Quoi ? Me payer en plusieurs fois ? Jamais.

La vie c'est le cash. Qu'il relève de la monnaie ou du tempérament. Toi, tu t'amuses à jouer avec. Le quotidien est tellement monotone sans argent, et le travail, mal choisi, peut être d'un ennui fatal. La beauté, l'intelligence, tu cumules les points mais ça ne te suffit pas. Il te faut plus, plus que de la réflexion. Il te faut une liberté, qui s'achète ou se transmet par l'héritage.

Le fait de n'être qu'un habitant moyen t'énerves, pire, t'apprends à vivre dans le mensonge. Véritable casse-cou, tu t'embarques souvent dans des affaires plus grosses que toi. Une rebelle futée, car tu prévois tout pour que ton innocence soit la seule vérité. On ne te soupçonne pas, jamais. On te regarde, avec tes boucles d'ange, et on passe l'affaire.

Les gens sont facilement abusés. C'est un jeu dangereux mais qui te rend un peu plus vivante. Tu l'admets, l'odeur de l'argent est celle qui te convient le mieux, et qui te pousse au bord de tes propres limites. Peut-être qu'un jour tu tomberas, mais à ce moment là, l'argent sera là pour te remonter. C'est un cercle qui ne s'arrête jamais. Et toi tu roules, tu tournes, tu gambades. Ces jeux te sortent de ton ordinaire, sans même soupçonner le monde qui se trouve derrière toi.

Heureusement, la peur, tu ne connais pas, ou peu. Du moins, pas pour le scénarios bidon des grincements de porte, d'une fenêtre qui claque, d'un son strident. La peur, elle se limite à la surprise, l'étonnement, mais tes pensées ne vadrouillent pas dans un monde créé par les fantasmes et le mystère. Le spiritisme, pour toi, ce n'est rien qu'un piège à rat, qui attrape des rats volontaires à se faire pièger. Les personnes qui frappent à ta porte sont, pour la plupart du temps, déjà convaincus. Tu n'as plus rien à faire, plus rien à pécher, le poisson est frais, et saute lui même dans la poêle bouillante. C'est donc une affaire, un business rentable, amusant, et tellement contemporain.

Les rats grouillent... Comme les billets qu'ils font tomber.

Les Louboutins ? Pas pour cette année, mais peut être la prochaine, qui sait.


Née d'une famille banale, ton destin se vouait à faire de toi leur digne héritière : Une fille banale.
Mais non. Non. NON. Tu ne voulais pas, tu ne pouvais pas laisser ça. Dès la primaire, ton habitude, c'est de marcher sur les pieds des autres, qu'ils soient décorés de Gucci ou de simples basket.

La charisme, tu n'en manquais pas ; Ce qui faisait de toi une personne emblématique sans pourtant en avoir le passé, ni les manières. Sauvage, intrépide, on te court après, mais tu es trop rapide, il le faut, il FAUT que tu sois loin devant, qu'on voit ton dos, et qu'on l'envie.

Rapidement il te faut ta vie en solitaire, un endroit à toi, sans liens ni famille pour ternir tes rêves ; Une ambition de collégienne te hante, te lacères. Tu veux être riche. Pas « riche », mais richissime, plus riche que les riches réunis. Ainsi, même ton corps, tes habits, ta peau : Tout scintillerait comme le ferait un diamant. C'était ça la clef, se transformer en diamant, une pierre dure, rare, intarissable, éternelle.

Au lycée, cette démangeaison ne fait que s’amplifier. Ton joli minois se creuse alors. D'un côté, sage, studieuse et maligne, de l'autre, envieuse, perturbée. Tu penses, repenses, réfléchit, tourne et retourne des questions dans ta tête, sans pour autant trouver de solutions. Tu rates la bourse, te fâches ; arnaque. Les plus démunis sont souvent prêt à tout pour venir te manger dans la main. Ta popularité commence à te servir, tu calcules tout.

Comment s'enrichir ? Sans avoir à enchaîner les temps-partiels et délaisser les études, sans perdre qui tu es vraiment : Un prestige. Tu te vouais à la psychologie, car c'est celle qui te sauvait à chacune de tes bourdes. Au début rien de bien méchant, un peu de pression, de marchandage. Puis tu t'éloignes un peu, tu t'écartes. Quelques vols, des arnaques plus grossières. Tu n'as plus honte à profiter des solitaires. Ceux que tu juge non méritants de leurs possessions. Ces gosses de riches, ce que tu peux les haïr. Eux qui jouent avec l'argent comme des enfants.  


