Le son de ses talons tapait contre le sol alors que la brune adressait des sourires de connivence autour d'elle. Son arrivée ici n'était vraiment que temporaire, le temps d'obtenir ce fameux prêt pour continuer les travaux dans la boutique et ensuite pouvoir s'installer pour de bon. Un changement de vie radical, mais nécessaire pour la jeune femme. La prise d'otage l'avait secouée, mais maintenant il était temps de passer au-dessus de tout ça et de se réveiller quant à son avenir. Ne plus avoir de boulot commençait à devenir un problème, surtout depuis qu'elle avait acheté ce bâtiment. Conserver sa future boutique et son appartement se révélait être un véritable challenge financier et Sophya commençait à se demander s'il ne serait pas plus intéressant pour elle de quitter l'appartement qu'elle partageait alors avec Chase et de s'engager à aménager le haut de la maisonnée afin d'avoir une sécurité supplémentaire. La seule chose qui la retenait c'était le fait que si elle se plantait dans son affaire, elle perdrait alors tout et ce serait un retour à la case départ. De quoi ennuyer profondément la jeune femme, sans aucun doute. Après un soupir, la médium poussa la porte du bureau de son banquier, se préparant mentalement à un combat sans aucune chance de victoire pour sa propre personne.

C'est une heure et demie plus tard qu'elle sortit du bâtiment financier, les joues colorées d'une colère montante et le goût cuisant de l'échec sur la langue. C'était à peine si on ne l'avait pas prise pour la dernière des abruties et surtout des folles. Oh, ce n'était pas comme si elle ne savait pas que les détectives privés n'avaient pas une réputation des moins appréciées – tant parmi les forces représentatives de la loi, que par l'ensemble de la population – mais la condescendance qu'on lui avait témoignée l'avait tout simplement mise hors d'elle. La jeune femme se dirigea vers le banc d'un parc et s'y laissa tomber avec toute l'énergie du désespoir dont elle faisait face. Ils voulaient des preuves... une femme dans ce métier ne leur donnait pas vraiment envie d'investir. Sophya déglutit avant de se relever, le regard férocement résolu et se dirigea vers le premier stand de café et donuts qu'elle croisa. Phase un de son futur travail en action. Corrompre un officier de police... Et sa victime était d'ores et déjà trouvée.

Son achat fait, la jeune femme se dirigea vers le tram afin de rejoindre plus facilement son propre quartier. Inutile de faire dans le chichi, elle savait que cela ne dérangerait pas forcément Lucas de la voir débarquer, surtout accompagnée de son petit paquet. A nouveau les talons claquèrent sur le sol et Sophya regretta instantanément de ne pas avoir prévu une paire de chaussures de rechange, juste pour se sentir un peu plus à l'aise. Sortie du tram, la jeune femme descendit patiemment l'avenue avant de se rendre en direction du City Hall. Avec la même détermination qu'auparavant, la demoiselle atteint l'accueil et demanda à voir le policier, allant jusqu'à prétendre même qu'il l'avait appelée plus tôt pour qu'elle passe, pour une déposition. Les deux cafés et le sachet de Donuts en main, la médium se laissa guider jusqu'au bureau du brun où la standardiste l'introduit. La brune la remercia d'un signe de tête accompagné d'un léger sourire et entra dans le bureau.

«  Hey... J'ai apporté des ravitaillements. »

Une moue accompagna la remarque alors qu'elle soulevait le sachet et qu'elle montrait les deux gobelets avant de s'avancer et de poser le tout sur le bureau du brun. Sans attendre d'y être invitée, la jeune femme s'installa sur une chaise, soufflant péniblement et croisa les jambes, avant de poser la tête sur l'une de ses mains et d'observer Lucas.

« Désolée de débarquer comme ça. Ça a été une journée pénible et il fallait absolument que je te vois. Il faut que je te parle de quelque chose. »

Une lueur farouche de détermination dansait dans les deux perles couleur opale de la brune et Sophya ne put s'empêcher de soupirer lourdement.

« Tu vas bien? »

Il était en train de taper un rapport. Il détestait cela. Il préférait, et de loin, le terrain. Mais il y avait aussi la paperasse et il ne pouvait pas déléguer cette corvée à quelqu'un d'autre. Même si Jia Li était plutôt douée dans ce domaine, elle lui avait bien fait comprendre qu'elle n'était pas son larbin et qu'il pouvait se fourrer le doigt et le coude avec dans l’œil s'il pensait qu'il allait pouvoir profiter d'elle. Leur coopération ne se passait pas trop mal finalement. Ils bossaient plutôt bien ensemble, étant assez complémentaires. Lucas était impulsif et intuitif, Jia Li était méthodique et réfléchie. Ils faisaient un très bon duo. Redoutable même pour résoudre les affaires. Plus d'une fois, Jia Li avait tempéré son partenaire trop emporté. Il la respectait et c'était déjà beaucoup. Ils ne se faisaient pas encore confiance. Il ne fallait pas trop en demander. Lucas était trop imprévisible pour lui faire confiance, n'est-ce pas ? Il était trop solo et égoïste. Mais il apprenait, malgré lui, parce qu'avec Jia Li, il se passait un truc qui ne s'était jamais déclenché avec les autres.

Il se frotta les yeux, commençant à voir trouble à cause de l'écran d'ordinateur. Il soupira, se renversant en arrière sur son siège et s'étirant. Il se redressa vivement quand il entendit une voix féminine résonner non loin de lui et eut la surprise de voir Sophya, avec un petit paquet dans les mains, qui parlait de ravitaillement.

« Hum, tu sais parler aux hommes toi. »

Il vit alors les deux gobelets. Sophya s'installa alors sans autre forme de procès et il la regarda d'un œil goguenard, admirant une fois de plus la beauté de la jeune femme. Ah sacré Chase ! Mais pourquoi son mariage avait-il capoté ? Comment avait-il pu laisser filer une telle bombe ? En plus, elle était loin d'être idiote. Mais c'était peut-être là le problème.

« Dis donc, tu es rudement élégante. »

Non pas qu'elle ne l'était pas d'ordinaire, mais là, elle était sur son 31. De quoi éveiller quelques fantasmes tiens. Mais jamais Lucas n'avait jalousé Chase vis à vis de Sophya et jamais il n'avait considéré la jeune femme comme une proie potentielle. Surtout qu'il devinait que la page n'était pas tout à fait tournée entre les deux ex.

Elle avoua alors que la journée avait été pénible et qu'elle avait des choses à lui dire. Il émit un petit rire amusé, s'emparant du gobelet.

« Ah je me disais bien aussi... tu essaies de m'amadouer parce que t'as un truc à me demander... Tu sais qu'on peut aussi appeler cela de la corruption de fonctionnaire ? »

Il plaisantait, son œil reflétant de la malice. Il exagérait bien entendu, mais en attendant, la présence de Sophya n'était pas anodine et ce n'était pas juste pour le plaisir de venir lui faire un petit coucou.

« Moi qui pensais que tu venais juste goûter au plaisir de ma compagnie. Quelle déception. »

Il avait parlé d'un ton théâtral. Cela dit, il redevint un peu sérieux quand elle soupira et lui demanda s'il allait bien. Son visage sembla se fermer alors qu'il repensait à la prise d'otage. Il avait été blessé, rien de grave. Mais surtout, il avait causé une mort. Directement. Pas celle d'un braqueur, mais celle d'un otage et ça... C'était difficile de vivre avec. Il avait bluffé, et sa grande gueule avait envoyé directement un innocent ad patres. Il retrouva une attitude un peu nonchalante.

