Les jours s'étiraient comme de longs filaments infinis alors que le mauvais esprit regardait les passants. Furfur s'ennuyait aujourd'hui, comme tant de jours avant celui-ci, l'ennuie le rongeait. Sauf que chez lui, l'ennuie provoquait non pas un sentiment de vide mais un sentiment de violence. Plus le temps passait, plus le Dibbouk avait envie de tout détruire. Alastair se tenait dans les rues du quartier français et observait les gens sans qu'on le voit car il ne s'était pas rendu visible. Il suivait chaque passant du regard et plus particulièrement les femmes. Il cherchait une faille, quelque chose d'intéressant à exploiter sauf qu'il ne trouvait pas encore quoi. Un long moment s'écoula avant qu'il ne se décide à pénétrer dans le Gnome. Une immense allée marchande, un centre commercial qui rendait fou n'importe qui qui cherchait un accessoire ou un vêtement pour se parer lors de la fête du siècle ou alors pour se faire simplement beau ou belle. Alastair passa à travers les passant sans vraiment réagir.

A mesure qu'il marchait, ses pas devenaient lourds et son humeur ombrageuse. Il devenait comme un orage qui devrait bientôt exploser sauf qu'il ne savait pas quand il exploserait. Le Dibbouk savait juste que ce n'était qu'une question de temps et que cela ne saurait tarder. Alastair s'arrêta en voyant une ombre qui elle aussi passait à travers les passants. Intéressant. Il venait de trouver un esprit tout à fait intéressant. La jeune femme poudrée tourna son visage vers lui et Alastair soupira. De son vivant, il avait été un simple palefrenier. Rien qui ne faisait de vous quelqu'un de socialement élevé dans les sphères. Alors, Furfur reconnaissait bien les esprits qui à son époque avaient été des gens aisés. Il tourna les talons, peu d'humeur à affronter quelqu'un qui avait été socialement plus haut que lui et qui dans cette époque, lui casserait encore plus les pieds. Un esprit tournait en rond, par définition et Furfur, en tant que mauvais esprit, avait sa patience à zéro.

Alors non, on ne pouvait pas se tuer entre esprit, ils étaient déjà morts, le cynisme était déjà au maximum. Ici ce n'était pas le bon endroit pour se détendre, décemment pas. Il devait se trouver une petite activité divertissante qui saurait lui détendre l'esprit. Il savait quoi faire et pour cela, il lui fallait un lieu et des victimes. Alastair adorait tourmenter des pauvres âmes qui ne servaient à rien. C'était son grand but dans la vie. Cela faisait 249 ans qu'il emmerdait les vivants mais dans son cas, tourner autant en rond ne le dérangeait pas le moins du monde. A force de faire le tour du quartier français de long en large, il trouva un petit supermarché qui proposait des produits importés de France. Des moutardes, de la charcuterie, du fromage, ce genre de choses que les natifs de ce pays pourraient tant manquer. Alastair se promenait entre les allées en se disant qu'il allait bientôt trouver quelque chose sur lequel s'amuser et bingo ! Le Dibbouk s'arrêta net face à un rayon de bougies mais surtout, des allumettes. Il attrapa la boîte et en quelques coups de poignet, fit flamber une petite flammèche. Il suffit de laisser tomber l'allumette sur du tissu et voilà, c'était fait.

Il avait son divertissement en vue. Le feu prit lentement mais sûrement tandis que le Dibbouk recula et dans un coin, se rendit visible grâce à une poussée d'énergie. Il avait l'allure typique d'un cavalier même si sa tenue semblait ancienne mais qu'importe. On pourrait le prendre pour un de ces adorateurs de l'ancien temps, un de ces fous qui croyait que vivre à son époque avait été fun. C'était sûr que mourir par pendaison c'était fun, Alastair pouvait toujours en témoigner.

« Au feu ! »

Hurla une première personne qui vit les flammes commencer à lécher les murs avec plus en plus de violence. Le Dibbouk fit un sourire mauvais quand il vit la foule paniquer, les gens hurler, courir. Il attrapa une bouteille d'huile et quand une femme passa à ses côtés, il l'assomma avec sa bouteille. Il ne pouvait pas toucher les vivants mais les objets oui et il pouvait toujours envoyer des choses à la tête des gens. Il observa le corps allongé à ses pieds tandis que la fumée prenait peu à peu. Le spectacle était tout simplement magnifique à admirer, magnifique. Mais dans ce genre de situation, il y avait toujours un héros et quand Alastair leva les yeux, il remarqua un héros. Et mer**, il détestait ce genre de type. C'étaient ceux qui mettaient toujours en l'air ses plans.

Aujourd'hui Drake avait besoin de faire quelques courses. C'est une chose qu'il n'aime pas vraiment faire. Se perdre dans les rayons du supermarché, voir la tentation à chaque tournant et se dire qu'on n'a pas assez d'argent pour ce faire un peu plaisir. Cette fois-ci les courses n'étaient pas pour lui, mais pour la caserne. Étant le meilleur cuisinier de toute la caserne c'est toujours lui qu'on envoie. En fait, non, c'est lui qui décide d'y aller sinon ses collègues n'achetaient jamais les produits qu'il faut. Comment voulez-vous réussir une sauce carbonara sans lardons ? Bref vous imaginez un peu la bande de zigoto qui fait les courses à moitié. C'est donc pour le bien de tous que le jeune homme se dévoue tout le temps. Ainsi, il peut prendre les produits qu'il faut et surtout de bons légumes frais. Pour changer, il décide d'aller dans le quartier Français. Pourquoi ne pas préparer un bon plat typiquement Frenchie pour le prochain repas de garde.

