Mal… J'avais monstrueusement mal. Froid… J'avais terriblement froid. Je voulais m'éveiller mais n'y parvenais pas, je voulais ouvrir les yeux, mais ne réussissais pas, comme si mon esprit était encore bien trop embrumé pour commander à ce corps que je sentais pourtant si fébrile. Fatiguée, j'étais si fatiguée. Une voix… Je la percevais au loin, sans pouvoir la reconnaître pour autant. Qui était-ce? Une image était en train de se former dans mon inconscient, je voyais des formes apparaître, un paysage se dessiner. Alors que je m'apprêtais à plonger en cet amas de rêve qui commençait à prendre vie, une voix tonitruante accompagnée d'une violente sensation de chaleur me réveilla. M'éveillant en sursaut, je sentis alors la chaleur du spot lumineux me brûler le visage, je plissais les yeux un instant, aveuglée par la lumière qui était bien trop vive. Des formes, voilà ce que je voyais. Je ne voyais rien d'autre que des foutues formes qui m'encerclaient. Bon sang, où pouvais-je bien être? Était-ce seulement réel? Je tentais de reprendre conscience, hochant la tête en arrière, mon corps qui me paraissait étrangement lourd bascula, je faillis tomber de quelque chose. Clignant plusieurs fois des yeux, j'arrivais à mieux distinguer ce qui me supportait: un rondin de bois. Je détaillais un instant mes bras enchaînés avant de soupirer. Je ne voulais pas y croire, c'était impossible… Je ne pouvais pas encore baigner dans une affaire louche. Reprenant un peu plus de contenance, j'en profitais pour balayer la pièce du regard, je cherchais de quoi me rattacher à la réalité. Chose que je me mis bien vite à regretter. J'aperçus à ma gauche un homme que j'avais croisé lors du dernier carnaval, je ne me souvenais plus de son nom. Lui adressant un regard empli d'incompréhension, ce dernier changea lorsque je reconnus Sophya en regardant face à moi. Horreur et panique subite. Qu'est-ce qu'elle faisait là? Qu'est ce qu'on foutait tous là bordel?

"Sophya… So.. Sophya… Sophya!"

Ma voix semblait trop faiblarde pour qu'elle puisse clairement m'entendre. La détective semblait ailleurs, voire totalement dans le gaz. Je détaillais avec incompréhension une brune qui se trouvait plus loin, elle n'avait pas l'air d'être amochée ou quoi que ce soit. Je l'interpellais alors dans un soubresaut d'espoir:

"Vous êtes qui? Je vous en prie, aidez-nous! Faites-nous sortir de là!"

Son silence pesant ne fit qu'accentuer mon malaise. Je compris alors qu'elle ne ferait rien... Tirant sur mes chaînes avec colère, je levais à nouveau la tête en criant:

"Mais bordel de merde! Vous allez nous expliquer ce qu'on fout là?!! Relâchez-nous immé…"

Ma voix mourut au moment où je vis les cages qui était suspendues plusieurs mètres au-dessus de nos têtes… Non, finalement, je ne rêvais pas… J'étais en plein cauchemars mais, celui-ci était tout ce qu'il y avait de plus réel et, une chose était sûre selon moi… Nous allions tous mourir…

Sa tête était particulièrement douloureuse et elle grimaça en sentant du sang séché sur sa joue, tirant sur sa peau tandis qu'elle étirait les muscles endoloris de son visage. Un bourdonnement sourd résonnait dans sa tête tandis qu'elle tentait d'ouvrir les yeux et de se souvenir des derniers événements. La brune avait quitté son agence de détective pour venir sur le terrain, dans les bayous, sans la présence de Connor. Et vu la posture dans laquelle elle semblait se trouver maintenant, cela ne devait pas être que du repérage. Ses yeux papillonnèrent, tandis que les flashs de la scène se présentaient à elle. La jeune femme mit quelques secondes avant de pouvoir garder les yeux pleinement ouverts. Ses muscles étaient tendus à l'extrême et une nouvelle grimace lui barra le visage tandis que Sophya tentait de tourner la tête. Ses orbes vertes rencontrèrent la silhouette de Lucas, qu'elle distingua plus qu'elle n'aperçut réellement et fut interpellée ensuite par la voix faiblarde de Calixte. Il lui fallut quelques instants pour remarquer qu'elle était attachée. Ses yeux se levèrent et elle put voir les cages au-dessus d'eux. Qu'est-ce que c'était que ce délire sérieusement?