« J'ai l'air d'aller mal ? »

Il avait les traits un peu tirés, dus à la fatigue. Cela pouvait être imputable au boulot... Ou aux nuits sans sommeil, à revoir le visage de cette victime qu'il avait provoqué. Mais il ne pouvait pas parler de cela avec Sophya. Il ne se confiait jamais à personne, ce n'était pas prêt de commencer maintenant.

« C'est plutôt à toi que je devrais poser la question, tu avais l'air pas mal secoué la dernière fois qu'on s'est vus. Et je parle même pas du gars qui était avec toi. »

Celui qui n'arrivait pas à croire que le type était mort. Que Lucas croisait toujours quand les choses dégénéraient. C'était son chat noir en quelques sortes.

Un sourire fin se glissa sur le visage de la jeune médium tandis qu'elle s'étalait difficilement dans le siège du bureau. Pfff, personne ne pensait jamais au confort des personnes qui se retrouvaient dans ces endroits pénibles. La brune attrapa son gobelet, ouvrit la boite et fit glisser le café destiné au policier avant de se recaler dans le fond du siège.

« Beau parleur et sexy. Je me demandes toujours comment tu fais pour être célibataire... »

Un haussement de sourcil suggestif accompagna la remarque alors qu'elle s'octroyait enfin une gorgée de ce nectar délicieux et amer qu'était un café bien fort. De quoi la requinquer et la mettre d'aplomb pour la conversation qu'ils allaient avoir dans quelques instants. La jeune femme eut un léger mouvement d'épaule, comme pour chasser la question sous-jacente avant de pousser un profond soupir, un peu minée par la tournure qu'avaient pris les événements à la banque. Dans le fond, la demoiselle était plus que déçue, parce qu'elle s'imaginait que les choses seraient plus faciles, tout simplement. La vérité c'était qu'elle devrait se battre pour obtenir ce qu'elle voulait.

« J'avais un rendez-vous à la banque et je pensais que ne pas y aller comme une clocharde changerait les choses. Apparemment j'avais tort. »

Nouvelle gorgée pour apaiser le tourment de ses pensées. La brune pencha la tête sur le côté lorsqu'il répondit à sa précédente question, lui lançant un regard qui en disait bien plus long que tous les mots qu'elle pourrait lui souffler en cet instant. Ce qu'ils avaient traversé était... difficile, pénible. Pourtant un sourire finit par fleurir sur ses lèvres lorsqu'il lui offrit une petite boutade. Un léger rire s'échappait de sa gorge et qu'elle jugeait Lucas d'un oeil goguenard.

« Tout de suite les grands mots ! Je ne te savais pas aussi théâtral mon cher. Pour soulager ton petit coeur blessé, je te dirais donc que je suis venue pour les deux. Et goûter à ton inégalable compagnie et pour obtenir quelque chose de toi. Sois flatté, je ne demande jamais quoique ce soit à personne. »

C'était la stricte vérité. Cependant, la jeune femme se trouvait au pied du mur et avait vraiment besoin d'un coup de main. Et Lucas était l'unique personne que la médium pouvait venir voir pour être certaine que tout se passe pour le mieux. Il ne fouinerait pas dans ses affaires et ne s'encombrerait pas de détails impossibles. Il lui donnerait les informations nécessaires, peut-être l'accès à des archives et le tour serait joué. Mais elle verrait cela plus tard, pour l'instant, ils avaient un autre sujet sur le feu et cela prendrait pas mal de temps à dépatouiller tout cela.

Un sourire entendu se glissa sur les traits de la brunette alors qu'elle levait légèrement les épaules.

« Tu n'as pas l'air d'aller bien. »

Elle ne s'avançait pas mais les choses étaient lancées tout de même. Jamais ils n'avaient eu une conversation à coeur ouvert et Sophya n'avait jamais vraiment su comment appréhender Lucas. Il était terriblement secret, affreusement renfermé. Il conservait cette façade comme pour avoir quelque chose à laquelle se raccrocher. Du moins, c'était les conclusions qu'elle avait tiré au fil des années. Ils se ressemblaient. Et c'était ça qui la perdait. Parce qu'elle ne parvenait pas à le cerner pour autant.

Ce fut à son tour de devenir plus vague qu'auparavant. Un vrai dialogue de sourds, voila ce qu'ils entreprenaient.

« Un homme est mort entre mes mains. Ça arrive à plein de gens tous les jours, je ne vois pas pourquoi je serais plus secouée qu'un autre. Je ne resterais pas toute ma vie sur ce passage. Concernant Maddox... Hé bien, il a quelqu'un pour s'occuper de lui.»

Lui. Le jalousait-elle en cet instant, cet homme qui avait sa cousine pour lui seul ? Elle n'en avait aucune idée, mais en tout cas, elle n'appréciait pas le lien qu'ils partageaient. Tamina était partie cependant et Sophya n'avait pas à remettre cela en cause. C'était son choix, sa vie, elle en faisait ce qu'elle voulait. Qu'elle ne s'étonne pour autant pas du retour du bâton.

« Enfin. Je ne vais pas tourner autour du pot longtemps Lucas, j'imagine qu'en plus tu as du travail. Si tu as envie qu'on se retrouve pour boire un verre et discuter de... ça, tu connais mon numéro. J'ai besoin de ton aide. »

Un souffle s'échappa d'entre ses lèvres et elle planta ses orbes opalines dans celles bleues de son interlocuteur.

« Je vais monter une agence de détective privé. Seulement je me destine à une spécialisation un peu plus particulière. C'est là où tu interviens. J'aurais besoin de rapports concernant des disparus. Même ceux où il n'y a aucun espoir. Je veux pouvoir aider des familles à retrouver leur proche ou à faire le deuil de leur proche. La prise d'otage n'a fait que confirmer ce sentiment. J'ai juste besoin d'un accès aux archives, ou aux dossiers que tu pourrais me fournir, voire juste des informations. Mais j'ai besoin de bases, de savoir sur quoi me lancer. »

La médium fit tourner son gobelet entre ses mains, baissant le regard. C'était un changement radical, tant au niveau carriériste qu'au niveau du caractère. C'était le moyen de faire la paix avec beaucoup de choses en elle, mais surtout d'apporter la paix qu'elle aurait voulu apporter avec son ancien métier.

« La banque me demande de faire mes preuves pour pouvoir me financer pleinement. J'ai acheté la totalité d'un bâtiment, mais je n'aurais pas longtemps les moyens de conserver et l'appartement et la boutique. J'ai besoin de leur aide. Mais je ne l'aurais pas si je ne leur apporte pas de quoi m'aider. Et ça commence par des enquêtes, des confirmations sur mes capacités. »

Elle marqua une pause, avant d'avaler une nouvelle gorgée.

« Je sais que j'en suis capable. Je ne compte pas travailler seule. Et si jamais tu as besoin de mon aide concernant... n'importe quelle affaire, nécessitant des capacités autres que policières. Je suis sure que tu vois de quoi je parle. »

De son don. De ses capacités à déceler des esprits. A faire le point sur ce qui les entouraient et qui n'était pas vraiment normal.

« Est-ce que tu veux bien m'aider ? »

C'était difficile de mettre son ego de côté, à ce moment-ci. Mais quitte à faire dans la journée humiliation, autant y aller jusqu'au bout, pas vrai ?

Un léger sourire tout en fossettes apparut sur le visage de Lucas à la remarque de Sophya sur son célibat.

