N'aie plus peur... Ouais, bah c'était plus facile à dire qu'à faire ! C'était étrange mais au moindre bruit il avait toujours peur que ce soit lui, et il fallait dire que Maddox en entendait des bruits bien que les trois quart soient complètement imaginaires, dire qu'il se faisait du mal pour rien. Quand le médecin quittait sa chambre, il avait juste envie de pleurer, sa solitude lui faisait tellement de douleur, il ne le supportait pas. Il ne comprenait pas non plus pourquoi ce n'était jamais la même aide soignante qui venait lui apporter son repas et pourquoi ce n'était pas la même infirmière qui lui donnait ses calmants ? Pourquoi tous ses visages ? Est-ce qu'ils lui voulaient du mal eux aussi ? Il se sentait tellement perdu... Il était là dans cette chambre, les jambes sanglées en raison d'une luxation du genou combiné à sa tendance à toujours chercher à s'enfuir pour se cacher sous le lit à la vue d'un nouvel arrivant dans sa petite piaule dans cet hôpital psychiatrique. Le beau brun en sous vêtement caché sous un petit drap, un bras dans le plâtre et le corps couverts d'hématome douloureux y compris sur son visage d'ange, la sur le coin de la joue. Une chance que sa mâchoire ne fut pas brisée sous le coup qui devait être d'une rage déplacée... Est-ce qu'il avait fait quelque chose de mal ? Il n'avait cessé de chercher ce qu'il avait bien pu faire pour le mettre en colère à ce point de façon quotidienne, il ne comprenait pas qu'un médecin puisse être malade aussi... Du moins pas de cette façon... Mais était-ce à lui de le comprendre ? Il devait cesser de ce torturer.

La porte s'ouvrait de nouveau, il était quatorze heure et il faisait beau dehors. C'était Harry, le traumatologue qui le prenait en charge et qui c'était prit d'affection pour ce patient différent des autres. Le beau brun avait appris à lui faire confiance, à lui ; alors il lui avait adressé un léger sourire, mais deux individus suivaient son médecin. Un homme et une femme. C'est à cet instant qu'il se mit à s'agiter (du moins comme il le pouvait), comme s'il cherchait à se débattre contre eux à distance, comme s'il avait espoir de pouvoir s'enfuir malgré la douleur. Harry venait alors le rassurer pour le calmer en disant aux deux visiteurs « Je vous avais dis que deux visiteurs seraient de trop... Que l'un de vous sorte s'il vous plait... » Ils semblaient se chuchoter des choses et Maddox se concentrait sur son médecin pour se calmer avant de laisser quelques larmes de peur se déverser sur ses joues. Imaginez vous, deux jours après avoir pu vous libérer de votre tyran et que vous vous retrouviez ligoté à votre lit où plein d'inconnus allaient et venaient. Il n'y avait nul besoin d'être psychotique pour avoir une peur bleue, Maddox était encore sous le choc de ces mois de calvaire. C'est ainsi que l'homme sortait que Harry venait expliquer à son patient ce qui allait se passer « Tu te souviens, je t'ai dis que quelqu'un allait venir pour te voir. Elle va te poser des questions et je vais rester auprès de toi d'accord ? Et il fadrait aussi que tu me laisses soulever le drap tout à l'heure pour qu'elle puisse constater te blessures ; d'accord ? N'aie pas peur, tu me fais confiance n'est-ce pas ? » Toujours dans la préparation psychologique avec lui... La gorge de Maddox était bien trop étranglée pour que le moindre son puisse en sortir... Il se contentait d'acquiescer alors que le médecin venait lui essuyer les larmes avant de se pousser un peu pour les laisser se présenter. Il avait expliqué aux deux juristes à quel point c'était important de se présenter pour qu'il puisse savoir à qui il avait à faire et qu'il fallait juste être authentique avec lui pour le mettre un peu plus à l'aise et le sortir de son angoisse face à l'inconnu. Il n'était que Traumatologue, son truc c'était les os... Mais avec Maddox il avait appris le coté relationnel que l'on n'apprend pas en fac de médecine... Il parait que c'était là le rôle des infirmiers, cependant c'était en Harry qu'il avait donné sa confiance au bout de deux jours et non auprès des infirmiers.

Il fixait la jeune femme de ses yeux azurés brillants de larmes, la présence du médecin lui était tout particulièrement rassurante, il ne la trouvait pas fortement menaçante. Il se souvenait que Harry avait dit que cette femme viendrait l'aider, il ne savait pas vraiment comment elle pourrait le faire. L'idée qu'elle le regarde dans cet état lui donnait juste envie de pleurer, il était comme un enfant, mais Maddox était quelqu'un de sensible capable de pleurer parce que sa marque de céréale à changé le matin... Il n'était pas du genre à exhiber ses blessures de guerre. Cependant lorsqu'il était choqué et violenté (notamment dans ses visions) ce n'était pas dans les larmes qu'il se refugiait mais dans les dessins. Au poste de police il s'était mit à dessiner sur les papiers de l'inspecteur de police que qu'on lui avait fait... Lui debout dans la baignoire, un homme en noir (son psychologue) et ses mains autour de son cou... Les marques de strangulations visibles sur sa peau avait alors frappé l'inspecteur qui avait pensé à une fugue de la part du dément, il fut incité à en dire davantage avant d'être placé sous protection juridique jusqu'au jugement. Jusqu'à trouver un autre tuteur, Harry avait proposé de l'être bien qu'il savait qu'il ne le pourrait pas, il n'avait pas les compétences pour... Il avait montré ce dessin au juriste, un vrai dessin d'artiste, sombre et lugubre... C'était un homme talentueux dans son art...

La juriste avait froncé les sourcils suite à l'annonce de son patron. Non seulement elle allait devoir faire équipe avec quelqu'un du bureau, mais en plus de cela on l'envoyait pour la première fois sur le terrain. La jeune femme releva lentement son regard vert sur son employeur, plantant les deux orbes dans les siennes, l'écoutant avec attention, tout en se disant qu'il était étrange qu'elle soit déjà envoyée sur le terrain étant donné qu'elle n'avait commencé à travailler dans le cabinet d'avocat quelques semaines auparavant et qu'en général, le travail qu'on lui donnait consistait à de vieux os à ronger. Qu'on lui colle un superviseur était normal et ne l'étonnait pas vraiment, mais qu'on le fasse si tôt... Comme s'il lisait dans ses pensées, le directeur finit par reprendre.