C'est à bord de sa voiture personnelle et sans collègue pour le gêner qu'il gara sur le parking. Il regarda son téléphone et chercha sa liste avant de sortir du véhicule. L'avantage de la nouvelle technologie c'est qu'on peut tout avoir dans un simple smartphone. A la recherche de son application "liste de course", il finit par la trouver et sortit de son véhicule en vérifiant qu'il n'ait rien oublié sur la liste. Visiblement tout était bien inscrit, il pouvait donc s'attaquer à cette tâche si pénible de manière sereine. Une fois qu'il eut pris un chariot, il se dirigea vers le magasin. Bien sûr, il avait une fois de plus hérité du chariot maudit qui ne roule pas droit. Le jeune homme leva les yeux aux ciels et grogna en voyant ça. Dans ce monde, il n'existe donc aucun chariot potable ? Pour couronner le tout, il se mit à grincer. "C'est une blague !" s'exclama-t-il en entendant ce son strident et désagréable. Le jeune homme décida de faire demi-tour pour changer de cadis et ainsi éviter les regards moqueurs tes petits grands-mères qui elles savent choisir un chariot non défectueux. Vous pensiez que rien ne pouvait arriver de pire qu'un engin qui ne roule pas droit et qui grince ! Grossière erreur, voilà que la pièce refuse formellement de sortir. Quelque peu froissé par tout ça, Drake donna un violent coup de pied dans le maudit cadis et entra dans le magasin sans celui-ci. A la place, il prit un panier. Ceci allait être moins pratique, mais tant pis.

Le pompier commença à farfouiller dans les rayons à la recherche de ce qu'il avait inscrit sur sa liste. Pour commencer, le fromage, surement l'une des choses les plus importantes pour un français. Il prit un camembert, le genre de fromage très violent pour un étranger à cause de son odeur et de son gout. Mais tant pis, les autres goûterons, ça sera leur châtiment pour ne pas savoir faire des courses de manière correcte. Un peu plus tard, alors qu'il fouinait dans les rayons des vins, il crut sentir cette odeur âcre qu'il connait si bien, celle de la fumée. Tout d'abord, il pensa que ce n'était que son imagination. Étant un soldat du feu, il sent souvent cette odeur, il se peut qu'il l'ait encore dans le nez. Hors des cris et une panique générale s'immisça dans le supermarché. Drake abandonna son panier sur le sol et se dirigea vers la fumée qu'il voyait à présent s'élever vers le haut plafond. Histoire de voir les dégâts, il s'approcha de la source de chaleur, un rayon presque entier était déjà en flamme. Un extincteur ne pourra rien faire pour l'éteindre. Ce qu'il faut c'est la cavalerie. Son téléphone en main, il voulut composer le numéro de la caserne et comme si la journée n'était pas assez pourrie après cette histoire de chariot son téléphone n'avait plus de batterie. Le jeune homme jura et rangea l'objet dans sa poche. Peut-être qu'il y a un système incendie dans le magasin, mais ni la sirène, ni l'eau ne s'était déclenchée. Encore un patron qui fait des économies en refusant de faire réviser son installation. Alors qu'il allait essayer de sortir, il remarqua à l'autre bout de rayon un corps inerte sur le sol. On dirait bien que c'est le moment de jouer au héro. Ne pouvant pas passer à travers l'allée en flamme, il prit la décision de passer juste derrière celui-ci. En quelques secondes, il arriva près du corps. La victime était encore en vie. Très bien ! Il la souleva et remarqua un homme dans le coin. Il était vêtu d'une manière étrange, mais ceci n'était pas le plus important. Qu'est-ce qu'il faisait encore dans ce magasin en feu ? "Hey, vous ! Sortez, si vous restez ici vous allez mourir asphyxié !" Si seulement, il savait que cet homme était un esprit. Dommage que son don de médium ne lui permette pas de distinguer ce genre de choses.

Alastair observait avec un certain intérêt la femme à ses pieds. Il fallait bien avouer que la situation l'amusait et pas qu'un peu. Il aimait voir le bazar qu'il avait créé et la panique qui se lisait sur les visages. Les pauvres petits gens qui avaient peur ! Visible, l'esprit n'attirait pourtant pas l'attention. Les gens étaient plus pressés de fuir qu'autre chose. Dans ce genre de moment, l'être humain devenait le roi des égoïstes. Le mauvais esprit tourna la tête en voyant un homme apparaître. Par contre, il ne manqua pas de ricaner en le voyant jurer face à un téléphone portable qui semblait à plat. Alastair n'aimait pas vraiment la nouvelle technologie. Déjà, il n'y comprenait rien et pis bon, l'avancée technologique pour l'avancée technologique, est-ce que cela servait vraiment à quelque chose ? Il se le demandait vraiment pour le coup ! Par contre la suite déplut fortement au Dibbouk quand le chevalier dans son armure blanche ramassa la femme que Furfur avait pris soin d'assommer. Et ben ça alors ! Quelle chance il avait ! Un super héros dans toute sa splendeur.

Le Dibbouk plissa le nez quand l'homme s'adressa à lui et merde. Un soupir rauque franchit sa bouche et il haussa les épaules.

« C'est toujours la même histoire. »

Il fit un pas en avant, enfonçant son pied dans une volute de fumée et tout à coup, disparut. Il réapparut derrière Drake et pencha la tête de côté. Il n'aimait vraiment pas les braves gens. Il avait une dent contre eux, vraiment. Alastair, d'une poussée d'énergie, envoya au sol une armoire rempli de condiments qui s'écrasèrent dans un fracas retentissant. Il s'était quand même aidé de ses mains mais cela demandait de l'énergie pour déplacer à ce point un objet. L'armoire s'était écrasée aux pieds du sauveur et de la victime dans ses bras. Furfur était vraiment de mauvaise humeur et soudainement, il se dit que faire deux victimes au lieu d'une était un peu le plan de l'année ! Cela le mettait d'une excellente humeur à dire vrai. Il était un peu comme un gosse de dix ans qui découvrait un énorme hélicoptère téléguidé.

