La Nouvelle Orléans se réveillait doucement, dans des bruits d'agitation. Ci et là dans la ville, se faisaient entendre des musiciens essayant leur instrument, et se faisaient voir des femmes préparant maquillages et costumes. Des baffles et des scènes s'installaient au coin des rues, des bars ouvraient en grandes pompes et avaient même dressés des comptoirs portables devant leur établissement afin de pouvoir accueillir les nombreux participants de la manifestation musicale.

Le clocher de St Augustine Church s'actionna, faisant sonner ses carillons de plus belle. Il était dix heures du matin et la parade allait débuter. Costumes, musiciens, danseurs, tous se succédaient dans un mélange de couleur et de bonne humeur évidents. Tous, aujourd'hui, célébraient la musique et la joie de vivre, après ces événements difficiles qu'avaient été le passage de Katrina et le taux de criminalité qui ne faisait qu'enfler en ville. Une pause bien méritée pour tous.

Que la parade commence !

Spoiler:

Ne pas sortir pour profiter des festivités est tout bonnement criminel et j’ai décidé de pourrir la journée de la première personne qui viendrait entamer cet élan de bonne humeur. Je me balade avec insouciance en admirant les préparatifs. Aujourd’hui plus que jamais, la ville semble vibrer et toute cette agitation est plus que stimulante - un vrai répit au milieu des successions de mauvaises nouvelles.

Je suis distraite l’espace d’un instant par mon reflet dans la glace et me heurte à quelqu’un sans le vouloir. Je m’excuse précipitamment sans vraiment relever les yeux. Des petits attroupements ont commencés à se former et vu ma petite taille, j’ai intérêt à me trouver une place de choix pour pouvoir admirer dignement la parade. Je tente de me frayer un passage comme je peux entre les gens.

« Pardon, excusez-moi ! »

Hors de question que je loupe ça.

La parade avait lieu chaque année et était un mélange fabuleux entre musique et costume. Alastair se tenait dans son coin fétiche depuis sa mort et observait silencieusement les gens qui se préparaient. Chaque année il y avait quelque chose de nouveau et peut-être que la nouveauté, cette année, était l'augmentation des visages connus. Son regard s'attarda sur la silhouette de Chase qui venait de se dessiner avec Lucas. Lucas... Lucas. Un sourire étrange flotta sur ses lèvres en se rappelant le passé mais surtout, le meurtre de la sœurette doublé du viol puis des blessures données au frère. Un frémissement d'excitation le gagna. Il avait besoin d'un corps d'emprunt et vite, sinon il allait définitivement péter un câble. Une chevelure brune attira son attention et Furfur riva toute sa concentration sur cette femme.

Pearl. Il avait tenté de la posséder mai elle l'avait repoussé. Elle lui rappelait Rebecca, sa femme défunte. Elle était sa plaie, son fantasme, elle représentait tout. Le Dibbouk se redressa et se rapprocha le plus vite possible d'elle. Invisible encore, il se plaça derrière la jeune médium.

« Salut Pearl. Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Charmeur, doucereux mais avec une pointe de dangerosité.

Il n'avait fallut que d'un clignement d'œil pour que Valerie perdre la famille LaRue des yeux avec qui elle était venue. Ce qui était un peu agaçant mais très reposant aussi de ne pas avoir à être là pour jouer le joyeux luron de service. Comme si elle ne savait pas qu’Esme lui avait proposé de venir pour qu’elle ne se retrouve pas toute seule à rester chez elle pendant le carnaval. Elle repéra une jeune femme qui bousculait les gens sur son passage.

« Pas de soucis. Vous voulez vous rapprochez ? »

Proposa t-elle en se décalant un peu pour faire de la place au petit bout de femme qui semblait tenter de se frayer un chemin à travers le mur humain qui se dressait entre elle et le spectacle, totalement incapable de percevoir l’esprit qui avait déjà tenté d’engager la conversation avec cette même fille.

