Je m'étais assise sur l'un des bancs qui bordaient les quais et lisais tranquillement un bouquin. En fait, je voulais profiter de cette soirée et me détendre un peu. Je m'imprégnais de l'atmosphère particulière que m'offrait la nuit, bercée par ses bras sombres et les bribes de conversation que m'offraient les passants quand un cri de terreur me noua les entrailles. Je relevais la tête et fis face à l'horreur sans nom. Une jeune femme venait de se faire assassiner sous nos yeux. Relâchant mon livre sous le coup du choc, je me dirigeais un peu plus en avant de la scène avant de souffler:

"C'est quoi ce merdier..."

Parce que c'était peu de le dire, il n'y avait aucune trace de l'agresseur, aucune preuve tangible de ce qui s'était passé ni même de comment cela s'était produit. C'était juste invraisemblable. Je me retournais afin de m'éloigner quelque peu quand l'apparition d'une jeune femme me fit sursauter. Je ne m'attendais pas à cette proximité et encore moins à retrouver quelqu'un dans mon dos. Menant une main à mon cœur je soupirais:

"Bon Dieu vous m'avez fichue la trouille! J'ai bien cru que mon cœur allait s'arrêter et que j'allais finir à côté de cette femme !"

[ H.J: Nous avons switché nos tours avec Darlene, elle prend donc ma place et postera à ma suite ]

Ah... les vendredis soirs.
Tu avais beau essayé de te rappeler, pas une fois, une seule fois, tu n'avais réussi à fermer un œil depuis que tu avais emménagé dans un quartier étudiant. Ces abrutis savaient profiter, certes, mais ils avaient le don de le faire partager à un monde entier. Ce bruit, tout ce bruit. Même te rendre sourdre ne t'empêcherait pas d'entendre ces cris stridents, retournés d'alcool et de drogues à tout va. Pour toi, une ou deux fois t'avaient suffit à te convaincre que c'était dérisoirement débile, surtout quand sur l'une des deux fois, ta vie avait failli se terminer pour une histoire inattention.

Niet, la vie... Ta vie vaut beaucoup plus qu'un simple feu rouge loupé ou un passage piéton mal engagé. Ta vie, elle vaut... Des villas de 200 m2 avec piscine et jacuzzi, une belle voiture et des beaux chiens. Ta vie, elle serait celle qui serait récompensée pour son dur labeur, et rien d'autre !

C'est pourquoi, quand le énième cinglé vint frapper à ta porte en étranglant ses cris, tu ouvris. Pas dans l'intention de le laisser entrer, loin de là. Mais bien de l'envoyer paître comme jamais tu n'aurais envoyé paître un être... du commun des mortels.

Enfin pour cela, il aurait fallut qu'il soit là, ce geignard. Mais il avait disparu aussi vite qu'il était arrivé. Ton nez se pencha vers l'extérieur. La voix faisait écho, et inconsciemment, tu la suivais dans l'espoir de lui arracher les cheveux pour le faire taire.

Perdu. La voix avait déjà disparu, et te voilà dans une piètre dégaine (jogging, sweet, chignon râté) enchaînée à cette sombre rue. Tes pieds voulurent reculer, mais un obstacle les en empêchèrent. Une femme sursauta, ce qui eut le don de se répercuter sur toi, mais en silence. Elle semblait paniquée, et ton regard suivi ses mots à mesure qu'ils sortaient.

Une pauvre fille gisait au sol, face contre terre. Tu retins un rire

« Mais non... Ça c'est qu'une pauvre crétine qui a abusé de la liqueur ! Comme d'hab. »

M'enfin, la laisser étalée là serait peut-être inconscient. Au fond tu y songeai comme à une chose méritée, mais le minimum de respect qu'il te restait te poussa à avancer.

Sauf que.

Sauf qu'il n'y avait pas ni canettes vides, ni joins. Pas d'odeur d'alcool, pas même de drogues, juste... Juste cette putain d'odeur rouillée qui remontait tes narines jusqu'à tes yeux et ton cerveaux. La liqueur rouge qui découlait autour d'elle était loin de s'apparenter à du vin.