« Et c'est à ce moment-là que tu hurles et tu cours mais tu n'as pas le profil, pas vrai ? »

Furfur s'approcha lentement de l'humain et le toisa d'un air mauvais. Il n'y avait pas à dire, si le mauvais esprit avait les bras et les jambes musclés, il n'avait pas la carrure de l'autre homme. Ses épaules n'étaient jamais aussi larges, il n'avait jamais autant de muscle. L'irlandais détestait ce genre de homme, les hommes avec une apparence de guerrier. Alastair avait toujours été d'un naturel fluet, presque comique à voir à dire vrai. Penchant la tête de côté, le Dibbouk continua de le toiser de longues minutes. Lui, il s'en moquait de la fumée, il ne respirait pas, il était mort. Ce que l'autre homme devait commencer un peu à piger, qu'il était mort. Car il fallait être vraiment mort pour passer ainsi sur des planches en feu sans broncher, même pas un « aïe « . Son regard bleu clair se posa sur la femme dans les bras de Drake quand il la vit se mettre à trembler.

« Diantre ! Je crois que notre délicieuse biche se meurt. »

Dit-il avec un sourire mi-suave mi-carnassier. Ce n'était pas l'enfant de chœur de l'année mais là, il battait vraiment son record. Pour le coup, il pétait vraiment un câble, il n'y avait pas à dire. Il avait attendu trop longtemps avant de commettre d'autres actes de violence, il avait attendu bien trop longtemps pour tenter de trouver un corps d'emprunt. Corps d'emprunt qu'il n'avait pas.

En gros, Alastair avait vraiment merdé pour le coup, il n'y avait pas à dire. Mais il ne s'en rendait pas compte, il n'avait pas de morale, tout simplement. Depuis 249 ans il jouait la même partition du mal et cette partition lui plaisait de plus en plus.

Quiconque verrait ce genre de flamme prendrait peur. Un rayon entier était en train de ce consumer en envahissant de fumée tout le reste du magasin. Pourtant, Drake était toujours à l'intérieur devant jouer les sauveurs. Ceci n'avait rien de dérangeant, son métier fait de lui à la base un vrai héros. Ok, il n'a pas de cape, ni de déguisement ridiculement moulant avec un collant et un slip par-dessus et franchement c'est tant mieux. Il n'a pas non plus de super pouvoir comme un X-men ou Superman. Lui ce qu'il est c'est un simple humain soldat du feu. Sa vie, il la risque presque tous les jours pour sauver de parfaits inconnus et c'est justement ce qu'il allait faire une fois de plus ici. Hors les circonstances n'étaient pas habituelles. En temps normal, il est équipé d'une tenue ignifugé qui ne doit pas prendre feu et protéger de la chaleur, hors ce n'est pas le cas maintenant. N'étant pas de garde, il n'avait pas à être en tenue complète de pompier prêt à éteindre le feu. Son masque à oxygène n'était donc pas de la partie lui non plus ce qui est bien dommage vu l'épaisse fumée qui commençait à se dégager. Le jeune homme ne pouvait pas fuir les lieux tout de suite, une femme était inconsciente et s'il la laissait là, le temps que les secours arrivent elle sera soit morte asphyxié ou brulé.

La présence d'un autre individu interpella Drake qui lui conseilla vivement de se diriger vers la sortie pour ne pas mourir. La réponse fut assez étrange et cette personne se jeta presque dans le feu. Le jeune homme resta bouche-bée, les yeux totalement ébahit par le spectacle qu'il venait de voir. Le plus étrange, c'est qu'il n'entendit aucun cru de douleur à cause du feu brulant la chair et surtout la silhouette disparue. POF ! Comme ça, plus rien. Serait-ce une nouvelle vision étrange ? Ce n'est pas vraiment le moment de voir des choses bizarres. Avant qu'il ne se retourne, il sentit une présence derrière lui. Ce n'était pas aussi fort que si s'était une personne vivante, mais c'était là. Une armoire tomba et fit sursauter le pompier qui recula d'un bond avec la femme dans ses bras. L'homme de tout à l'heure était là, un étrange sourire et un regard mauvais éclairant son visage. Ce mec n'était pas normal, il ne pouvait pas être vivant. En le voyant, il ressentait les mêmes choses qu'avec les apparitions qu'il voit ou les voix qui le hantent. Quoi qu'il soit, quoi qu'il veuille ça n'allait surement pas être positif. "Que diable êtes-vous ?" murmura Drake d'une manière assez peu sûr de lui. La chose qui le terrifie le plus depuis quelques temps ce sont ces "fantômes". Ces choses qu'il ne devrait ni voir, ni entendre et ça le rend dingue. Réalité ou imagination ? Ceci est en train de lui faire perdre la tête. Avant qu'il n'ait pu dire ou faire quoi que ce soit d'autre, la femme dans ses bras se mit à gigoter. Cela devenait difficile de le porter, alors il s'éloigna légèrement du feu et la déposa sur le sol. Rapidement, il la mit en position latéral de sécurité et veilla à ce qu'elle n'avale pas sa langue. Ceci avait l'air d'être de simples convulsions. N'étant pas docteur, il en ignorait la raison. Puis il remarqua une petite tâche de sang sur le sol juste là où il l'avait posé avant de la mettre sur le côté. Sa main inspecta le crâne de la jeune femme et constata que ça venait bel et bien de sa tête. La pauvre avait dû recevoir un violent coup sur le crâne, assez fort pour peut-être causer un trauma crânien ou quelque chose de pire. "C'est vous qui lui avait fait ça !" lança brutalement Drake à l'encontre de l'homme ou plutôt de l'esprit. "Vous seriez prêt à la tuer !" s'étonna-t-il plus ou moins. Pour lui, le monde des esprits c'était nouveau, en fait il n'y comprenait rien. Alors, comprendre pourquoi un fantôme veut faire du mal à des humains ça lui semble totalement insensé. Les convulsions de la jeune femme cessèrent enfin, il devait à présent se dépêcher de la sortir de là, si l'esprit ne l'en empêche pas bien sûr. Le feu s'étendait maintenant sur deux rayons et le prochain était celui des alcools. Mieux vaut pour lui de déguerpir très vite. La demoiselle de nouveau dans ses bras, il se mit en quête de la sortie en ignorant totalement l'esprit. Ceci n'allait surement pas lui plaire mais, il ne pouvait pas perdre du temps. Une quinte de toux le pris, il devait fuir ce magasin en flamme très rapidement.