" Cal... Tais-toi. Ça sert à rien. Plus tu t'énerveras, moins tout ça sera clair. "

Ils étaient totalement piégés et il n'y avait rien qu'ils ne pouvaient faire. Elle n'était pas assez expérimentée que pour tenter quoique ce soit d'ailleurs... C'était frustrant. Attachée comme elle l'était, aucune chance qu'elle ne puisse attraper quoique ce soit dans ses poches, si tant est qu'il lui restait quoique ce soit. Allumé, l'encens était dangereux pour un esprit, éteint, il s'agissait juste d'un bête bout de bois. Frustrant. Plus bas elle murmura.

" Ce n'est pas comme si on n'était pas destiné à tous mourir de toute manière..."

Everybody wants to rule the world

Je m'étais réveillé et j'avais pris un moment avant d'ouvrir les yeux. J'avais su sans même avoir besoin de voir que je n'étais plus chez moi. Je bougeai légèrement mes mains mais ne put ramener mes bras vers moi : ils étaient liés. Mes lèvres tremblaient alors que j'ouvrais lentement les yeux. Ceux-ci s'humidifierent rapidement et je ne pus retenir ni mes sanglots ni mes cris déchirés alors que je découvrais ce nouvel environnement.

Je levai la tête et ne gémis que davantage en voyant les cages au-dessous de nous. Ça recommençait, le cauchemar. Je me sentis faiblir et Evan pris le contrôle de mon corps. Il s'acharna un moment sur nos liens, mais c'était vain. Alors il partit à nouveau et me laissa dans ce corps tremblant. Je regardai les autres captifs et ne tremblai que davantage en réalisant qu'un corps sans vie se trouvait parmi nous. J'avais reconnu le visage d'une femme que j'avais croisé à l'halloween. Une horrible soirée. Il y avait aussi Lucas, l'ami de Drake que je n'avais vu que lors d'une soirée... Plus horrible encore.

Je respirai fort, rapidement, à vrai dire j'étais surement près d'hyperventiler. La panique est perfide et je ne pouvais supporter ce qui me semblait être une étreinte oppressante autour de ma gorge. Je fermai les yeux dans un vain espoir de retrouver un semblant de calme. Je n'allais pas supplier pour qu'on me libère, car à dire vrai je m'en foutais. Ce que je voulais c'était la fin du cauchemar et vu ce qu'était devenu ma vie, j'envisageais de plus en plus que mourir puisse être une option. Le danger était réel et il semblait qu'une personne y ait déjà succombé. Faire des menaces ne servait à rien : nous allions mourir.

Contrairement à la majorité, sa tête allait très bien. Elle allait bien depuis qu'il avait quitté les Enfers et il n'aurait plus à s'en soucier si seulement une armée de cons ne s'aplatissait pas devant Belaam. Recréer l'Enfer sur Terre ? Abrutis. Ils pensaient peut-être y gagner une liberté complète ? Au fond, cette armée n'était qu'un ramassis d'utopistes, tous plus ignorants les uns que les autres. Une bande de chiens galeux à qui on avait promis un os... Leur maître leur donnera un os, mais celui-ci se révélera pourri jusqu'à la moelle. On avait donné l'occasion à Liam de faire partie de cette délégation de moutons, cependant cela faisait longtemps que sa confiance était devenue impossible à donner. Et ce genre de spectacle n'avait jamais rien éveillé en lui.