« Je retiens que tu me trouves sexy. J'sais pas, paraît que j'ai mauvais caractère. »

Il fit un léger clin d’œil à la jeune femme en face de lui. Il plaisantait, mais en attendant, il était vrai qu'il avait un sale caractère et était difficile à vivre. Il n'était pas du genre à faire des concessions et si la nana ne se pliait pas à ses exigences, elle pouvait dégager. Il ne se souvenait pas avoir été amoureux au point de pouvoir faire des sacrifices ou de changer. Il avait un lourd passé, qui l'avait traumatisé et il n'en était pas sorti indemne. Cela se répercutait sur sa vie d'adulte. Lucas était du genre taciturne et solitaire. Très égoïste. Peu de femmes pouvaient se contenter de cela. Pour le sexe, c'était bien, mais pour quelque chose de plus poussé... C'était infernal.

Et puisqu'il était sexy, il fit un compliment à Sophya sur sa tenue, plus qu'à son goût. Oh il n'avait aucune vue sur elle, attention, c'était l'ex-femme de Chase et il se doutait que tout sentiment n'était pas mort entre eux. Mais il avait des yeux pour voir et Sophya était une beauté. Particulièrement mise en valeur aujourd'hui. Elle lui expliqua alors qu'elle avait rendez vous à la banque et avait compté sur sa tenue pour obtenir ce qu'elle voulait, en vain.

« Mince alors, t'es tombée sur une femme pour ne pas faire plier la banque ? »

Il sirota son café, un léger sourire en coin accroché aux lèvres alors qu'il devisait avec la jeune femme. Le ton était léger pour commencer. Ils se chicanaient, s'envoyaient des piques quand ils se croisaient, mais ils s'aimaient bien en réalité. Il reprit sur une note légère quand elle avoua avoir quelque chose à lui demander, s'offusquant faussement de l'intérêt de la jeune femme pour son métier plus que pour sa personne.

« Ah voilà de quoi regonfler mon ego. »

Qui n'avait pas besoin de ça en vérité, mais passons. Elle lui demanda s'il allait bien et il biaisa. Pourtant, Sophya ne se démonta pas.

« Merde, j'ai une mine si affreuse que ça ? »

Il évoqua le braquage avec une désinvolture feinte. Il avait la mort d'un innocent sur les mains quand même. Il avait joué, il avait perdu. Cela aurait été plus facile à accepter s'il avait été lui-même puni de son arrogance. Au lieu de ça... Il y avait ce type, dont le sang avait maculé Sophya. Il préféra d'ailleurs dévier le sujet sur elle. Elle relativisa, mais il devinait que ce n'était pas aussi simple.

« Recueillir le dernier souffle d'un homme, abattu violemment, non, ça n'arrive pas aux autres tous les jours... Pas dans ton métier en tous les cas. »

Elle ajouta que pour l'autre homme, Maddox donc, quelqu'un s'occupait de lui. Lucas hocha la tête.

« Tant mieux, il m'avait l'air passablement perturbé. »

Choqué et perturbé. Alors soit c'était juste du à la mort de ce type, soit... il avait déjà un petit soucis avant. Finalement, Sophya se lassa de ce petit jeu de conversation mondaine et décida de mettre les pieds dans le plat, non sans lui laisser l'occasion de discuter de cet épisode traumatisant une prochaine fois. Mais il n'avait pas besoin d'en parler lui. Du moins, c'était ce qu'il se serinait. Elle ne lui laissa pas le temps de l'interrompre qu'elle lui annonçait tout à trac vouloir ouvrir une agence de détective privé, spécialisé dans les disparus. Et elle avait besoin de quelqu'un ayant des accès à des dossiers défendus au grand public. Il en resta muet de stupeur. Il ne s'était pas attendu à cela de la part de Sophya. Elle avait son job, bien différent de ça... Et que savait-elle à la façon de retrouver les disparus ?

« Tu sais que cela va un peu à l'encontre de mon boulot, Sophya ? Payer un détective privé pour retrouver quelqu'un là où la police a échoué. J'me tire une balle dans le pied si je t'aide. »

Après... Un détective privé avait le droit d'user de méthodes que la police réprouvait. Il n'était lié par rien, tant qu'il ne transgressait pas ouvertement la loi. Certaines affaires étaient classées pour des raisons administratives, pour des vices de procédure... Elle ajouta qu'il y avait un gros soucis financier et qu'elle devait faire ses preuves.

« Quelles capacités Sophya ? Tu n'as jamais fait cela auparavant... Enquêter, suivre des pistes, c'est un boulot, pas un loisir. »

Il soupira, se renfrognant dans son siège et passant une main dans ses cheveux mi longs. Il avait l'air de lui refuser son aide, mais en réalité, il était séduit par cette idée qui semblait lui laisser entrevoir pas mal de possibilités. Possibilités que Sophya ne manqua pas de souligner d'ailleurs. Et offrit ses services de medium. Quelque chose passa sur le visage de Lucas, il sembla se fermer totalement un bref instant. Interroger les morts... Concernant son affaire personnelle, il n'y avait plus grand chose à faire du point de vue spirituel, même si ce satané esprit qui l'avait accosté était lié au meurtre de sa sœur.

« C'est donnant donnant, hein ? Je t'aide, tu m'aides... Une sorte de partenariat. »

Quand elle lui demanda s'il voulait bien l'aider, comme une supplique, il ne répondit pas de suite, songeur. Cela ne serait pas tout à fait sans risques de son côté, mais ça encore, il saurait gérer.

« Qui as-tu perdu ? Qui a disparu ? Il faut forcément que cela te touche de prêt, ou touche un de tes proches pour se lancer dans cette voie maintenant. »

La brune haussa les sourcils devant cette preuve d'ego sans faille. Ainsi Lucas seraient de ces beaux gosses qui aiment s'en vanter lorsqu'on leur fait un compliment ? Pfff, une aiguille pour le percer vite !

« S'il paraissait seulement... »

Le ton était léger, la jeune femme se fendait d'un sourire à peine déguisé. Son café brûlant contre ses lèvres Sophya écoutait ce que le jeune homme avait à lui dire, juste après qu'elle lui ait soumis son idée, non sans apprécier la remarque qu'il fit concernant le banquier, ou plutôt la banquière. Non, elle n'avait même pas cette excuse là. Juste un vieux con machiste, comme on en voyait partout.

« Nan, juste un abruti de bureaucrate misogyne. J'ai vaguement songé une dizaine de fois à lui enfoncer son stylo dans la gorge lorsqu'il me regardait avec cet air de condescendance patentée. Mais je me suis dit que tu serais moins enclin à m'aider alors je me suis contenue. Tu vois les efforts que j'ai fait ? De toute manière, je lui prouverais qu'il avait tort. »

Et lorsque Sophya était déterminée à quelque chose, en général, elle y arrivait. Surtout dans ces cas où le sujet lui tenait vraiment à coeur. Elle avait complètement fait la paix avec qui elle était et ce que toute sa vie représentait. La médium acceptait pleinement son don et avait décidé de le mettre au service des autres comme son Mambo le lui avait suggéré quelques années auparavant. Sauf que loin de vouloir chasser les Esprits, la demoiselle voulait uniquement rattraper leurs méfaits et apporter la paix aux proches de leurs victimes. Apaiser les consciences et les remords des uns et des autres. C'était un unique but. Pourtant, à l'instar de Chase, elle voyait bien que Lucas n'était pas plus emballé que ça, même si lui y réfléchissait tout de même. Elle ne put s'empêcher de glisser perfidement.