Qu'est-ce qu'il était ? On lui avait souvent posé la question et c'était extrêmement facile de dire des conneries quand on y pensait trente secondes. Le mauvais esprit regardait le pauvre bougre qui le toisait comme s'il était la nouvelle put* de Babylone.

« Voyons voyons.... Je serais tenté de dire le Diable mais ce ne sont que des contes pour les enfants. Vous aimez les devinettes ? Peut-être qu'on aurait le temps d'en faire une avant que vous ne deveniez un rôti sur pattes. »

Dit-il avec une petite moue un brin sadique. Oui Furfur avait un humour vraiment à côté de la plaque et c'était peu dire. Il semblait tellement à côté des choses que cela pouvait en devenir terrifiant. D'un côté, au bout d'un moment, à son âge, on devenait sérieusement à côté des choses et à dire des bêtises aussi grosses que des maisons. Ce n'était pas forcément sa faute, c'était plus fort que lui, voilà tout. Par contre, la pauvre petite biche, elle, elle n'allait pas tenir le temps d'une devinette se dit-il en la voyant convulser. Pauvre enfant, elle allait mourir d'ici là, pas vrai ? Hum, un peu difficile à déterminer mais peut-être bien. Allez ! Ouvrons les paris, cela semblait terriblement tentant. Furfur s'appuya contre une armoire encore en bonne état mais dans l'état actuel des choses, jamais il n'aurait réussi à s'appuyer contre. C'était un peu une provocation trop provocatrice et s'il continuait, monsieur le héros en face de lui allait faire une syncope. Remarquez, deux victimes pour le prix d'une, cela lui irait parfaitement.

Ah tiens, elle saignait. Ca par contre, cela devenait vraiment moche. Quand l'humain l'accusa d'avoir fait quelque chose, Alastair posa une main sur son cœur comme si c'était l'insulte du siècle.

« Voyons mon brave monsieur ! On ne vous a jamais appris à rester un minimum poli ? Non ? Hum dommage. »

Souffla-t-il avec une pointe de rage. Furfur détestait quand on le provoquait. Bon d'accord, il y était pour quelque chose dans l'état de la fille. Mais c'était plus fort que lui. Elle avait été là au mauvais moment. Elle avait été sur son chemin et cela avait suffi au Dibbouk pour être la raison de son malheur. Par contre, héros ou pas, il n'était pas très futé pour aller dire qu'il était prêt à tuer cette fille. Furfur n'était pas prêt, il voulait, nuance. Ce n'était pas vraiment la même chose quand on y réfléchissait trente secondes au sérieux.

« Non, je veux, nuance mon cher. »

Menaçant, il s'approcha de l'homme et s'accroupit devant lui. Il le laissa voir toute la haine dans son regard mais laissa Drake se redresser et prendre la femme. Le Dibbouk ne bougea pas, l'écoutant tousser avant de finalement, se lever. Peut-être qu'il allait être généreux aujourd'hui. Rebecca n'aurait pas voulu qu'il agisse ainsi, surtout auprès des autres femmes mais c'était elle qui avait fait de lui ce qu'il était aujourd'hui. Le pas léger et élégant, le Dibbouk dépassa le super héros – sympa le surnom, hein ?

« Allez, viens ici, tu vas encore te tuer. »

Il n'avait pas dit qu'il ne les tuerait pas, il n'avait pas dit qu'il ne les aiderait pas. C'était un chasseur patient et cette fille, il pouvait toujours la tuer demain sous les traits d'une autre. Il ne menait pas Drake vers la première sortie mais la sortie de secours. Il précédait le vivant tandis que le supermarché prenait de plus en plus le feu mais Furfur ne bronchait pas. Il continuait de marcher calmement, de temps en temps il regardait par-dessus son épaule pour voir si la brebis ne s'était pas égarée. Ce n'était pas de la bonté dont faisait preuve le mauvais esprit, c'était autre chose. Ce n'était pas cela qui allait sauver son âme car son âme avait bien l'allure de Babylone en période de guerre.

« Tu n'as pas beaucoup de temps. Allez, je t'aide à faire les derniers mètres si tu me trouves une devinette intéressante, tu en dis quoi ? »

C'était peu dire qu'on se faisait chier quand on était mort. Le Dibbouk soupira quand une poutre en feu se dévoila devant eux. Lui, il pouvait passer à travers mais pas le vivant. Il toisa Drake, pesant le pour et le contre, et finalement, attrapa la poutre pour l'envoyer contre une armoire qui grinça et tomba. Mais le geste était là, le mauvais esprit venait de dégager le chemin.

Voir des "fantômes" n'était pas un phénomène inconnu pour Drake. C'était même devenu un véritable enfer pour lui. Mais là, il faut dire que ça tombait vraiment très mal. Le plus étrange que l'esprit devant lui n'avait pas la même "consistance" que ce qu'il voit d'habitude. Lui est habitué aux formes flou qu'il ne voit qu'une petite fraction de seconde. Une fraction de seconde, car en général, il ferme les yeux et souhaite le plus fort possible que la forme disparaisse. Sinon ce sont des voix ou simplement des objets qui tombent. Hors lui, il avait l'air humain, réel et vivant. Chose qui fut totalement abolit dans son esprit quand il le vit disparaitre dans les flammes et revenir tout aussi pimpant qu'avant. D'accord, c'était un nouveau genre de fantômes et ce n'était pas du tout rassurant. C'est pour ça qu'il se demanda ce qu'il était. La créature montra qu'elle avait de l'humour en donnant une réponse qui fit lever les yeux du jeune pompier vers le ciel. La situation n'était pas assez critique pour quand plus il veuille jouer aux devinettes. "Vous savez quoi, foutez-moi la paix ! Je n'ai pas besoin d'écouter une espèce de... de fantôme dans un moment pareille. Gardez vos devinettes à deux balles pour vous !" Oui, Drake n'était pas des plus charitables avec l'âme égaré devant lui. En même temps, les esprits ne cesse de le rendre dingue alors il ne risque pas d'être sympa avec le premier venu.

