Cela faisait des semaines que la brune bossait sur un seul et même dossier : celui du vol d'un objet extrêmement précieux chez un de leurs clients. Pourtant, Sophya avait réussi à prouver que plusieurs vols avaient une série de points communs et donc que le voleur était forcément le même. On lui avait alors ri au nez et la jeune femme s'était contentée de se mordre les joues pour empêcher son caractère impétueux de prendre le pas sur son orgueil et d'hurler à tout va qu'elle ne se trompait pas. Mais dans son métier, la médium avait dû apprendre à garder ses sautes d'humeur pour elle et de plier l'échine lorsqu'il le fallait et ce même si ça lui déplaisait. Mais la brune avait toujours été ainsi, dur apprentissage de la vie dès l'enfance. Malgré tout, Sophya n'avait vraiment pas l'habitude de lâcher quoique ce soit, surtout quand les choses pouvaient tourner à son avantage. Elle avait pu percevoir les dossiers judiciaires et arriver à une conclusion simple : elle connaissait son voleur. Ou plutôt, dans ce cas-ci, sa voleuse. Et elle n'allait pas la lâcher, que cela dure des années et des années, elle parviendrait à faire ce qu'elle voulait de sa future victime.

Un soupir de mécontentement s'échappa de ses lèvres alors que son collègue lui disait que cela faisait une heure qu'elle aurait dû rentrer chez elle. La médium releva le nez avant de se rendre compte qu'il avait raison. Qu'importait dans le fond ? Son mari était parti en shooting et elle se retrouvait à travailler plus que nécessaire afin de ne pas rester seule à la maison. Certes, elle aurait pu accepter la virée entre collègues qui était prévue pour cette soirée, mais ce n'était pas vraiment son envie du moment. Là tout de suite, la jeune femme avait une envie folle de flâner dans les rues et de profiter du temps de la Nouvelle Orléans. Elle hocha la tête à l'attention du jeune homme avant de lui déclarer qu'elle terminait vite fait avant de fermer le bureau.

La jeune femme resta un moment songeuse devant la photo du casier judiciaire qu'elle avait pu obtenir. Une moue mitigée se glissa sur ses traits pâles alors qu'elle le refermait et le glissait dans son sac à l'insu de tous. Enfilant sa veste, Sophya finit par jeter un coup d'oeil à l'heure. Hmm, peut-être que s'arrêter prendre un sandwich ne serait pas une mauvaise idée, Chase lui reprocherait de se laisser aller quand il n'était pas là – ce qui n'était pas forcément un mensonge – mais surtout, elle commençait à sentir son estomac remuer pour lui signifier qu'il était l'heure de le remplir. Bien, vu que c'était ainsi...

La juriste quitta son bureau et s'engagea dans la rue, marchant où bon lui semblait. Et puis, elle atteignit un petit parc où elle s'acheta un hot dog. Son regard se promena ensuite sur la devanture d'un restaurant japonais, un peu par hasard. Ses pas la menèrent devant le restaurant sans qu'elle ne comprenne vraiment comment et que ses yeux balayèrent la salle comme s'ils avaient perçu quelque chose, ou plutôt quelqu'un, dont elle n'avait pas encore vraiment conscience. Et puis son esprit se bloqua sur un visage particulier. Elle. Ici. Juste devant elle. Comme une aubaine incroyable. Un sourire s'étira sur ses lèvres alors qu'elle fouillait son sac à la recherche du dossier. Oui. Elle ne se trompait pas. Mais que faire ? Rentrer...Non, elle avait un hot dog dans l'autre main. Attendre ? Pourquoi faire exactement ? Appeler la police ? Non, on lui rirait encore au nez. La jeune femme prit la décision pour elle en se levant et en quittant le restaurant. En quelques secondes Sophya avait traversé la rue, et avait fait le choix de la suivre, tout en restant quelques pas derrière elle, s'arrêtant devant quelques boutiques à l'occasion.

Alesana – puisque c'était son nom selon le dossier – venait tout juste de rentrer dans la Brasserie Marigny. Que faire désormais ? Rester dehors et attendre ou rentrer et reprendre sa filature un autre jour ? Non... La première option était bien mieux. Pourtant une autre vision des choses s'imposa à l'esprit de la brune et Sophya étira un sourire avant de pénétrer à son tour dans l'endroit et de se diriger vers la table que la jeune femme avait choisie.