Ce matin là, il fut réveillé un peu plus tôt que d'habitude, une main douce sur sa joue comme tous les matins, il avait fini par plus ou moins s'habituer à elle, il avait lentement ouvert les yeux pour admirer son beau visage avant de lui adresser un sourire jusqu'aux oreilles. Adorable petit démon, elle lui parlait encore de cette parade, il ne savait pas vraiment s'il était près à affronter la foule. Mais elle l'avait préparé psychologiquement pendant des jours. Alors ce fut docilement il s'habillait avant de prendre un petit déjeuner copieux en compagnie de la belle brune alors qu'ils regardaient la télévision. Il avait enfilé ses rangers avant de partir, il s'était alors senti angoissé dans la voiture quand celle-ci s'arrêtait enfin. Dehors, il avait peur. C'est alors qu'elle lui fit enfiler un trench dans lequel il se sentait étrangement en sécurité. Il avait fixé la jeune femme de ses yeux sublimes d'un air de dire qu'il avait tout de même peur, cependant la crise d'angoisse venait de s'éloigner de lui à pas de géant ! Il approchait de la foule et à chaque pas, il se cramponnait un peu plus au bras de la jeune femme, il avait tellement peur qu'il ne parvenait pas à profiter du spectacle... Voila que les gens commençaient à se bousculer juste devant eux et il sentait l’angoisse monter en lui « Je... Je voudrais rentrer maintenant... S'il te plait... » Lâchait-il pas vraiment rassuré... Peut-être n'était-il tout simplement pas encore près à faire de grand saut ? L'environnement était bien trop inconnu et il n'arrivait pas à avoir confiance, il n'avait pour repère que Tamina et son trench pour le rassurer... Il avait besoin de plus, les gens criaient, les gens célébraient et il avait peur. Si peur que les voix venaient à nouveau l'assaillir...

J'avais entrainé Jillian à venir avec moi. Rien que le mot "Musique" avait suffi à nous déloger l'un comme l'autre de l'appartement pour au moins aller voir le défilé de plus près. Ce n'était pas tous les jours que nous pouvions avoir ce genre d'occasions autant en profiter ! La musique avait un effet apaisant sur ma personne, je ne pouvais en rester indifférent. Si j’avais su, j’aurais rejoint la troupe de musique pour jouer en leur compagnie ! Les pompiers auraient même du défiler avec eux pour fêter ce jour, à croire que personne n’avait pensé à eux. Nous avions pourtant aidé lors de cet ouragan mais passons. Je n’étais pas pour de stupides louanges vaniteuses, profitons du spectacle ! Les personnes ne pouvaient s’empêcher de se bousculer, alors je pris la main de Jillian pour ne pas la perdre dans la foule qui s’agglutinait.

« Est-ce que tu veux voir sous un autre angle ? Si jamais les personnes t’oppressent on pourra s’écarter. »

J’ignorais comment Jillian pouvait réagir face à autant de monde, autant dire que je ne la quittais pas du regard.

Hayel m'a parlé de cet événement. Musique, fête, bonne humeur, bref un cocktail efficace contre les pensées noires. J'ai accepté, curieuse et aussi pour faire plaisir à mon ami. Je ne voulais pas entacher son enthousiasme. Il me supportait, il avait bien droit de s'amuser un peu ! Ce matin, je le suis donc sans broncher. La musique et les rires me plaisent, toute cette agitation inimaginable à l'hôpital. Ça tranche tellement que l'effet en est aussi captivant qu'effrayant. Aujourd'hui, c'est mon tour. Tamsin n'aime pas Hayel, alors passer la matinée avec lui... Elle gambadera demain.

Il y a du monde, tellement de monde. Je ne suis pas à l'aise dans cette foule qui se referme de plus en plus. Mais j'ai décidé d'être irréprochable, alors je ne dis rien. Je me contente de coller Hayel pour ne pas le perdre. Puis il prend ma main dans la sienne, que j'attrape nerveusement. Soulagement intense. Il me parle d'observer le spectacle d'ailleurs.

"Comme tu veux, du moment que je vois." Je me redresse sur la pointe des pieds pour tenter tant bien que mal de voir par dessus les têtes. "Je suis trop petite, pfff !"

