Josh' est né à la Nouvelle Orléans, un an après l'ouragan Andrew, et ses parents n'ont franchement pas trouvé ça marrant qu'il soit né pendant la même période que l'ouragan, avec juste une année en plus. Mais ça ne les a pas empêché d'aimer leur fils d'amour, de chocolat et de bonbons. Ils l'aimaient plus que tout au monde, leur petit Joshua, leur petit Caesar -les seuls parents au monde à appeler leur enfant par son second prénom plus que par le premier.
Mais après tout, qui ne pouvait pas aimer le petit Joshua ? Cet adorable enfant aux joues rondes, aux manières polies et timides, avec sa petite voix fluette et ses grands yeux aussi bleus qu'innocents ? Tout le monde aimait Josh'.

Enfin, ça c'est ce que ses parents -adorablement naïfs..- pensaient.

La réalité était un peu différente, néanmoins. Bien sur, Joshua avait sa petite bande d'amis, comme tous les gosses, mais il y avait surtout des enfants jaloux de lui. Qui ne le serait pas ? Josh' et ses belles boucles brunes ; l'argent de ses parents ; ses beaux yeux ; sa façon adorablement adorable de sourire ; l'amour qu'il inspirait naturellement... Vraiment, enfant, on le disait voué à de grandes choses. Et puis il avait grandi, et en 2005, sa mère est morte, à cause de se second ouragan, Katrina -il avait jamais aimé ce prénom de toute façon. Joshua n'avait que douze ans, et la mort de sa mère fut très difficile à vivre. Parce que, hé bien, c'était sa maman. Celle qui l'avait mis au monde et élevée, celle qui passait toujours sa main dans ses cheveux bouclés en le traitant affectueusement de mouton, et enfin, celle qui faisait les meilleurs cookies au monde.

Comme pour beaucoup de monde, cet ouragan de malheur fut plutôt traumatisant, mais il réussit plus ou moins à vivre malgré tout. Vu l'héritage de la mère, et l'argent que gagnait le père, les deux derniers hommes de la famille Rogers ne manquèrent de rien -à part d'une mère et d'une femme, bien entendu.
Mais les véritables problèmes de Joshua débutèrent à ses treize ans. En plus de la jalousie, les autres enfants avec Josh' avaient maintenant une certaine haine dans le fond de leur ventre, surement à cause des pertes qu'eux aussi avait subit. Le bouclé ne manquait de rien lui ; alors que certains enfants avaient été complètement ruinés par la perte de leur maison, ou du commerce d'un des parents.

Alors on commença à le détester, parce qu'en plus, ils se rendirent vite compte que Josh n'irait jamais se plaindre. Au début, ils ne faisaient que l'ignorer, le laisser seul dans son coin, mais les années passant, cela devint des mots acerbes, des insultes, des bousculades et enfin des coups. Bien sur, Joshua ne s'en plaignait jamais -en publique- mais c'était un adolescent plutôt fragile qui se laissait aller et pleurer une fois seul, dans le noir. Son père n'était au courant de rien, et les Rogers continuaient à être les hommes soudés d'une famille brisée de l'intérieur, qui se soutenaient l'un l'autre.
Josh' eut dix-huit ans, et il était motivé. Motivé à enfin quitter cette école, à quitter les coups et les insultes, les regards horribles remplirent de pitié. Il travailla dur, eut des points brillants, pour être certain d'être libre l'année d'après, de pouvoir être ce grand homme qu'il voulait devenir, soutenu par son père.

Concernant les croyances de fantômes, esprits, ou autres trucs, le bouclé n'y faisait pas vraiment attention. Il n'avait pas le temps. Bien sûr, comme tout adolescent, il se posait des questions -sur après la vie, après la mort- surtout après avoir regardé un bon film d'épouvante remplit de fantômes suceurs de cerveaux, mais ça n'allait jamais plus loin que la curiosité. Il était né dans une famille qui n'avait aucune religion, et n'en voulait aucune. Chez lui, tout résonnait par la logique, alors tout ce qui pouvait paraître bizarre, il l'oubliait ou pensait que c'était lui qui déconnait.

La fin d'année arriva, et le jour avant le début des examens, un petit groupe s'en prit à Joshua. Il y avait des élèves plus jeunes, d'autres de son année... Des gens qui ne l'aimaient pas vraiment apparemment. Il ne sut pas exactement comment cela débuta, mais ils se mirent à lancer des insultes tout en le poussant. Josh' n'eut pas d'autre choix que de reculer. Et il vit ses yeux. Des yeux autant rieurs qu'haineux. Une véritable démone, bien plus jeune que lui... Elle le poussa. Abigail ! fut tout ce qu'il put penser avant de tomber en arrière, dégringolant des escaliers meurtriers. Il sentit d'abord son épaule se déboîter, sa jambe se briser contre les marches en béton, avant d'atterrir en bas, sa nuque craquant lugubrement contre le sol. Sa tête était tordue dans un angle totalement impossible, comme le reste de son corps. Il eut des cris surpris et horrifiés, des pleurs, des téléphones sortis et des photos prises, et après seulement, des appels d'urgence passés. Mais Joshua n'était déjà plus là. Vingt-et-un grammes avaient déjà quitté son corps. Vingt-et-un ridicules grammes, il paraîtrait que c'est le poids d'une âme.