« Oh personnellement je ne m'en fais pas pour ton ego, beau gosse... »

Son sourire en coin ne trompait personne quant à la boutade qu'elle venait de lui lancer, avant qu'elle ne s'octroie une nouvelle gorgée de liquide ambré. Cependant son attention finit vite par être percutée par le sujet de la prise d'otage et la mort d'Harry. Le sourire qu'elle maintenait se fana rapidement tandis qu'elle détournait un regard douloureux. Prise à son propre jeu, par ailleurs. Il ne lui fallu quelque secondes pour se reprendre et tourner à nouveau ses deux perles vertes dans celles du brun.

« Tu as une tête de déterré si tu veux la vérité. Tu sais bien qu'il ne faut pas compter sur moi pour embellir les choses. Une partie de mon charme parait-il. »

Elle se montrait ironique juste pour conserver la carapace qu'elle s'était construite depuis des semaines. C'était plus évident de faire face ainsi par ailleurs. Et lorsque Lucas lui souffla la difficulté qu'elle pourrait avoir à passer au-dessus de ça, la jeune femme balaya toute conversation future d'un geste de la main.

« Tu serais étonné de ce qu'on peut voir en tant que juriste. Tout dépend de ta spécialisation. Mes premiers cas n'étaient que d'ordres médicaux. Femmes battues, viols, cas psychiatriques même... J'ai décidé de partir dans un domaine financier par la suite. On ne te laisse pas vraiment suivre ton instinct dans ce métier. Si tu dois travailler pour la personne qui a commis ces atrocités, tu le fais. Et même dans le cas contraire, tu ne fais pas toujours des choses qui rentrent dans ton éthique ou tes valeurs. Donc ne t'en fais pas à ce propos. »

La médium lui lança un regard équivoque avant de l'écouter passer à la suite, se fermant doucement. Il allait lui refuser son aide. Certes, la jeune femme pouvait bien comprendre pourquoi, mais en même temps, elle ne lui demandait pas complètement la lune. Des dossiers vieux de quinze, dix ans feraient l'affaire. Des plus récents s'il avait du mal pourquoi pas.

« Je sais. Mais d'un autre côté tu sais pertinemment qu'ils ne pourront jamais retrouver certains cas sans une approche autre que typiquement humaine et fermée. Je t'offre une vision de médium, un point de vue différent. »

La brune ne put retenir une moue mécontente un instant avant de soulever un sourcil et de sourire doucement.

« J'ai fait ça pendant trois ans pour du beurre. Pour ne pas être entendue. C'est la base du bon juriste, remettre en jugement toutes ses acquisitions et suivre toutes les pistes possibles. Ce qui apparaît comme un simple braquage peut être un véritable coup monté de ton client uniquement pour percevoir l'argent de l'assurance. Rien ne pourrait te prouver que tu as raison hormis de fouiner dans chaque recoin possible. Tu dois alors entreprendre une investigation sérieuse. Je suis une experte en fouinage... Et j'aime ça en plus. »

Pour un peu, elle aurait pu lui dresser le bilan de chacune de ses recherches pour les dossiers. C'était quelque chose dans son sang, peut-être elle n'en savait rien. Elle voyait bien qu'il n'était pas emballé du tout. Certes, c'était beaucoup à avaler et passer du côté de la loi, la défendant corps et âmes à des pratiques plus que douteuses parfois, était étrange, spécialement pour elle. Mais la jeune femme avait toujours aimé être là où on ne l'attendait pas. Se penchant pour prendre un beignet à la framboise elle souffla.

« Beaucoup de juristes, de spécialistes légaux se dirigent dans cette direction lorsqu'ils n'obtiennent pas ce qu'ils désirent de la justice. C'est ce que je fais maintenant. »

Son regard se posa dans celui de Lucas alors qu'elle le sentait tout de même commencer à faiblir. Une victoire potentielle ? Pourquoi pas. Vu son comportement au supermarché, Sophya avait bien fini par deviner qu'il ne serait pas contre une entorse à son règlement et qu'il suivait bien souvent ses propres directives.

« Donnant-donnant. Pas d'entourloupes. J'ai promis à Chase que si jamais quelque chose commençait à vraiment sentir mauvais j'arrêterais. Je te promets la même chose. Pas de coup de poignards, pas d'actions irréfléchies qui pourraient nous enterrer tous les deux. Des recherches construites, même si la méthode ne sera pas la traditionnelle. Je ne ferais rien sans te mettre au courant si le moindre doute s'installe et je te tiendrais régulièrement au courant de l'avancée de tout ce que j'entreprends. J'ai juste besoin d'une base solide Lucas. Je ne peux pas écumer les journaux ou proposer mes services dans des agences particulières. Ils vont me prendre pour la dernière des tarées. »

Une nouvelle gorgée et la jeune femme ne put s'empêcher de suspendre le geste qui la faisait déposer la coupelle sur la table. Qui avait-elle perdu ? Avait-elle dans le fond jamais eu quelqu'un ? Mis à part sa famille adoptive ? Il lui fallait donc une preuve de bonne foi au vu de sa question.

« Personne. Je ne pense pas que Chase t'ai raconté mon histoire. C'est plutôt quelque chose que j'évite de divulguer. Le présent est le présent et le passé est... ce qu'il est. Chacun a sa manière de le gérer, j'ai choisi de l'ignorer. J'ai été adoptée quand j'avais onze ans. Avant ça, je n'avais pas de famille, hormis les personnes vivant à l'orphelinat. Tout n'a pas été une partie de plaisir. Certains ont le désir de retrouver leur sang. Ce n'est pas le mien. Mais eux m'ont retrouvée. Et... Je ne peux pas forcément rester aussi insensible que je l'aimerais. C'est dans ce sens que je peux concevoir qu'on puisse vouloir retrouver ses proches. Sa famille, des amis,... On a parfois juste besoin d'être rassuré qu'on a fait les bons choix. Ou juste de savoir ce qui leur est arrivé. »

C'était tout ce qu'elle lui dirait. Il n'avait pas nécessairement besoin d'en savoir plus et elle n'avait pas spécifiquement besoin de rouvrir de vieilles blessures. Lucas devrait donc se contenter de tout ce qu'elle venait de lui dire, creuser plus risquerait de lui faire rencontrer un mur. Tout le monde ne dealait pas avec ses démons de la même manière.

Lucas ricana quand Sophya lui rétorqua qu'il avait effectivement mauvais caractère et que ce n'était pas qu'une rumeur.

« Et bien, voilà la réponse à ta question. »

Il ne se sentait pas blessé par la réponse de Sophya, bien au contraire, même s'il donnait l'impression d'être un mec arrogant et imbuvable, il savait rire de lui même et ne pas se prendre trop au sérieux. Surtout avec la jeune femme. Elle lui apprit d'ailleurs qu'elle était allée à la banque, ce qui expliquait qu'elle soit sur son trente et un. Lucas s'étonna que cela ai loupé, hormis si elle avait eu à faire avec des femmes, insensibles à son charmes. Et bien même pas.