L'esprit était entré dans l'entrepôt, alerté par le bruit. Le quartier contrôlé par Belaam, la situation ne pouvait être innocente. Travaillant pour l'Association, Liam se devait d'évaluer celle-ci, d'agir s'il le pouvait. Invisible, discret, en retrait, il analysa la scène qui s'offrait à lui. Aucune excitation, aucun plaisir malsain. Non, ça n'avait jamais rien éveillé en lui. Le lieu lui rappela juste la salle de torture dans laquelle il sévissait. A son départ, il avait laissé des victimes en attente de leur passage sous ses outils, accrochées au plafond comme ici. Sauf que les siennes avaient leurs mains transpercées par un crochet et se balançaient dans le vide. Ces personnes-ci n'étaient pas en si mauvaise position. Il aurait pu continuer son travail pour Belaam si s'agenouiller ne l'écorchait pas.

Sophya figurait parmi les victimes. A sa vue, il sentit une colère noire monter en lui. Il avait été un père brillant par son absence, ça n'empêchait pas que personne n'avait le droit de seulement faire mine de lever la main sur sa fille. Et une tête connue lui donna l'occasion de débuter le massacre. Cette possédée de merde avait déjà essayé de l'affronter lors de la réunion forcée des esprits ; Scáth espérait qu'elle se souvienne de lui. Histoire de savoir que, peu importait ses efforts, il finirait par l'emporter. Le temps d'un claquement de doigts, il se matérialisa devant l'apparente jeune femme et, sans lui laisser le temps de réagir, l'attrapa et l'envoya valser à plusieurs mètres vers le décor monté pour l'occasion. Très violemment.

Spoiler:

Gamine malade. Les paroles frappaient sa tête avec violence tandis que son humeur s'assombrissait. Heureusement, quelqu'un la fit voler vu le bruit sourd qu'elle entendit. La voix de leur ravisseur retentit à nouveau et la brune retint un frisson d'horreur lorsqu'elle entendit le sort réservé aux deux personnes choisies. Inconsciemment, elle priait pour que son propre destin ne fut pas scellé de la sorte... Parce que sérieusement au niveau poisse, elle avait suffisamment donné. Le projecteur qui se dirigeait vers le sol explosa, la faisant se précipiter contre le bord de la cage. Est-ce qu'elle était au courant cette folle furieuse qu'il s'agissait de fer et que faire péter l'électricité n'était pas la meilleure idée du siècle? Non parce que si elle voulait les griller vivants, c'était la solution hein. A la question de Lucas, la brune souffla.

" Tu crois qu'ils se cachent dans ma manche? Non... Je ne vois strictement rien... Il y en a peut-être un ou deux, mais je ne les vois pas. Et ils ne pourront rien pour nous, c'est du fer. Je doute qu'ils pensent même à nous approcher... D'ailleurs ta copine est vraiment maline à ce niveau-là hein. Jme suis toujours demandé ce que ça faisait d'être sur une chaise électrique..."

Elle poussa un profond soupir, tentant de rassembler le plus de positivisme possible. Raté.

" J'imagine que tu n'as pas ton arme? "

On pouvait toujours espérer non?

" Si quelqu'un a une solution miracle, je pense qu'on prend tous..."

Everybody wants to rule the world

Je paniquais. Seule, sans bouger, simplement à trembler. Mes cris s'étaient tus et j'étais rester dans le silence. J'avais eu l'impression d'être invisible pendant de longues minutes, observant ce qui se passait sans avoir réellement l'impression d'exister. Ce n'était pas des reproches. Après tout, qu'auraient-ils pu me dire même s'ils s'étaient vraiment souciés de moi. Ils n'auraient pu que rire de moi ou encore m'exprimer une quelconque pitié. Ce qui était ridicule, je préférais encore leur indifférence. Une indifférence qui me permettait de me refermer sur moi-même, de me bercer d'illusion. Pas des illusions utopiques qui me disaient que tout allait bien, mais bien des illusions que tout allait se terminer, que le temps n'était qu'une fausse idée et que cela bientôt serait fini.

Je n'étais revenu qu'à une quelconque réalité que lorsqu'une chaise avait été projeté en ma direction et m'avait happé. Bien sûr, ça avait fait mal. Ce qui m'avait ébranlé ce n'était pas la douleur ou la surprise en elle-même, c'était simplement le fait de ressentir soudainement quelque chose. J'en avais marre. De ressentir. Je ne voulais plus ressentir et à ce moment, j'aurais voulu disparaître...