« Merde... »

« Merde merde ! »

Ta main se posa en tremblant le long de son coup en essayant d'éviter les zones maculées de sang. Elle était morte, mais son corps était encore chaud.


« Fais chier ! J'ai pas mon tel', quelqu'un peut sonner la police ?] »

HRP : J'espère que ça ira, comme c'est mon premier évent, je savais pas trop comment tourner ça xD Merci Cal' pour le dépannage aussi

Après la fin du boulot, j'ai décidé de faire un tour au lieu de rentrer tout de suite à l'appartement pour une fois. Mes pas m'ont amené le long de la rivière, sans que quiconque l'ait décidé. Mes gestes ne regardent plus que moi, je n'ai plus de comptes à rendre - ou presque plus. Je savoure cette liberté dont j'avais oublié le goût quand un cri étranglé crève ma bulle momentanée de bonheur. Je frissonne, lance des regards autour de moi puis m'arrête dans une direction. Une femme est étendue sur le sol, je n'en vois pas plus avec l'obscurité, mais on s'en charge pour moi : j'approche malgré moi de la scène par le mouvement des passants, cherchant tantôt à s'éloigner, tantôt à s'approcher. Je me bloque à deux mètres du corps à peu près et mon sang se glace. On voit trop celui de la victime. Une flaque s'étend autour et le sang coule dans les joints des pavés comme s'il était encore dans des veines. Fais chier. Je me sens mal. Je détourne les yeux alors qu'une femme demande à ce qu'on appelle la police.

Mais appelle, nom de dieu ! Heu ouais, d'accord. J'avais oublié que j'avais un portable en plus. Je le sors de ma poche, les mains tremblantes, avant de me dire que je ne connais pas le numéro. Laisse-moi faire. Tamsin prend alors le contrôle de mon corps, à mon soulagement. Elle s'approche.

"Quelqu'un peut vite me donner le numéro des urgences ?"

Elle pense qu'on peut encore sauver la pauvre femme. Je sais que ça ne sert à rien, elle a perdu beaucoup trop de sang. Elle ne veut cependant pas m'écouter et préfère me hurler dessus. En apparence, elle paraît surtout très pressée et nerveuses, les membres tremblants. Si quelqu'un ne lui donne pas rapidement ce qu'elle veut, elle va péter une durite, c'est moi qui vous le dis.

« Arrête-toi, s’il te plait, il y a un corps étendu. Et je crois que je viens de voir du sang. Arrête-toi ! »

Installé côté passager, j’observais l’attroupement de personnes alors que nous passions dans le quartier, de retour à la caserne. Je ne regardais habituellement pas le paysage, mais mon regard avait été attiré par je ne sais quoi. Et voilà que je voyais un corps étendu sur le sol. Une femme, à en deviner par la corpulence. Dans ce métier, on pouvait être amené  à tout voir, de l’incendie au meurtre, en passant par les invasions d’insectes. Ce n’était pas courant de se trouver exposer sur les lieux du drame avant d’être appelés par les témoins de la scène. Le véhicule s’immobilisa, je bondis. Sortant précipitamment, je me dirigeais vers le corps immobile afin d’effectuer les premiers constats. Trois jeunes femmes se trouvaient sur les lieux de l’incident et parmi elles, je reconnus Jillian, sortant probablement de sa journée de travail.

«Excusez-moi mesdemoiselles, brigade des sapeurs pompiers »

Je déclinais mon identité tout en leur demandant de s’écarter. La vue du corps gisant n’était certainement pas ce qu’il y avait de plus alléchant à voir. Âmes sensibles, s’abstenir. M’accroupissant à côté du corps, je fis l’inspection des voies respiratoires : pas de pouls. Observant les blessures dont la victime venait de faire les frais, je fis le constat le plus évident qui soit : il était trop tard pour cette pauvre femme. Ecartant mes mains pleines de sang de la victime, je me retournais vers les témoins.