« Oh, pas forcément, pour avoir si peu de goût, il méritait sans doute ce stylo dans la gorge. »

Il but une nouvelle gorgée de café chaud, et ajouta :

« Je pense qu'il t'a donné une excellente raison de te battre jusqu'au bout. »

C'était sans doute la meilleure façon de lui faire atteindre son but : douter d'elle, la contrer... Lui dire qu'elle n'avait pas les épaules pour son projet, qu'elle était trop jeune, aucune expérience, qu'elle était une femme et autres conneries du même genre. C'était amusant de voir comme Sophya pensait Lucas absolument du côté de la loi. Il était flic, c'est normal, mais ceux qui le côtoyaient davantage savaient que Lucas avait sa propre conception du bien et du mal, ainsi que de la justice. Il n'agissait pas bêtement en ingurgitant des livres de lois... Ils plaisantèrent encore alors qu'elle flattait Lucas. Mais cela prit fin en évoquant la prise d'otage. Lucas se refusait à laisser voir une quelconque faille. Il n'était pas assez proche de Sophya pour se permettre ce genre de faiblesse. Il n'était assez proche de personne en fait. Il retourna la question à Sophya et vit une ombre passer sur son beau visage. Naturellement, un homme était mort dans ses bras et Lucas ne s'encombrait d'aucune diplomatie pour le souligner. Et Sophya ne s'en encombrait pas davantage d'ailleurs.

« Ah tu sais que je fonds devant tant de franchise. »

Et pour en revenir à la raison de la présence de la juriste dans son bureau... Elle avait un projet, de détective privée, spécialisée dans la recherche des disparus. Lucas n'était pas prêt à cautionner une lubie, il voulait des bases solides. La détermination c'était bien. Les compétences, c'était encore mieux. Elle lui apprit avoir bossé sur des affaires plus délicates que financières avant. Il ne comprenait que trop bien ce sentiment de fouler ses valeurs aux pieds pour satisfaire à des exigences autres. Lucas était trop entier pour supporter ça bien longtemps. Il souligna un autre problème, qu'elle faisait quand même une certaine concurrence à la police dans ce cas, mais il se faisait l'avocat du diable, sachant pertinemment qu'un détective privé était plus libre qu'un policier. Et en plus Sophya était medium... Elle avait accès à des infos à jamais interdites pour les mortels. Lucas y croyait. De nouveau, elle réfuta les arguments de Lucas en jurant être douée pour fouiner... Elle avait quelques bases après tout.

Et finalement, il flancha, prêt à passer un accord avec elle. Sophya ne manqua pas l'occasion. Elle était convaincante. Comment la banque avait pu douter d'elle ? Lucas, lui, avait très envie d'y croire en tous les cas. Mais il était sensible au pouvoir de la jeune femme, il savait que c'était réel.

« Ouais, j'imagine que Chase ne soit pas être emballé. Mais cela me paraît honnête. »

Et vint la question inévitable : pourquoi se lancer là dedans ? Cela devait être en rapport avec la vie personnelle de la jeune femme. Il secoua négativement la tête quand elle évoqua le fait que Chase n'avait rien du dire à Lucas concernant son ex femme. C'était la vérité, il ne savait rien du passé de Sophya. Il apprit ainsi qu'elle avait été adoptée à 11 ans, après une enfance difficile en orphelinat. Il écouta sa petite histoire avec sérieux. Et souffla d'une voix douce :

« Et parfois, certaines personnes ne veulent pas être retrouvées. Une mère qui abandonne son enfant ne désire pas forcément la voir débarquer une fois adolescente ou adulte et lui rappeler cette partie de sa vie. Je ne veux pas paraître blessant Sophya, mais tout cela reste délicat. Cependant... ce n'est pas une mauvaise idée, il se pourrait même que tu puisses m'aider en retour sur des dossiers où j'ai les mains liées. »

Et dieu savait qu'il détestait cela. Il sourit, ne cherchant pas à tirer les vers du nez de la jeune femme, il appréciait qu'on respecte ses secrets et n'exigeait pas des autres davantage.

« En fait, c'est le champagne que tu aurais du amener pour célébrer ce partenariat. »

Elle étira un sourire tout en sirotant son café. Oui sans aucun doute, voila la raison. Maintenant elle comprenait un peu mieux le lien entre Chase et lui, pour le coup. Un haussement d'épaule finit par répondre à sa remarque sur le banquier manquant de goût. Sans doute, elle n'en savait rien. Toujours était-il qu'il l'avait vraiment contrariée et mise dans un sacré pétrin. Enfin comme tous les banquiers américains se respectant, il fallait avouer. Ses mains finirent par se refermer autour d'un beignet tandis qu'elle écoutait le jeune homme avec attention, paraissant cependant totalement indifférente à ses propos.

« Peut-être. Il m'a cependant mis une sacrée épine dans le pied. Pour ne pas dire qu'elle équivaut à la taille d'un cactus mexicain. »

Une petite note d'humour sarcastique pour paraître totalement détachée, bien entendu. Elle ne serait rien sans ses petites réparties totalement dépassées et montrant bien plus d'intérêt qu'elle ne le voulait.

« Mais je n'avais pas besoin de lui pour me donner une raison. Une fois que j'ai un but je ne lâche pas avant de l'avoir atteint. Les gens sont peut-être des lâches, ce n'est pas mon cas. »

En dehors de son mariage bien entendu. Mais ça elle n'avait pas besoin de le préciser au beau gosse. Le sujet dérapa encore une fois sur la prise d'otage avant qu'elle ne mette fin d'elle-même à la discussion. Elle n'avait pas besoin d'un psy, juste d'un collaborateur tout au plus. Quelqu'un de suffisamment en confiance avec elle pour l'inclure dans des confidences parfois douteuses, agissant comme une sorte de taupe pour que la médium puisse avoir accès à suffisamment de dossier pour pouvoir bosser tranquillement sans pour autant avoir à crever de difficultés. La jeune femme avait toujours été quelqu'un de très entêté et encore une fois la preuve s'en étalait.

« Dire qu'il n'a pas été emballé est un euphémisme en réalité. Je ne peux pas le blâmer. D'un regard extérieur, je comprendrais qu'on me prenne pour une véritable folle. Vous n'êtes que deux à savoir pour ma reconversion pour l'instant... Mes parents savent seulement que j'ai passé le barreau. Ce que je n'ai pas fait, par ailleurs. »

Peut-être était-ce une erreur dans le fond, elle n'en savait rien. Mais la jeune femme n'allait pas se démonter et allait apporter à ses parents adoptifs la preuve que sa carrière avait toutes les chances de décoller dans un autre secteur, qu'elle était apte à faire face à tout cela. C'était maintenant le moment où jamais d'envisager cette reconversion, de pouvoir vivre sa vie comme elle l'entendait. Terminé le fait de se cacher derrière un bureau, d'obéir aux ordres d'un pervers abruti en mal d'hormones. Non sa vie ne pouvait pas se résumer à cela. Ne pouvait plus se résumer à cela. Alors elle lui expliqua avec un détachement exagéré sa vie, sans entrer dans les détails pour autant, juste ce qu'il avait besoin de savoir. Il ne devait pas savoir que les Irving tentaient de reprendre un pied dans sa vie, c'était encore son droit de garder cela secret. Savoir différencier les choses voila ce qui leur permettrait de travailler en collaboration.

« Je sais pertinemment cela. Je ne voulais pas être retrouvée. On ne m'a pas donné le choix. Et finalement... On finit par savoir qui l'on est, dans les grandes lignes. Ce n'est pas une mauvaise chose. Mais je ne prendrais pas de cas d'abandon, cela resterait un sujet un peu trop sensible. Je ne travaillerais que sur des cas particuliers, sans empiéter sur les plates bandes des policiers. Je ne prendrais que des dossiers ayant traits aux Esprits, vous permettant d'avoir un accès plus complet à des zones... noires dirons-nous. Et si tu veux mon aide à ce niveau-là sur des dossiers plus récents, je ne te la refuserais jamais. »

Une moue victorieuse prit place sur son visage. Si Sophya avait été plus expansive, elle en aurait été jusqu'à lui sauter au cou et à entreprendre une danse de la victoire. Mais ce n'était vraiment pas son genre. Du tout.

