Je m'ennuie de cet bel époque où j'ignorais encore tous des esprits et de ce qui se tramait dans cette ville. Une ville que j'ai toujours aimé d'ailleurs. Bien sur, j'avais envie de voir le monde et de partir un jour moi aussi, mais pour grandir je n'aurais pu espérer mieux. L'agitation de cette ville avait toujours empli mon coeur de bonheur. La musique dans les rues, les festivals et la joie de vivre. Je connaissais la plupart des commerçants de mon quartier et on me rendait bien cet honneur. J'étais la petite fille aux cheveux blonds à laquelle on disait toujours «Tu vas briser des coeurs quand tu seras grande».

J'ai été une enfant heureuse dans une famille majoritairement heureuse. Nous étions que deux enfants, moi et mon frère. Mon frère avait deux ans de plus que moi. Il était mon héros, mon modèle et jusqu'à récemment, mon meilleur ami. Nous avons grandi dans une harmonie parfaite, lui me protégeait et moi j'étais sa petite soeur chérie. La complicité ne nous a jamais quitté. C'est avec lui que j'ai consommé la première fois, que ce soit pour l'alcool ou la drogue. Je n'avais pas peur lors de mes sorties d'amener mon frère avec moi, souvent même c'est ainsi que je pouvais lui faire rencontrer des filles. Ses relations ne duraient jamais, mais cela n'a jamais sembler lui déranger. Nos vies étaient encores jeunes.

Quant à mes parents, ils ont été de bons parents. Mon père travaillait, alors il était moins présent à la maison. Non pas absent, simplement moins présent. Ma mère elle était confiné à la maison. Elle souriait toujours et vivait bien, mais un accident idiot l'avait forcé à arrêter de travailler. J'étais trop petite pour m'en rappeler, mais mon père me l'a raconté. Ma mère faisait simplement bouillir de l'eau dans une casserole pour une recette. Alors qu'elle jetait un coup d'oeil à la recette pour continuer, notre chien de l'époque était entré dans la maison en courant, trop excité. En passant devant ma mère, sa queue a fouetté le casserole qui s'est renversé sur sa mère. Elle a donc subit de grave brûlure sur le côté droit de son corps, allant de la hanche jusqu'à la cheville. Une marque de brûlure paraît aussi sur son bras. Cela n'a jamais empêché ma mère d'être une bonne vivante, souriante même après l'incident. Elle m'a toujours dis qu'elle était surtout heureuse que ce soit elle qui ait reçu l'eau et pas moi qui dormait dans mon berceau près d'elle.

Ainsi fut donc mon enfance, des plus banales certainement. Une bonne famille, une ville incroyable, un école sympa. Je n'ai jamais eu particulièrement de problème à me faire des amis. Je n'étais pas populaire, mais tout le monde me connaissait, que ce fusse de loin ou de proche. J'étais le type de fille bizarre, mais pour qui étrangement cela a toujours été un avantage. On disait de moi que j'étais énigmatique, presque mystérieuse. Je n'ai jamais été doué pour les longs dialogues voilà tout, mais il faut croire que cela incitait les gens à devenir ami avec moi. Ils voulaient savoir ce qui se cachait dans la tête de la fille au style un peu bohémien. J'aimais les vêtements amples, les grands chapeaux. J'avais toujours eu un style particulier et je crois que cela m'a toujours bien réussi. Je n'ai jamais été particulièrement doué avec les garçons. J'ai eu quelques prétendants à l'occasion, mais je n'ai jamais vraiment su faire durer une relation. Il fallait dire que j'étais un peu sotte dans le domaine. Je n'avais pas ce talent qu'ont certaines filles pour savoir quand un garçon les aime bien. Pour moi, un garçon qui me parlait était un garçon qui me parlait. Je ne voyais pas les nuances dans la voix, les regards doux. Il fallait donc que les garçons soient clairs avec moi, directs, mais ce n'est pas tout le monde qui y parvient.

Depuis ma plus tendre enfance, il y avait ce garçon qui avait toujours été dans mes classes. Evan. Un garçon gentil, qui me saluait toujours poliment sans jamais me parler directement. Quelques fois nous avions échangés quelques mots. Je le trouvais gentil, mais je ne lui portais pas plus d'attention. Pour moi, ce n'était que le mec qui avait été dans la plupart de mes classes, qui avait ses propres amis. Une connaissance. J'appris un jour qu'il avait été frappé par un véhicule et qu'il était mort sur le coup. J'en ai été sur le choc pendant plusieurs jours. Perdre quelqu'un qu'on connaît, même si ce n'est pas un ami proche, fut très difficile. Je pensai souvent à lui, me disant que j'aurais aimé mieux le connaître, regrettant de ne pas l'avoir fait. Maintenant il était trop tard et je ne pouvais que m'attrister de sa mort.


