Jamais janvier n’avait été aussi glacial pour Maddox ; il fixait depuis la fenêtre de sa chambre d’hôpital où il était cloîtré depuis le braquage ; le pauvre fou faisait preuve d’une telle violence involontaire dès qu’on essayait de l’approcher, un comportement compulsif alors que dans ses yeux brillait la peur. Il allait revenir. Seul dans cette chambre, à moitié nu. Il avait arraché le drap au lit pour s’envelopper tout entier, ne laissant dépasser que le bout de son museau et deux diamants bleus qui surveillaient l’allée de l’hôpital. « Je t’attends… Je t’attends… » Il l’attendrait jusqu’à l’année zéro s’il le fallait. Il attendait sans un bruit et quand l’infirmier approchait pour lui faire une prise de sang il s’enfuyait. Courant pieds nus dans la chambre ; criant pour échapper au vampire. « Au secours… » Soufflait-il étendu sur son lit, complètement débraillé en regardant ce liquide rouge remplir les tubes… Un violet, un bleu, un rouge… Oh non… Pourquoi est-ce qu’on prenait son sang ? Pourquoi le sang coulait partout ? -Oh non… Les monstres sont sous mon lit, oh non monsieur l’infirmier ne partez pas tout de suite, pitié monsieur restez un peu avec moi… Pitié, prenez moi dans vos bras, je crie mais il ne faut plus écouter, ô pitié, je me sens si seul… Je crie si fort, pourquoi tu ne m’entends pas ? Restez avec moi monsieur, les cadavres sont dans mon placard…- Mais les prières ne furent pas entendue ; glacé par le silence qui répondait à ses cris. Les larmes coulaient sur ses joues –Oh pitié madame, docteur… Venez les essuyer parce que je n’y arrive pas, j’ai beau les effacer elles reviennent. Aidez moi, je me noie. Oui, je me noie…-

Puis enfin ; un homme approchait. Il était enroulé dans son drap, recroquevillé dans un coin de sa chambre ; les cadavres vont arriver. Ils sont en marche. ‘Bonjour Prince, tu as cessé de crier ?’ « Personne ne m’entend Monsieur… » ‘Bien sur que tout le monde t’entend mon garçon.’ –Ô je suis tellement anéanti ! Prenez moi dans vos bras monsieur…- « Je veux Tamina… Je veux qu’elle vienne me chercher, ô dites moi qu’elle ne m’a pas abandonné ici avec toutes ces ombres… » L’homme soupirait ; son regard si navré et enfin ; oui enfin… Une main chaude sur sa joue, il fermait tendrement les yeux cette caresse qui ne durait pas. Enfin un contact sans violence, enfin il se laissait apprivoiser. ‘Tu vas la revoir bientôt. C’est promis. Il faut que tu sois sage Prince ; soit sage et tout s’arrangera.’ « Et Harry ? » Lançait-il, innocent et fragile. Incapable d’accepter la vérité, incapable de la supporter… ‘Harry est mort, Prince… Il ne reviendra jamais.’ Ses lèvres s’ouvraient, l’air sortait de ses poumons dans une douleur sans nom, mais aucun son ne fut émis. Puisqu’il devait souffrir en silence… Alors il fut décidé qu’il était prêt, que de toute façon ils n’auront jamais mieux puisqu’il était fou. Il s’écroulait là ; c’était faux… Son ami reviendra…

Enfilant avec de l’aide après une douche où cette bonne femme venait voler sa nudité ; pleurant sous la douche alors qu’elle chassait ses mains de ce qu’il essayait de cacher. Il était assis sur la chaise quand elle venait le peigner en lui annonçant qu’il était magnifique ; le visage marqué par les larme,s il se sentait immonde… Elle lui disait de sourire, qu’il allait enfin revoir sa chère Tamina. Il ne pouvait pas. Il attendait sur sa chaise, puis l’ambulancier est arrivé. ‘Viens mon garçon.’ Personne ne lui avait dit où il allait ; personne ne lui avait dit qu’il allait parler devant un juge ; non… Personne ne lui avait rien dit, il suivait à pas lent, apeuré par ces gens qui le fixaient dans les couloirs de l’hôpital ; on lui disait au revoir comme s’il n’allait jamais revenir. L’ambulancier porte ses affaires ; il tenait entre ses doigts fins la cuillère avec laquelle il avait mangé sa crème dessert où était mélangé des médicaments broyés comme s’il ne le verrait pas… Dans la voiture, il était silencieux. L’audience à laquelle il se rendait était spéciale, il allait comparer seul afin de juger s’il était en capacité de témoigner pour l’Homicide d’Harry lors de cette prise d’otage. Une chose pour laquelle sa tutrice s’était battue pour l’en épargner, en vain. Il allait encore souffrir parce que personne ne pouvait le protéger.