« On peut trinquer du donut ou du gobelet de café si tu veux... Partenaire ? »

Il ne doutait pas que Sophya pouvait se montrer tenace et ne rien laisser la faire dévier de son but. Il ne l'avait pas connue quand elle était mariée à Chase, mais de ce qu'il lui avait dit, c'était une femme de caractère. Qu'il avait laissé filer. Lucas ne la connaissait pas encore bien, même s'il avait été amené à la fréquenter plusieurs fois. Ce qu'il avait déjà entrevu lui plaisait bien. Sophya avait de la répartie, elle était vive d'esprit, dotée d'humour. Un mélange qui avait de quoi séduire, c'était certain, pas étonnant que Chase se soit laissé passer la bague au doigt. Cela dit, elle n'était pas née celle qui réussirait cela avec Lucas, il n'était pas vraiment prêt à s'engager dans une vie de couple. Une vie rangée. Non, il n'était absolument pas dans cet état d'esprit. C'était aussi une explication à son célibat, en plus de son sale caractère. Être beau gosse ne suffisait pas à garder une fille apparemment. Mais il vivait bien sa situation.

En attendant, aussi sexy soit-elle, Sophya n'avait pas réussi à amadouer son banquier, totalement hermétique à ses charmes. Ah, cela se saurait s'il suffisait de bien s'habiller pour avoir un gros crédit sur un projet ambitieux, mais risqué. Et malheureusement, Sophya ne pouvait pas encore apporter les garanties nécessaires pour que la banque cautionne ses envies. Lucas était mitigé. D'abord méfiant, se demandant si la jeune femme aurait les épaules assez larges pour tenir une agence de détectives, si elle aurait les bonnes ressources... mais il y avait sans aucun doute une demande de ce côté là et l'idée le séduisait davantage au fur et à mesure qu'elle s'animait pour la défendre, apportant des arguments solides.

Alors soit le banquier était vraiment un con, soit Lucas était trop tendre, mais lui, il était emballé par l'idée, même s'il faisait preuve de prudence. Il préférait encore se montrer réservé. D'ailleurs quand elle évoqua Chase, il en profita pour enfoncer la porte ouverte, se demandant ce que son ami en pensait. Il n'aurait pas aimé casser cette amitié à cause de Sophya, soutenue par l'un et pas par l'autre. Chase tenait encore à son ex-femme. Et il n'était pas emballé par cette idée. La prendre pour une folle ? Non, bien sûr que non. Une rêveuse peut-être, mais parfois le monde avait besoin de cette engeance là. Lucas avait perdu ses illusions et ses rêves depuis bien longtemps, mais tant mieux si d'autres s'y accrochaient encore. Sophya n'avait encore averti personne, hormis son ex et l'homme dont elle avait besoin pour arriver à ses fins. Il hocha simplement la tête quand elle lui livra cette information.

Mais cette idée n'était pas venue comme ça... Il devait y avoir une histoire de vie, un élément déclencheur... Il demanda à Sophya de s'épancher davantage, acceptant également qu'elle ne dise pas tout. Certaines éléments du passé ne devaient pas être partagés. Chacun avait son jardin secret, où panser ses blessures. Si la jeune femme trouvait l'apaisement en aidant d'autres personnes, tant mieux. Lucas n'avait pas la même noblesse, cherchant le sien dans la vengeance. Il apprit ainsi qu'elle avait été abandonnée, adoptée... Et que ses parents biologiques l'avaient retrouvé. C'était curieux comme démarche, d'habitude, c'était l'enfant qui partait à la recherche de ses racines. Elle précisa ne pas vouloir prendre les cas d'abandon, mais de disparitions. Surnaturelles. Lucas sentit un frisson lui courir le long de l'échine.

« Peut-être aurais-je besoin de tes services effectivement. J'ai l'impression que les Esprits sont étroitement liés à cette recrudescence de violence... Ce n'est que mon avis, mon intuition, je ne suis pas medium et je ne vois que les fantômes qui ont envie que je les vois... Je ne sais pas comment tu peux supporter ça. Ni Chase. »

Son visage était plus fermé. En plus, ce n'était pas le plus sympathique des fantômes qu'il avait vu.

« Le problème, c'est qu'il est difficile de mêler la justice au paranormal... »

Et là, Sophya aurait les mains plus libres que Lucas, les coudées franches comme on dit. Lucas plaisanta alors que le fait que ça manquait de champagne pour sceller l'affaire.

« Partenaires. »

Il leva son gobelet pour trinquer. Cela ne serait pas facile, Lucas était un individualiste, mais là, il ne ferait que fournir des informations. Après, il allait devoir composer avec Jia Li. Il ne savait pas du tout s'il pouvait l'inclure là dedans ou la laisser en dehors de ce genre d'affaires.

« Tu comptes te lancer là dedans seule, ou bien tu as un associé ? »

Elle se souvint alors de sa rencontre avec Alastair, comment l'esprit avait évité de nombreuses questions et ne semblait pas spécialement emballé par lui donner de quelconque réponse, loin de se douter que la jeune femme ne venait le trouver que dans un but précis. Mais maintenant que Lucas en émettait l'idée, il n'était pas impossible que les Esprits soient liés en effet à ce problème surtout au vu de la prise d'otage, et surtout des meurtres invisibles en rue. Sophya n'avait pas encore fait le lien auparavant mais cela pouvait totalement tenir la route. Maintenant, pourquoi après des siècles de quasi silence les Esprits se manifestaient-ils avec autant de violence ? Cela tenait de l'irrationnel – si tant est qu'il y avait une logique à tout cela précédemment – mais surtout de l'incompréhensible. Leurs actes semblaient décousus ces derniers temps et la médium devait avouer avoir beaucoup plus de paix depuis quelques semaines. En réalité, depuis la prise d'otage à bien y penser.

Son regard se fit légèrement pensif alors que son cerveau tournait à plein régime. Ce n'était pas forcément improbable, loin de là. Cela expliquerait en vérité beaucoup de choses.

« Tu as peut-être raison. Je vais essayer de faire marcher mes relations, savoir ce qu'il en est. Je te passerais un coup de fil quand j'aurais une réponse... »

La jeune femme émit un léger sourire avant de replonger dans son café, constatant avec mécontentement qu'il n'en restait plus énormément dans son gobelet. Tant pis, il faudrait qu'elle aille faire quelques réserves par la suite. De longues recherches l'attendaient. Se livrer était toujours quelque chose de compliqué, même si elle savait que quelque part Lucas pouvait se rapprocher d'un ami. Il n'empêchait pas que Sophya appréciait son intimité et son jardin secret et qu'elle n'avait partagé son histoire qu'avec une poignée rare de personne. Lucas n'avait sans doute aucune idée de la difficulté que la jeune femme venait de traverser avec ses aveux. Un rictus prit place sur son visage alors que la brune répondait.

« Oh tu sais...On finit par s'y faire. C'est ça ou se faire prendre pour un fou. Ils sont plutôt calmes pour l'instant, moins agressifs, plus tapis. Ça aide aussi, ces moments de creux. »

Surtout pour quelqu'un qui chérissait autant le calme et le silence. Peut-être d'ailleurs était-ce lié au fait qu'ils ne la laissaient jamais tranquille ? Sans aucun doute. Elle observa le visage du brun. Son attitude trahissait quelque chose, mais la brunette ne pouvait deviner ce qui se cachait dans la tête de Lucas. Comme d'habitude. Lucas le ténébreux, l'insaisissable, l'énigme. Cette énigme que la jeune femme voulait réellement percer dans le fond. Elle pouvait entrevoir la douleur qui émanait de lui sans en comprendre jamais la provenance.

