé. Il te raconte, toujours. Et tu paniques devant les conneries qu'il a pu faire avec ton corps. Mais c'est comme ça. T'as pas le choix. Tu en veux un peu à Darlène. L'esprit aussi, tu crois. Il essaye sans arrêt de lui jouer des tours. Presque de la blesser. Mais toi, tu ne veux pas lui faire de mal. C'est ta seule amie.

Alors tu continues ta vie, malgré tout. Tu tentes de garder le contrôle, tant bien que mal. Et ça, c'est l'histoire de ta vie.