« Je peux me joindre à vous ? »

Son plan machiavélique était en place... Grand sourire innocent, yeux de biches. Personne n'aurait pu se douter que la jeune femme cachait en elle de véritables mauvaises intentions. Après tout, mieux valait bien connaître son ennemi, selon le principe de l'art de la guerre. Et Sophya était bien décidée à tout apprendre de cette jeune femme.

La brune prit place dans le siège qu'elle avait auparavant avant de lever la main pour appeler un serveur. A la Nouvelle Orléans, il ne faisait tout de même pas si bon de rester seule, surtout lorsque l'on était en compagnie d'une criminelle. Alesana Baelish, la jeune femme dont Sophya avait étudié chaque détail de dossier, regroupant toutes les informations qui permettaient de dire avec exactitude que oui, cette jeune femme, était bien une sérial voleuse, et que la juriste était dans son droit lorsqu'elle l'affirmait. Pourtant aucun policier ne prenait la brune au sérieux, bien entendu. Une femme, de surcroît bureaucrate, venait leur dire que oui ils se plantaient sur toute la ligne et que non, ils étaient sur une fausse piste. Bien entendu que cela n'allait pas. Et si Sophya était particulièrement perturbée par son dossier, elle savait aussi que la fin de son mariage n'allait pas tarder. Alors la brunette se plongeait corps et âme dans le travail, sans se soucier d'autant plus des conséquences. Chase l'avait acceptée de la sorte, fêtarde mais foncièrement travailleuse, et il devait se rendre compte que lorsqu'elle avait quelque chose sur le feu, elle ne lâcherait pas aussi facilement l'affaire.

« Merci. Non jamais, mais je n'aime pas me retrouver seule dans une salle aussi bondée... On ne sait jamais sur qui on peut tomber. »

Un sourire aimable se dessina sur les traits de la jeune femme tandis qu'elle continuait, sans vraiment se forcer – merci maman de l'avoir rendue sociable.

« Sophya. Sophya Turner. Enchantée. »

Elle tendit gracieusement la main en avant comme on le lui avait toujours appris, lorsque l'on rencontrait quelqu'un de nouveau et qu'il fallait se montrer extrêmement poli. La jeune femme n'avait pas vraiment conscience qu'elle se transformait en une sorte de prédatrice et que sa proie se trouvait juste devant elle. Quand son instinct lui soufflait quelque chose, Sophya n'avait aucune limite, et n'en était surtout pas consciente.

Le serveur revint et la jeune femme commanda une margarita avant de se tourner vers sa compagne de soirée.

« Vous prenez quelque chose ? C'est ma tournée. »

Autant se montrer le plus agréable possible. Question manipulation c'était le BA-ba. Lorsque l'on voulait se mettre quelqu'un dans la poche, il était inutile d'hurler pour parvenir à ses fins. Non, bien entendu, un sourire sympathique, un ton de voix mielleux et des yeux de biche et on vous offrait le monde sans aucune concession. Et en cet instant même, la seule chose que Sophya désirait c'était qu'Alesana lui offre l'accès à son monde, sans la moindre restriction. Et la première étape de ce plan diabolique qu'elle mettait en place était d'accéder, le temps d'une soirée à la confiance de la voleuse en chef. Ensuite, viendrait le temps des rencontres fortuites mais mûrement réfléchies, provoquées par sa propre volonté. Lentement, elle pénétrerait la vie de cette jeune femme, apprendrait à la connaître, uniquement pour mieux cerner ses desseins. Elle deviendrait cette Mata Hari dont personne n'avait soupçonné la trahison avant sa fin. Oui Sophya était bien décidée à se la jouer espionne, le temps nécessaire pour elle de trouver ce que mijotait cette miss Baelish.

« Que fait une jeune femme seule en une si belle soirée alors qu'elle attire autant de regards masculins ? »

Faussement, mais dans un parfait jeu de comédie, la demoiselle porta une main dans ses cheveux alors qu'elle affichait une moue gênée.

« Pardonnez-moi. Je suis un peu curieuse... N'hésitez pas à me rabrouer si je dépasse les limites de la décence. »