Mon souhait sembla s'exaucer, lentement. Je me sentais couler doucement et je sus que c'était Evan qui prenait le dessous. Pour une fois, ce n'était pas pour me contrôler, mais bien pour m'apaiser. Je sombrai donc dans l'inconscience de mon corps et je deviens spectatrice. Je me sentis mieux, de ne pas ressentir, de ne voir qu'à moitié à travers ces yeux qui étaient les nôtres. Evan s'éveillait et je sentis immédiatement la colère l'envahir. Les autres n'arrêtaient pas de parler, de crier plutôt.

« Vous allez vous la fermer?»

Evan eut un soupir, tirant légèrement sur nos liens en espérant s'en défaire. En vain. Il observait autour, comme s'il aura pu trouver une solution miracle, mais il n'y en avait pas. C'était inhumain ce qui se passait, cet arène... Trop de folie. Il aurait aimé avoir une idée, je le sentais, mais pour l'instant, il n'y avait que le néant... et l'attente.

Lui balancer des chaises, quelle idée de génie. Scáth ne prit même pas la peine de les éviter malgré l'effet désagréable, afin de ne pas faire gagner du temps à son adversaire. De son côté, le maître de cérémonie ne se formalisa pas du grabuge et préféra poursuivre sans y prêter attention. L'esprit en profita pour s'approcher, invisible, de la cage de Sophya. Il inspectait la cage qui balançait depuis le plafond, à la recherche du meilleur moyen de l'en libérer, quand deux esprits déboulèrent. Un combat invisible aux yeux des mortels débuta.

Soudain, une cage s'écrasa sur le sol crasseux de l'entrepôt*. En-dessous, un sbire de Belaam... Liam espérait que le fer le fit souffrir. Mais il n'avait pas le temps de s'attarder, l'autre lui sautant à la gorge.

Tout ceci n'avait plus aucun sens, nous étions là à nous balancer comme de vulgaire sac de viande, attendant passivement notre heure. Sophya avait raison, perdre son calme ne mènerait à rien. Je ne pouvais donc qu'attendre qu'on vienne m'éventrer ou je ne sais quelle autre connerie du genre. Je jetais un coup d'oeil autour de moi et reconnue cette étrange gamine que j'avais vu un soir sur les quais, lorsqu'une femme avait été assassinée par une de ces pourritures d'esprits... Je grimaçais un instant lorsque je reçu une chaise en plein dans les côtes avant de souffler de lassitude. J'écoutais ce que les autres disaient, sans rien ajouter car il n'y avait tout simplement rien à en dire. Nous étions tous foutu. Ce sentiment se fit encore plus oppressant lorsque ce maudit psychopathe libéra d'autres personnes dans ces arènes mortifères. Nous étions tout simplement à sa merci. Lorsque je vis le brun tomber à terre, un vent de panique s'empara de moi. Je savais ce qui était en train de lui arriver, je dévisageais Sophya en entendant les mortelles prédictions de notre tortionnaire.

"Sophya, faut que..."

Un petit cri franchi le seuil de mes lèvres quand je me retrouvais à terre, libérée de mes entraves par je ne sais quel miracle. J'en profitais pour me précipiter auprès de Sophya afin de la sortir d'ici quand l'autre gamine se retrouva face à moi. Elle avait l'air bien décidé à m'empêcher de venir en aide à mon amie. Soufflant d'exaspération, je la dévisageais avec détermination:

"Okey mini pouce, je suis pas du genre à frapper les gosses généralement mais si tu dégages pas de ma route, je vais être obligée de te coller la dérouillée de ta vie!"

La chute avait été difficile et Sophya grimaça de douleur tant le craquement sinistre de son poignet ne prévoyait rien de bon. Au mieux, c'était juste le choc, au pire, il serait foulé ou cassé. Mais dans l'état des choses elle ne parvenait pas à se détacher de ses liens. Et c'était très emmerdant si vous vouliez tout savoir. La brune tenta de se mettre sur les genoux une première fois dans une tentative vaine de fuite. Si la manoeuvre fonctionna, se mettre debout lui semblait extrêmement compliquée lorsque l'on avait les jambes liées entre elles. Et que la panique commençait à vous gagner sous la pression de pouvoir hypothétiquement mourir. Parce que sans aucun doute c'était ce qu'il s'apprêtait à arriver si elle ne se bougeait pas un peu.