«Il n’y a plus rien à faire, la personne est décédée. Je vais vous demander de rester dans le coin, le temps que la brigade policière arrive et effectue l’enquête. Les plaies sont récentes avez-vous quelqu’un en compagnie de la victime ? »

La flaque de sang s'étendait de plus en plus pendant que l'odeur qui s'en échappait imprégnait inévitablement mes narines, me donnant à chaque seconde un peu plus la nausée. Je menais la main qui était apposée au niveau de mon cœur jusqu'à mes lèvres afin de retenir un haut le cœur qui était venu déformer mes traits. Je détournais les yeux du cadavre avec une grimace de dégoût pendant que la jeune fille qui m'avait fichu une peur bleue s'avançait vers le corps:

"Uh mon Dieu... Je ne sais pas comment vous faites... Et puis, à votre place j'éviterais de mettre mes mains de partout sur le corps vous pourriez effacer certaines empruntes ou je ne sais quoi d'autres du genre..."

Je n'avais rien pris avec moi hormis mon livre, il m'était donc difficile d'accéder à la demande de la petite brune. Seulement une autre personne arriva et alors que je pensais qu'elle allait pouvoir nous tirer de là, il n'en fut rien. Au contraire, cette inconnue paraissait tout aussi paniquée que la première. Super, nous formions un merveilleux trio il n'y avait pas à dire. J'observais la petite nouvelle perdre pied et ça, ce n'était vraiment pas bon signe. Je fis quelques pas puis une fois face à elle, bloquai ses mains entre les miennes, stabilisant ainsi la prise qu'elle avait sur son téléphone:

"Primo, on respire. Secundo, elle est morte, appeler les urgences pour un cadavre ne servira à rien. Tertio, je vais prendre votre téléphone et appeler la police d'accord? Ils seront plus à même de faire quelque chose."

Je m'emparais doucement du téléphone de mon vis-à-vis m'apprêtant à faire le numéro de la police quand un pompier entra en piste. Je le détaillais un instant et devais bien reconnaître qu'il était beau garçon. Très professionnel, il s'exécuta rapidement et plus il s'attelait à la tâche et plus je me disais que les pompiers étaient les hommes en uniformes que j'affectionnais le plus. Mon regard se déposa de nouveau sur le cadavre, m'extirpant instantanément de mes rêveries puis, prenant un paquet de mouchoir de ma poche, j'en tendis un au pompier en détournant les yeux afin de ne pas contempler plus que de raison le carnage:

"Calixte Bloodsworth tenez et... Non, pour ma part, je n'ai vu personne s'en prendre à elle si c'est ce que vous voulez savoir et puis..."

Je fus interrompu par une autre jeune fille, une adolescente qui me semblait bien désorientée. Je m'approchais d'elle afin de déposer amicalement ma main sur son épaule quand un frisson étrange me parcouru l'échine. Je la dévisageais un instant avant de lui adresser un sourire légèrement crispé et de me détacher d'elle. Quelque chose clochait avec cette gosse, quoi? Je ne le savais pas encore mais, autant sa détresse me poussait à aller vers elle, autant mon instinct m'hurlait de la laisser pourrir dans son infortune...

"Comment t'appelles-tu et où son tes parents?"

Dans le doute, autant se débarrasser du problème comme on le pouvait non?

Spoiler:

L'inconnue allait déclencher ce que je redoutais. Affirmer qu'il n'y a rien à faire pour la victime est une grave erreur. Ça aurait peut-être remis les esprits en place à quelqu'un d'autre, je ne le nie pas. Mais dans ce cas... Surtout après avoir dit à Tamsin de respirer. Ma sœur est en train de revivre sa mort à cause de la vue du cadavre baignant dans son sang et en rajouter une couche n'est certainement pas une bonne idée. Si elle était douceur et compréhension, je suis la mieux placée pour savoir qu'elle peut dorénavant partir dans des crises terribles.