«  La situation est quelque peu... délicate. Le cas présent est un jeune homme, maltraité par son tuteur légal. Il nous a été demandé de constituer un dossier le plus neutre possible. C'est pourquoi nous vous avons choisi. Cependant, Sophya, je dois vous avouer que personne ne veut le prendre en charge. Il sera nécessaire de vous rendre en hôpital psychiatrique, notre client souffrant de quelques troubles. »

La brune hocha doucement la tête. Elle avait la possibilité de refuser. Pour une première affaire, on envoyait la petite novice, parce que les anciens étaient trop égocentriques pour s'y rendre. Une certaine nervosité la saisit. Pour un vrai premier cas, de la psychiatrie, c'était beaucoup à avaler tout de même. Elle n'avait aucune expérience dans le domaine et la personne qui serait là pour la chaperonner n'allait pas lui être d'une grande aide. Sophya garda le silence, alors que son chef reprenait déjà, pour tenter de la convaincre d'accepter.

« Vous ne serez pas seule, bien entendu, avec le patient. Mais pensez qu'il s'agit d'une énorme opportunité dans votre carrière, l'occasion pour vous de faire vos preuves définitivement. »

« A quelle date est prévue l'entretien ? »

Assise dans son salon, Sophya finissait d'enfiler ses chaussures, tout en glissant ses bras dans les manches de sa veste et de se redresser avant d'aller écrire un mot sur la porte du frigo à l'attention de Chase, lui expliquant qu'elle ne savait pas quand elle rentrerait. Ses pas la menèrent vers la sortie et la brune se hâta d'aller attraper un bus, histoire d'arriver à l'heure à l'hôpital psychiatrique.

Rapidement, la jeune femme se rendit au point de rencontre avec son collègue avant de s'avancer et de pénétrer dans le hall d'entrée. Retirant tout objet qui pourrait être perçu comme menaçant ou dangereux, la médium se dirigea ensuite vers le médecin qui les attendait quelques mètres plus loin. Le saluant et se présentant, la demoiselle finit par le suivre ensuite, tout en tentant d'oublier le poids qui semblait résider dans son estomac, tant par la nervosité que par l'ambiance autour d'elle, Sophya croisa les bras doucement, tout en avançant tout de même. Le médecin, Harry, les firent rentrer dans la chambre du patient et si une chose frappa la jeune femme, c'était l'atmosphère qui régnait dans les lieux, en tout point semblable à celle de l'orphelinat, les sangles du lit et la blancheur de la pièce en plus. Tout à coup plus désolée pour le jeune homme effrayé qui se dressait dans le lit, la brune s'avança et s'apprêtait à fermer la porte, alors que le médecin les présentait au patient. Pourtant le spécialiste finit par demander à l'un d'entre eux, et si naturellement Sophya s'apprêtait à sortir, son collègue lui intima du regard de rester. D'accord, c'était encore pour la petite novice de s'occuper de ça. Soit. Professionnelle jusqu'au bout des ongles, Sophya se permit un petit sourire à l'attention de Maddox, avant de commencer l'entretien.

« Bonjour Maddox. Je peux t'appeler comme ça? Moi c'est Sophya. Tu peux me tutoyer, c'est plus sympa si on s'appelle par nos prénoms non ? »

La brune finit par repérer une chaise pas très loin du lit, et se dirigea vers celle-ci avant de s'asseoir et de prendre son calepin contre elle.

« C'est la première fois que je viens ici alors je suis un peu nerveuse. Tu ne t'ennuies pas trop tout seul dans la chambre ? »

A nouveau, la jeune femme sourit au brun, dont les yeux humides allaient la hanter pendant quelques temps, à n'en pas douter. Prenant son courage à deux mains, Sophya continua.

« Je sais que tu es triste de ce qu'il s'est passé. Tu as encore mal ? Tu veux bien me raconter ? »

La jeune femme lui demandait si elle pouvait le tutoyer et le pauvre fou ne répondait rien. Intimidé, apeuré, particulièrement anxieux. Un nouveau visage, il avait peur sur ce qu'elle avait l'intention de lui faire. Il espérait bien que Harry ne le laisserait pas tout seul avec elle, il ne se sentait pas près... Il ne voulait pas souffrir encore plus, il aurait presque supplié qu'on le laisse tranquille mais sa gorge se nouait par les émotions. Elle se présentait sous le nom de Sophya et il se contentait d'acquiescer en jetant des regards inquiets vers son médecin qui l'encourageait avec de grands sourires réconfortants. Il reportait son magnifique regard azuré vers la jeune femme et il la fixait avec crainte au fond des yeux alors qu'elle lui avouait être nerveuse. Elle était tellement sincère, il l'observait s'asseoir à coté de lui elle était à sa hauteur et c'était tout de suite un peu plus rassurant malgré tout. Est-ce qu'il s'ennuyait, il la fixait alors qu'elle lui souriait... Il ne répondait cependant toujours pas, bien sur qu'il s'ennuyait c'était idiot... Maddox ne pouvait rien faire, pas même dessiner... Il s'ennuyait à mourir et pourtant dans le fond il avait peur à l'idée de rentrer chez lui. Mais ce n'était certainement pas à l'ordre du jour ! Elle l'interrogeait à nouveau, il essayait de se redresser encore une fois, le médecin approchait et posait une main sur son front alors qu'avec la télécommande il redressait son buste en relevant le haut du lit.

Lentement il tournait la tête vers la jeune femme pour la fixer encore quelques secondes avant de lui répondre d'une voix hésitante et chétive « J'ai mal... J'voudrais... Dessiner... » Tournant la tête de chaque coté comme s'il cherchait de quoi écrire, mais il ne le pouvait pas, il avait tellement mal aux poignets... Elle était vraiment très jolie, elle ne portait pas de blouse ce qui signifiait qu'elle ne faisait pas parti du personnel soignant, il s'en sentait rassuré dans le fond. Le beau brun se demandait pourquoi elle voulait qu'il parle, elle était silencieuse pour lui laisser le temps de trouver ses mots mais surtout le courage. C'est à cet instant que son médecin venait lui dire de répondre à la jeune femme et de faire preuve de courage, alors il fixait Harry et répondait à la juriste comme s'il lui parlait mais sans la regarder. « J'n'avais rien fait de mal... Il me déteste, il m'a enfermé toute la nuit dans la salle de bain. Il ne voulait pas me croire, pourtant c'était vrai... Il me tapait tous les jours et il m'a fait de plus en plus mal... Et il me cassait, ça m'a fait mal. J'ai pleuré et il m'a dit d'arrêter, mais j'n'y arrivais pas. Il a dit que j'étais méchant et... Pitié laissez moi, je veux plus en parler... » Il éclatait en sanglot comme un enfant terrifié, s'agitant à nouveau en déversant de grosses larmes, l'artiste se mit à crier à l'instant ou le médecin voulu l'immobiliser davantage, la terreur le submergeait et il continuait à s'agiter en suppliant cette fois ci « Je veux plus ! Je ne veux pas retourner avec lui ! Ne m'obligez pas... Harry ! Lâchez-moi... J'ai mal, j'ai rien fait ! »