J'ai posé une main sur l'épaule d'Hayel pour m'assurer d'un équilibre, mais mes pieds doutent quand même. Ils n'arrêtent pas de bouger et, évidemment, je n'en rate pas une : j'écrase le pied de quelqu'un.

"Pardon !"

Je m'exclame en m'écartant et retrouvant le sol à ma taille. Je me tourne plus ou moins pour vérifier la réaction de la personne - j'ai pris l'habitude des réactions étranges, voire violentes. Et je vois son visage. Je ne le reconnais pas, juste une impression. Je recule, effrayée.

"Désolée, je ne voulais pas..."

Je bafouille, ma voix se mourant. Je m'accroche finalement au bras d'Hayel, me faisant toute petite. J'espère qu'elle va vite oublier l'incident et ne pas faire attention à moi.

On ne pouvait nier que la Nouvelle Orléans savait s'amuser. Sophya enfila ses baskets et son gilet, glissa ses clés d'appartement dans son sac en bandoulière, et son portable dans la main pour continuer à parler à son frère, la jeune femme descendit précipitamment dans la rue, juste pour avoir le tram qui la mènerait à Treme. Descendue de celui-ci, la jeune femme se mouvait déjà au son de la musique, entraînée dans le cortège amusant. Souriante et détendue, la brune offrait un tout autre visage que le sérieux qu'elle affichait à l'ordinaire. Quand soudain on lui écrasa le pied. Affichant une grimace de douleur mêlée à de l'agacement, la médium tourna son regard vers l'intéressée qui s'excusait déjà, se radoucissant alors considérablement. Wow. Ça alors...

« C'est rien. Ça passera. »

La jeune femme plissa les yeux avant de souffler.

« Jillian c'est toi ? Ça fait un...moment. Et... Hayel, si je me souviens bien ? »

Le monde était vraiment petit.

C’est un murmure qui me glace le sang et me fait arrêter ma progression insensée. Encore lui. J’hésite entre l’ignorer ou y aller franchement. Dans tous les cas, je suis prise au piège. Je me mords frénétiquement la lèvre avant de me ressaisir. Je ne dois pas avoir peur. Ça ne m’aidera pas et il ne doit pas en profiter. Je me concentre pour ériger le plus de défense mentale possible avant d’articuler d’une voix basse.

« Je ne pense pas que ça te regarde. »

Son apparition m’a fait un peu oublier la fête et c’est lorsque qu’une jeune femme me pose une question que je reviens un peu à l’instant présent. Je suis sur mes gardes néanmoins et distraite par la présence trop proche de Furfur.  

« Oui, merci ! Ce n’est pas évident de se faufiler dans la foule quand on est un minimoy comme moi. »

Je lui offre un sourire légèrement crispé. Je n’ai vraiment pas envie qu’il me gâche mon plaisir alors je vais simplement jouer l’indifférence. Peut-être qu’il se désintéressera ? Oui, non, même moi, je n’y crois pas trop… D’autres personnes discutent autour de moi mais je suis tellement focalisée sur lui que je ne les vois pas, écoute pas.

Pearl était froide avec lui, indifférente, cela le rendait fou. Elle était comme Rebecca, elle ne le regardait pas, ne faisait pas attention à lui. Alastair était invisible aux yeux des autres. Le Dibbouk refusait qu'on le voit. Un frémissement le gagna quand quelqu'un le traversa. Mais s'il se rendait visible, cela créerait la panique quand les gens verraient qu'ils le traverseraient. Le Dibbouk souffla de rage.

« Ne m'ignore pas ! »

Sa voix était violente et il passa à travers une fille qui parlait avec Pearl. Il fronça les sourcils, cette tête lui disait quelque chose. A oui Valerie ! Un sourire mauvais apparut sur son visage.

« Tu ne devrais pas traîner avec ce genre de personne Pearl. Elle n'est pas très recommandable. Parle-moi. »

Il n'aimait pas quand sa douce voix ne résonnait pas. Autant il la haïssait, autant il l'aimait.