"Vous ne lui laissez aucune chance ! C'est vous qui la condamnez !"

Elle laisse cependant la femme prendre le téléphone, trop perturbée pour y faire attention. Une main couvre sa bouche tandis que son regard se pose sur le corps. Durant ce temps, un homme s'est frayé un passage jusqu'au centre de l'attention, un homme que nous reconnaissons. Et pour une fois, Tamsin est heureuse de le voir. Elle place des espoirs imprécis en lui, mais Hayel quitte la "blessée" avec le même verdict. La femme est morte. Morte. Le mot résonne dans son esprit - et le mien par la même occasion. Morte. Comme elle. S'est faite agressée, a perdu trop de sang, ne respire plus. Purement et simplement morte. On ne peut rien y changer.

"Non ! Elle ne peut pas être... Non."

Une larme à elle coule le long de ma joue. Elle regarde Hayel, presque suppliant. Comme s'il peut changer le cours des choses, ressusciter cette femme. Un écho intensément douloureux me noue les tripes.

"C'est votre faute !"

Des mots rageurs, emplis de colère et de douleur. Elle les crie à personne en particulier. Tous autant que sont les spectateurs sont coupables. Tout le monde observe, personne ne bouge. Hormis pour constater la mort. Elle est morte. Et personne n'a remué le petit doigt pour la sauver.


[Désolée pour le retard]

Certains métiers demandaient un grand sang froid. Certaines personnes sont capables de l’acquérir avec le temps et il y a pour qui jamais ce ne sera possible. Je m’étonnais encore de la capacité que j’avais à faire preuve d’autant de sang-froid dans ces circonstances ; le cadavre allongé semblait impressionnant, et pourtant aucun trait de mon visage ne semblait étonné. J’avais d’ores et déjà écarté l’hypothèse du meurtre identifiant par les témoignages une cause surnaturelle. La victime semblait avait été à nouveau frappée juste avant de décéder et personne ne se trouvait à sa portée, ce que les témoins disaient unanimement. Je laisserai le soin aux policiers de faire leur enquête et de faire leurs propres déductions. En attendant, je remerciais la jeune femme pour le mouchoir qu’elle venait de me tendre, mémorisant le nom qu’elle venait de me donner. Le blanc devint rapidement rouge, et je l’usais à bon escient pour retirer le maximum de liquide vital de mes doigts, tout en regardant Jill du coin de l’œil. Je la voyais peu à peu perdre ses moyens ; il y avait de quoi dans ces circonstances là. La liberté et la réalité du monde sont plein d’imprévus, ce auxquels Jill n’était plus habituée. Alors je m’approchais d’elle car ma responsabilité envers ma colocataire était bien plus grande que celle de mon travail.

« Jill’… calme-toi. Ce n’est la faute de personne, nous n’aurions rien pu faire pour la sauver. »

J’évitais tout de même de la toucher ni même de lui montrer mes mains, Jillian réagissant assez violemment à la vue du sang ou du moins ce qui semblait en être. Les morts ne reviendraient pas à la vie. Les sirènes de police hurlèrent et les témoins furent écartés du spectacle morbide. Certains passants ayant commencé à se regrouper furent sommés de s’écarter pour laisser les policiers faire leur travail. Mon collègue me rejoignit rapidement et j’exposais mon premier verdict à l’agent chargé de recueillir les témoignages et autres rapports.

Pourquoi personne n'est intervenu ? Pourquoi personne n'a accouru quand elle était encore vie, quand on pouvait encore l'aider ? Pourquoi les gens l'ont ignorée jusqu'à ce qu'elle crève dans son sang ? Sauver quelqu'un demande trop d'efforts ? Constater la mort et la plaindre, c'est si facile. Mais ça en sert strictement à rien. Voilà où en est les pensées de Tamsin quand Hayel lui répond qu'on aurait rien pu faire pour la sauver. Pour une fois, je suis plutôt de l'avis de ma jumelle : quelqu'un a dû forcément voir quelque chose. Il y a tellement de monde attroupé autour du corps, ils ne sont pas apparus d'un coup. Si ça tombe, le meurtrier est encore là, à savourer son œuvre.

Tamsin est tellement bouleversée qu'elle se recroqueville dans un coin de ma tête, me remettant directement aux commandes. Je dois avouer que je ne me sens pas très bien non plus. J'aurais voulu partir, mais la police arrive. Je réponds au plus vite aux questions pour m'éclipser ensuite. Avant de m'éloigner, mon regard se pose encore sur la flaque de sang qui s'étend doucement. Sûrement le regard de trop. En m'éloignant parmi la foule, je commence à sentir ma tête me tourner ; immanquablement, je revois la scène qui a chamboulé ma vie. Je m'arrête soudain et m'agrippe au bras d'une fille. Reste immobile le temps de retrouver mon équilibre.

"Désolée. J'me sens pas bien..."

Je libère alors le bras de la jeune femme qui n'a pas l'air beaucoup mieux en réalité. Après m'être assurée que je tenais debout, je cherche autour de moi le profil bien connu de mon ami... Je ne suis pas sûre de pouvoir rentrer seule.

"Hayel ?"

C'est idiot. Il y a trop de bruit et d'animation pour qu'il m'entende.

Mes devoirs civiques m’appelaient, je ne pouvais y échapper. Je déposais mon diagnostic et témoignage aux policiers, pensant que ma protégée resterait dans le coin le temps pour moi de terminer la paperasse. Lorsque finalement je tournais la tête là où elle se trouvait auparavant, j’eus la surprise de ne plus la voir dans mon champ de vision.

« Jillian ? »

Je l’appelais, m’attendant à une réponse rapide qui la localiserait aux alentours. Cependant, je n’eus que l’écho de la foule dans mes oreilles. Encore une raison de m’inquiéter davantage de sa disparition subite.

« JILLIAN ! »

Cette fois-ci, je criais son nom, espérant que ma voix soit audible au loin. Je commençais sérieusement à m’inquiéter. Il n’y avait pas de raison qu’elle soit partie loin de moi, hormis s’il y avait un problème. Je la cherchais, partout. Je passe à travers les personnes auxquelles je demande le passage mais j’avance à travers la foule qui ne dégrossit pas. L’attraction de la journée les a attirés, voilà la seule chose qui les intéressait : un cadavre dans la rue ! Je cherchais Jillian du regard, scrutait au loin, sans succès. Je demandais à un passant s’il ne l’avait pas vue passer dans le coin. Rien niet.
Elle n’était nulle part. Je lui envoyais un message sur son portable, dans l’espérance d’une réponse.
Putain. Je devais la retrouver, et vite.

Agripper les gens sans crier gare après ce qui vient de se passer n'est pas une super idée. J'ai fait peur à la jeune femme, me poussant à m'excuser aussitôt. Non je ne suis pas le meurtrier qui compte tuer une deuxième fois de façon encore plus spectaculaire. Je suis juste sonnée, à la limite du malaise. Rien de grave en soi. Par chance, elle n'a pas eu de réaction agressive ; cette soirée aurait vraiment été géante !

Comme je l'ai remarqué, elle ne se sent pas bien non plus. Une réflexion stupide me traverse : elle aussi a torturé quelqu'un ? Que je balaie aussi vite de mon esprit. Tout le monde n'est pas possédé, ou psychopathe, ou malade. Il y a des gens qui sont juste mal à la vue du sang et de la mort. Des gens normaux. Autant se concentrer sur un autre sujet plutôt que celui qui nous rend malades toutes les deux.

"Oui, je cherche un ami... Le pompier qui est arrivé en premier..."

Je regarde autour de moi en même temps, me mettant sur la pointe des pieds pour tenter de voir par-dessus les têtes. Toujours bredouille, je reporte mon attention sur la fille.

"Vous voulez bien ? Ce serait gentil, j'ai besoin de lui pour rentrer."

Faire la route seule à pieds ? Je ne le sentais pas. En un éclair de génie, je pense enfin à mon portable. Ouais, quelle génie. Je me souviens cela dit que je ne l'ai pas repris à la bonne femme au moment de porter ma main à ma poche... Et merde ! Je râle à voix haute :

"Putain, l'autre bonne femme m'a pas rendu mon portable !" Une pause. "Hey vous avez pas entendu quelqu'un crier Jillian ?"

Je la cherchais et je n’avais aucune idée d’où elle était. Alors je criais son nom, non sans me demander pourquoi la masse de personnes se faisaient de plus en plus dense et de plus en plus infernale. Jill savait se débrouiller seule mais dans ces circonstances bien précises, je craignais qu’il ne lui arrive quelque chose, je craignais qu’elle ne fasse n’importe quoi et s’enfuit par peur. Imprévisible, c’est ce qu’elle était et pourtant je l’admirais d’avoir autant de courage depuis sa sortie de l’asile. Et puis, sans crier garde, je l’aperçus, avec une jeune femme. Enfin. Je ne crois pas qu’elle m’ait vue, mais je l’apercevais et cela ne faisait aucun doute sur son identité. Me frayant un chemin, je finis par arriver à sa hauteur.

« Jill ! Ça va ? Je t’ai cherché partout ! »

Je regardais la jeune femme à ses côtés, et sans même me poser de questions, je la pris dans mes bras.

« Merci beaucoup d’avoir été là pour elle »

Jill n’avait peut-être pas conscience qu’elle venait de me faire une frayeur sans nom, alors, je quittais les bras de l’autre femme pour la prendre également dans mes bras.

« Tu m’as fait peur tu le sais ça ? »

"Bien deviné !" Je réponds en riant à moitié - l'autre moitié perdue dans mon obstination à retrouver Hayel. "Et vous, c'est quoi votre nom ?"

Pour faire des rencontres, il me faut un meurtre étrange, trop bien. Vu les circonstances, peut-être même que cette fille deviendra ma meilleure amie ! Ouais, peut-être qu'au plus la rencontre est glauque, au plus ça facilite le contact. Bon peut-être pas la numéro une alors, il y a moyen de faire une rencontre pire encore. Enfin, cette fille n'y peut rien.

Quelques minutes plus tard, une voix familière résonne tout près de nous. Assez près cette fois pour que je la reconnaisse. Je me tourne vers lui, soulagée - et mon expression doit le lui avouer.

"Ça va... Je te cherchais aussi."

T'as vu, je fuyais pas cette fois ! J'étais sage, je voulais te retrouver, je serais même pas partie sans toi ! Jillian, t'es devenue une grande fille, je suis fière de toi. J'ai droit à un bonbon ?

Mon délire à la Candy est interrompu par les étreintes que Hayel offre à la nana puis à moi. En fait, le "garde tes câlins pour toi, s'il-te-plaît" de la brune a fait naître un sourire qui ne s'est estompé que parce que j'étais la deuxième victime. Moi, je le connais et son arrivée me procure un soulagement intense, alors je ne le repousse pas. Mais quand même, il exagère pas un petit peu ? J'ai l'impression de voir une grand-mère.

"Elle m'aidait à te retrouver", je désigne l'ado, "j'allais pas partir, t'en fais pas." J'étire un sourire. "Tu sais que tu te transformes en Bisounours quand t'es inquiet ?"

Sa présence me réconforte, si bien que je me sens à plaisanter. Ça aide à se calmer, j'allais pas me priver.

Les évènements de la Nouvelle Orléans me donnaient toujours cette impression qu’un drame allait arriver sous peu. Pour sûr que je m’étais inquiété et plutôt deux fois qu’une. J’avais cette tendance, car Jillian n’était pas en ville depuis beaucoup de temps et que j’étais plutôt préoccupé qu’il lui arrive quelque chose. Je ne pouvais pas m’empêcher, mais bon c’était ainsi. Je ne vis pas l’expression de la jeune femme que je pris dans les bras, mais sa tête devait valoir de l’or, d’un autre côté, un inconnu qui lui fait un câlin, ça devait être une situation plutôt cocasse.

« Désolé. »

J’ai tendance à trop m’en faire, mais en même temps, je ne peux dire avec certitude ce qu’il va arriver si Jillian est laissée livrée à elle-même. Elle est sous ma responsabilité et en même temps, son comportement parfois inattendu me pousse parfois à exagérer. Ça l’amuse cette situation, moi pas. Je ne suis pas spécialement d’humeur actuellement, rien que la situation m’agace, je vais devoir témoigner au poste sous peu, tâche que j’aurais préféré éviter.

« Je m’en passerai bien de m’inquiéter »

Et je me passerai bien de devoir aussi la rechercher à travers toute la foule, enfin bref. J’ai accepté de la prendre sous ma tutelle, cela incombe des responsabilités. Quoi qu’il arrive, je dois être présent, c’est là mon rôle à jouer, bien qu’elle ait sa part d’indépendance. Avec le vacarme et la cohue, j’avais flippé. Desserrant mon étreinte, je la regardais, lui demandant ce qu’elle voulait faire avant de devoir repartir.

« Il faut que je passe au poste. Tu fais quoi de ton côté, tu rentres ou tu restes ? »

Mon sourire s'évapore pour laisser place à de la surprise et de l'inquiétude. Je ne veux pas rentrer seule et passer la soirée seule me fait déjà froid dans le dos. Mais je ne comprends pas pourquoi Hayel a cherché absolument à me retrouver pour me dire que nous devons partir chacun de notre côté. C'est un peu cruel, non ? Il a pas apprécié la blague sur le Bisounours ?

"Je... heu..."

Je rentre ou je reste, quelle question. Je n'ai pas du tout envie de rester dans les parages de la mare de sang, même si on en a enlevé le corps.

"Tu es sûr que tu peux pas me reconduire avant ?"

Je lui demande un peu anxieuse. Mais Abigail me propose de faire la route avec moi, étonnamment. Elle ne paraît pas plus à l'aise. C'est sans doute un moyen d'avoir de la compagnie, histoire de se changer les idées. Pas con du tout. Je me retourne donc vers elle.

"Oh j'veux bien, merci. T'habites où toi ? On peut peut-être trouver un compromis pour se rapprocher chacune de chez soi." Puis à l'adresse de Hayel : "Tu peux y aller alors, je fais la route avec Abigail. Tu reviens tard ?"

Spoiler:

Je lui proposais de me suivre ou non car je lui laissais le choix. Jillian était une adulte, et même si j’étais son tuteur, elle avait également le droit d’exprimer son avis sur la question. Je craignais parfois qu’elle ne s’exprime pas assez ou n’ose pas dire ce qu’elle pensait, alors je l’incitais à parler.

« Oui je peux à la limite. »

J’allais faire un détour, il faudrait que je passe par la caserne récupérer la voiture mais cela pourrait être envisageable. Jillian allait monter dans un camion de pompier ! Mais l’inconnue qui l’avait retrouvée lui proposa alors de la raccompagner. La regardant, je lui demandais si elle était sûre que ça allait aller. Elle avait une petite trotte jusqu’à la maison quand même.

« Tu m’envoies un message quand tu es arrivée. Je ne devrais pas rester trop longtemps là bas, une heure ou deux heures grand maximum. »

Je remerciais la jeune femme en hochant la tête. Evidemment, Jillian n’échapperait pas au message qu’elle m’enverrait une fois arrivée, au moins je ne m’inquiéterai. Indépendante certes mais je préférais savoir où elle était quand même. Un peu ambigu certes mais c’était comme ça.

« A ce soir ! »

Je filais en courant à travers la foule, retrouver mon collègue avant qu’il ne parte avec le camion.


HJ : Hayel s'en va aussi :p