Ce fut trempé de sueur qu'il se calmait enfin, le médecin lui avait injecté à contre coeur un sédatif avant qu'il ne se blesse ou aggrave ses blessures à s'agiter de la sorte. Harry lui disait de se calmer, que tout allait bien se passer et qu'il resterait là. Le bellâtre fixait le médecin, la respiration sifflante ; il semblait s'apaiser mais dans son regard persistait cette peur qui le rongeait... « Pourquoi tu me poses toutes ces questions madame Sophya ? Pourquoi tu veux tout savoir ? J'n'veux pas partir d'ici... » Le beau dément la regardait à nouveau, il était plus qu'anxieux, il ne comprenait pas ce qu'elle lui voulait, il ne voulait pas rentrer chez lui, il ne voulait pas aller dans un autre service, il voulait rester avec Harry parce que c'était le seul en qui il pouvait avoir confiance...

Il était amusant de voir comme un coeur aussi dur que celui de Sophya pouvait s'attendrir et se fondre devant quelqu'un comme Maddox. Une certaine colère la saisissait à la pensée de ce que l'homme avait pu lui faire. Pour avoir connu la différence, la difficulté de se faire une place dans un monde qui n'était pas vraiment fait pour nous, la juriste pouvait presque ressentir une rage indéfinissable à l'idée qu'on ait pu tenter de blesser quelqu'un qui semblait si... innocent. Aussi éclatante qu'une vérité établie, la pensée de faire payer très cher l'autre homme s'insinua dans l'esprit de la brune qui s'y accrocha comme à une bouée de sauvetage. Maddox parvenait à réveiller l'instinct maternel qu'elle tentait d'enfouir très profondément en elle depuis des années. Sans aucun doute d'ailleurs que la jeune femme allait être pendant de très nombreux jours, hantée par les yeux brillants de terreur de l'homme enfant.

« Tu le pourras bientôt Maddox, j'en suis sure. Tu as mal où ? »

Il fallait qu'elle reste professionnelle malgré tout. Rédiger un rapport précis des ressentis de son client, même si la situation était extrêmement difficile à gérer. Pourtant Maddox ne semblait pas être bien compliqué à comprendre et Sophya avait du mal à deviner pourquoi d'autres avaient eu peur de prendre ce dossier en charge. L'humaine sortit calepin et bic de sa trousse avant de se pencher légèrement vers le brun et de l'écouter avec attention.Son coeur se serra douloureusement et il fut difficile pour Sophya de continuer à interroger le jeune homme. Elle aurait voulu pouvoir s'arrêter et exaucer son voeu, mais son travail l'obligeait à poursuivre, même si cela ne leur faisait pas plaisir à tous les deux. Elle pouvait comprendre la douleur qui s'agitait dans l'esprit de Maddox, la difficulté de parler et de répéter ce que quelqu'un lui avait fait subir, alors qu'il lui adressait sa confiance et qu'il n'avait probablement pas saisi les enjeux de ses actes. Elle n'était pas sans coeur, elle avait juste des obligations. Et à l'instant même la brunette ne put s'empêcher de détester son métier avec force. Si la vue des larmes de Maddox la déstabilisa et la paralysa quelques secondes, la brune ne put pourtant effectuer aucun geste de réconfort. Elle n'en avait pas le droit et il fallait avouer que cela ne pourrait pas rester très professionnel.

La gorge serrée, Sophya lança un léger regard au traumatologue qui dut sédater le jeune homme, tenant de lui faire comprendre que ce n'était pas nécessaire. Qu'il devait exprimer sa douleur, que la faire taire ne l'aiderait pas forcément. Qu'on les privait bien trop de leur droit d'expression. Que comme n'importe qui il pouvait dire qu'il avait mal, qu'il ne voulait pas parler, s'énerver. Mais ce n'était pas son accréditation et elle n'avait en aucun cas l'autorisation pour dire quoique ce soit.

Elle attendit qu'il se calme, après avoir détourné son regard pour ne pas avoir à devoir justifier ses propres réactions. La jeune femme humecta doucement ses lèvres avant de relever les yeux verts dans ceux du brun et de souffler doucement.

« On ne va pas te renvoyer avec lui, Maddox. Je te le promets. »

Peser ses mots devenait un peu difficile quand on avait du mal à se dissocier de ce que l'on voyait et en cet instant même, c'était le cas pour Sophya. Peut-être un peu trop sensible sur les bords mais dans l'instant, il aurait même mieux valu pour elle de sortir, histoire de se reprendre. La brune baissa les yeux et la tête quelques secondes avant de relever son minois.

« Je suis là pour t'aider Maddox. Parce que ce que ce monsieur t'a fait, ce n'était pas bien. C'est lui qui était méchant, et qu'on ne peut pas être méchant sans être puni. Je suis juste la personne qui va désigner à quel point il a été méchant avec toi, pour que quelqu'un d'autre puisse lui donner une punition. »

Elle reprit une inspiration avant de continuer.

« Je ne suis pas là pour te faire partir d'ici. Je n'ai pas cette décision. Donc tu ne dois pas t'en faire de ce côté-là. Je m'occupe juste de faire avoir des ennuis à ton ancien tuteur, parce qu'il t'a fait des choses mauvaises.. »

C'était un peu compliqué pour la jeune femme de rester professionnelle jusqu'au bout des ongles. Un premier cas n'était jamais évident et Sophya se doutait qu'au fur et à mesure de l'avancée de sa carrière, elle parviendrait à se blinder. Mais pour le moment, la situation n'était pas favorable à un oeil expert et objectif. Sans doute parce que les sentiments humains étaient si complexes et la jeune femme peu entraînée à faire face à son travail. Et puis, il fallait aussi faire attention à ce qu'elle disait, comment elle le disait, et surtout veiller à ne pas monter le ton, ou sembler exaspérée. Il fallait qu'elle reste sincère tout en gardant suffisamment de contrôle sur elle-même pour ne pas trop l'être. En gros, il fallait respecter une balance que la jeune femme n'avait encore jamais acquise, uniquement par inexpérience.