L'heure devenait grave. Le feu prenait de plus en plus d’ampleur et la jeune femme devait avoir un trauma crânien assez sérieux. La fuite devenait de plus en plus urgente. Bien sûr l'esprit faisait son possible pour se montrer pénible, du moins c'est le ressenti du pompier. La chose croyait de plus que c'était important de jouer sur les mots, comme le fait qu'il "voulait" tuer la demoiselle inconsciente. Pourquoi diable les morts doivent-ils s'amuser à tuer les vivants ? Qu'est-ce ça leur rapporte ? A chaque vivant tué, il gagne des "points" pour obtenir des "bons cadeaux" ? Nan, sérieusement, il va falloir qu'on explique un jour à Drake la raison de la malfaisance des esprits. Le jeune homme prêta à peine attention au regard mauvais que lui jetait l'âme errante. Le plus important était de rester concentré sur sa survie et celle de la jeune femme. C'est pour cela qu'il se releva en espérant pouvoir partir vers la sortie sans encombre. Monsieur le mort décida de les suivre et même de passer devant. Comme-ci Drake n'avait pas eu sa dose d'apparition pour la journée. Autant dire que quand il va rentrer chez lui, il va se boire une bouteille de Vodka entière et rester dans un état comateux jusqu'au lendemain. Enfin... s'il sort vivant d'ici. L'esprit lui donna l'impression qu'il voulait qu'il le suive. Quoi ! C'est quoi ce délire ? Il le suivi, mais ce n'était pas vraiment le cas. En fait, il cherchait la sortie et il se trouve que Casper empruntait la même direction. Drake espérait trouver la sortie de secours rapidement, mais pour le moment la fumée lui bouchait la vie et il voyait très mal. Sa toux devenait plus importante, foutu fumée, s'il ne sort pas d'ici il risque de finir en steak grillé. Une poutre tomba bloquant le passage au soldat du feu. C'était mauvais, très mauvais tout ça, il allait devoir faire demi-tour. Eh bien non ! Le fantôme fit ça "B-A" de la journée en poussant la poutre enflammée. Drake le regarda totalement incrédule, ce type lui veut quoi au final ? Le tuer ou l'aider ? Non, car là c'est totalement flou dans son esprit. "Vous jouez à quoi, bordel ?" demanda-t-il juste avant qu'il lui propose de l'aide seulement s'il répond à une devinette. Un petit rire nerveux s'empara de lui, comme s'il avait le temps de jouer. "Comme si j'avais le temps de jouer... Et puis, qu'est-ce qui me dit que vous allez nous aider ? Vous avez failli tuer cette femme. Si je vous suis, c'est peut-être dans un piège que je risque d'atterrir..." Sur le coup, il espéra ne pas donner de mauvaises idées aux fantômes. Quoi qu'il arrive, il doit sortir du magasin et vite, très vite. "La sortie ?" demanda-t-il avec insistance.

Et voilà, vous vouliez aider un vivant et il vous crachait à la figure. Alastair fit une grimace quand l'homme l'envoya péter pour sa devinette. Fort dommage mais bon. L'esprit ne se rendait pas compte que l'humain ne le suivait pas mais qu'en réalité, il allait lui aussi en direction de la sortie. Bah, il suffisait de ne pas le dire au Dibbouk et il irait très bien. S'il se plaisait à croire que les vivants le suivaient, c'était tout aussi bon pour son orgueil de méchant. Par contre, il n'était pas un espèce de fantôme mais un Dibbouk. Pas un vulgaire ectoplasme non plus hein ! Sauf qu'Alastair n'allait pas l'expliquer à une créature pas polie. Il n'appréciait pas l'impolitesse même s'il venait d'un milieu plutôt moyen et qu'il avait passé son temps dans des pubs. Mais il se vengerait tôt ou tard de ce petit jeunot dans son dos. La roue tournait et forcément, on gagnait au final. D'ailleurs, il l'entendait tousser dans son dos. Franchement, il ne lui donnait pas beaucoup de temps à vivre mais bon, ce n'était pas son problème. A quoi il jouait ? Cette question fit arrêter Alastair qui fit volte-face et toisa l'homme longuement. Il regarda la femme dans ses bras et un instant, il crut voir Rebecca.

Cette vision étrange ne manqua pas d'interpeller le mauvais esprit qui pencha la tête sur le côté. Il ne jouait pas, il se divertissait, bon vous allez dire, c'était un peu du pareil au même mais Alastair adorait jouer avec les mots. Donc non, ce n'était pas du pareil au même et toc !

« A quoi je joue ? »

Parfois, voire souvent, les esprits tournaient en rond. Là, il commençait à tourner en rond. Ah c'était vrai que quand il proposait son aide c'était dur à croire, même lui se posait des questions c'était pour dire. Alastair remonta son regard bleu clair sur l'homme en face de lui qui parlait de piège et disait qu'il avait tenté de tuer cette femme. Oui mais cette femme était....tout à fait fascinante. Alastair ne pouvait pas la garder avec lui ? Juste un peu quoi ! Il voulait se divertir, s'amuser un peu, ce n'était pas interdit, n'est-ce pas ? La sortie ? Quelle sortie ? Furfur regarda l'homme avec plus d'intérêt. Le souci quand on insultait un Dibbouk, c'était que cela pouvait vous retomber sur la tronche et extrêmement rapidement. Il avait été sympa quoi le mauvais esprit et voilà comment on le traitait ! Les vivants étaient profondément ingrats, tout simplement.