Cependant, il n'a jamais quitté la Terre. Parce qu'il voulait se venger ; et c'est bien la seule chose dont il était certains en ouvrant les yeux après sa mort.
Au début, il eut du mal à avouer qu'il était mort. Très sérieusement, qui s'est dit un jour en se réveillant totalement normalement : "Hey. En fait je suis mort hier. Ce n'était pas un cauchemar." Oui, exactement, personne. On est au moins d'accord là dessus. Il a mis au moins un an avant de se rendre compte qu'il était bel et bien mort ; que son père était bel et bien seul au monde. Il essaya pourtant de lui parler, de lui faire comprendre qu'il était là, juste à côté ! Mais son paternel ne se rendit compte de rien du tout.

Un jour, alors qu'il errait bien tranquillement, il croisa un des types qui l'avait harcelé avant sa mort. Il semblait encore choqué, et les cernes sous ses yeux prouvaient qu'il ne dormait pas bien. Mais Joshua s'en foutait. Une haine profonde grimpa dans sa gorge, comme des chevaux sauvages qui hurlent vengeance ! Il sentait au plus profond de lui-même qu'il devait se venger, ou du moins chercher à se venger, de tout ce qu'il avait subi.

Il faisait froid dehors. Le temps était contre tous et le vent semblait souffler plus que d'habitude. Le jeune homme remonta le col de sa veste en tentant vainement de se protéger. Il jeta un regard craintif derrière lui, et bizarrement, il parut encore plus apeuré en remarquant qu'il se trouvait dans une rue totalement déserte. Ses pas se firent plus pressé et ses yeux restèrent fixer sur le sol. On aurait dit qu'il avait peur de quelque chose que seul lui pouvait voir... Et qu'il voulait absolument ne pas être encore une fois confronter à cette chose.

Ca durait depuis des jours ; des nuits qu'il ne dormait plus et que son amour-propre partait en fumée dès qu'il se cachait sous la couette, les poings serrés, les yeux fermement fermés, en priant pour que le lendemain, ça se soit arrêté. Mais ça ne s'arrêtait pas, au contraire, c'était de pire en pire.
Au début, il pensait juste que c'était son imagination. Lui qui était un homme confiant et qui ne croyait que la science, il se mettait à douter... Ce n'était que des reflets. Flous, vagues, mais petit à petit, le visage couvert de haine c'était précisé... Et le lendemain, il avait racheté un nouveau thermos à café opaque, qui ne laissait passer aucun reflet, pas même le sien. Sauf que dès qu'il levait les yeux sur une fenêtre, il apparaissait dans son dos. L'homme avait beau se retourna, il n'avait rien. Il avait même vérifié derrière la fenêtre, mais rien.

En fait, ça aurait été encore plus flippant si le mec était réellement là. Il était censé être mort, enterré, à l'état de poussière ou, en tout cas, d'os ! Il l'avait vu mourir, il avait même eu pendant un certain temps la photo de son cadavre dans son téléphone portable ! Mais il n'était pas fou ! Il voyait son reflet partout, comme s'il le suivait ! Merde, il n'était pas fou, impossible ! Pourtant... Il devait bien se faire à l'idée. Il y avait quelque chose. Sinon, qu'est-ce que le drôle de souffle la nuit, même quand il était caché sous les draps ? Cette impression d'être tout le temps suivit ?

Ca devait juste être la culpabilité, mais oui, la culpabilité... Avec plus d'un an de retard ? Il essayait de se rassurer en questionnant ses proches, mais ce fut le contraire qui se produisit : on le traita gentiment de fou, et qu'il devrait aller voir quelqu'un "pour prendre les médicaments appropriés !" qu'on rajoutait avec un clin d'œil entendu. Mais il ne rigolait pas du tout avec ça BORDEL !

Ce fut un courant d'air bizarrement plus chaud qui frôla juste sa joue qui le fit reprendre pied dans la réalité. Par réflexe, il leva les yeux, et se figea d'un coup. Comme si une tonne de béton avait coulé sur son corps, rendant ses mouvements totalement impossible. Devant lui. Joshua. N'aillant pas prit une ride. Mais... Le bâtiment derrière lui se voyait. Comme si le bouclé était transparent... Haha. HAHA.

Joshua était transparent.

L'homme eut un rire totalement hystérique, accompagné d'un sourire crispé super flippant. Il devenait fou. Le voilà fou ! Houhou, un fou. UN FOU. Il était finalement devenu fou, après tout ses années. Fou, fou, fou, fou.

oOoOoOo

Joshua regarda la scène avec un petit sourire à la fois coupable et amusé. L'homme qu'il traquait depuis des semaines venait d'annoncer à ses proches qu'il avait demandé à être interné. Les yeux fous de l'homme, le regard qui refusait de s'arrêter sur quoi que se soit et qui voguait rapidement sur tous les objets étaient le plus beau cadeau pour Joshua. Lui qui s'attendait à se sentir coupable, rien du tout ! Au contraire il était bien content e voir ce connard partir enfin.

Il y avait beaucoup de vent dehors. Pourtant, quand Josh sortit -sans prendre la porte- ses cheveux bouclés ne bougèrent pas. Le vent semblait le traverser, sans jamais l'atteindre. C'était marrant, autant que ça ne l'était pas. Cela lui rappelait à chaque fois sa condition de mort. Il en voulait d'autres ; d'autres vengeances aussi chouettes que celle-ci, voir encore meilleure. Son sang bouillonna dans les veines qu'il n'avait plus. Il allait en avoir d'autres, que se soit pour une vengeance personnelle ou non.