La question du brun la surprit et Sophya ne put s'empêcher de laisser son visage se marquer par le sentiment. Elle mit quelques secondes à se reprendre avant de souffler doucement, levant les mains et déposant ses affaires sur la table la plus proche pour éviter de faire tomber quoique ce soit le temps qu'elle ne s'exprime.

« Non Maddox, bien sur que non. Seulement ce qu'il a fait était très mal, et il doit le comprendre. Tu vois, c'est un peu comme si moi, j'avais fait une grosse bêtise, comme faire tomber un vase très cher dans un magasin. Et bien, il faut que je le rembourse pour comprendre que j'aurais dû faire plus attention. Pour ce monsieur, ce sera la même chose, sauf que sa punition sera différente. Mais on ne lui fera pas de mal. »

Bon en réalité, les risques qu'encourait l'autre psychologue étaient très lourds et Sophya allait s'empresser de bien l'enfoncer. Malgré tout, la jeune femme n'avait pas la capacité de rendre un jugement, et d'un côté, c'était peut-être mieux comme cela. Parce que si cela ne tenait qu'à elle, la jeune femme l'aurait envoyé en prison jusqu'à la fin de sa vie. Pour avoir étudié plusieurs systèmes juridiques, elle savait que la notion de perpétuité avait diverses valeurs, selon les pays et surtout les continents. Et en ce sens, souvent, elle bénissait les Etats-Unis d'avoir une réelle notion du mot perpétuité. Au moins, ils ne sortaient pas au bout de vingt ans, après avoir fait de vraies conneries. Tous ne méritaient pas le même traitement, et c'était en ça que les juristes avaient mine de rien leur importance.

La vue des larmes du jeune homme manqua une fois encore de la faire perdre de vue son objectif de la journée. Personne ne lui avait expliqué le plan humain de son métier, à l'université. Personne ne lui avait dit que certains cas pouvaient requérir de se montrer plus dur ou au contraire, adopter un tempérament plus doux. Et c'était assez difficile de savoir quoi dire ou faire, sans être dirigé dans un certain sens.

La brune finit par se pencher pour poser sa main sur la jambe du brun. Sophya ne savait même pas pourquoi elle avait esquissé ce geste et doutait même y être autorisée, mais cela lui avait semblé être la chose la plus logique à faire.

« C'est aussi pour ça que je suis là, et que j'ai besoin de savoir tout ce qu'il t'a fait Maddox. Pour qu'il ne t'approche plus. Et crois-moi il ne le fera plus. Et si ça devait arriver, s'il devait encore t'approcher, alors il faut que tu le dises directement à quelqu'un. Mais il ne te fera plus de mal. »

Elle se leva doucement et vint se mettre au bord du lit, laissant sa main retomber le long du matelas.

« C'est normal que tu aies peur. Ce que tu as vécu, c'était vraiment terrifiant. Mais un jour, tu vas le ranger dans un petit coin de ta tête, et tu finiras par avoir moins peur d'abord, puis plus du tout. Mais il faudra te laisser le temps. Tu peux me croire, avec le temps, on arrive à moins s'inquiéter. »

Elle parlait d'expérience. Enfant renfermée, elle avait totalement changé, avait décidé de ne plus s'enfermer dans ses peurs et ses angoisses. La médium avait laissé entrer Chase et sa famille adoptive dans sa vie, elle qui avait toujours refusé de faire confiance à qui que ce soit. Et là était sa preuve. Avec le temps, on parvenait à passer au-dessus de ses peurs.

Elle lui disait qu'il n'arriverait pas de mal à Alexey et il ne savait pas pourquoi il s'en été inquiété, il jugeait que c'était inutile, tout ce qu'il voulait lui ; c'était qu'il ne revienne jamais dans sa vie, du moins dans ce qu'il restait de sa vie. Faire du mal à Alexey, il n'en voyait aucun intérêt pour lui. Maddox n'était pas tout à fait équilibré dans sa tête n'est-ce pas ? Mais il n'était pas un homme rancunier bien qu'atrocement lâche. Sa punition sera différente ? Il ne savait pas vraiment à quoi elle faisait allusion, mais s'il n'y avait rien qui puisse lui faire de mal alors probablement n'était-ce pas bien méchant ? Peut-être qu'après cela serait-il plus ouvert à parler de cette mésaventure... Il parlait de la peur et il pleurait de tout son être, il était maigre et épuisé ; il aurait juste voulu s'endormir et ne plus jamais se réveiller... Le monde extérieur le terrifiait désormais et il ne savait pas s'il cesserait d'avoir peur un jour, est-ce qu'il allait guérir ? Bien sur qu'elle n'en savait rien, la médecine n'était pas son domaine ; mais il était si fragile que l'on serait près à lui mentir pour qu'il cesse de pleurer... Il était si manipulable qu'il croirait n'importe quoi, mais à ce jour il était tellement détruit et il restait figé sur sa peine. Incapable de penser à autre chose, passant en boucle des souvenirs tragiques que l'on venait lui demander de verbaliser. C'était tellement dur de mettre des mots sur ce que l'on ressent, il avait toujours dessiné pour vider des émotions ; mais il ne pouvait plus. Il avait tellement gardé en lui, la destruction des dessins l'avait tout simplement dévasté...

Plongé dans la solitude de ses larmes, il avait des allures d'enfant... Mais mesurait un mètre quatre-vingt et il était âgé de trente-sept ans. Il était tout fait adulte, il n'était pas un attardé mental contrairement à ce que beaucoup pourraient croire ; il pouvait se montrer particulièrement brillant parfois. L'expression des sentiments et des émotions, ce n'était pas être attardé... Il avait l'air débile parce qu'il entendait des choses et en voyait que personne d'autre ne semblait capable de comprendre. Il était assez primitif et bien souvent il souffrait du regard des autres qui pensaient qu'il ne comprendrait pas leur pitié... Ce monde savait être particulièrement injuste avec la différence. Aussi quand elle brisait sa solitude pour lui apporter un peu de compassion, sa main sur sa jambe, une douleur indescriptible traduit par un léger sursaut avant qu'il finisse par s'y habituer... Elle lui expliquait que s'il lui disait tout, il ne l'approcherait plus jamais. Alors comment ne pas succomber à un tel marchandage ? Comment refuser ? Il vivait dans cette peur de voir Alexey dans l'encadrement de la porte et d'un retour chez eux malgré son état... C'est alors qu'elle émettait l'hypothèse qu'il puisse revenir quand même, et elle n'avait pas idée de savoir à quel point cette idée allait le ronger pendant des semaines... Ses yeux bleus noyés de larmes fixaient la jeune femme qui s'installait au bout de son lit puis lui parler de sa peur et du temps... Encore quelques larmes inondaient ses joues, il était plus aisé de se calmer en vue des sédatifs qui lui avaient été administrés quelques minutes plus tôt ; comme soudainement quelque peu inhibé. « Je voudrais que le temps avance plus vite et qu'il emporte tout cela, j'ai l'impression que maintenant ; quoi qu'il arrive, tout sera différent... » Tout sera éteint, vide de sens et morbide... Oui, il ne pensait pas qu'il pourrait se reconstruire un jour, être heureux. Si le temps balaye la peur, qu'en était-il des souvenirs ? Est-ce qu'un jour il arrêtera d'y penser ? Aujourd'hui, il n'arrivait pas encore à y croire, Alexey l'habiterait toujours désormais...

