Froide, Immaculée, Glacée jusqu’au fin fond de ses os. Elle a le sang-froid des sans âmes, la voix rauque des lancinantes, le calme des rois, l’implacable des monstres. Effrayante, parfois, elle a l’esprit reptilien des prédateurs, des psychopathes, sans pourtant autant en avoir le malsain et le glauque. Sombre, Nébuleuse, Dramatique, les lèvres de Jack sont scellées par le secret. Au fond seule Lyz connait un peu qui elle est et d’où Jack vient, elle connait même son véritable nom, mais les émotions, les désirs de Jack, l’histoire véritable de sa vie telle qu’elle l’a vécue, personne ne les connait vraiment.  Charismatique, Séduisante, Sensuelle, Jack a conscience du pouvoir qu'elle a sur les hommes et les femmes. Androgyne et extrêmement féminine à la fois, elle se sert parfois de son corps comme un appât pour mieux tuer son prochain.  Si elle a pris un nom masculin, ce n’est pas parce qu’elle a renoncé de ce qui fait d’elle une femme. Jalouse, Possessive,  Excessive, Jack est irrationnelle quand il s’agit de Lyz. Seule Lyz la contrôle, seule Lyz a un pouvoir sur elle. Elle est autant sa poupée de porcelaine que Jack est sa marionnette macabre. Lyz est son amour, son seul amour, son amour d’enfance. Quand Jack a connu Lyz, Lyz était plus jeune, trop jeune. Lyz avait une vie, une vie bien rangée. Jack l’a volé à sa vie alors elle mettra sur un plateau d’argent tout ce que Lyz voudra pour le lui offrir. Que ce soit le bijou que vous portez ou votre vie si fragile.

Je n’ai pas la prétention de croire que nous nous en sortirons vivantes.
Je n’ai pas l’espoir de vivre jusque des heures reculées.
Je ne crois en rien, même pas en vous, surtout pas en vous.
Ni en elle, ma belle, ma mienne, ma dulcinée.
Mais pour elle, je vous tuerais tous, jusqu’au dernier.

The only people for me are the mad ones, the ones who are mad to live, mad to talk, mad to be saved, desirous of everything at the same time, the ones who never yawn or say a commonplace thing, but burn, burn, burn like fabulous yellow roman candles exploding like spiders across the stars.


Il fait froid, la peau pâle de Jack s’irise de bleu. Si froid, le monde entier semble dépossédé de sa chaleur. Le souffle des passants est une brume légère, celui de Jack est de brouillard. Entre ses lèvres, une cigarette s’éclaire par à-coup. Il fait froid, si froid que Jack a les nerfs à vifs, un feu dans les veines et une dureté rougeoyante dans le regard. Le froid crisse dans ses os fins et échauffe son sang bouillonnant. Sur son échine, une désagréable impression persiste, elles ne sont pas seules ce soir. Dans la nuit noire, derrière les réverbères, dans le regard de la lune, quelque part, il y a quelque chose. C’est impalpable, c’est silencieux, c’est furtif, mais il y a quelque chose. Il est temps de partir, elles ne sont que trop restée ici. Il est temps de partir, vite, avant de ne jamais plus pouvoir le faire.

Jack gorge ses poumons d’une dernière bouffée de poison avant de jeter le mégot. Doucement elle s’approche de sa douce frissonnante et glisse son bras sur son épaule pour entourer son cou. Ses lèvres se déposent au creux de sa joue, à son oreille elle murmure une tendresse. Et puis elles entrent, toutes les deux, dans le bar bruyant et mal famé de la ville. Les lumières scintillent, le parquet en bois grince, il y a dans la nuit, un certain réconfort à côtoyer les siens. Les hommes et les femmes des bas quartiers, les travestis, les putes et bien sur tout l’arsenal des originals d’un monde qui déraille. Eux, ils sont un peu sa famille, à elle Jack, et d’une certaine manière ils amusent Lyz. Lyz ne peut pas comprendre, juste, pourquoi leurs blagues sont si drôles, pourquoi ils sont généreux, pourquoi ils ont froid, même quand le soleil brûle leur peau. Lyz est son petit joyau, Lyz doit rester aussi pure qu’elle est née, incandescente. Elle brille dans ce monde, elle brille tant et tant, toujours, qu’elle illumine même Jack de son éclat doré. Mais Jack appartient à la nuit, comme eux, et même eux la reconnaissent comme sienne alors ils la laissent tranquille, toujours, et jamais ils ne s’abaissent à blesser sa délicate petite peau.

A l’oreille de Lyz, quelques mots. Pas un au revoir, juste une envie pressante. Une demande, aussi, un whisky, un whisky pur et quelques billets qui passent d’une main à l’autre. Jack relâche son étreinte sur sa belle. Elle s’échappe de son halo doré, elle perd sa lumière et son souffle. Elle s’éloigne juste, quelques instants. Elle s’éloigne, juste, l’espace de quelques minutes. Et elle laisse son diamant inconscient au milieu d’une arène de monstres. Parce qu’ils l’ont vu, tous, et ils se méfieront d’elle comme elle se méfie d’eux. Mais lui, lui qui entre en beuglant, il ne l’a pas vu. Il n’a vu que l’Elyzabeth sans voir sa Lyz. Il est entré, et puis il est sorti. Il l’a fait sortir. Et quand Jack est revenue, le verre de Wjisky l’attendait seule, sur le comptoir.