Valerie éclata de rire en entendant en entendant sa remarque, elle imaginait bien que tout devait être un peu plus compliqué quand on était pas très grande. Fort heureusement, elle avait bien été pourvue de ce côté, et dans le pire des cas, elle avait toujours une paire d’escarpins aux pieds.

« Faites comme moi, prenez des talons, vous aurez à la fois de la taille et une redoutable arme pour écarter les pieds sur votre passage »

Fit-elle avec un nouveau sourire, parfaitement sourde aux mesquineries que balançait un horrible esprit sur elle.

Les gens se bousculaient et il ne comprenait pas pourquoi les gens agissaient de la sorte, ils disaient être trop petits, mais pourquoi se fâcher avec dame nature ? Cela était ainsi et être petit n'était pas qu'une mauvaise chose. Tamina était également petite et il était pourtant le plus apeuré dans cette situation... Elle se tournait vers lui pour lui annoncer qu'ils allaient trouver une meilleure place, il prenait sur lui tant bien que mal... Il se laissait prendre par la main et il la suivait comme son ombre comme un agneau apeuré... Dans leur nouvel emplacement, il ne se sentait pas du tout à son aise mais au moins la bousculade semblait plus loin et cela avait eu le don de le rassurer... Ses yeux azurés s'agitaient pour regarder dans tous les coins, il était terrifié par la foule d'inconnu qui se dessinait devant lui... C'est à cet instant que quelqu'un lui adressait la parole, chose qui le fit sursauter alors qu'il fixait la jeune femme... Il la reconnaissait très bien... Enfin un visage connu dans cette marée humaine... Elle se présentait à la jeune femme qui regardait Maddox qui devait probablement confirmer ses dires ; il posait ses beaux yeux bleus sur son amie médium pour enfin tenter un léger sourire sur ses lèvres avant de tendre sa seconde main pour prendre celle de la jeune femme et la serrer fort entre ses doigts fins  « Nitzan... » Soufflait-il tout simplement, il était mal à l’aise, pas du tout dans son élément, c’était à peine s’il reconnaissait la rue... Il tenait les mains des jeunes femmes, il était assez collé à Tamina cependant parce qu’il se sentait menacé et leur présence lui faisait du bien, cela lui apportait cette stabilité nécessaire pour éviter la crise d’angoisse « Je me sens pas bien... S’il te plaît... J’n’y arriverais pas, je n’y arrive pas... » Ces mots ressemblaient de plus en plus à des appels à l’aide, il avait besoin de se sentir rassuré, de se sentir dans une bulle protectrice... Il avait peur des visages inconnus, de celui qui pourrait en sortir... Celui de cet homme...

La parade s'était activée et l'ambiance festive s'était directement mise en place. Rires, danses, musiques, tout cela coulait des les veines des habitants de la ville. Ça et là, les commerçants étaient sortis de leur boutique pour profiter du cortège.

Mais tout cela n'était qu'apparence. Bien évidemment.

Si la bonne humeur semblait de mise, certains pouvaient déjà apercevoir quelques esprits se glissant dans la foule, murmurant à l'oreille des passants, ennuyant les médiums présents. La foule dense leur permettait de s'amuser, de profiter à leur façon de la parade. Après tout, autant profiter de la vie éternelle aussi, non ? Alors ils se glissaient contre leur proie, cherchaient leur potentielle victime à posséder, leur parlaient, les effrayaient. Certains n'y prêtaient aucune attention, bien habitués à ce genre de choses, alors que parmi les mortels, d'autres se comportaient de manière étrange.

Au beau milieu du cimetière St Louis, une jeune femme se mit à courir hors de la foule, hurlant comme un beau diable, attirant le regard de tous sur elle. Se tenant la tête entre les mains, elle criait à qui voulait entendre de la laisser seule une bonne fois pour toute, de lui foutre la paix. Inutile de préciser que la jeune femme était victime d'un esprit particulièrement taquin.

Spoiler:

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