Je venais de commencer à travailler dans une petite libraire alors que je prenais une pause dans mes études. Je ne savais plus ce que je voulais faire dans la vie alors mieux valait prendre une pause. Il y avait aussi le fait que j'aimais ma famille, mais que je commençais à avoir besoin de ma vie d'adulte. Un emploi pendant plusieurs mois me permis d'avoir les moyens de me louer un petit appartement, pas bien loin, mais à moi. Il était minuscule, mais il me convenait parfaitement. Je n'avais que deux minutes de bicyclette à faire pour me rendre à mon emploi, que j'adorais d'ailleurs. Cela faisait à peine quelques mots que je menais ce rythme de vie quand tout a commencé...

Je connaissais les mythes de la région. Il y avait toujours eu beaucoup de pseudo-médiums et de croyants dans le coin. Pour ma part, ce n'est pas que j'y croyais ou pas, c'est plus que je n'y accordais pas vraiment d'importance. Peut-être les esprits existaient-ils, mais comme je n'en avais jamais eu de preuve, je n'avais rien à dire sur le sujet. Pourtant, cela changea vite.

Tout cela commença simplement avec des impressions. C'était surtout des ombres floues que je voyais du coin de l'oeil mais qui disparaissait aussi vite. Lunatique comme je l'étais, je me disais toujours que c'était dans ma tête. Pourtant, ces impressions augmentaient et bientôt les ombres prirent une forme. Une forme vague, puis une forme humanoïde. Celle-ci n'était qu'à mon appartement et rapidement je la retrouvai partout, même à mon emploi. Je n'en parlai pas, mais cela devint vite courant. J'ignorais pourquoi, cela m'obsédait, mais je ne pouvais dire que j'en avais peur. C'est comme si je sentais qu'il n'y avait là aucun danger.

L'instant qui allait changer ma vie à jamais se passa au milieu de la nuit. Je dormais alors paisiblement. Je me souviens d'avoir été dans cet état dans le rêve et l'éveil. J'avais senti un froid autour de moi et un brouillard c'était formé autour de moi. Je connaissais alors les premiers instants de la possession, alors que j'étais dans un état trop faible pour résister. Quand je pris conscience de ce qui se passait, je voulais me défendre, mais déjà... il n'y avait plus rien. Je crus alors avoir rêver. Pourtant, je sentis quelque chose de différent en moi, comme si soudainement je ressentais des émotions qui n'étaient pas les miennes. Alors que les jours passaient, cette sensation devint plus présence et un jour j'entendis la voix. Cette voix. Il me fallut un moment pour la reconnaître. C'était Even. Ce pauvre garçon que faisait-il dans ma tête? La voix floue dans mon esprit se clarifia.

Les jours passèrent et nous nous parlions. C'était étrange, de comprendre qu'un esprit avoir pris place dans mon corps. L'esprit d'un garçon que je connaissais était en moi. Il fallut un moment à lui aussi pour comprendre ce qui s'était passé. Il m'expliqua qu'il avait été dans le tunnel, qu'il avait ressenti la paix et une ascension, mais que soudain il avait perçu une brèche. Dans cette brève, il avait ressenti ma présence. Sans réfléchir, il s'était laissé guider jusqu'à moi. Encore plusieurs jours furent nécessaires pour qu'il m'avoue ce qui l'avait poussé à venir me rejoindre : l'amour. Il avait toujours été amoureux de moi, mais de son vivant n'avait jamais trouvé le courage de me le dire.

Jamais de ma vie je n'ai connu chose plus étrange. Une déclaration d'amour... venant de l'intérieur de sa tête. Il m'a fallu un moment pour assimiler l'information et comprendre ce qui se passait. Au bout d'un moment, après que nous eûmes parler, j'en vins à lui demander quand il partirait pour rejoindre le tunnel. C'est la réponse à cette question qui m'a fait comprendre que quelque chose n'allait pas. Il m'a simplement dit : ''Pourquoi je partirais?''. Le ton de sa voix m'avait fait frémir. Il n'avait pas l'intention de partir. Cette idée se concrétisa avec le temps. Il semblait heureux, content d'être avec moi, mais... il était aussi terriblement jaloux et possessif. Bien vite sa présence dans ma vie m'isola des autres, particulièrement des garçons. Je ressentais alors toute sa colère et sa hargne et moi-même je le devenais. Il me forçait à être méchante, à les éloigner de moi. J'étais seule... seule avec lui et je ne savais plus quoi faire pour y remédier. C'est encore ainsi aujourd'hui. Plus le temps passe, plus il devient fort et prend le contrôle. Il me garde pour lui et moi, je suis sous son emprise qui ne cesse de grandir.