Il montait les marches, serrait fortement sa cuillère entre ses doigts. On voulu la lui prendre à l’entrée, sonnant entre les barrières ; il reculait apeuré et on décidait de lui laisser cet objet qui semblait le rattacher à la réalité encore un peu. Ses cheveux tombaient devant ses yeux, il suivait l’ambulancier comme son ombre. –Ô qu’il fait froid ici… Que leurs regards sont vides ; je tremble et je voudrais me protéger, m’enrouler dans mon drap. Je voudrais mon drap… Je veux mon drap…- L’ambulancier l’assoit sur un banc et lui dit d’attendre ; il fait. Regardait ses pieds puis tout à coup les boucles de ses lacets deviennent des papillons et s’envolent. Oh non ! Il allait tomber maintenant avec ces chaussures délacées ! Il se lève, les poursuit. Grimpait aux escaliers. ‘Prince !’ Appelait l’ambulancier en le voyant s’échapper. Oh non ! Il avait fait quelque chose de mal… Une porte s’ouvrait, des témoins sortaient et il était engouffré dans cette foule. « Je me noie… Je me noie… » Soufflait-il, il est à peine effleuré, mais il était fragile comme du verre. Il tombait sur les genoux, main contre le carrelage glacé, il peut voir son reflet et ses yeux sont encore rouges de honte. Personne ne le voyait ici, ils passaient à coté de lui et serait fort la cuillère contre sa poitrine quand enfin une main se présentait à lui. Mais Maddox ne la saisissait pas, effrayait de ne pas savoir si celle-ci était bien traitante ou au contraire, mal traitante… « Ne me faites pas de mal… »

La brune enfilait ses talons, presque habituée à ce geste. Le tailleur était élégant sans être extrêmement celui qui la mettait le plus en valeur. La nouvelle était tombée quelques semaines auparavant et la jeune femme avait froncé les sourcils. La convocation officielle du tribunal Nolanais était tombée et Sophya se demandait encore pourquoi on cherchait à la voir en comparaison exceptionnelle, en dehors des autres victimes. Et puis la raison fut simplifiée en une ligne, la mort du docteur Goldfarb . La brune avait alors dégluti, les larmes aux yeux, tandis que la scène lui revenait en plein visage. Elle avait alors appelé son frère, histoire de passer l'un de ces moments privilégiés qu'il avait réussi à lui faire partager depuis son adolescence. La jeune femme lui avait alors enfin raconté ce qu'il s'était passé lors de la prise d'otage avant de fondre en larmes dans ses bras et de se laisser bercer pendant des heures et rassurer comme seul Jay arrivait à le faire. Il l'avait alors raccompagnée et avait fini par lui avouer qu'il viendrait la soutenir à l'entrée et la sortie du tribunal et qu'il tenterait d'avoir leurs parents avec lui. La brune s'était contentée de lui embrasser la joue avec douceur, enfouissant son nez dans le cou du blond pour respirer son odeur rassurante comme lorsqu'elle était plus jeune. Beaucoup s'étaient toujours demandé si la proximité entre le frère et la soeur adoptive n'était pas nocive, toxique, alors qu'ils passaient quasiment exclusivement toutes les soirées ensemble. Pourtant, rien dans la vie de Sophya n'avait été aussi sain que la relation qu'ils entretenaient. Jay était le seul homme sur qui elle avait toujours pu compter et encore aujourd'hui il le lui prouvait. Elle était alors sortie de la voiture, lui adressant un signe de la main et se retournant vers sa porte d'entrée. Elle avait fini par mettre sa famille au parfum après la première résolution d'enquête qu'elle avait pu effectuer. Alors la jeune femme savait qu'elle avait de quoi rassurer ses proches et avait déballé le morceau.