Fermant lentement les yeux pour ravaler ses larmes alors que le médecin venait lui débarbouiller le visage à l'eau tiède pour l'aider à se débarrasser de son mal être, immobile, il fixait la jeune femme, il devait lui raconter... Il devait affronter tous ces éléments qui le terrifiaient si cela pouvait vraiment lui apporter cette paix et la sérénité de savoir son ancien psychologue loin de lui pour toujours. Probablement qu'Alexey lui en voudra, il l'avait dénoncé et maintenant il allait faire encore pire, Maddox savait qu'il serait en colère, mais il n'était pas près à retourner avec lui et c'était animé par cette peur qu'il passait à confesse « Au début, tout se passait bien avec lui... On a fait connaissance et il disait qu'il m'aiderait. Je ne savais pas vraiment ce qu'il ferait pour m'aider, mais il était vraiment... Rassurant... Je me sentais bien avec lui, j'pensais qu'il me protégerait de toutes ces choses qui me font peur et il l'a fait. Mais maintenant, c'est lui qui me fait peur... Il commençait à me punir parce qu'il disait que je ne faisais pas d'effort ; parce que j'étais méchant et que je ne méritais pas de manger. J'avais tellement faim, j'voulais tout faire pour qu'il ne soit pas en colère... J'y arrivais pas, je n'arrivais pas à faire ce qu'il voulait... Il m'a enfermé une heure, puis deux, puis des demi-journées... J'étais dans le noir et il ne voulait pas entendre mes appels... Il disait qu'il voulait m'aider, que c'était la seule solution... Il refusait de me laisser comme j'étais, il voulait que je m'en sorte, il disait qu'il saurait trouver le moyen nécessaire pour cela... » Il s'arrêtait là, observant la jeune femme écrire, fixant son stylo... Si seulement il pouvait dessiner avec...

Il était fatigué à présent, les larmes et les médicaments l’avaient épuisé. Fixant la jeune femme il reprit finalement la parole quand elle eut fini de retranscrire ce qu’il venait de dire « Il m’a mit sous l’eau froide en disant que ça me ferait du bien, j’ai hurlé et il m’a forcé à me taire ; puis il continuait... Il me frappait, d’abord des gifles, ensuite des poings et des pieds... J’ai crié, plus je criais et il continuait encore plus fort... Après, je me réveillais dans mon lit, j’avais froid et peur... Je ne voulais plus me lever, j’étais tellement fatigué, j’avais mal... J’aurais voulu mourir... Il disait que ça irait mieux, que je devais faire un effort. S’il te plait Sophya, ne l’dis à personne... C’était de ma faute, je ne l’ai pas écouté. J’voulais lui obéir, j’voulais faire ce qui lui plairait... Mais je n’y arrivais pas. » Le pauvre fou perdait toute cohérence dans son discourt... L’entretien arrivait à ses dernières minutes, mais restait le plus difficile : dévoiler son corps et ses blessures. Il tremblait sous le poids de ses propres mots, il se sentait tellement mal, il voulait dormir et ne plus se réveiller... La paix, un luxe qui lui était désormais inaccessible.

C'était particulièrement déroutant de voir un homme se montrer si fragile, sans pourtant en avoir conscience. La jeune femme retira sa main après l'avoir posée, étirant un sourire désolé devant son geste surprenant. Franchissait-elle des limites établies ? A vrai dire, en cet instant Sophya n'en avait aucune idée. Et pour son premier cas, la jeune femme se trouvait largement démunie face à sa façon de penser. Une partie d'elle ne pensait qu'à faire souffrir et payer l'homme qui avait fait ça à Maddox, tandis qu'une autre se convainquait qu'il fallait à tout prix rester l'experte qu'on avait envoyée dans la cellule. Mais n'était-elle pas les deux à la fois ? Une experte qui avait tout pouvoir ? Si, c'était le cas. C'était à elle d''établir les degrés de gravité. Est-ce que l'un de ces collègues aurait pris en compte les sursauts et les larmes de son cas ? Sans doute, mais rien n'était moins sur. La justice américaine était bien souvent intraitable, mais aussi insensible.

Que pouvait-elle lui répondre ? Elle savait d'expérience qu'il avait raison. Que rien ne serait jamais comme avant. Que sa vie en serait bousillée. Que demain, il sursauterait à chaque fois que quelqu'un passerait la porte pour lui rendre visite. Que ses cauchemars seraient peuplés des coups que son bourreau lui avait porté. Mais décemment, la jeune femme ne pouvait pas le lui dire, le lui expliquer, bien au contraire. Elle se devait de l'encourager et de le rassurer. C'était un comble quand on lui avait dit d'être sincère avec lui. Pour le coup, c'était une véritable hypocrisie d'ailleurs. Alors elle se contenta de lui sourire doucement pour lui apporter son soutien. Parler n'était pas son fort lorsqu'il s'agissait de sentiments et de réconfort, à ce petit jeu là, son frère était le seul vraiment doué. Maddox commença alors à s'exprimer et à lui raconter. Sophya dut se retenir de courir chercher son calepin, sentant que cela briserait le moment de confiance qui s'était installé entre eux. Alors elle écouta du mieux qu'elle put, tentant d'enregistrer un maximum de détail. Dans le pire des cas, personne n'était là pour vérifier si elle prenait ou non note des déclarations de Maddox.

Inconsciemment, la Médium glissa sa main sur le drap, le serrant entre ses doigts à s'en blanchir les jointures. Comment pouvait-on faire ça à un homme ? Qui manifestement n'avait même pas cherché à se défendre. Non pas parce qu'il n'en était pas physiquement capable, mais bien mentalement ? Enfin, ce n'était pas comme si avec son propre vécu, Sophya n'était pas capable de donner une réponse à cette question brûlante. L'homme était un loup parmi les loups. Et parmi eux se trouvaient des alphas qui étaient capables de vous briser d'un mouvement de mâchoire. Ces hommes étaient persuadés d'être dans leur bon droit, d'avoir à régir le monde. La brunette glissa un regard sur le jeune homme avant de souffler.

