Elle la sentait venir gros comme une patate. Sa défaite cuisante. Valerie donnait pourtant tout ce qu’elle avait dans son combat, jurant crachant, essayant de déconcentrer son adversaire pour le pousser à faire des erreurs mais en vain, elle savait d’avance qu’elle avait perdu. Et quelques instant plus tard, pour lui donner raison, elle vit sa vie diminuer encore et encore jusqu’à disparaître définitivement. Alors la brune ferma les yeux au même moment où Simon se mettait à beugler en lançant son poing dans l’air, en signe de victoire.

« Ouais ! Ouais ! OUAIS ! Et voilà… K.O ! Je suis trop fort ! »

Acceptant sa défaite avec résignation, Valerie laissa tomber la manette dans le canapé en retombant lourdement contre les coussins avec une moue amusée. Son petit voisin de quatorze ans entama une petite danse de la victoire sous les yeux amusés de sa sœur Salomé alors que l’écran de jeu sur la télévision changeait pour montrer à quel point il avait massacré Valerie. Qui pour le coup donnait l’impression de n’être qu’une fourmi face à un fourmilier qui n’avait fait qu’une seule bouchée d’elle. Bof, ce n’était pas grave et puis, elle laissait volontiers Simon gagner. L’égo de ce gosse quand il s’agissait de ses jeux dépassait la taille de la planète, mais battre une inexpérimentée en la matière n’aurait pas du être à ses yeux une telle victoire.

« Et les chevilles, ça va sinon ? »

Demanda t-elle narquoisement en le tapant doucement puis se releva pour laisser la place à la sœur du garçon et retourner à la cuisine pour surveiller l’avancée du poulet colombo que préparait Esme, son associé, voisin et accessoirement père des deux monstres qui étaient en train de s’auto-encourager à grand renfort de cris dans le canapé. Elle trempa son doigt dans la sauce avant de se faire virer de la cuisine par le chef cuisinier et alla se poster à la fenêtre pour profiter du soleil qu’il y avait depuis quelques temps. Bien sûr, son appartement du Vieux Carré qui lui servait principalement de bureau lui manquait déjà mais ce n’était pas si loin que ça et si son père voulait qu’elle passe un peu de temps avec lui, elle n’allait pas le priver de cette consolation. Il vivait déjà seul le reste du temps et depuis qu’elle était partie, l’absence de sa mère devait peser encore plus.

Mais bon. Au moins, elle se disait qu’avoir amené Esme et ses enfants avaient été une bonne idée. Ils offraient une excuse pour discuter et l’agitation qui semblait manquer à son père et puis grâce à eux, Valerie et son père ne restaient pas à se regarder dans le blanc de l’œil en échangeant des banalités. C’était déjà ça. La brune fut tirée de ses pensées par la sonnerie de la maison qui retentit. Elle avança jusqu’à la porte pour ouvrir à une jeune femme qu’elle ne connaissait pas.

« Je peux vous aider ? »

Demanda t-elle avec une curiosité non dissimulée.

Valerie dévisagea la jeune femme qui se tenait sur le perron de la maison d’un œil curieux et tendit l’oreille pour l’écouter attentivement ? Pour écouter ce qu’elle attendait exactement d’elle aujourd’hui. La brune était souvent sollicitée, par tout un tas de gens, de tout un tas de profession, pour tout un tas de raisons mais c’était la première fois qu’on venait la voir ici et personne sauf un professionnel aurait pu la dénicher ici. Donc, ça valait le coup qu’elle sache ce que ce petit bout de femme lui voulait.

Apparemment c’était une policière, mais rien ne lui disait qu’elle disait la vérité et Valérie était suffisamment méfiance pour ne lui accorder aucun crédit avant qu’elle n’ait vu sa plaque, non, ça c’était hors de question. Quant à la laisser entrer, là aussi c’était à condition. La brune entrouvrit légèrement la porte, sachant pertinemment qu’Esme pourrait entendre de là et faire le travail pour lequel elle le payait. Et en effet, quelques minutes après, l’homme arriva avec son tablier autour de sa taille, juste à temps pour entendre la jeune femme qu’elle ne la retiendrait pas trop longtemps.