« Je ne crois pas, non. »

Sa voix était autoritaire et ne laissait place à aucun doute. Il venait de passer de sympa à mal-luné. Sauf que mal-luné, Alastair était carrément dangereux et si un médium comme Sophya n'était pas là pour le canaliser un minimum, cela en était tout simplement fini de la personne en face de lui. Et justement, la personne en face de lui avait passé les dernières minutes à l'insulter, le charrier comme pas possible. Hum non, le Dibbouk ne voulait pas aider, pas du tout même. Il avait envie encore plus d'embêter, de rendre fou. Furfur adorait torturer que cela soit psychiquement ou physiquement. A la place de l'autre, il se serait un peu écrasé mais on ne savait jamais vraiment qui on avait en face de soi donc difficile de s'écraser, pas vrai ?

« Je vous montre la sortie si vous me filez la fille. De toute manière, elle mourra c'est évident, pas besoin d'être docteur. Sa tête a pris un sale coup, elle a très peu de chance de survie. Alors pourquoi mouriez-vous pour elle ? Croyez-vous qu'elle ferait de même ? Bien entendu que non ! Elle vous marcherait sur la tête si cela pouvait la sauver. Alors, posez-la au sol. »

Son regard ne laissait aucun doute sur ses intentions et sur ce qu'il disait, il était terriblement sérieux. Il n'aiderait pas ce type sans recevoir quelque chose en échange. Et ce qu'il voulait, c'était volontiers cette femme. Il ne voyait pas ce qu'il pourrait recevoir d'autre sincèrement. Le seul fait de la voir mourir lui suffisait. Il ne fallait pas grand chose au Dibbouk pour être heureux, vraiment pas grand chose. C'était simple comme bonjour.

Les ennuies étaient loin d'être fini pour le pompier. Le feu prenait de l'ampleur et il devait porter un poids considérable sur les épaules ce qui ne l'aidait pas à avancer. Non pas que la jeune femme soit très lourde, mais entre 50 et 60 kilos, gardait ça sur votre épaule tout en souffrant des effets de la fumée, c'est loin d'être facile. Perdu dans le magasin et ne voyant pas grand-chose avec l'épaisse fumée qui lui piquait les yeux et la gorge Drake était un peu perdu. Il n'y avait que l'esprit devant lui qui avait l'air de savoir où aller et encore, c'était peut-être une ruse. Rien, absolument rien ne lui garantissait que l'être devant lui pouvait le conduire à la sortie. S'il avait assommé la jeune femme, il pourrait tout aussi bien les conduire dans un cul de sac. Le fantôme n'était toujours pas enclin à une coopération. Celui-ci avait l'air plus occupé à apprécier le spectacle de ce brasier gigantesque. La chaleur devenait intense et sans sa tenue de pompier, le jeune homme commençait vraiment à en souffrir. En passant près des flammes, il sentit plusieurs fois sa peau le bruler. S'il sort vivant d'ici, ça ne sera pas sans quelques cloques et brulure aux premiers et second degrés.

"Tout ce que je veux c'est sortir d'ici ! Alors, si vous connaissez une sortie, ça serait bien de me le dire plutôt que de me faire tourner en bourrique depuis tout à l'heure," s'impatienta McLeod qui commençait sérieusement à perdre patience. Et voilà que le spectre propose un marché. Sérieusement, un marché ? Comme si le pompier n'avait que ça à faire. Mais bon, ça vaut le coup d'écouter n'est-ce pas ? Sincèrement, il aurait mieux fait de ne pas perdre son temps à écouter ce flot de connerie. Ce truc... chose...machin... était d'accord pour montrer la sortie à Drake à une seule et unique condition. C'était très simple, la vie de la jeune femme contre la sienne. Nan, mais l'esprit se prend pour dieu ! Comme si Drake allait abandonner une vie humaine. S'il fait ça, il ne pourra jamais se le pardonner. Le fantôme prétexta que la jeune femme allait de toute manière mourir. Le pompier hocha la tête négativement, c'était ce que voulait ce monstre. La réalité était tout autre. Certes, elle avait reçu un sacré choc sur la tête et devait souffrir un sérieux trauma crânien mais rien n'indique qu'elle va en mourir. Si elle est prise en charge à temps par les docteurs, elle s'en sortira. Quant à ce que pourrait faire la jeune femme si la situation était inversée, il s'en fichait pas mal. "Aller au diable !" lança rageusement le pompier avant de tourner le dos à l'esprit pour se remettre en quête d'une sortie. Non, il n'abandonnera pas une vie humaine dans un brasier. C'est hors de question, surtout pour lui qui est pompier. Qu'est-ce qu'on dira d'un soldat du feu qui abandonne des victimes ? Même s'il n'est pas en service, il refuse de sacrifier une vie humaine. Puis il s’arrêta et se retourna pour voir si la chose était encore là. C'était le cas et il n'avait pas l'air des plus contents de la réponse du jeune homme. "Et si c'est l'inverse ? Ma vie, contre la sienne ? Ça me semble équitable non ? Il faut juste que je la sorte d'ici." Non, mais qu'est-ce qu'il était en train de faire ? Changer les termes du marché et être un futur cadavre ? L'idée ne lui plaisait pas du tout. Que peut-il faire de mieux ? Drake va devoir trouver un plan de secours très rapidement s'il ne veut pas finir sous peu six pieds sous terre.