« Je sais... Je sais tout cela. Crois-moi. »

Des Possédés, des Esprits...Elle en avait vu passer dans ses affaires. Et toujours devoir garder le silence parce que qui prendrait sérieusement ces idées en considération ? Personne, c'était la réponse.

La jeune femme se pencha en avant pour entrechoquer leurs gobelets, lui adressant un clin d'oeil avant de se reposer dans son fauteuil et de souffler doucement.

« Je pensais faire appel à des Esprits, et... à des Prêtres Vaudou. Les personnes qui m'ont formée en réalité et aider à accepter ma condition spéciale. Je me vois mal passer une annonce «  recherche associé pour enquêtes paranormales, merci de vous adresser à Sophya Alabama Turner. »... tu comprends, ça ne fait pas super sérieux. Et puis, je préfère bosser en solo, moins je croise de gens, et mieux je me porte. Avoir des comptes à rendre, ce n'est pas pour moi, j'ai assez donné. »

La jeune femme haussa un sourcil avant de reprendre.

« En cas de besoin je pourrais toujours trouver quelqu'un pour m'aider. Mais si je peux le faire seule, alors je prends. »

Sophya, asociale ? Oui, surement. Cela dépendait de ses moments, des périodes de l'année aussi. Et là en cet instant, c'était ce qu'il lui fallait. Du calme.

Lucas hocha la tête quand Sophya promit de le tenir au courant si elle en apprenait davantage vis à vis du rôle des esprits dans tout ce foutoir. En tant que flic, il avait un accès privilégié à tout ce qu'il se passait des chaotique dans cette ville : vols, braquages, viols, meurtres... Et les journalistes ne dévoilaient pas la moitié de tout ce qu'il se passait. C'était normal que la population ne soit pas inquiétée outre mesure, mais les forces de l'ordre, elles, étaient sur le pied de guerre et voyaient une activité criminelle de plus en plus importante. Et maintenant, qu'il avait pu deviser avec un esprit, il avait tiré ses conclusions et échafaudé l'hypothèse que le monde occulte n'était pas étranger à tout cela. Il fallait y ajouter le fait qu'il le sentait jusque dans ses entrailles et voilà une intime conviction qui était sa vérité. Cela dit, il confia à la jeune medium qu'il ne savait pas comment Chase et elle (et tous les autres humains capables d'entrer en relation avec l'au-delà) faisaient pour vivre avec ce don. OK, ils n'avaient pas le choix, mais cela l'aurait rendu dingue, lui.

Cela fit ricaner la juriste, prochainement détective privée es-paranormale, qui lui répondit qu'on s'y faisait, et qu'en ce moment, ils étaient plus calmes. Lucas renifla légèrement, sa bouche se tordant en une expression un brin dédaigneuse :

« Ils sont peut-être occupés à autre chose... »

La révélation de leur activité diminuée auprès des mediums ne pouvait qu'étayer son hypothèse concernant le rôle qu'ils jouaient dans le bordel sans nom qu'était devenue la Nouvelle Orléans. Que Sophya se décide à lancer son agence et à traiter le côté paranormal n'était pas sans être un avantage pour Lucas. Il entrevoyait des possibilités jusque là jamais envisagées... A ses paroles, il la regarda, semblant hésiter à poser une question... Il ouvrit la bouche, se ravisa... Pour finalement se jeter à l'eau :

« Tu sais, j'ai parfois interrogé des types qui semblaient complètement paumés... Ils avaient assassiné, mais ne pouvaient pas me donner de motifs... Parfois, il est arrivé qu'ils me racontent qu'ils avaient été poussés par une force inconnue, qu'ils n'étaient pas maîtres de leurs actes. Parfois, ils ne se souviennent même de rien. Toutes les preuves les accablent et ils croupissent en prison et pourtant... Je ne me sens pas satisfait. »

Il marqua une pause, s'humectant les lèvres, un peu nerveusement :

« Un esprit peut-il vraiment prendre possession de quelqu'un au point de lui faire faire quelque chose qu'il aurait été incapable de commettre en temps ordinaire ? Ils ont vraiment ce pouvoir-là ? »

Si c'était le cas, alors personne n'était à l'abri, et n'importe qui pouvait devenir un assassin... Croupir en prison pour un meurtre qu'il n'avait pas eu envie de commettre, étant l'instrument macabre. Cela faisait froid dans le dos, mais cela expliquait aussi ce sentiment de gâchis qu'éprouvait Lucas quand il voyait ces types paumés. On les disait fous. Et voilà tout. Le soucis étant que jamais une cour ne reconnaîtrait la possession... Le résultat serait le même, à moins que Sophya n'intervienne avant qu'il ne soit trop tard et libère le possédé. C'était possible ? Ou fallait-il que l’Église s'en mêle ? Et même si cela arrivait, Lucas ne pourrait effacer les preuves et sauver la peau d'un innocent. Le résultat serait le même... Il soupira, buvant son café, avant de se concentrer sur la jeune femme et de trinquer alors qu'ils étaient officiellement partenaires. Il s'enquit de sa façon de bosser, seule ou accompagnée et elle lui révéla qu'elle pensait faire appel à des Esprits et des Prêtres Vaudous. Elle avoua préférer bosser seule et ne pas vouloir avoir de comptes à rendre. Nouveau soupir chez le flic.

« Ouais, ça, je peux comprendre. »

C'était son problème : les comptes à rendre. Il ne pouvait pas faire ce qu'il voulait, il devait toujours s'en expliquer.

« Prends garde à toi, Sophya, tu te lances dans quelque chose de dangereux. Seule, tu es plus vulnérable. Et Chase ne me pardonnera jamais de te mettre en danger... ou pire. »

Et avouons-le, il s'en voudrait à mort aussi. Il avait assez de remords comme cela, sans y ajouter de blesser quelqu'un qu'il appréciait.

« Et ça me ferait chier qu'il t'arrive malheur, alors pour ma tranquillité d'esprit, sois prudente. Ah et si jamais tu as besoin d'aide, pour quoique ce soit, pour te sortir d'un mauvais pas ou autre, n'hésite pas à m'appeler, je répondrais présent. »

Lucas était individualiste et égoïste, mais également loyal. Sophya pourrait compter sur lui en toutes circonstances et ils étaient rares ceux qui pouvaient se targuer de ce privilège. Une facette chez lui qu'il ne montrait pas souvent, mais cette fois, alors qu'il proposait son aide, il n'y avait plus de morgue ou d'arrogance, plus d'ironie, juste de la sincérité.