Premier épisode de jalousie : le voisin

Mon appartement, mon nid douillet où je m'isole du monde et de l'univers entier. Dès l'instant où j'en avais fait la visite, j'avais su que je voulais y habiter. Dans le quartier résidentiel de Mid-City, cet appartement avait tous les avantages dont je pouvais rêver. Les restaurants ainsi que mon emploi étaient à proximité, j'étais à bonne distance de l'agitation des festivals, mais proche de tout en même temps. L'appartement étais minuscule, une seule pièce ayant une petite salle de bain adjacente. L'appartement était peut-être petit, mais il avait un petit balcon agréable qui donnait une vue sur le parc. En y aménageant, ce fut d'ailleurs la première chose que je fis : je m'installai une chose sur le balcon pour pouvoir observer le parc et lire en sirotant une limonade. Dans cet instant où je regardais le parc et le soleil brûlant, j'en oubliais Evan dans ma tête. Il se tenait tranquille tant que je restais seule. Parfois, il me parlait, mais souvent il respectait le calme. Je crois qu'il aimait bien la possibilité de ces instants calmes ''entre-nous''

Cette journée était magnifique, j'en profitais pour m'installer, encore une fois sur mon balcon. Le dernier livre de Stephen King à la main, je m'étais confortablement installée. J'étais si bien que j'en avais fini par somnoler, jusqu'à ce que j'entendis une voix. Une voix qui ne venait pas de ma tête cette fois.

«Belle journée n'est-ce pas?»

Je me redressai, retirant les lunettes de soleil que j'avais posé sur le bout de mon nez. En tournant la tête, je vis alors qu'un homme était sorti sur le balcon voisin. Un joli jeune homme, mi-vingtaine au teint bronzé de la Louisiane. Il me souriait de ses belles dents blanches et j'en vis immédiatement de même.

«Pas mal effectivement, il faut en profiter»

Je me relevai et fit quelques pas en sa direction jusqu'à ce que mon balcon ne me permette plus d'aller plus loin. En riant, je tendis ma main et il en fit de même. Nous nous échangèrent donc une poignée de main à bout de bras, en riant.

«Je m'appelle Amelia»

«Et moi Nathanaël»

Je sentis alors un sentiment colérique naître en moi et je compris vite qu'il ne s'agissait pas de moi. Je tentai de le contrôler, mais plus l'homme me souriait, plus celui-ci gagnait en force. J'entendis alors la voix d'Evan dans ma tête : «Vas-t-en, éloigne-toi de lui...». Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais je ressentais toute sa colère grandir en moi. Je serrai la balustrade dans mes mains, essayant de le contenir. L'homme dû remarquer le changement, car il fronça les sourcils en m'observant.

«Vous allez bien?»

Un sourire et je me forçai à paraître naturelle alors que je sentais la fièvre montée et un étourdissement m'assaillir.

«Oui, je... désolé... Je crois que la chaleur m'a affecté»

Un rire qui me fit frissonner se répandit en écho dans ma tête avant que je n'entende à nouveau sa voix. «Menteuse, sale menteuse. Tu le trouves mignon, hein? Tu l'aimes bien?». Je me sentis encore plus étourdi alors que le jeune homme continuait de me parler, peut-être inquiet de voir un changement si soudain en moi.

«Voulez-vous que je vienne vous aider? Je n'ai qu'à traverser et vous...»

«Foutez-moi le camp? Vous voulez vous introduire chez moi et venir avoir du plaisir avec moi c'est ça? Vous êtes dégoûtant et je vous interdis de m'approcher.»

J'avais tout essayé, mais ça avait été une impulsion pour forte que moi. Les mots avaient jaillis de ma bouche sans que je n'ai de contrôle sur eux. Je n'avais pas de pouvoir sur mes gestes alors que je me reculais, l'observant avec haine avant de prendre mon livre et d'entrer à l'intérieur de mon appartement en fermant la porte brusquement. Une ois dans mon appartement, un rire s'échappa de mes lèvres.

«Ah! C'est beaucoup mieux ainsi. Tu vois Amelia, il ne faut pas t'inquiéter... Je veille sur toi... sur nous.»

C'était bien cela qui m'inquiétait. Sa colère était si forte qu'elle me confinait au fond de mon esprit. Sans moyen de résister, il me fallut attendre un long moment qu'il ne se calme avant que je puisse reprendre le contrôle de mon corps. Ce fut la première fois que j'ai expérimenté sa jalousie et la puissance du contrôle qu'il pouvait exercer sur moi. Malheureusement, ce ne fut pas la dernière et les choses allaient empirer.