« Tu as bien fait de me raconter Maddox. Tu n'as rien fait de mal. C'est normal de ne pas arriver à faire certaines choses. C'est ce qui fait de toi un être humain. »

La brune étira un sourire encourageant. C'était vraiment compliqué de faire face à cette situation sans avoir à brusquer Maddox. En temps normal, aurait-elle usé d'autant de patience et de beaux sentiments ? Tout en se dévoilant suffisamment, elle qui détestait pourtant cela ? Et en cet instant, ça semblait si facile. Le pire dans l'histoire étant que le brun ne pouvait pas comprendre que Sophya lui faisait un réel cadeau, en étant elle-même, et en dévoilant autant de fragilité.

Avec une lenteur presque exagérée, la jeune femme se leva. Elle sentait bien que le patient était extrêmement fatigué, surement à cause des sédatifs que le médecin lui avait donné précédemment. C'est pourquoi la Médium devait commencer à booster un peu la rencontre, afin de pouvoir rendre un rapport complet. Revenir traumatiser Maddox, n'était pas forcément une bonne chose pour lui. Ni pour elle.

« Maddox... Avec l'aide d'Harry, il va falloir que je regarde tes blessures. Je ne te toucherais pas, je te le promets, mais il faut que je vois où il t'a frappé et comment. Tu veux bien qu'on regarde ça ? Et dès que ça t'ennuie vraiment, alors on arrêtera tout de suite. »

Vraiment, elle se sentait désolée pour lui en cet instant.

Est-ce qu’il avait vraiment bien fait ? Il ne savait pas, après tout, Alexey ne lui avait jamais dis de ne rien dire, d’ailleurs à qui aurait-il pu le raconter puisqu’il ne sortait jamais de chez « eux » ; n’avait-il vraiment rien fait de mal ? Pourquoi alors cet homme avait été à ce point en colère ? Pourtant tant de haine dans son regard, qu’avait-il fait ? Il n’arrivait pas à savoir bien qu’il se doutait qu’il avait forcement fait quelque chose de grave, plus grave que de ne pas l’écouter quand il lui disait de ne pas entendre les voix. Comment aurait-il pu le faire puisqu’elles parlaient sans cesse, mais à cet instant, les voix n’étaient pas là. Chassé par la présence de la jeune femme, il savait qu’elles reviendront toujours parce qu’elles étaient attachés à lui comme les cheveux le sont à la tête. Pourquoi est-ce qu’on lui reprochait cela alors qu’on ne reprochait à personne d’avoir des cheveux ? C’était normal d’échouer ? Il ne pouvait pas s’empêcher de culpabiliser, de se dire qu’il aurait pu faire beaucoup mieux, mais n’avait pas su le faire et il avait échoué, tout échoué. Et maintenant, il en était là. Il était humain ? Alor voila, maintenant il se souviendrait toujours qu’il avait eu mal parce qu’il avait échoué car il était humain. Jamais plus il ne l’oublierait désormais... Son sourire lui était rassurant bien qu’il éprouvait encore une grande difficulté à faire confiance, à donner sa confiance à cette fille tout comme aux autres. La fatigue le gagnait et il se sentait de plus en plus vulnérable et dans cette situation de faiblesse, la présence de la jeune femme lui était de plus en plus anxiogène... Bien qu’en réalité, il était déjà à sa merci puisqu’il était sanglé au lit, une contention qui ne devrait durer que quelque semaines, mais cela paraissait une éternité pour Maddox qui à vrai dire ne savait pas ou plus ce qu’il voulait... Il songeait que peu importe où il serait et comment, il serait toujours mal. Alors ici ou ailleurs... Qu’est-ce que ça pouvait bien changer ?

Il l’observait se lever et il semblait presque soulager à l’idée que cet entretien prenne fin, il songeait qu’il pourrait se reposer à présent et qu’il ne saurait demander mieux étant donner son état. Elle voulait voir son corps, la torture n’était pas achevé. Etrangement, le corps de Maddox eut la réaction de se crisper et c’était particulièrement douloureux pour lui, tentant de se défaire une fois de plus de ses liens avec le peu qui semblait lui rester en énergie. Evidement le médecin venait le rassurer, mais comment le pourrait-il ? Bien sur qu’il y avait préparé, que celui-ci n’avait cessé de le prévenir, mais Maddox avait tout simplement appréhendé en silence. « Non ne faites pas ça... Laissez-moi... » Implorait-il à Sophya et Harry, mais rien n’en fut. Après un énième mot pour le rassurer, les mains de l’homme avaient saisis le drap pour le baisser lentement jusqu’au niveau du nombril. Il était affreusement amaigri et ses cotes étaient apparentes et ses bras avaient l’épaisseur de ceux d’une filette. « J’ai déjà rédigé un rapport diagnostic pour ce garçon je vous en ai préparé une copie. Ici sr a tempe, derrière la tête, joue, menton, strangulation au niveau des cervicales, luxation de l’épaule. Les bras sont sain, mis à part quelques phalanges je pense du à une poigne trop forte. Voyez les hématomes sur son torse, la cage thoracique ne présente aucun dommage. Je ne peux le retourner car la mobilisation est douloureuse pour le patient, mais croyez moi qu’il y a autant d’hématomes... » Déclarait le médecin. Pendant ce discourt, Prince se sentait particulièrement mal et avait tenté une nouvelle forme d’agitation pour se défaire de ses chaines, mais rien n’en fit. La main chaude de l’homme venait lui caresser la joue comme pour lui donner du courage. Remontant le drap jusqu’au cou de Maddox pour le rassurer, faisant cela par étape avant de remonter le bas du drap « Aucun traumatisme du pubis n’a été relevé, il en était de même pour la sphère anale... Une luxation de la hanche qui devait être partielle avant sa fugue, en appuyant dessus j’ai pu voir à l’examen radiologique qu’il y avait eu un enfoncement du à la marche je présume. Cela risque de prendre du temps avant qu’il ne marche à nouveau normalement, mais il y arriverait bien qu’il y aura toujours une certaine fragilité de ce coté. Des hématomes sur es cuisses, des marques de brulures sur les pieds, probablement du à l’eau froide. Rien n’est irréversible, mais ce garçon aurait pu frôler la catastrophe. Physiquement... » Car psychologiquement, c’était trop tard, il était anéantis et c’était bien pire qu’une catastrophe et dans ce domaine si complexe qu’est la psychologie, il ne savait pas s’il existait des choses réversibles, mais certainement pas tout ce qu’il avait vécu. C’était encré dans sa chaire pour l’heure, mais ça s’effacera. Alors que ce qui était encré dans son esprit persistera... Maddox fut à nouveau couvert et l’homme fragile se mit à nouveau à pleurer, on lui assurait que c’était fini ; mais il voulait qu’on lui foute la paix... « J’voudrais mourir ! J’voudrais mourir ! » Se mit-il à hurler dans le désespoir à s’en déchirer les poumons, il avait tellement mal, il voulait que ça s’arrêté maintenant. Il ne voulait plus qu’on le regarde, qu’on le touche... Il était si épuisé, tremblant encore comme si son corps était toujours mis à nu, il se sentait brisé. Les yeux cernés de fatigue témoignait qu’il n’arrivait même plus à dormir, le moindre bruit le faisait sursauter et battre son cœur d’une peur intense... Les idées se désordonnaient dans sa tête et il n’arrivait plus à mettre de mot sur ce qu’il ressentait.