Bien ? Comme si Furfur faisait des choses biens ! Pauvre misérable pompier qui croyait sincèrement que le Dibbouk serait heureux de faire quelque chose de bien. Fallait être sacrément toc toc dans sa tête pour penser ainsi. Est-ce qu'il avait au moins essayé une fois dans sa vie d'être sympa ? Non, pas depuis qu'il était mort. En tuant Rebecca, il avait tué une partie de son âme et ne s'en était jamais vraiment remis. Furfur proposa alors un marché à l'honorable super héros. C'était bien plus amusant de corrompre les gens bons par nature que ceux qui ne l'étaient pas. Aller au Diable ? Il y était un peu déjà à ses yeux mais bon. Alastair se contenta d'observer l'humain qui lui tournait le dos. Le Dibbouk ne réagit pas vraiment, pensif. Se demandant ce qui allait arriver dès lors. Il eut sa réponse quand l'homme fit une proposition des plus étranges. Tiens, tiens. La vie de cet homme contre celle de la femme ? Le mauvais esprit y réfléchit très sérieusement. L'idée n'était pas mauvaise en soi, pas du tout même.

Elle lui plaisait même énormément pour ainsi dire.

« Ce n'est pas ta vie que je vais réclamer mais très bien. Je te montre et ensuite, et ben, tu accepteras ce que je vais te demander. »

Ainsi en était décidé. Alastair précéda le pompier et cette fois-ci, il lui montra la véritable sortie qui n'était pas vraiment dans le sens par où il était passé. Le mauvais esprit voyait bien les flammes qui léchaient tout sur leur passage mais était bien incapable de ressentir une quelconque brûlure. Le pas léger, il se déplaçait avec grâce et élégance. Il les entendit avant de les voir. Les sirènes, le bruit des gens, tout. Le mauvais esprit s'arrêta et fit un mouvement rapide du poignet.

« Je vais disparaître mais vas-y seulement, je reviendrai. »

Et il disparut, tout simplement. Il devint invisible mais capable d'observer les autres. Quand les secours virent l'homme et la femme, ils se précipitèrent vers Drake et Alastair fit un sourire étrange. Pauvre humain. Le Dibbouk prendrait un malin plaisir à le torturer, à rendre son âme mauvaise pour qu'il reste à jamais coincé sur terre. Furfur attendit calmement que les gens s'apaisent pour s'approcher du pompier qui semblait sacrément amoché au vue de son état et de l'infirmière de l'ambulance qui semblait le gronder à propos de quelque chose. Alastair profita que la femme dise qu'elle revenait, qu'elle allait chercher plus de bandages, pour apparaître. Il regarda Drake d'un air vachement intéressé. L'esprit s'appuya contre l'ambulance, l'air de rien, nonchalant.

« Alors, tu m'as proposé ta vie. Moi, je veux ton âme, ta vie je m'en moque un peu. Vivant tu m'es plus utile que mort. Ne crois pas que ça va être facile. Je vais te demander quelques services. Et ne t'avise pas de dire non car je suis sûr que cette fille va finir avec un tuyau dans le nez pour pouvoir respirer et les tuyaux, je sais les retirer. »

Dit-il d'un air parfaitement menaçant. Il n'était en aucun cas la gentillesse incarnée, bien loin de là. Et cela ne le dérangerait pas de bouger un tuyau, pas du tout même. Alastair était parfaitement capable de bouger quelque chose d'inanimé.

« Tu as une famille ? »

Sait-on jamais. Alastair avait demandé cela de manière tout à fait suave, voire douceâtre. Si le pauvre homme s'avérait avoir une famille, cela en serait terminé de lui, tout simplement. Il allait tellement le tourmenter que cet homme allait préférer la mort à la réalité. Furfur y veillerait personnellement.

« T'as un prénom ? Au cas où quoi. »

Dit-il d'un bref haussement d'épaules. En réalité, il s'en moquait. Mais il savait que les vivants y attachaient beaucoup d'importances, aux prénoms. Lui aussi y avait attaché de l'importance un temps. Oh, aujourd'hui aussi mais surtout, il faisait gaffe que personne ne découvre son nom d'esprit. Car dès qu'on savait son prénom d'esprit, on pouvait sans autre le renvoyer dans l'autre monde. Chose que ne voulait surtout pas Furfur. Il avait une mission sur terre, torturer et tuer, tout simplement.

Le pompier n'avait plus beaucoup de choix et ce qu'il allait proposer été une erreur. Seul, avec la fumée et les flammes il n'avait aucune chance de trouver une sortie potable. L'esprit pouvait aller et venir comme bon lui semblait sans subir les dommages des flammes, de la chaleur et de la fumée. Pour lui c'est donc clairement plus facile de trouver la sortie. Drake doit également supporter le poids de la jeune femme et ça commence à être dur. Le fantôme se proposait de l'aider s'il laissait mourir la jeune femme. Hors c'est une chose totalement impossible, Drake ne peut tout simplement pas laisser la vie d'autrui en danger. La dernière possibilité qui lui restait été donc de changer les termes du marché pour mettre sa vie en danger afin de sauver l'innocente jeune femme. Oui, c'était complément fou et débile de faire une telle chose. Mais dans ce brasier que pouvait-il faire ? S'il n'agissait pas, il allait finir totalement carbonisé dans le supermarché. L'esprit accepta, ce qui n'étonna absolument pas le pompier qui se mit à le suivre immédiatement. La fumée le faisait de plus en plus tousser et l'air chaud commençait à chauffer ses poumons. Par chance ou plutôt grâce au spectre, il arriva à la sortie ou l'air frais lui fit un bien fou. La chose n'oublia pas d'indiquer qu'elle allait revenir avant de disparaitre.