C'est en passant le long d'une affiche grossièrement exagérée sur la notion de surnaturel que te vint cette idée. Récemment, la mode était au parallèle, à l'esprit. Créer un salon de spiritisme payant, quelle idée de folie pour monnayer ta vie sans pour autant la monopoliser.
Chaque vendredi soir donc, ton studio se vouait à devenir l'antre des morts, dans une ambiance froidement décorée. Tout devait être scénarisé, amplifié. Les lumières sautaient, le vent soufflait. Mais qui savait que derrière ce coup se cachait un ventilateur puissance max, où des pétard à faire claquer entre les doigts. Personne.


Argent sale ? Qui sait.
Certains pleuraient parfois, de joie, de mélancolie, d'effroi. Tous ressentaient des émotions, qui les feraient avancer, grandir. L'argent était mérité, et il continuerait de l'être, en dépit des âmes tourmentées qui pouvaient répondre à l'appel sans pour autant que tu les entende.

Vendredi 30 Juillet, 42ème séance.

Il a fait plus froid que d'habitude aujourd'hui. Les clients sont arrivés à l'heure, sauf Mme Wilgrin, toujours paumée celle-là. On l'a donc attendue 15 bonnes minutes avant de comprendre qu'on aurait pas le choix d'aller la chercher dans la rue transversale : Elle avait prit l'habitude de s'arrêter devant le 23 d'une autre rue, en pensant à chaque coup qu'il s'agissait du bon immeuble.

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Ta main vint se poser sur son épaule. Elle sursautait à chaque fois. Elle vivait dans la peur, et ses traits âgés en marquaient encore plus le poids.

- Mme Wilgrins, vous vous êtes encore trompée de rue..
- Oh, ah...

Une fois de plus, des onomatopées en guise d'excuses.
Une fois de plus, elle s'asseyait à table, les yeux creusés par des cernes noirâtres. Ses doigts s’entremêlèrent en tremblotant. Tu n'avais jamais réussi à comprendre si sa frénésie était due à de la peur ou de l'excitation. Elle était d'ailleurs une des rares qui revenait à coup sur, une fidèle. Elle se donnait à fond d'ailleurs, comme si elle était emportée dans un autre monde à chaque incantation.

- Bon... on va commencer. Tenez vous par la main.

Tes paupières se fermèrent.
Elles se rouvrirent, mais ne virent rien. Comme prévu, le minuteur avait éteint l'électricité sans que tu n'ai besoin d'agir. En réaction, tes mains furent serrées avec plus d'intensité. L'opération commençait.

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Vendredi 6 Août, 43ème séance

Aujourd'hui, Mme Wilgrins s'est effondrée. La séance se passait bien, jusqu'à se qu'elle se mette à hurler. Elle a commencé à se plaindre, à dire nos quatre vérités. Je pense que je ne l'ai pas assez encadrée, et sa sensibilité exagérée aura engendré une défaillance psychologique.

Elle a commencé à monter sur la table et à sauter partout, vu son âge je ne l'en croyait pas capable. Ca nous a tous étonné. Et puis elle est tombée, raide. Là j'ai eu peur, qu'elle se blesse, pire, qu'elle se soit tuée. Sa température était froide, son corps gelé, mais son cœur battait.

On a du appeler une ambulance et écourter notre séance... Je n'ai même pas pu être payée.
Mais je me sens mal, Mdame Wilgrins est dans le coma, et ils ne comprennent pas pourquoi.

Demain j'irais lui apporter des fleurs.

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Mais il n'y eut pas de lendemain pour Mme Wilgrins. Elle était déjà partie dans les bras de Morphée, dans un sommeil ou seul son corps résidait. Son esprit lui... Dieu seul savait où il avait pu se cacher.
Mais toi, tu ne voyais que le cocon, la couche visible, celui d'une femme âgée, blessée moralement par le deuil de son mari, qui s'était adonnée à la folie par désespoir, et s'était blessée à la tête dans une chute trop vertigineuse pour elle.