Comme la situation était vraiment difficile et lourde à supporter. En cet instant et plus que jamais, Sophya détestait son métier. Elle n'avait pas le droit de retirer la dignité d'un homme et pourtant c'était vraiment ce qui se passait en ce moment. Comment en était-elle arrivé à cela ? Elle n'en avait aucune idée. Suivre son job, son protocole, c'était tout ce qui importait. Pourtant la médium pouvait voir le jeune homme s'agiter et refuser l'idée qu'elle ne l'approche de cette manière. La réaction physique était tout à fait normale et Sophya avait presque envie de se carapater en vitesse plutôt que de lui faire subir ce genre de choses. Mais il fallait qu'elle le fasse et après elle le laisserait tranquille. Tout ce qu'elle espérait c'était qu'un contre-expert ne se pointerait pas pour lui faire revivre les humiliations qu'elle lui imposaient en cet instant. La fragilité de cet homme la touchait, et pourtant, la juriste savait qu'elle n'était aucunement en droit de falsifier son rapport dans le but de grossir les charges contre l'accusé, et ce même si l'envie la démangeait furieusement.

Harry abaissa lentement le drap et la jeune femme adressa un regard empli d'excuses au patient. Entendre tout cela était particulièrement difficile, elle qui avait déjà du mal à supporter qu'on ne giffle quelqu'un. La brunette aurait voulu lui saisir la main, juste pour le rassurer à son tour, lui murmurer que cela irait vite, qu'elle ne faisait que regarder en surface, qu'elle était désolée, mais qu'elle y était obligée. Pourtant aucun de ces mots ne franchirent ses lèvres et la demoiselle se contenta de baisser son regard sur le corps amaigri et abîmé du brun. Difficilement, la jeune femme ne cilla pas, mais l'envie y était. Comment pouvait-on faire ça à un être humain ? C'était tellement dégradant, humiliant, dégoûtant. La brune laissa échapper un maigre soupir avant de détourner légèrement son regard et de l'ancrer dans celui du médecin.

« Je vous crois, ne vous en faîtes pas. »

Son estomac commençait à se révolter doucement mais la jeune femme tint bon, alors qu'Harry reprenait les conclusions de son diagnostic. Parce qu'en plus on avait soupçonné ce monstre de viol ? L'idée même que de tels attouchements aient pu s'associer aux autres la révulsa et Sophya ne sut comment elle put aller jusqu'à la fin de cette rencontre. La médium releva un regard attristé sur le médecin, légèrement humide de larmes, alors qu'il remettait les draps comme il le devait. Une certaine détermination se peignait sur son visage quand elle s'avança vers le bord du lit, tandis que Maddox hurlait qu'il voulait mourir. Qui avait donc le droit de briser un homme de cette manière ? C'était barbare et cruel. Était-ce volontaire ? Est-ce que l'homme qui lui avait causé dans de douleurs et de souffrances avait été conscient de ses actes ? Ce n'était pas à elle de le juger, mais à un expert psychiatrique, pourtant Sophya rêvait de voir cette pourriture derrière les barreaux pour le restant de ses jours.

Lentement, elle passa sa main avec une douceur presque maternelle sur l'épaule du blessé.

« Je suis désolée Maddox, je ne pouvais pas faire autrement. Dès que je sors de ta chambre, je demanderais qu'on t'apporte de quoi dessiner. »

Que pouvait-elle dire ou faire d'autre ? C'était une promesse qu'elle pouvait tenir, même si elle ne savait pas s'il aurait la capacité de rendre quoique ce soit sur papier vu les blessures qu'il se coltinait à cause de l'autre malade mental.

« Ne dis pas ce genre de choses Maddox. C'est un mauvais moment et je ne peux pas savoir ce que tu ressens. Mais ne dis pas que tu veux mourir. Harry serait triste si tu partais, tu sais. Il tient à toi. Et ça lui fait mal d'entendre ce genre de paroles. »

C'était peut-être indélicat de sa part de dire cela, mais Sophya n'avait jamais vraiment été la reine du réconfort, bien au contraire.

« Je vais te laisser tranquille maintenant Maddox. Je ne pourrais pas revenir, parce que mon patron me l'interdit. Mais je prendrais de tes nouvelles, d'accord ? Tu veux bien que j'en prenne ? »

Elle étira un petit sourire avant de retirer sa main.

« Soigne-toi bien et prends soin de toi Maddox. J'espère qu'on se reverra. »

C’était une douleur indescriptible, c’était comme si on cherchait à le déposséder de son corps, de ce qu’il était, de cette peau et de ses os, tout cela était à lui et pourtant on venait en disposer comme bon leur sembler, montrant à la jeune inconnue son corps meurtris contre sa volonté, criant son refus de se laisser faire, c’était comme si personne ne l’entendait, comme si ses cris mourraient dans le vide... Les larmes noyant ses joues, priant pour que cette torture cesse enfin, il ne pouvait pas se défendre contre cette intrusion, il n’était plus maitre de son corps et des choix qui en étaient liés. Hurlant sa volonté d’en finir, il ne savait plus quoi faire pour qu’on accepte de l’écouter, pour que cette indifférence cesse. C’était trop brutal, il se sentait humilié, cette fille venait de lui voler quelque chose, il ne savait pas vraiment quoi... Un semblant de dignité peut-être, du moins ce qui pouvait en rester... Secoué par des sanglots d’une puissance malheureuse, il aurait préféré être mort à cet instant. Alexey occupait toutes ses pensées, il semblait que dès qu’il fermait les yeux, son visage se dessinait sans cesse. Cet homme lui avait tellement prit, il se sentait anéanti et pourtant incapable de le détester, juste triste à en mourir... En fuyant, en dénonçant, il avait su au fond de lui qu’il risquait de perdre Alexey pour toujours, que jamais plus ils ne seront comme au début de la prise en charge, que c’était trop tard, qu’il n’avait plus la force de supporter ce que son tuteur voulait de lui, des punitions, il n’avait pas pu le supporter davantage... Enfin on le recouvrait et pourtant il n’arrivait pas à calmer ses larmes malgré la douleur. Puis il y avait cette main sur son épaule, ses pupilles s’agitaient avant de se loger dans celui de la jeune femme qui présentait ses excuses, il la fixait toujours anxieux en calmant quelque peu son chagrin alors qu’elle lui disait qu’elle lui apporterait de quoi dessiner, lentement ses doigts se détendaient et la douleur provoqué par le fait de les avoir crispés diminuait peu à peu.