Le jour fatidique était tombé et elle avait attendu son frère à l'entrée, sans prendre attention à ce qui se passait autour d'elle. Peut-être aurait-elle alors pu remarquer la présence de Tamina. Son tailleur lui semblait la coller comme une deuxième peau, la gênant et elle ne put que grimacer lorsque Jay passa son bras autour de ses épaules pour l'emmener dans la salle de tribunal. Pour une fois, l'ancienne juriste n'avait pas la belle place et pour un peu se sentait presque comme une accusée, alors qu'elle n'avait fait que faire tout ce dont elle était capable pour le sauver. L'insensible Sophya Turner ne pouvait s'empêcher de laisser son visage refléter la moindre de ses pensées en cet instant extrêmement pénible. D'ailleurs son frère semblait plus la porter que la supporter en cet instant tandis qu'elle avançait péniblement dans le couloir qui la mènerait à l'étage. Des cris se faisaient entendre et la médium se demanda même si elle n'allait pas faire demi-tour tant l'agitation commençait à la gagner méchamment. Ses yeux se tournèrent mécaniquement vers l'armoire à glace blonde qui la tenait par les épaules en cet instant, la forçant à avancer, comme pour le supplier de reculer. Plus jamais elle ne voulait parler de ce jour-là, de la sensation du sang coulant sur ses mains, s'associant désormais à une image beaucoup plus négative encore. La mort du Doc' avait été vraiment difficile à affronter et l'était encore plus aujourd'hui. Et alors qu'ils arrivaient à destination ce fut son frère qui s'arrêta pile, la faisant presque trébucher.

« Jay ! Fais gaffe, je suis en talon bon sang ! »

Elle sentait la poigne se raffermir sur son épaule et grimaça avant de suivre son regard et de tomber sur Tamina. Ah. Oui. Peut-être aurait-elle dû prévoir cette éventualité après tout, et le prévenir de ça...

« Laisse... »

Mais la vue de Maddox lui serra le coeur, assis au sol, répugnant à attraper la main qu'elle lui tendait. Pour un peu, Sophya aurait presque eu pitié de Tamina tient. Sa main s'enroula autour de celle de son propre frère alors qu'elle les observait de loin, n'osant pas vraiment s'approcher.

« C'est son collègue qui est mort. Elle s'occupe de Maddox. »

Il ne lui répondit pas, se contentant de la faire avancer et s'arrêter près des deux autres. Ignorant superbement Tamina alors que son frère vrillait des yeux coléreux sur elle, la brune souffla.

« Bonjour Maddox. »

S'il pouvait deviner combien elle se sentait coupable en cet instant, de ne pas avoir pu sauver Harry. S'il savait seulement... que la mine grave qu'elle affichait en cet instant reflétait uniquement le souvenir de cette journée. Et qu'elle donnerait tout pour pouvoir revenir en arrière pour la première fois de sa vie. Pour ne plus voir ces larmes dans ses yeux.

Cette main été apparue dans toute cette obscurité, il reconnaissait cette bague autour de ce doigt. Alors lentement, il relevait ses yeux bleus vers elle. Tamina… Ses yeux brillaient… Pourquoi m’as-tu abandonné si longtemps ? Regardes comme j’ai mal… Doucement ses doigts amaigris approchaient de ceux de la jeune femme ; cette cuillère serré dans sa paume ; il effleurait à peine sa peau. J’ai peur… J’ai si peur d’être heureux et qu’à nouveau tu t’en ailles… Que tu me laisse avec ces gens en blanc… Il était terrifié, il regardait les yeux bruns de sa psychologue ; pourquoi est-ce qu’ils ne rentraient pas à la maison maintenant ? Il voulait s’enfermer, il ne voulait jamais plus sortir… Elle l’aidait à se redresser ; il avait peur de regarder autour de lui ; cet endroit été si grand et il n’était qu’un petit garçon sans sa maman... Il tremblait en se relevant, si fragile que le vent semblait capable de le briser. De nouveau sur ses jambes, vacillant. C’est alors qu’une voix l’appelait ; relevant avec crainte le regard avant de croiser le regard vert de cette femme ; instinctivement il fermait les yeux un peu trop fort. Mais c’est trop tard ; une larme s’échappait de ses yeux, celles qui se bousculaient au bord de sa paupière ; serrant avec peine la main de la femme qui prenait soins de lui de toutes ses forces qui n’était en réalité qu’une minable pression.

Les mots sont en vrac dans sa gorge et rien n’arrivait à sortir. Il engageait un mouvement de fuite, l’ambulancier arrivait à leur hauteur et lançait à l’adresse de Tamina en prenant l’homme par les épaules ‘Désolé ; je dois l’emmener dans la salle d’audience. Allé, viens Prince.’ Il n’avait plus de force, ses doigts se crispaient nerveusement. Retiens moi Tamina, ne les laisses pas m’emmener… Il ouvrait les yeux ; ses doigts s’ouvraient et la cuillère tombait au sol, tintant contre le carrelage du tribunal. « Pitié... Je veux rentrer… » N’avait-il pas été sage comme convenu avec le psychologue de l’hôpital ? Il voulait retourner chez lui, il y avait toutes ses affaires là-bas. Ses épaules sont basculées ; ses hanches ne tournaient qu’après et il avait cette sensation que sa colonne vertébrale allait se déchirer comme son cœur, il boitait sur quelque pas avant de reprendre contenant. Son objet restait au sol ; ses doigts se tordaient. L’homme avait d’autres patients à transférer, il voulait juste installer celui-ci sur le banc au tribunal et revenir le chercher après. Cette fatigue, cette maigreur… Le résultat de toutes ces drogues que l’on qualifié de médicaments qu’on le forçait à avaler, il avait fini par ne plus broncher et les avaler dans sa crème désert ; épuisé d’être déshabillé et violenté pour les injections. Il s’était résigné et doucement il mourrait parce qu’ils n’étaient que des incapables…

‘Il faut d’abord que tu ailles voir le juge ; ensuite tu pourra te reposer.’ Déclarait l’homme en recoiffant le pauvre fou, qu’il soit présentable faisait également parti de ses misions du jour. « Oh non… Harry… Il faut venir me chercher, tous ces gens m’empoissonnent et les cadavres rient derrière la porte… Tamina ne m’abandonne pas… Tous ces gens m’empoissonnent… » Suppliait-il encore ; se laissant trainer jusqu’à la grande pièce. Tamina sur ses talons, il n’entendait plus rien. Les papillons volent devant lui, ils le narguaient parce qu’il allait tomber.

Il y avait beaucoup de monde assis là, on se retournait à son passage ; le dévisageant comme une bête de foire. Il se cachait, ses doigts fins devant son visage alors qu’il traversait la pièce sous les chuchotements. La tête penchée pour se masquer derrière ses cheveux. Il est le premier témoin qui serait interrogé pour ne pas être influencé par ce que diraient les autres ; il s’assoie sur le banc et elle est assise à coté de lui. ‘Ne trembles pas, je reviendrais te chercher. Sois sage.’ Il ne voulait pas voir ce juge ; il voulait voir Harry… Et maintenant. Il n’avait aucune idée de ce qui allait se passer et maintenant il avait perdu sa cuillère. Puis Tamina s’assoit de l’autre coté ; il sentait juste son parfum et alors qu’il fixait Sophya et cet homme au regard accusateur. Est-ce qu’Harry allait venir maintenant ? La fixant de ses yeux bleus avec insistance ; une main tremblante se posait sur celle de l’ancienne juriste « Il avait dit que quelque chose de grave aller arriver… Oh non, je ne voulais pas tout ça… » Oui c’était de sa faute une fois de plus, il était si mauvais… Sinon pourquoi l’aurait-on puni de la sorte ?

Elle voyait Tamina rassurer le brun et Sophya adressa un sourire encourageant à ce dernier avant que Jay ne la pousse vers l'entrée du tribunal avant de la glisser vers un banc. Ses yeux détaillèrent ce lieu qu'elle avait autrefois tant connu, professionnelle jusqu'au bout des ongles, et que son cou se tendait pour saluer le greffier en place pour l'audience, une connaissance qu'elle avait fini par se faire lors de ses allées et venues dans le témoignage de différentes affaires. Sa bouche étira un léger sourire à son intention alors qu'elle serrait compulsivement la main de son frère dans la sienne, pas rassurée pour un sou. La médium avait une mauvaise impression et lorsque le juge vint prendre sa place, celle-ci se conforta sérieusement. La nausée la prit et elle tourna un regard désespéré à son frère. Sortir. C'était une nécessité. Parce qu'elle ne désirait pas être enfermée, ne voulait pas se retrouver encore une fois sous les balles ou la menace. Or, cet homme juste devant eux en représentait une réelle. Intraitable, imbuvable, inhumain. C'était de cette manière qu'elle l'avait perçu depuis la première audience qu'elle avait réalisé à ses côtés. Pour ne pas dire qu'il avait un fond misogyne également. Partir. Fuir. N'importe quoi, mais ne pas rester là.

Maddox lui fit tourner la tête et une douleur sans fond prit place sur son visage, pourtant si inexpressif à son habitude. La brune avait caché son dégoût pour le juge, pour cette assemblée mais ne parvenait pas à retenir le moindre sentiment face au dément. Ses yeux étaient accrochés à ceux de Maddox et évitaient soigneusement Tamina. Parce qu'elle n'était pas sure de pouvoir garder son calme au vu de l'agitation qui régnait en elle. Pas plus que Jay qui se contenait de dévisager sa propre cousine d'un regard peu avenant. La brune esquissa un faible sourire en direction du dément, avant de glisser doucement, sa main se glissant sur la sienne.

« Ce n'est pas de ta faute Maddox. Ce n'est de la faute de personne. Ce sont les braqueurs qui ont été mauvais. Pas toi. »

Ni moi. Elle se souvenait de cette explosion avec Daniel alors qu'elle lui racontait s'en vouloir de ne pas avoir pu le sauver. En cet instant la culpabilité resurgissait alors que Maddox l'observait. Tout son visage en était gravé, parce que non, elle n'avait pas pu aider Harry. La voix de Tamina la ramena à la réalité et la brune finit par détourner son regard vers sur sa cousine adoptive, enlaçant ses doigts à ceux de son frère aîné par la même occasion. Jay était un tantinet plus impulsif qu'elle et avait beaucoup de mal à ne pas s'emporter lorsqu'il en avait la possibilité. L'ancienne juriste finit par pousser un soupir profond avant d'entraîner un regard noir en direction de Tamina. La psychologue semblait avoir une conception fort bien aiguisée de l'ignorance, apparemment et avait du mal à la supporter surtout. Bien. La médium lui étira un immense sourire alors que son frère finissait par lui répondre.

« Excuse moi, j'ai crû voir une revenante. »

Le ton aiguisé de son frère finit d'achever la jeune femme qui vit son sourire s'élargir, son regard presque victorieux. Si elle avait un caractère impossible Jay était bien pire qu'elle, vraiment pire, même du haut de ses trente ans. La jeune femme vit cependant le geste de sa cousine envers son ancien client et fronça légèrement les sourcils, tournant le regard vers son aîné comme pour savoir ce qu'il en pensait. Apparemment, il n'appréciait pas vraiment. La brune finit par hausser les épaules alors que la séance commençait enfin et que les portes du tribunal fermaient, les empêchant de fuir. Sans doute aurait-elle dû avant qu'il ne soit trop tard.

« Nous sommes ici pour statuer des conclusions de l'enquête concernant la mort de Monsieur Harry Goldfarb. »

La brune finit par déglutir difficilement avant de soupirer distraitement et tenter de se reprendre alors que son frère posait finalement sa main sur sa cuisse comme pour la retenir de montrer un quelconque signe de nervosité. Elle lui adressa un faible sourire avant que le juge ne reprenne.

« Est-ce que Monsieur Seelerk est en pleine possession de ses moyens pour répondre à nos questions ? Nous aimerions commencer par son témoignage. Nous auditionnerons Miss Turner par la suite.»

La brune haussa doucement un sourcil en direction de l'avocat de la partie adverse. L'entrée en matière était plutôt dure, mais la jeune femme n'avait rien à reprocher au juge pour le moment.

« Miss Turner, il semblerait que vous soyez la personne en charge de cet individu. C'est donc à vous de statuer sur la participation de Monsieur Seelerk. »

Elle avait relevé la tête dans un premier temps, pensant qu'il s'adressait à elle, avant de froncer les sourcils d'incompréhension. Cette journée allait être vraiment longue et pénible.

Les doigts de Sophya contre les siens, l’observant avec insistance. Puis elle répondait que cela n’était pas de sa faute. Vraiment ? Pourquoi alors avait-il s’être sensation d’être sale ? Et qu’aucun coup de gant de ces aides soignantes ne venait à bout de cette saleté incrustée dans sa peau. Il y a du sang partout… Partout… Dans tes yeux Sophya, il y a tellement de sang… Les yeux verts de Sophya étaient emprunt de cette tristesse à présent ; il avait doucement resserré ses doigts autour de ceux de la jeune femme dans une prière silencieuse où leurs regards s’affrontaient encore. S’il te plait… Aides-moi…

Les portes se fermaient, le silence se fit. Maddox redressait le nez enfin et balayait la salle ; croisant les yeux bruns de sa tutrice qui lui adressait un sourire encourageant. J’ai peur Tamina… Rentrons par pitié… Puis le juge entrait, s’installait confortablement. Sa voix s’élevait et Prince baissait les yeux ; cet homme lui faisait peur. Il ne savait pas vraiment pourquoi, mais sa voix l’aspirait dans les ténèbres. Ses doigts se crispaient sur sa chemise qu’il tortillait depuis quelques secondes après avoir lâché la main si douce la jeune femme. La mort d’Harry… Non… Il n’était pas mort ! Les gens se trompaient… C’est alors qu’il entendit son nom ; se recroquevillant un peu plus encore. On parlait de lui comme d’un objet ; d’un animal. Alors, il n’écoutait plus. Spectateur de son propre sort. Il n’écoutait pas, fixant les serpents qui glissaient sur le sol en sifflant une mélodie funèbre au rythme de leurs sonnettes qu’ils agitaient pour le narguer. ‘J’appelle à la barre, Monsieur Prince Seelerk.’. Mais il ne réagissait pas. Il n’écoutait pas. Le beau brun inoffensif, fixait le sol avec un intérêt déroutant ; un long moment d’absence où il oubliait les ténèbres.

Puis enfin il se levait quand on l’eut appelé une seconde fois, une main dans le dos l’incitait à faire le geste. Sentant brutalement le poids de tous leurs regard sur lui ; il pensait qu’il allait s’évanouir. Un homme en uniforme approchait et montrait à Maddox qui semblait désorienté le chemin menant à la chaise dans cette cage. Il s’asseyait effrayé ; ses pupilles s’agitant et détaillant tous ces visages qui le fixaient encore. « Monsieur Seelerk, promettez vous de dire la vérité, rien que la vérité. Dites je le jure. » Baissant nerveusement les yeux ; il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Pourquoi tous ces gens l’observaient de la sorte « Dites je le jure Prince. » Enfin, il ouvrait les lèvres ; fixant Tamina de son regard implorant « Je le jure Monsieur… » A peine audible ; le juge agacé fit signe à l’homme de poursuivre son interrogatoire. Ce n’était qu’une affaire et il espérait bien la boucler rapidement. Le facteur humain l’importait peu. Ou plus. Oui, quand l’on commence dans ce métier l’on croit que l’on va répandre la justice, mais c’était se voiler la face.

« Très bien. Je détiens ici le dossier médical de cette personne et si la cour m’y autorise je vais y lire un bref passage de son contenu conséquent… Lettre de monsieur Goldfarb à Mademoiselle Turner : ‘Si le scanner a révélé des lésions traumatiques congénitales au niveau cérébral dans une zone qui permet d’expliquer le développement cognitif de Prince tel que nous le connaissons quant-à savoir ce retard mental et cette altération de la logique sur lesquels mes confrères travaillent depuis toutes ses années avec un succès encourageant. Les hallucinations elles, ne trouvent aucune explication valable. En effet ; les discours incohérents d’une réalité frappante rendent le sujet parfois instable et violent envers autrui et surtout envers lui-même. Malgré l’essai de nombreux neuroleptiques à diverses doses ; rien ne semble pouvoir lutter contre ses délires s’inscrivant d’idées noires et paranoïaques.’ Il semble clair que le témoin vit dans un monde particulièrement faussé par divers éléments fictifs ; la perception qu’il a de celui-ci n’aurait pas toujours de lien avec la réalité. Hors ! Puisque jamais mademoiselle Turner n’a rédigé de note dans ce dossier quant-à l’évolution possible des pathologies de cet homme, il est dont impossible médicalement d’avoir d’évaluation plus récente que l’état de cet homme exigerait. Sans vouloir remettre les compétences de Mademoiselle Turner en cause, je crois que la cour pourra déterminer d’elle-même si cette lettre est toujours d’actualité et empêcherait vraiment cet individu de témoigner au décours de cette affaire. Ou si au contraire, le discours de cet homme puisse s’avérer particulièrement crédible et utile à l’enquête. Alors je n’ai qu’une question à poser… Prince. Que voyez-vous ici dans cette pièce ? » Fixant cet homme, ces lèvres qui remuaient et il n’écoutait qu’à peine. Perdu. Pourquoi Harry avait-il écrit de telles choses sur lui ? Pourquoi est-ce qu’on lui caché tout cela ? Pourquoi était-il considéré en retard ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Non… Il n’avait jamais été préparé à entendre la lecture de son propre dossier médical, à être ainsi confronté aux pensées de tous ces gens qui prétendaient vouloir l’aider.

« Que voyez-vous ici Prince, n’ayez pas peur. » Pourtant il était terrifié… « Il y a tous ces yeux qui me fixent… Je voudrais qu’ils me laissent tranquille monsieur… Je voudrais rentrer chez moi… Ils me fixent tous ; ils ne disent pas un seul mot. Ô tous ces inconnus, pour qui sont-ils là ? Cet homme ne me regarde pas… Il écrit depuis tout à l’heure ; comme je voudrais dessiner moi aussi. Tous ces yeux me regardent encore, je ne sais pas ce qu’ils me veulent. Sophya est assise là ; et l’homme à coté d’elle… Il me regarde aussi… Ils me regardent tous… Tamina me regarde, elle sourit mais… Je vois qu’elle est inquiète parce que ses lèvres… Sont tirés vers la gauche comme si c’était par là que le sourire ment. Et moi… Moi j’ai peur de tous ces yeux qui me fixent… » Pas d’ombres, pas de serpents, pas de cadavres ou d’histoire délirante. Bien sur, cette description était particulière, mais elle pouvait tenir la route. Il s’était concentré sur les détails, le genre d’élément que les gens n’observent pas et qui aux yeux de Maddox étaient toujours dans la lumière. [b]« Vous souvenez-vous de la prise d’otage ? » « Objection ! » « Très bien, décrivez donc votre journée d’hier monsieur Seelerk.. »[b] Pourquoi lui posait-on toute ces questions ? Pourquoi ? Il ne comprenait rien… Rien du tout…

« Les rideaux étaient encore fermés et la lumière a brulé mes yeux. Je me suis caché sous la couverture et elle a dit que c’était l’heure. J’étais aveugle et j’ai marché pieds nus sur la banquise. Elle a retiré mes vêtements et je voyais ; j’étais presque nu et j’ai crié. Puis l’eau a coulée, j’ai voulu m’enfuir. Oh je sais me laver seul madame… Mais elle voulait que je brille et elle me lavait avec toutes ces larmes pour rincer la mousse. J’ai mis ce pantalon et cette chemise ; oh c’était trop grand et je sais qu’une ombre l’a déjà porté. Oh elle mourrait dans cette chemise… Et maintenant je meurs parce qu’ils me volent… » Il se mit alors fatalement à pleurer, tremblant de nouveau. Je suis tellement fatigué… Harry, viens vite me chercher… Je suis si maigre, répares moi… Il ne voulait plus en parler, de cet hôpital et de ce cycle infernal qui se répétait dans cette torture de l’esprit qui le brisait un peu plus encore à chaque seconde dans l’attente, dans l’espoir que l’on viendrait le chercher. Cela avait été ainsi ce jour là, puis la veille et encore avant… Plus de demain. Non, il n’en voulait pas ! Demain on s’enterrera tous ! « Oh pitié… Je veux rentrer chez moi… Oh pitié… Tamina emmènes moi… Je ne voulais pas tout cela, oh pitié cessez de me punir ! »