La voix rauque de Jack a grondé, elle a sorti le révolver de la ceinture et elle l’a posé à côté de l’alcool, sans un fard. Le barman n’a pas attendu, ses doigts ont donné une direction, la bonne. Le fer de l’arme était froid, Jack l’a repris en main. Elle a pris le whisky, aussi, et puis elle a reculé de trois pas avant de le laisser tomber à terre. L’arme a donné trois coups et les bouteilles ont rugis. Et puis, elle a jeté le feu de son briquet sur l’alcool amoureux. En l’espace de quelques secondes, le feu a pris mais c’est sans un regard que Jack a quitté le brasier. Ils auraient dû la protéger, tous, ils auraient dû protéger son petit diamant pâle. Parce qu’ils ont vécu dans le même monde qu’elle, Jack ne leur accorde aucune seconde chance.

Dehors, la rue voisine, son amour. Lumineuse, étincelante comme soleil en hiver sur éclat de givre. Lyz. Et sur Lyz, collée à elle, un homme.


Jack quitte l’ombre et s’avance sous le réverbère. Un rire gras, des dents qui grincent. L’homme est de lard et de graisse, mi homme mi cochon, mi ridicule mi effrayant. Autour de lui deux maigrichons sans importance, des garnements à peine sorti de l’enfance.


Ils sont moins assurés, Jack les entendrait presque gémir tant ils doutent, mais ils ne partiront pas. Jack s’avance, ils la retiennent. Le fer de son arme en assomme un, l’autre s’agenouille, le matériel trois pièces en feu. Jack pose son arme sur la nuque de l’homme.


Cette fois, il rit moins. Elyzabeth s’échappe et vient se glisser derrière Jack. Le fer de l’arme repousse l’homme contre le mur. A son oreille, dans un souffle.


Un coup de feu retenti et mets fin aux désirs de l’homme et à son vague espoir d’une progéniture prochaine. Un deuxième au genou, pour ne pas qu’il puisse aller aux urgences. Et puis, alors que les sirènes d’alarme hurlent dans la nuit, que les pompiers arrivent, que la police se presse. Les jeunes femmes restent immobiles à le regarder geindre, pleurer supplier. Et quand elles en ont assez, Jack appuie, une dernière fois, avant de lui faire les poches.


Deux rues plus loin, la moto l’attend. C’est un vieux modèle, moteur brillant et peinture noire. Quelques autocollants brisent son élégance mais qu’importe. Jack grimpe et allume le moteur, dans son dos déjà sa douce et tendre se serre. Il fait froid, bien trop pour être en deux roues. Mais déjà derrière elle se pressent les sirènes. Des girofards par dizaine, des klaxons, le bruit d’un homme dans un mégaphone. Ils ne sont pas de son espèce, ces hommes. Ils ne savent pas qu’elle ne s’arrêtera pas jamais. Autour d’elle les bras d’Elyzabeth se serrent plus fort. Dans un dérapage, à un carrefour, Jack murmure.


C’est sa course à elle. C’est sa vie qu’elle protège, c’est leur vie qu’elle construit. Elle ne peut pas demander à Lyz de porter le poids de leur fuite continuelle. Elle ne peut pas lui demander d’avoir peur pour deux, elle ne pas poser sur ses épaules frêles les monstruosités d’un monde. Elle est Jack, elle est Clyde, elle n’a peur de rien. Dans une ruelle étroite, elle sème deux voitures, un peu plus loin elle provoque la collision entre deux autres. Dans une ruelle sombre, elle éteint ses phares, à un virage elle disparaît.


Une voix d’outre tombe, à peine perceptible. Jack l’entends, quand elle est concentrée comme elle l’est actuellement, Jack sent des choses, des souffles d’air, des bruissements et parfois des mots. C’est l’imagination de Jack, son esprit concentré à l’extrême, son amusement face au jeu, son excitation après un meurtre. Mais elle répond, quand même, par un murmure.


Comme dans ce film qu’elle a vu quand elle était petite. Oui la vigoureuse cela lui plait bien. Le bruit du moteur gronde une dernière fois, sur la route de campagne, les phares toujours éteints, Jack ne ralentie pas –bien au contraire. Elles doivent partir, disparaître, atteindre une toute petite ville où elles pourront enfin se reposer quelques semaines. La police ne doit pas les retrouver, jamais. Lyz n’y survivrait pas. A l'aube, elles entrent dans une petite ville, Nola, Jack gare sa moto, fait descendre la belle. L'atmosphère est encore froide, doucement elle réchauffe sa Lyz avant de l'emmener dans un hôtel. Elle paie en cash le montant d'un mois de chambre. L'hotellière lève un sourcil, mais elle ne dira rien, elle tient à son petit confort et puis ici il y a bien d'autres chats à fouetter. Un mois, c'est bien, ici elles pourront se fondre dans la masse, disparaître avant de repartir et surtout, surtout, faire peau neuve.