Ses yeux bleus ne se détachaient pas de celui de la jeune femme alors qu’elle lui disait de ne pas dire qu’il désirait mourir, pourtant c’était ce qu’il ressentait. Pourquoi ne pourrait-il pas le dire ? Alors, elle l’avait entendu n’est-ce pas ? Son regard déviait lentement vers le médecin qui semblait occupé à écrire quelque chose... Est-ce qu’il avait mal ? C’était compliqué à savoir, ses yeux revenaient vers la jeune femme alors qu’il lui répondait d’une voix faible « J’voudrais mourir... » Il voulait dormir sans penser à lui, il voulait oublier, il ne voulait plus avoir mal, il savait au fond de son être que jamais il ne pourrait se remettre de cette expérience désastreuse, la peur était encré dans sa peau bien plus en profondeur que les coups en lui-même. Le regard d’Alexey le hantait et il savait qu’il ne pourrait jamais l’oublier et oublier ce qu’il lui avait fait. Est-ce qu’il allait venir le chercher ? Maddox attendait ce jour avec appréhension, mais il savait qu’il viendrait. Il avait dit qu’il le sauverait de sa folie quoi qu’il arrive, il ne mentirait jamais... Elle disait qu’elle devait partir, c’était de toute évidence un adieu. Alors voila, elle venait lui voler ce quelque chose pour disparaitre avec, mais... Quand est-ce qu’elle le lui rendrait alors ? Pleurant silencieusement, il acquiesçait à sa demande sans trop savoir pourquoi il faisait cela, il acceptait qu’elle se préoccuper de lui parce que dans le fond il sentait que quelqu’un devait bien le faire à sa place. C’est alors qu’elle retirait sa main, il avait lentement fermé les yeux alors qu’elle émettait l’hypothèse de se revoir un jour, ouvrant les yeux pour la fixé, le corps encore tremblant avant de lui dire d’une voix brisée « Sophya... Je n’oublierais pas... Je ne t’oublierais pas, t’es dans ma tête... Comme ce que tu m’as fait... » Il n’était pas en colère, il était probablement trop anéanti pour cela. Mais les traits de la jeune femme resteront encrés dans sa mémoire ainsi que ce qu’elle lui avait fait subir en retirant le drap qui le cachait. Se laissant couvrir par une couverture, il fermait les yeux parce qu’il était tout simplement épuisé...

Les paroles du brun lui firent comme l'effet d'un poignard dans le coeur. La jeune femme sentir ses yeux s'inonder de larmes et elle détourna précipitamment la tête pour s'empêcher de craquer devant l'homme. Elle-même n'était pas fière de ce qu'elle venait de fière et le fait que Maddox lui assure que cela resterait gravé en lui la blessait plus que de raison. Au fond, Sophya était plus sensible que ce qu'elle ne montrait et ce genre de cas lui prouvait qu'elle ne s'était pas encore suffisamment blindée pour le coup.

La médium resta pantelante un instant avant de se ressaisir et de regarder l'homme brisé sur le lit. Elle n'était pas coupable de ce qu'il lui arrivait. Elle ne pourrait rien changer de ce qui lui était arriver. Mais même si elle n'approuvait pas les méthodes, Sophya était persuadée désormais que ce que ce psychologue lui avait fait ne pourrait plus jamais lui être fait. Parce qu'elle allait s'en assurer elle-même.

« Parfois pour faire un bien, il faut faire du mal Maddox. Il ne t'approchera plus, je te le jure. »

Elle n'était pas ici pour s'en faire un ami. C'était la constatation qui lui rentra alors dans la tête. Maddox et elle n'étaient pas fait pour être amis. Il était son client et elle se devait d'adopter une approche professionnelle avec lui, quitte à paraître alors insensible. Si pour son bien, il fallait qu'elle réagisse de la sorte, alors elle le ferait. Parce que c'était son emploi, la raison de sa présence dans cette chambre d'hôpital particulièrement morbide. La jeune femme ne devait pas s'inquiéter de savoir s'il avait mal pris ou non sa méthode de travail, elle devait juste s'assurer que celui-ci serait bien fait et ce jusqu'au bout. Lentement, elle releva son regard vert sur le médecin qui l'accompagnait, la compassion quittant progressivement son visage. Personne n'avait pris la peine, pour elle, de se soucier de ses sentiments dans son passé, alors pourquoi s'acharnait-elle tant à montrer autant d'humanité quand de toute manière le résultat serait le même.

« J'aurais besoin d'une signature d'un tuteur légal pour valider le document. Je vous le ferais parvenir dans les plus brefs délais. »

La juriste se dirigea alors vers la porte, avant de se tourner vers Maddox, qui avait à présent les yeux fermés. A nouveau, son coeur se serra et Sophya ne put s'empêcher de reprendre d'une voix plus douce.

« J'espère sincèrement que tu te remettras Maddox. Au revoir.»

Avant de se retourner et d'ouvrir la porte avec douceur, pour ne pas le brusquer plus que nécessaire. La jeune femme jeta un nouveau regard derrière elle, s'imprimant du décor aseptisé avant d'étirer un léger sourire à l'attention du médecin et de s'avancer ensuite dans le couloir, fermant doucement la porte derrière elle. Elle ne pouvait pas savoir que des années plus tard, cette rencontre la bouleverserait encore, que ces mots resteraient gravés dans sa mémoire. Elle rejoignit ensuite son collègue, lui demandant de l'attendre quelques minutes, le temps qu'elle aille parler à l'infirmière afin de lui faire signer les papiers attestant de la visite des experts, tout en lui demandant d'apporter le matériel de dessin dans la chambre du malade.