" Cal... Calme toi. Souviens-toi juste de ce que tu es, et fais-en bon usage."

L'incitait-elle à bouffer un esprit à travers elle avec des paroles dignes d'Albus Dumbledore ? Tout à fait. C'était à peu près la seule solution qu'elle parvenait à envisager pour le moment. Parce que tout ça lui paraissait vraiment pourri à bien y penser. Malheureusement son amie se fit occuper par la gamine flippante tandis que Red Hands proposait à Lucas de soit se tuer, soit la tuer ou soit tuer sa partenaire. Charmant. Et mal barré pour elle surtout. Autant que pour l'asiatique d'ailleurs... Les options se faisaient limitées et aucun membre de l'Association en dehors des kidnappés n'était présent. Si seulement ils pouvaient trouver un moyen de les prévenir. Surtout que là tout de suite, elle se sentait bien comme en position d'exécution.

"... Je rêve ou cet abruti vient de m'appeler boulet pénible? Certains devraient apprendre à se regarder dans un miroir sérieusement..."

Les orbes vertes se relevèrent quelques secondes sur Lucas tandis que la jeune femme s'apprêtait déjà à chercher un échappatoire. C'était le moment où elle avait particulièrement envie de savoir si les esprits pouvaient téléporter les humains d'ailleurs... ou s'ils pouvaient la libérer de ses chaînes. Auquel cas, oui, elle pourrait prévenir l'Association. Enfin, il fallait juste trouver un moyen de fuir, parce qu'elle doutait que Lucas puisse tenir longtemps face à une possession forcée...

Everybody wants to rule the world

Tout le monde était occupé. À paniquer, à crier, à s'inquiéter, à faire comme si de rien était, à s'insurger, à sarcasmer... Ça n'y changeait rien, surement. Les arènes, ces combats, je n'y comprenais rien. Evan non plus. Nous restions donc tous les deux dans notre monde fermé à observer le spectacle. Nous avions réagi, mais maintenant, nous restions là. Sans bouger. Je ne savais pas lequel de nous deux controlait notre corps, mais j'étais certaine que nous ressentions la même chose : un grand vide.

Tout le monde se débattait et nous, nous étions invisible. Les gens essayaient de rivaliser, de venir en aide à leur ami. Ici, je n'avais pas d'amis, à peine des connaissances pour la plupart. J'en étais venu à me demander ce que je faisais là, cet homme ne ferait pas de chantage avec moi. Qu'avait-il l'intention de faire de moi si ce n'était de me repaître du spectacle? Je me sentais plus invisible que les fantômes et peut-être étais-ce mieux ainsi. Alors je restais là, attachée et sans me débattre. Je ne pouvais pas m'enfuir, nous l'avions déjà essayé. Personne ne nous écoutait, ni dans nos pleurs, ni dans nos cris. Ma seule option était d'espérer que cela finisse par cesser, mais pouvais-je vraiment espérer qu'on nous laisse partir?



(Désolé si c'est court, mais en même temps, «on» peut pas vraiment faire grand chose )

L'autre esprit s'échinait à le frapper, et Liam perdait patience. Il pensa un instant à utiliser l'arme qu'il avait emmenée avec lui en quittant l'Enfer, mais se ravisa aussitôt. Elle était destinée à faire souffrir d'autres personnes. Pas cet abruti. A côté, le spectacle continuait de plus belle ; il surveillait sa progression et, quand le sort de Sophya fut présenté, sa distraction permit à son adversaire d'avoir le dessus. Encaissant le choc, Scáth fit quelques pas en arrière, perdant l'équilibre et passant par la même occasion au travers d'Amelia. Se matérialisant afin de se rattraper à elle. Sauf que... ils se retrouvèrent avec les jambes les unes dans les autres. Accroché à son bras, il se retrouva immobile, ne pouvant plus bouger, littéralement coincé dans la jeune femme. L'ennemi en profita pour démêler les liens qui retenaient celle-ci, probablement dans le but que leur chute commune fasse des dégâts. Dès qu'il vit les bras de la prisonnière s'affaisser, Liam se dématérialisa. Il chuta finalement, mais se téléporta aussitôt dans le dos de l'autre esprit et, rapidement, prit sa tête entre ses mains pour lui faire faire un angle anormal. Malheureusement, il était déjà mort, donc il reviendrait à lui, mais ça le mettait au moins hors-service quelques temps.