Le pompier avança sur le parking et une foule de gens s'exclamèrent et montrèrent du doigt le jeune homme et la blessée avant que ses collègues ne viennent l'aider. Un ambulancier se chargea de lui en lui demanda de le suivre jusqu'à l'ambulance. Dans un premier temps, il lui donna un masque pour qu'il puisse respirer convenablement et s'occupa des quelques brulures qu'il avait en y déposant une épaisse couche de pommade. Enfin seul, il pensait être tranquille quand ce maudit esprit refit surface à côté de lui, le faisant presque sursauter. Voilà ! C'est le début du cauchemar ! Comme s'il ne voyait où n'entendait pas assez de trucs étrange. L'homme expliqua qu'il désirait son âme et non sa vie. Franchement, où est la différence ? Pour Drake c'était la même chose. En gros, il allait devoir travailler pour le fantôme en exécutant quelques services. Maintenant qu'il était dehors, le pompier aurait bien envoyé balader le mort mais c'était sans compter la fourberie de ce dernier qui menaça la femme qu'il venait de sauver. Intérieurement, Drake jura en se disant qu'il venait de se fourrer dans un merdier sans fin. "Ça ne vous aurez pas été possible d'attendre un peu avant de revenir me hanter !" lâcha-t-il de manière désagréable. "Qu'est-ce que vous voulez ?" Sa voix était sèche et dur, il n'avait pas l'intention d'y aller par quatre chemins et d'attendre. Sa vie allait être encore plus merdique à partir de maintenant, alors autant qu'il dise tout d'un coup. Mais avant, il demanda au jeune homme s'il avait une famille. A ce moment-là, il fut presque heureux que celle-ci soit déjà détruite. Sa mère étant morte durant une tempête et sa soeur s'étant suicidée à la suite d'une possession. Quant à son père, il a coupé les ponts avec lui depuis bien longtemps. "Cela fait bien longtemps que je n'ai plus de famille," grogna-t-il de manière amer à l'encontre de l'esprit. La chose voulue également connaitre son prénom. Nan, là c'était trop ! Drake n'avait pas l'intention de faire ami-ami avec cette créature qui va faire de sa vie un véritable enfer. "Qu'est-ce que ça peut vous faire de connaitre mon prénom ? Venez-en au fait que je sache à quoi m'attendre." L'insolence dans la voix du pompier était clairement audible, celui-ci n'avait nullement l'intention d'être amicale avec ce monstre. "Quel genre de service, vais-je devoir remplir ?" Au fond de lui, il espérait que ce ne soit pas trop horrible, qu'il ne lui demande pas de tuer ou blesser des gens. Si c'est vraiment ce qu'il devra faire, il n'en sera pas capable, c'est certain.

Alastair posa son regard clair sur l'homme qui râlait qu'il soit revenu aussi vite. Ah il comprenait son désespoir, que cela devait être dur d'être un vivant et de supporter les conneries des gens ?! Surtout les esprits malveillantes. Pourtant, le Dibbouk n'avait aucune compassion. Quand l'homme lui demanda ce qu'il lui voulait, calmement, Furfur lui expliqua avant de demander au brun s'il avait une famille. C'était toujours utile à savoir pour faire pression. Même si pour découvrir une quelconque famille, il devrait le suivre et Alastair n'était pas particulièrement d'humeur à le faire. Il n'avait pas de famille, et ben... Furfur se demandait si c'était une bonne ou mauvaise chose. Étrangement, son cerveau se mit à caler et la réflexion fut plus difficile. Cela arrivait de plus en plus au Dibbouk qui de temps en temps, semblait se figer. Il ne comprenait pas pourquoi cela arrivait mais au bout de quelques secondes, il revenait dans le présent et clignait des yeux, un peu bêtement. Pourquoi il voulait savoir son prénom ? Par curiosité pardi !

« Quel dommage que tu ne veuilles pas me dire mais ça ne m'étonne pas vraiment. »

Souffla-t-il d'un air mi-moqueur mi-mauvais. Son regard clair s'étant allumé d'une lueur machiavélique. Furfur ne cachait jamais ce qui habitait son regard, bien au contraire. Il n'avait pas envie de venir au fait comme disait le vivant. Bien au contraire. Alastair avait tout son temps et il l'occuperait avec cette petite victime. Il prendrait un malin plaisir à pervertir le pompier et à souiller au maximum son âme. Il avait hâte de voir progressivement l'homme changer jusqu'à devenir mauvais. Car on ne revenait pas facilement en arrière. Bien entendu, le Dibbouk allait devoir faire des sacrés efforts pour abîmer ce joli cœur mais cela ne le dérangeait en aucun cas. Alastair avait assez d'énergie pour s'amuser avec un vivant. Il restait étonnement silencieux face aux questions du pompier. Il se contenta alors de poser son regard clair et glacial sur l'être en face de lui. Un regard qui luisait de méchanceté. Le pauvre homme avait-il réellement besoin de savoir ce qui l'attendait ?

Furfur pencha la tête de côté. Il se demandait souvent pourquoi les vivants étaient si ridicules et se tuaient à vouloir savoir les choses qui les dépassaient. L'homme, dont il ignorait malheureusement le nom, semblait vouloir contrôler l'incontrôlable. Le pauvre, comme si Alastair comptait lui laisser le choix, bien au contraire ! Il ne lui laisserait pas le choix. Un sourire canaille traversa son visage. Il détestait dévoiler son jeu à ses adversaires, ce n'était pas drôle sinon.

« Tu verras bien. Mais tu as intérêt à m'obéir. Je le dis pour toi, moi je m'en fous de tuer des gens. »

Dit-il avec un bref haussement d'épaules. Cette histoire n'était pas finie, bien au contraire, elle ne faisait que commencer.

« Je reviendrais quand je le voudrais, tiens toi à disposition, monsieur le pompier. »

Avec un calme terrifiant, Alastair tourna des talons l'air de rien. Il se mit même à siffloter un air typiquement irlandais. Il était léger, savoir qu'il allait prochainement tourmenter le mettait d'excellente humeur, vraiment. Un sourire heureux traversa son visage. Et oui, quand on était mauvais vivant, on le restait une fois mort. Il n'y avait pas de miracle dans la vie, on ne changeait pas....