« T’as pas à répondre à ses questions sans ton avocat ! »

Valerie referma un peu la porte que l’inspecteur Yan n’entende pas ce que son associé disait et lui lança une grimace avant de se mettre à sourire. C’est vrai qu’ils étaient un avocat, et vu ce qu’ils lui payaient, il pouvait bien se mettre à travailler un peu mais elle ne savait même pas ce que cette femme lui voulait, ni si c’était important ou non.

« Ow, elle ne fait que son travail on peut l’aider quand même. »

Esme lui lança la même grimace avant d’hausser un sourcil.

« Est-ce que c’est une vraie policière au moins ? »

Balança t-il en sortant la tête de la cuisine, prenant pendant un court instant sa tête professionnelle pour ensuite de nouveau disparaître. Et là, il marquait un point sur le coup et la brune se retourna vers leur invitée avant d’ouvrir la porte en grand.

« Entrez donc, je serais ravie de vous aider. Je peux voir votre plaque, d’abord ? »

Demanda t-elle avec naturel en sortant son sourire Colgate qu’elle ressortait en toute occasion avant de l’inviter d’un geste de la main à passer le seuil de la maison. Elle la laissa entrer et se familiariser avec l’odeur du plat créole en train de cuire doucement et les hurlements de deux sauvages qui jouaient à s’étriper en arrière plan.

« Et si vous me disiez à quel sujet puis-je vous aider ? »

Valerie attendit un peu qu’elle décide de lui montrer son badge attestant de sa nature de policière. Elle ne doutait pas qu’Esme n’ait aucun problème à se débarrasser de cette petite femme mais elle avait entendu dire que les psychopathes pouvaient se montrer particulièrement teigneux et se révélait être dangereux lorsqu’ils étaient armé en plus de ça. Ce qui était sûrement le cas de cette femme si elle se pensait être une policière. Voilà pourquoi elle préférait voir son badge avant de se détendre vraiment de l’avoir faite rentrer chez elle. Ce qu’elle fit en voyant la plaque numérotée. Maintenant qu’elle était rassurée sur ce point, elle pouvait reprendre son rôle d’hôtesse sans craindre de se retrouver poignardée par derrière.

Cependant sa drôle de question la prit un peu de court et elle se retrouva avec un sourire amusé sur les lèvres, soutenues par les cris outragés qui s’élevèrent du canapé où étaient vautrés Salomé et Simon. Ils la dévisagèrent comme si elle venait de dire qu’ils étaient né d’un extra-terrestre, cependant ils reprirent très vite leur jeu en se détournant de la conversation.

« Oh mon dieu, non. Non, ce sont les enfants de mon associé Esme LaRue. Qui est actuellement occupé à jouer les cuisiniers du dimanche. »

Comme voulu, la pique atteignit le principal qui passa de nouveau la tête par la porte de la cuisine avant de lui envoyer un regard menaçant. Valerie retint un rire et continua son chemin jusqu’à accompagner l’inspecteur Yan jusqu’à la table pour lui indiquer une chaise et l’inviter à s’asseoir.

« Vous voulez un café ? »

Demanda t-elle en bonne hôtesse qu’elle était avant d’écouter la question qu’était donc venue lui poser cette femme et elle resta perplexe un instant en se demandant pourquoi est-ce que le nom Clemence d’Aubry lui disait quelque chose. Puis elle entendit Salomé retenir sa respiration, ce qui pouvait indiquait qu’elle aussi savait quelque chose, pour quelqu’un qui ne la connaissait pas et qui savait qu’il n’y avait que peu de choses qui pouvaient la secouer. Puis le visage de la jeune femme finit par apparaître comme une évidence dans son visage. Oui, elle avait déjà rencontré cette fille, au moins une fois puisque ce n’était pas elle qui s’occupait de faire la liaison avec les jeunes qu’elle payait de temps en temps pour réaliser les quelques méfaits qu’elle prédisait et qu’elle avait besoin de voir réalisé pour garder sa clientèle.

« Si c’est bien la fille à laquelle je pense, oui. Mais je n’ai dû la voir qu’une seule fois je crois. »

Fit-elle d’un air évident avant de se demander pourquoi est-ce qu’elle venait poser des questions sur cette fille. Et commença à s’inquiéter.