Dès qu'il en fut débarrassé, Scáth tourna toute son attention vers les mortels. L'homme était en train de se faire posséder ; quand le processus s'achèverait, il tuerait les autres. Pas de doutes là-dessus. Il ne saurait pas expliquer comment le phénomène s'était produit. Il observait la scène, évaluant les possibilités, alors qu'il s'était téléporté auprès de Sophya. Il devait absolument trouver un moyen pour arrêter cette connerie. Pour la sauver. Il s'était dit qu'avoir un corps matériel lui faciliterait sûrement la tâche... Non, il ne s'était même pas encore rendu compte du phénomène quand il envoya son poing dans la figure d'Abigail. Alors que ce bras qu'il levait, ce poing qu'il serrait n'étaient pas les siens. Beaucoup trop féminins.

HJ: Liam vient donc d'investir le corps de Calixte

J'observais cette gamine se dandiner sous mes yeux, m'exaspérant au possible et laissant monter progressivement la colère en moi. Petite garce qui se croyait tout permis. Qu'un esprit minable essaye de me massacrer, de m'utiliser ou autre chose de ce genre et ils verraient ce qui leur tomberait sur la gueule. Depuis le massacre à l'association, j'avais changé. Mes cauchemars étaient devenus réalité, la peur avait gangrené mon coeur durant des mois, cristallisant la moindre de mes craintes et m'enfermant en cette forteresse faite d'ombre et d'effroi. Chaque jour qui défilait devenait pour moi un véritable enfer, une bataille à mener d'où je devais ressortir victorieuse. Oui, j'avais lutté pour me démener de tout ce pétrin, pour retrouver un semblant de raison et m'extirper des ténèbres. Aussi, j'étais bien déterminée à ne pas abandonner. C'était en quelque sorte la promesse que j'avais fait à Sophya. Riant un instant et observant avec dédain la possédée:

" Vraiment, t'es trop mignonne! Tu doutes de rien... "

Mon attitude changea du tout au tout, je savais pertinemment qu'avec ma force je n'arriverais à rien mais, je devais réagir. Cette gamine servait peut-être de véhicule mais je devais conserver en mémoire que son hôte, lui, était bien humain. Dévisageant d'un regard noir mon adversaire:

"Me massacrer hein? Encore faut-il que tu restes en vie assez longtemps pour pouvoir le faire..."

À ces mots, je m'apprêtais à lui envoyer mon poing en plein visage. Seulement une sensation de mal-être s'empara subitement de moi. Une inspiration puis plus rien, le noir complet. Ce froid, cette colère, ce vide. Je les reconnaissais, ces symptômes, ce mal insidieux qui s'infiltrait soudainement en vous. Je n'étais plus moi, un foutu esprit venait de s'inviter dans mon corps. Bon sang, qu'est-ce que je pouvais faire?

"Hey, toi!!! Espèce de connard décorporé! T'as que ça à foutre? Rends-moi les commandes tout de suite, je dois aider mon amie!"

Aucune réponse. J'en venais à me demander si l'esprit qui me possédait n'était pas autiste. Autant les autres avaient cette foutue tendance à trop parler, autant celui-ci...

"Je sais que tu m'entends! Je te jure que si Sophya y passe je trouverais un moyen de te le faire payer!"

Alors qu'une ébauche de réponse allait être faite par l'esprit, je vis l'asiatique à qui j'avais demandé de l'aide se jeter sur moi. Un léger mouvement de recule plus tard et je sentis sa main se déposer sur mon estomac. Première pensée? Mais qu'est-ce qu'elle fout celle-là, elle est restée dans le coaltar juste pour me tripoter le ventre? Deuxième pensée? Bon Dieu qu'est-ce qui se passe? J'avais cette singulière impression que de l'énergie s'insinuait en moi, en nous. La force, la vie, voilà ce qui nous avait été offert. Encore plus puissant et terrifiant qu'une simple montée d'adrénaline, j'avais le sentiment de pouvoir dévaster n'importe qui ou n'importe quoi d'un simple revers de main. Néanmoins, je ne vis pas venir la suite. En une fraction de seconde, la fameuse "Gail" fonça sur moi, me ruant de coup.