C'était une réelle possibilité. Angoissante, effrayante. Ils n'étaient qu'une poignée à la Nouvelle Orléans à pouvoir réellement repousser des attaques d'esprits, elle-même n'ayant pas cette capacité. L'idée même qu'une guerre latente voyait le jour l'apeurait. Parce que personne ne serait à l'abri, personne ne pourrait se défendre. Sophya finit par hocher la tête suite à l'affirmation, portant ses doigts à ses lèvres et entamant un rongement d'ongle en règle, pensive. Elle en aurait le coeur net plus tard, après tout. Parce qu'elle comptait bien reprendre contact avec le monde médium, maintenant qu'elle allait s'y jeter à pieds joints. Son regard fut à nouveau capté par Lucas qui continuait de lui exposer ses théories. Avaient-ils jamais vraiment abordé la question avec Chase, celle du paranormal ? Le policier y était ouvert... mais ne semblait pas vraiment au fait de toutes les choses qui pouvaient se tramer pendant ce temps-là. La brune ne l'interrompit pas, le laissant aller jusqu'au bout de ses questionnements. Après tout, c'était normal de ne pas se sentir tout à fait à l'aise avec la question. Surtout lorsqu'on n'y était pas confronté tous les jours. Un soupir franchit les lèvres fardées de la brune tandis qu'elle ouvrait un regard plutôt concentré et une mine concernée à son ami.

« Ils le peuvent oui. Et bien plus encore. Il y a des murmures en ville, dans la communauté paranormale, concernant les meurtres sans meurtries. Rien de vérifié, mais vous n'attraperez certainement pas de tueur. Parce qu'il est sans doute déjà reparti d'où il vient. Les possessions, les hantises,... tout ça c'est pas des conneries, malheureusement. Les seuls à avoir une certaine protection ce sont les médiums. Parce qu'on les voit tels qu'ils sont et qu'ils perdent un avantage. Les simples humains ne peuvent pas se prémunir comme nous. Même Dieu les abandonne. »

Elle marqua une pause avant de reprendre.

« Seulement, un esprit faible ne peut faire ce genre de choses. Même bouger de simples objets lui est compliqué et le seul moyen pour lui de vraiment toucher un humain, c'est d'intégrer un hôte. Il lui faut cependant une certaine puissance, un certain temps avant de pouvoir penser à posséder quelqu'un. »

La conversation dévia et la brune haussa les épaules. Oui devoir des comptes, ce n'était pas vraiment pour elle. Son caractère indépendant avait été brimé par son ancien job et la jeune femme n'était pas prête à recommencer l'action une nouvelle fois. Elle avait besoin de souffler, de s'éloigner des gens et de trouver le moyen de faire la paix avec elle-même et ses capacités. La suite la laissa un peu perplexe et elle se bougea inconfortablement sur la chaise. Sophya était tout sauf démonstrative, et avait du mal à apprécier la chose dans le sens inverse également. Ça la rendait plutôt mal à l'aise à vrai dire.

« C'était ma décision à la base, pas la tienne. Et Chase est bien placé pour savoir que je suis particulièrement têtue et que je n'en fais qu'à ma tête. Tous les jours, on affronte des choses qui ont tendance à nous dépasser... Et ça ne me met pas plus en danger que prendre le train, la voiture ou même traverser la rue. Si quelque chose devait m'arriver... ça arriverait. »

Elle étira un léger sourire avant de repousser la boite de beignets devant lui, et reprit le ton amusé.

« Fais attention Duplessis, tu te ramollis. Mais ne t'en fais pas, je ne rajouterais pas de poids sur ta conscience.»

Son visage se farda d'une moue sérieuse et la brune souffla.

« Je sais dans quoi je me lance, ce que ça implique également. Je sais que ce ne sera pas une partie de plaisir et que je pourrais devenir une cible ambulante à esprit. Tout ça, je le sais. J'apprécie que tu t'inquiètes malgré tout. Et si jamais les choses dérapaient vraiment, alors je n'hésiterais pas. »

Elle attrapa son sac à main et glissa doucement.

« Je devrais y aller et te laisser bosser. Tu pourrais me donner quelques dossiers du coup ? Ou des copies ou quelque chose sur lequel travailler ? Si tu as justement un cas un peu particulier en cours... Je peux regarder ce que je peux faire pour t'aider. »

Il avait posé la question, il avait la réponse... Aussi désagréable soit-elle. Il prit une grande inspiration alors que Sophya lui confirmait que n'importe qui pouvait se faire posséder et devenir un assassin, une marionnette entre les mains d'un esprit revanchard et pervers. Il n'y avait aucun recours, aucun moyen d'y échapper. Seuls les mediums étaient un peu moins vulnérables. Génial. Ça, c'était une super nouvelle. Lucas s'était toujours occupé des tueurs, des violeurs, des voleurs... Mais si maintenant, les vrais fautifs étaient des esprits, que pouvait-il bien y faire ? Juste récupérer les corps des possédés, perdus, innocents et pourtant coupables par les preuves... C'était dégueulasse et cela écœurait Lucas. Il avait son propre sens de la justice, un peu étrange, mais punir ces innocents... Il n'avait aucun mal à tabasser les coupables, voire même à se rapprocher dangereusement de la bavure policière. C'était bien pour cela qu'il était sans cesse sur le fil.

Lucas demeura silencieux aux paroles de Sophya, qui continua en expliquant qu'un esprit faible ne pouvait pas faire ce genre de choses. Elle lui apprenait des choses et il se fit la réflexion que si ce qu'elle disait était vrai, il allait vraiment devoir se renseigner sur le sujet. Et Jia Li qui disait ne pas croire à tout cela... Les choses risquaient de se compliquer avec une sceptique. Mais pourrait-elle demeurer aveugle devant certains faits ? Elle était intelligente quand même. Elle finirait bien par s'ouvrir au paranormal. Il hocha la tête, indiquant qu'il avait bien assimilé ce qu'elle lui apprenait.

Concernant le nouveau travail de Sophya, il n'était pas sans risque. Lucas ne la prenait pas pour une écervelée qui se lançait à corps perdu dans un projet sans y avoir réfléchi, loin de là, mais tenait à s'assurer qu'elle avait bien prit en compte tous les aspects. Sans compter que Chase n'était pas très chaud... Alors si jamais il arrivait quelque chose alors que Lucas acceptait de lui filer un coup de main, l'ex de Sophya risquait de ne pas être très commode.

« Ouais, en théorie, t'as raison. Mais je ne jurerais pas que Chase raisonne ainsi s'il y a un problème... Il tient trop à toi pour se montrer raisonnable. »

Il lui lança un regard perçant, mais n'ajouta rien. Ils étaient divorcés, mais continuaient de se fréquenter... Et Lucas n'était pas vraiment dupe de leur petit numéro. Ils avaient encore des sentiments l'un pour l'autre, c'était à se demander pourquoi ils s'étaient séparés, mais bon. Cela ne le regardait pas et il n'était pas entremetteur. Il se saisit d'un beignet, croquant dedans à belles dents, alors que Sophya lui répliquait qu'il se ramollissait. Il esquissa un petit sourire en coin.

« Mettons cet instant de faiblesse sur l'hypoglycémie. Regarde, j'y remédie. »

Il indiqua le beignet entamé avant qu'elle ne lui assure savoir dans quoi se lancer. Il lui avait proposé de venir le voir si elle avait un soucis et elle accepta. Il se disait qu'en étant avec elle, c'était plus facile de veiller au grain. Chase le comprendrait. Sophya amorça alors son départ, et il se leva par mimétisme.

« J'ai une affaire en cours oui, mais j'ignore si cela met en scène des esprits ou pas. Pour le moment, je dirais que non. C'est ma plus grosse affaire. Mais il y en a d'autres, moins graves, mais qui ne trouvent aucune piste. Je vais fouiller dans les dossiers et te ferait parvenir tout cela. »

Il tendit la main à la jeune femme pour la saluer.

« Bonne journée et au plaisir de travailler avec toi ma chère. »

Il eut un léger sourire en coin et retourna à son travail tandis que Sophya quittait le commissariat plus assurée qu'en y entrant.