« Il lui est arrivé quelque chose ? »

Valerie abandonna l’inspecteur juste le temps d’aller mettre en route la cafetière et sortir deux mugs en échangeant un regard avec Esme qui semblait aussi curieux qu’elle de savoir ce que cette femme pouvait bien lui vouloir. Elle resta adossée au plan de travail, entourée des effluves de nourritures en attendant que le café soit prêt puis retourna dans le salon pour s’asseoir à la table en face l’inspecteur Yan pour lui tendre une tasse de café noir en faisant mine de siroter le sien. Valerie n’avait pas la moindre envie d’en boire avant de passer à table — autant commencer le repas par le dessert, pour elle, ça revenait à la même chose — mais elle savait d’expérience que les gens étaient plus détendus avec une main à la main et ainsi plus susceptible d’en venir au fait sans tergiverser ni tourner autour du pot trois plombes. Mais quand la brune lui demanda ce qu’il y avait, son invitée préféra lui demander d’abord de faire sortir évacuer les gosses. Comme si leurs oreilles étaient encore chastes et innocentes. Valerie ne pouvait décemment pas lui en faire la remarque. On ne discute pas avec la police.

« Allez les gosses, vous avez entendu la dame, bougez de là pronto »

Un concert de protestation s’en suivit pour Simon à cause de sa console qu’il ne voulait pas quitter et pour Salome qui s’estimait assez grande pour écouter mais la brune ne céda pas d’un pouce, leur conseillant plutôt d’aller râler auprès de leur père plutôt que de l’embêter elle. Quelque part, la jeune femme ne pouvait pas leur en vouloir de protester, même si Simon était encore jeune du haut de quatorze ans pour être confronter à un monde où les gens en tuaient d’autre, Salome, elle, n’avait plus rien d’une gamine avec sa majorité atteinte. Après tout, et comme elle plaisait à le répéter, si elle était assez grande pour boire sans problème dans tous les états, elle l’était assez pour faire ce qu’elle voulait mais bon.

Valerie attendit patiemment que les enfants LaRue s’en soient allés avant de se retourner vers la jeune femme pour l’inviter d’un geste de la main à expliquer la raison de sa présence ici. En entendant que sa mort ne s’était pas vraiment fait sans douleur et certainement moins proprement, la brune eut l’impression d’avoir une poussière dans la gorge dont elle eut du mal à se débarrasser mais c’était plus de la compassion que du remord. Cette fille, elle la connaissait à peine de vue et encore. Ce n’était certainement pas sa faute si elle était allée se fourrer dans des problèmes trop gros pour elle. Mais si elle avait été encore vivante, la voyante ne se serait pas privée pour lui passer un savon histoire de la remercier d’avoir mêler son nom à tout ça.

« Je ne reçois pas tout le monde en consultation, elle avait peut-être ma carte mais ça ne veut pas dire que je l’ai forcément reçue. »

Oui, c’était ça le privilège d’un bouche à oreille qui marche, elle pouvait se permettre de faire la difficile sur sa clientèle et il aurait gelé en enfer le jour où elle aurait reçu quelqu’un comme cette Clémence ou n’importe laquelle des personnes dont s’était entourée Salome.

« J’ai dû mal à me souvenir pourquoi elle était venue me voir… C’était peut-être pour autre chose, je ne me souviens plus. Bien sûr, je peux vérifier. J’ai un agenda où je note tous les rendez-vous qu’on me demande. Je suis surbookée alors il faut bien que je note tout ça quelque part. Je dois avoir mon agenda de cette année sur moi mais si c’est une vieille carte comme vous dites, il faudra que je retourne à mon bureau pour pouvoir vous confirmer si oui ou non je l’ai reçue. Mais je me souviens à peine d’elle, je ne pense pas pouvoir me souvenir de la raison de sa visite. Désolée. »

Valerie espérait avoir mis juste ce qu’il fallait de doute dans sa voix pour être crédible. Car elle n’allait certainement pas s’amuser à dévoiler à la police tous les petits méfaits innocents qu’elle faisait sous-traiter pour faire plaisir aux rombières qui venaient la voir en espérant avoir un peu de frisson dans sa vie. Cette Clémence avait joué avec le feu mais ce n’était pas de sa faute si elle s’était faite brûler et elle ne comptait certainement pas se laisser embêter par un fantôme.

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