"Si tu veux sauver Sophya, tu ferais mieux de m'aider à piloter ton corps gamine!"

Au moment où la possédée enfonça ses dents dans ma nuque, la douleur fut si vive qu'elle me permit de réagir. Un coup de poing lui fut envoyé dans la tempe avant de me dégager de son emprise par un double coup de pied. Une fois débarrassé de sa carcasse, nous nous relevâmes. Je repensais alors à la dernière parole que m'avait adressé la détective. Le temps de la coopération était venu.

"On va devoir faire équipe, je te demanderais juste de ne pas y aller comme un sauvage, je tiens à mon corps et ma manucure a été faite il y a deux jours. Maintenant, dérouille nous cette merdeuse!"

Le coup était parti instantanément et il entendit pour la première fois depuis son départ des Enfers ses doigts craquer en rencontrant le crâne de l'hôte. Puis il vit ces doigts, cette main, ce bras... Pas du tout les siens. Et pourtant, il les dirigeait. Presque à sa guise. Comme s'il possédait un nouveau corps. La sensation fut extrêmement étrange quand une voix féminine s'échappa de cette bouche pulpeuse qu'il contrôlait également comme si elle lui appartenait. Cependant, Liam n'avait pas le temps d'analyser la situation, il y avait bien plus urgent. Ne se donnant pas la peine de répondre, il observa plutôt les alentours immédiats, repérant les ennemis, Sophya, les obstacles et ce qui pourrait l'aider. Mais bordel, qu'est-ce qu'elle était chiante à jacasser comme ça !

Et pour couronner le tout, elle l'empêchait de bouger. Première possession pour l'esprit qui n'avait même pas réellement voulu la posséder, il se trouvait en désavantage et cela le frustrait intensément. Puis la flic arriva et... et... Quoi qu'elle fasse, cela inonda jusqu'aux tréfonds de son ectoplasme. Il n'aimait pas les policiers, il se méfiait d'eux. Pourtant, après son numéro bizarre, il ne se sentit pas lésé, au contraire. Il se sentait prêt à tuer tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin. La liste commençait par cet esprit au corps de gamine. A moitié paralysé par cette hôte qui renâclait à sa présence, Scáth se retrouva à encaisser les coups sans pouvoir riposter. Grognant à moitié comme l'ours qu'il était, il lui demanda de la coopération. Ils voulaient tous deux la même chose.

"Rien à foutre de ta manucure."

Simple, concis, direct. Du Liam tout craché. Maintenant qu'il avait les pleins pouvoirs, il n'irait pas par le dos de la cuiller... Avant qu'Abigail ne réplique, il l'attrapa à deux mains, la souleva et la jeta dans l'arène adjacente. Ou plutôt Calixte la souleva et la jeta grâce à la force de l'esprit. Ainsi, elle était coincée. Au revoir sale cabot.

Ils se retournèrent alors et coururent vers Sophya. La possession de l'homme n'était pas encore effective, il fallait en profiter.

"Surveille le type et préviens s'il se relève."

Le temps manquait pour un "Salut, c'est papa, ne t'en fais pas, je vais te sortir de là et... enfin je t'expliquerais plus tard". Pour l'instant, la médium devrait se contenter de remarquer qu'un truc clochait avec son amie. Parce qu'elle ne devait pas l'avoir souvent vue tirer de toutes ses forces sur des chaînes et... réussir à détacher le crochet du plafond. Liam prit Sophya dans ses bras, la protégeant du corps de Calixte jusqu'à ce que le fameux crochet ne tombe douloureusement sur le dos de celle-ci. En espérant que ça ne lui casse rien - fallait dire qu'une brindille pareille... - parce qu'il avait encore besoin d'elle.

Spoiler: