Garce : Elle serait capable de vous pourrir la vie simplement parce que votre tête ne lui revient pas. Et croyez en mon expérience elle sait appuyer où ça fait mal pour vous pousser dans vos derniers retranchements.
Une âme d’enfant : Il semblerait qu’il y ait eu un blocage dans son enfance qui la retient de grandir . A moins qu’il ne s’agisse de cette relation fusionnelle avec son frère jumeau qui la bloque à cette période où ils étaient toujours ensemble envers et contre tous.
Arnaqueuse : Elle sait manipuler son monde avec son joli petit minois et ses belles paroles mais à l’époque où elle était encore en vie il valait mieux observer ses mains plutôt que ses yeux pleins d’étoiles lorsqu’elle vous parlez. Elle en a fait disparaître des choses au nez et à la barbe de tout le monde. Mais depuis sa mort elle a dû apprendre un nouvel art pour abuser des gens. Un jeu beaucoup plus marrant car maintenant il suffit qu’elle parle pour qu’on lui donne satisfaction. Elle a appris à flatter les égos de telle sorte que tout cela passe inaperçu.
Joueuse : Elle aime le hasard et les jeux qui vont de paires. Une addiction qui lui a permis de couler des jours sans soucis à l’époque de son vivant car loin d’être stupide la petite a appris à compter les cartes lorsqu’elle observait les hommes jouer. Aujourd’hui à défaut de pouvoir jouer aux cartes elle s’amuse de défis lancés entre frères et sœur mais ce n’est plus pareil qu’avant. Ce trait de caractère la pousse à aller toujours plus loin dans l’exploration de ses capacités. Un jour elle retrouvera un corps pour vivre la vie heureuse qu’elle mérite après toutes ces années de souffrance.
Un cœur meurtri : Jamais elle ne l’avouerait à personne si ce n’est sa moitié, Brian, mais toute sa vie elle a vécu avec le sentiment qu’elle méritait beaucoup mieux que ce qu’elle avait. Et maintenant qu’elle n’a plus de vie elle se sent davantage lésée. Elle en veut à la terre entière, plus particulièrement son père et son grand frère Jared.

Il n’y a toujours eu que nous deux. On ne s’en souvient peut-être pas mais déjà à cette époque on était lié comme personne ne le serait à une autre personne.
Dans ma famille je me dois avant de commencer autre chose de vous présenter mon géniteur. Membre de l’ANZAC il a été envoyé en Turquie lors de la première guerre mondiale. Jamais il ne nous racontera ce qu’il a vu mais selon lui c’était une horreur. Il est revenu de cette bataille différent selon les gens qui l’ont connu avant qu’il ne parte là-bas. Selon les médecins à cause de la blessure reçue à la tête il était enclin à une grande colère et l’intégralité de son cerveau n’était peut-être pas fonctionnelle. A l’époque ils n’avaient pas toutes ces techniques. S’il avait eu la médecine de nos jours on aurait peut-être pu retirer l’éclat de je-ne-sais-quoi qui s’était fichée à la base de son cerveau. Mais passons sur ce détail, lorsqu’il est revenu il était plutôt lunatique, à fond sur l’alcool et plutôt violent.
Il y avait aussi mon frère, Jared. Âgé de deux ans et des poussières lorsque nous sommes venons au monde mon frère et moi. Les débuts ont été très compliqués parce qu’il ressemble trait pour trait à notre père et qu’il n’a pas suffisamment de choses dans la tête pour être intéressant à mon sens (oui je digère toujours pas tout ce qu’il nous a fait subir).
Et enfin il y avait ma mère. Je ne l’ai pas connu mais de nombreuses personnes disent que je lui ressemble physiquement. Car toujours selon les gens qui l’ont connu c’était une femme respectable, aimante et douce. Pas vraiment les traits de caractère que la plupart des gens peuvent me donner autant avant ma mort qu’après.
Et enfin il y a Brian, ma moitié, la personne pour qui je me suis donnée la mort parce qu’une vie sans lui ce n’était tout simplement envisageable.

Nous sommes venus au monde ensemble, enfin presque. Brian est arrivé dans ce monde trois minutes avant moi. Notre mère déjà épuisée par l’effort ne parvint pas à me mettre au monde, il m’est arrivée d’entendre mon père dire que ma venue était la goutte d’eau de trop dans leurs vies à tous. S’il n’y avait pas eu Brian je l’aurais cru et ma vie aurait pris un tout autre tournant.

Notre enfance n’a pas été tendre, notre père nous a haït chaque jour qui venait. Il y avait des jours où les choses se passaient à peu près bien mais une fois que l’alcool lui montait à la tête nous étions ses boucs émissaires. Les coups n’étaient pas rares mais heureusement on pouvait compter l’un sur l’autre que ce soit pour partager la souffrance ou pour prendre les coups de celui qui ne les supportait plus. J’ai grandis avec cette haine envers mon père, je voulais juste qu’il meurt pour qu’on puisse enfin être tranquille. Et Jared, j’avais beau me dire que c’est mon frère je ne pouvais pas l’aimer. Après tout c’était réciproque à l’époque, j’ai croisé son regard lorsque notre père me punissait pour une faute imaginaire. Tu pensais que j’avais mérité ce traitement parce que je t’ai privé de ta précieuse mère.

Mais toute cette souffrance a pris fin un soir d’été. Je me souviens du nombre d’étoiles présentes dans le ciel ce soir-là. Notre père était ivre et endormi dans son canapé après avoir frappé Brian avec sa ceinture, je me souviens encore de sa chair à vif, saignant, ce qui donnerait des cicatrices qui ne disparaîtront jamais totalement. Nous avons chacun notre lot de cicatrices dues à cette fameuse ceinture mais ce soir-là c’était la fois de trop sans doute. Avec un coussin je l’ai simplement posé sur son visage jusqu’à ce que je sois sûre que jamais il ne se réveillerait. Brian me regardait du là où il était, il savait que ce geste c’était pour nous, pour que l’on puisse survivre. Jared quant à lui est arrivé dans les derniers instants, il a essayé de m’arracher à mon œuvre mais lorsqu’il a finalement réussi à retirer ce coussin, le mal était déjà fait.

Pour la première fois de notre vie nous avons été solidaires comme une vraie famille. Jared nous a aidé à masquer le meurtre en tant qu’accident. Et nous avons fait le pacte de ne jamais reparler de cet incident. Et l’histoire était close.

Après cela nous avons été envoyés chez une de nos tantes qui nous a bien traités. C’était un renouveau pour nous trois parce que personne ne nous battait. Je ne le savais pas mais Jared aussi subissait les sautes d’humeurs. Le fait de savoir ça nous a un peu rapproché tous les trois et c’est pour ça qu’à la majorité de Jared nous sommes tous partis vivre entre frères et sœur. Jared a très vite compris qu’il était fait pour l’armée et il a intégré les rangs rapidement. Mais pour nous il avait d’autres projets, il voulait que nous fassions des études pour avoir des métiers importants. Pour Brian cette idée ne lui posait pas de problèmes, lui il aimait ça mais pour moi c’était une autre question.

Je pense que toute notre vie nous avons été bercé par cet univers militaire c’est donc naturellement que j’ai rejoint à mon tour les rangs de l’armée. Ma tâche c’était de trouver les bonnes fonctions pour tous les candidats qui se présentaient à moi. Certains diront que mon effort était plus que limité mais j’étais douée au moins pour déceler les futurs héros, ceux qui survivraient aux horreurs de la guerre tout en défendant les valeurs de la couronne. Mais disons que ma tâche n’a pas duré bien longtemps. Ce jour-là je me vengeais du mal qu’on m’avait fait durant mon adolescence, à ce moment là je savourais la vie d’une garce dans toute sa splendeur, la vengeance et tout le plaisir de voir la vie s’effondrer devant ses yeux. Mais comme un retour de bâton de la part du karma le téléphone sonna aussitôt. On me demandait de venir au laboratoire de mon frère, cette requête avait quelque chose de suspect surtout lorsqu’on refusa de m’en dire plus et que par mégarde l’homme laissa échapper le mot « explosion ». A mon tour je sentais mon monde s’effondrer autour de moi. Rapidement je pris la direction de ce fameux laboratoire où mon frère avait l’habitude de faire ses expériences. Mais arrivée sur place cela ne ressemblait en rien à ce que j’avais connu par le passé. Tout était complètement ravagé.

Les larmes me montaient aux yeux, c’était donc ça ce pincement au cœur que j’avais ressentit ? Je n’entendais plus rien, sourde aux explications de l’homme qui avait demandé ma présence dans ses lieux, j’avais l’impression que le monde se vidait sans lui. Car il n’était plus là, oh bien sûr je vis une silhouette sous un drap pour m’épargner les détails les plus horribles parce que si l’explosion avait réussi à réduire en poussière une grande partie de l’installation je ne donnais pas cher de sa peau. Celle sa main dépassait avec sur le poignet cette cicatrice que je connaissais par cœur. On me demanda si c’était bien mon frère qui se trouvait là. Les larmes coulant sur mes joues je ne pouvais pas prononcer un seul mot, le dire à voix haute se serait admettre que mon âme n’était plus entière, que le monde qui m’entourait n’était plus le même.

Sans même que je m’en rende compte j’étais sur le bord de la falaise, pleurant la perte de la seule personne qui comptait pour moi. Je le sentais près de moi mais ce voile qui nous séparait était de trop. Une vie sans toi ne valait pas la peine d’être vécue. Mon corps tomba lentement pour s’écraser sur les rochers du bas de la falaise. Durant cette chute je me posais la question fatidique : est-ce que je ne le regretterai pas ? Je ne garde aucun souvenir de l’atterrissage, heureusement sans doute. Car quand mes yeux se sont ouverts j’ai oublié la souffrance pour n’éprouver que la joie de te retrouver auprès de moi. Que l’on soit en vie ou pas, où est la différence ? L’important c’est d’être ensemble à jamais, non ?

La mort c’était donc ça, rester sur Terre et être spectateur de la vie qui s’y déroule ? Très peu pour moi, j’avais en moi de la haine, la haine envers cette guerre qui coutait tant de vies. Bon à dire vrai je m’en tapais que les autres meurent mais à bien y regarder c’était à cause de cette guerre que Brian était dans ce laboratoire, à cause des pressions qu’il subissait qu’il avait peut-être commis une imprudence. Elle s’était donc mise en tête d’aider à sa manière à ce que cette guerre prenne fin. Suite à l’attaque du Pearl Harbor, la guerre du Pacifique était lancée et je venais de trouver mon terrain de jeu.

Au début je naviguais de batailles en batailles sans y faire très attention, en me contentant de donner le coup de main aux soldats de ma nation. Mais un jour je croisai le regard d’un soldat, j’avais pris l’habitude de ne pas être vue après un an à comprendre que de toute évidence personne ne pouvait m’entendre, me voir ou sentir réellement ma présence. Seulement cette fois-ci c’était différent, il me fixait moi dans le blanc des yeux. Cependant, je restais sceptique tout de même qu’il puisse vraiment me voir jusqu’à ce qu’il décide bêtement d’essayer de me sauver lorsqu’une partie du bâtiment menaça de s’effondrer.

Ce jour-là, pour la première fois depuis ma mort, j'ai fait des efforts pour rentrer en contact avec quelqu'un. Et pour toi, Cooper, je me suis séparée de mon frère pour te suivre et veiller sur tes arrières pendant cette guerre. Amoureusement j'ai veillé sur toi, je me disais que peut-être que de toi-même tu accepterais de me prêter ton corps pour que l'on ne fasse plus qu'un. Mais après tout ce que j'ai fait pour toi, tu m'as rejetée pour une vivante. La colère que j'ai connu ce jour-là était sans pareil, aujourd'hui encore je me souviens de cette haine qui m'a donné l'impression d'être presque vivante. Mais on ne peut haïr quelqu'un éternellement, il faut bien que cela redescende un jour.

Un siècle, chaque nouvelle guerre qui éclatait était l'occasion de se retrouver Brian et moi. Jusqu'à ce que j'accepte de faire ce pari stupide suite à une dispute concernant ta fascination pour les États Unis. Nous sommes Australiens pourquoi fallait-il que tu veuilles changer ? On a donc parié sur la première nation à aller sur la lune, si je gagnais on retournait en Australie entre les différentes guerres que nous hantons au fil du temps. Mais il a fallu que tu paris sur ton nouveau pays d'adoption et qu'ils soient vraiment les premiers à aller sur la lune avec cet Amstrong. Depuis maintenant 40 ans à chaque période calme de l'évolution humaine je reviens sur cette ancienne terre coloniale anglaise.

J'aurais pu rester à New York où la population est peut-être plus proche de ce que j'aime mais c'est finalement à la Nouvelle Orléans que je revient à chaque fois. Pourquoi ? Parce qu'il y a plus de failles vers les humains, plus de médiums, plus de victimes potentielles même si c'est vrai que les dépressives New Yorkaises semblent bien plus faciles à manipuler durant leurs sommeils. Après l'Irak je suis de retour bien plus déterminée qu'avant à trouver un corps d'emprunt pour enfin vivre la vie de rêve à laquelle je prétend avoir droit.

Cameron s’avança dans la pièce où plusieurs bureaux avaient été installés, séparés par de petits paravents pour donner l’impression d’une certaine confidentialité. Son regard se posa sur une rangée de personnes qui avaient le désir de postuler pour intégrer l’armée anglaise, depuis deux ans les jeunes affluaient de toutes les campagnes environnantes pour aider le pays dans la guerre qui déchirait toutes les nations du monde. Mais pour la jeune femme il s’agissait d’une journée comme les autres, de la paperasse et des speechs stupides à entendre et à débiter. Qu’importe si ces jeunes allaient mourir dans un avion en plein vol, elle avait d’autres choses à penser. Elle s’occuperait de son travail avec une attention toute particulière surtout lorsqu’elle vit un homme s’installer à l’un des bureaux des recruteurs.

Elle se souvenait de ce type. Il avait été au lycée avec elle et à l’époque il faisait partie de l’équipe de rugby, toutes les filles lui couraient après. Cameron ne faisait pas exception à la règle (ben ouais à l’adolescence on est stupide). Ça aurait pu être une histoire normale, elle rêve comme toutes les filles qu’il l’invite à sortir mais ça n’arrive jamais… Sauf que ce type… John si ces souvenirs étaient bons… Il lui avait fait croire qu’elle lui plaisait et elle l’avait cru. Tout ça pour qu’au final il la traite comme une imbécile devant ses amis. Elle avait la rancune très dure et il allait voir ce qu’il en coûte de se moquer de Cameron Johansson. Elle fit signe au recruteur de lui envoyer le John quelque chose dans son bureau situé dans une autre pièce.

Elle s’installa confortablement dans le siège qui était le sien et attendit patiemment que son ancien camarade de classe se présente. Il ne semblait pas la reconnaître et timidement il s’installa sur le siège peu confortable situé en face de son bureau.

« Qui vous a dit de vous assoir ? » demanda-t-elle d’une voix sèche, le regard brillant d’excitation.

Elle le sentit mal à l’aise, il se releva comme si le siège lui brûlait le derrière. Craintif il commença à balbutier qu’il souhaitait contribuer à l’effort de guerre. Il avait l’air toujours aussi balèze qu’à l’époque mais entre nous elle avait d’autres plans que de l’envoyer dans un corps de l’armée où il aurait pu prouver son courage et sa loyauté et recevoir des honneurs. Non, il ne méritait pas ce privilège.

« Ben vous mettrez du cœur à l’ouvrage en épluchant les patates et en nettoyant les tables des militaires. » dit-elle d’un ton sec.

L’homme commença à s’énerver en disant qu’il pouvait faire mieux, il pouvait être utile au front. Mais elle ne l’écoutait déjà plus. Lentement elle se redressa et lissa sa tenue. D’un regard perçant elle lui tendit une feuille qu’elle trouva dans un tiroir de son bureau.

« Les hommes de cuisine n’ont rien de séduisant pour les femmes qui attendent les militaires pour se trouver un mari. Ça évitera qu’une fille ne se rende compte trop tard que tu es un connard John. Donne ça en partant à l’agent qui t’as reçu. » dit-elle en lui souriant.

Il venait de se rappeler qui elle était et il ne dit pas un mot. Il était coincé, coincé en cuisine ou il devenait un déserteur et se ferait chasser jusqu’à la fin de sa vie. Elle l’observa partir souriant davantage en croisant son regard noir avant de se reposer dans son fauteuil. Le téléphone sonna juste à cet instant.

« Johansson j’écoute. » dit-elle d’une voix dure.

Au bout du fil un homme embarrassé lui demanda de se présenter aussi tôt que possible au laboratoire de son frère jumeau. Il ne souhaitait pas dévoilé la raison pour laquelle on la demandait elle précisément mais il finit par lâcher le mot accident. Inutile d’en dire plus. Elle raccrocha sans un mot, les larmes lui montaient aux yeux, sa gorge se nouait, elle sentait ses mains tremblantes perdre le contrôle… Quelque chose était arrivé à Brian, cet abruti avait fini par tout faire exploser à faire des expériences de taré. Elle récupéra son manteau et indiqua à sa secrétaire qu’elle partait pour le reste de la journée. Elle ignorait que jamais de son vivant elle ne reviendrait dans ses lieux. Sa vie prendrait fin quelques heures plus tard.