« We Will, We Will... Rock You.... »

Les rues de la Nouvelle Orléans avaient revêtu leurs plus beaux habits. Des banderoles de couleurs ornaient les fils électriques qui couraient le long de la cité. Musiciens, fanfares, danseuses se préparaient dans les rues, chantant et parcourant l'itinéraire prévu par les autorités. Le Carnaval de la Nouvelle Orléans venait d'être lancé. Bonne humeur, cortèges, musique, couleur allaient faire pulser les âmes de chacun. Parce que personne ne restait insensible à LA festivité de l'année.

Le premier char se lança, méli-mélo de couleur bleuté, de vert, mais aussi de masques blancs. Les danseurs tournoyaient, s'amusaient tandis que les accords de jazz fusaient dans les rues. Parmi les chars, le cortège, des répliques de Papa Legba, la frontière entre le monde des humains et des esprits était très fine aujourd'hui. C'était mardi gras, et on s'amusait dans les excès.

Pensez bien à vous amuser mes amis. Parce qu'en cet instant vous êtes surveillés. Et s'ils n'ont pas encore décidé de pourrir la journée, les Esprits ne sont jamais loin d'une mauvaise idée. Eux aussi étaient de la partie, certains visibles et passaient inaperçus avec leurs tenues de l'ancien temps, d'autres invisibles. Ce qui était sûr, c'est qu'à cet instant, vivants et esprits ne se mêlaient mais pas pour les mêmes raisons.




Spoiler:

Le grand jour de fête arriva en ville. Tout le monde avait l'air enthousiaste et particulièrement heureux de pouvoir faire la fête. Drake s'en fichait pas mal, de toute manière toutes ces conneries n'avaient plus aucun attrait depuis le décès de sa soeur. Il se souvient qu'elle adorait venir voir défiler les gens et écouter la musique tambouriner dans ses oreilles. Enfin... c'était avant. A présent tout ça lui rappel de bon souvenir, mais qui sont encore trop tristes pour lui. Du coup c'est sans regret qu'il décida de bosser ce jour-là en espérant pouvoir être loin des festivités. Manque de bol, les pompiers étaient réquisitionnés pour intervenir rapidement si jamais quelqu'un faisait un malaise ou si un accident survenait. Avant le départ du cortège, un petit groupe de pompier se plaça sur le chemin prêt à voir le défilé et répondre au moindre appel à l'aide. Vous n'imaginez pas la joie de notre médium refoulé. Son sourire était effacé pour adopter un visage plutôt neutre contrairement à ses collègues qui dansaient un peu avec la musique. L'un d'entre eux avait même trouvé une écharpe en plume rose flashy pour se la mettre autour du coup et avoir l'air plus festif qu'avec son uniforme. Drake soupira et croisa les bras, ce n'était qu'une journée, une petite journée qu'il allait devoir supporter. Un collègue lui fit même la réflexion d'arrêter d'être aussi sérieux et de s'approcher un peu pour voir le défilé. C'est bien sans envie qu'il s'approcha pour qu'on arrête de lui casser les pieds.

J'ai vraiment envie de vivre. De rattraper ces années durant lesquelles j'ai touché le fond, durant lesquelles je n'étais qu'un pitoyable pantin. Les premiers mois ont été durs, très durs. C'est toujours difficile, mais je fais ce que je peux pour me réadapter. Une réinsertion dans la vie active délicate comme dirait mon psy. Mardi gras est une bonne occasion de se rendre compte de mon évolution. Hayel m'avait emmenée à une fête de ce genre au tout début de ma sortie, et ça ne s'était pas bien passé. J'angoissais, j'ai vite voulu décamper.

Aujourd'hui, je ne panique pas. Bon début, hein ? Je me laisse même aller à l'humeur festive ambiante. Je ne tiens pas en place, excitée comme une puce à l'idée d'assister au carnaval. Ça me rappelle de bons souvenirs. Mon attention voyage partout, marqué d'un grand sourire - toutefois, je reste bien près de Hayel. Engloutis par la foule dense, il se fait de plus en plus difficile d'approcher les chars. Je suis trop petite, comme toujours, pour avoir une vue correcte du spectacle. Je me mets sur la pointe des pieds, râle. Puis une idée me fait me retourner avec un regard enjôleur vers mon coloc'.

"Toi qui est grand, beau et fort... J'peux monter sur ton dos ?"

Devant mon expression adorable, comment refuser ? Je sais qu'il ne veut pas gâcher mon premier carnaval depuis neuf ans !

"Merci, je savais que j'pouvais compter sur toi !"

D'un bond, je me retrouve derrière lui et saute, accrochant mes jambes autour de sa taille. Tout en posant mes mains sur ses épaules, je déclare gaiement :

"Oh yeah, c'est génial de vivre à ton étage ! Oh je vois tes collègues, ils sont pas loin !"

Mardi gras. J’avais emmené Jill le voir. Toutes les grandes sorties de la Nouvelle Orléans représentaient des excuses pour l’emmener à l’extérieur et lui faire profiter de la vie. Il y avait tant à rattraper qu’elle ne devait rien manquer pour cette première année de liberté. Je trouvais qu’elle avait bien changé depuis la première fois où je l’avais revue. Moins craintive, plus affirmée, je retrouvais peu à peu cette Jillian que je connaissais au lycée, pour qui la lune semblait à portée de main. La voir toute heureuse à mes côtés était amusant à voir ; cette fois, j’espérais que le devoir n’allait pas m’appeler et que je pourrai profiter de cette sortie sans qu’un problème ne vienne s’y placer entre temps. Ma grande taille me permettait ne tout voir, du haut de mes 1m90, c’était assez simple, cependant Jill ne voyait certainement qu’à travers les têtes et en hissant sur les pointes des pieds. Pour pallier à ce léger handicap, j’acceptais évidemment sa requête de monter sur mon dos. C’est qu’elle allait être plus grande que moi maintenant ! Légère comme elle était, ce ne fut pas difficile de la hisser au dessus de la foule. En plus, à la manière dont elle me l’avait demandée, je ne pouvais refuser !

« Tu devrais me complimenter plus souvent, je te laisserai plus de pop corn ! »

J’étais toujours le plus gourmand des deux lorsque nous regardions des films, et parfois, je mangeais facilement les trois quarts du pot. Frustrant n’est ce pas. Il ne fallait jamais aimer le pop corn et m’en proposer.

« Alors cette vue ? Comment la trouves-tu ? »

Vivre à mon étage… j’éclatais de rire. Il y avait quelques petits inconvénients quand même mais bon. Alors comme ça elle voyait en premier les pompiers dans son champ de vision ?

« J’espère qu’ils sont moins beaux et forts que moi ! »

Des semaines qu'elle attendait ça, comme chaque année depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvenait. Le carnaval faisait partie des grandes traditions de la Nouvelle-Orléans, un héritage du mélange des cultures qui avaient fondé la ville. En quelques jours les rues avaient été décorés, les vitrines avaient sorti leurs habits de fête, et la foule avait commencé à affluer sur le futur chemin de la parade. Solene avait traîne toute la matinée dans les petites rues, admirant les couleurs présentes un peu partout, avant de se diriger vers le garage qui protégeait les chars, pénétrant dans le grand hangar comme un enfant dans une boutique de bonbons. Pour le moment il n'y avait personne, et elle avait pris le temps de tous les regarder dans la pénombre, l'impatience montant tranquillement. Ce soir ils seraient illuminés et encore plus décorés, et alors le Carnaval aurait lieu. Puis elle était repartie pour se trouver une place de choix. Elle n'avait pas encore décidé si elle prendrait la peine de se rendre visible pour la soirée ou si elle resterait invisible au yeux de la majorité. Malgré la joie dans l'air, Solene avait un mauvais pressentiment, les esprits allaient s'en donner à cœur joie ce soir à n'en pas douter, et elle doutait que ce soit pour s'amuser gentiment avec tout le monde. Mais elle n'en savait pas plus, et qui savait ce que réservait le carnaval cette année.

Elle trouva finalement une place satisfaisante et c'est adossée à un lampadaire qu'elle attendit sagement, observant tout autour d'elle la foule avec un large sourire. Même si les autres transparents venaient jouer les emmerdeurs, pour le moment ce n'était que joie et fête. Le cortège passa devant elle, la musique et les lumières vibrant dans la rue animée, et les déguisements la firent sourire. Pour le moment elle resterait immatérielle, il serait toujours temps de jouer un peu plus tard si jamais c'était nécessaire.

Sur l'ordre de ses collègues, il alla dans la foule pour voir un peu toutes les animations du carnaval. A moins qu'il soit juste envoyé un repérage pour trouver les stands qui vendent de la boisson et d'autre bêtise à manger. Peut-être avaient-ils juste envie de ne pas voir l'air morose de Drake. C'était devenu pour eux une évidence, Drake n'allait pas très bien et malheureusement rien ne parvenait à lui redonner le moral. De toute façon, il préférait qu'on le laisse seul, ça lui évite de devoir écouter les remarques pénibles et lourdes des autres. Quoi qu'il arrive, il avait son talki-walki avec lui et il était prêt à intervenir rapidement. Au loin, il crut remarquer son collègue Hayel, il n'était pas sûr qu'il soit de garder aujourd'hui. Vu la foule devant lui, il ne pouvait pas voir s'il était vêtu de son uniforme ou pas. Sur son dos, il remarqua qu'il portait une fille, une amie à lui surement. Le pompier ne s'attarda pas trop et continua à avancer en essayant de ne pas se perdre dans ses pensées. Dommage c'est trop tard. La musique, l'ambiance, les rires, les odeurs... absolument tout lui rappelait les fois où il venait avec sa sœur. C'était triste de penser à elle. Tout ceci était du passé, maintenant qu'elle est morte plus rien ne pourra le changer. Drake sortit de ses pensées quand il percuta quelqu'un. C'était une jeune femme avec une crêpe au chocolat qui venait malheureusement de finir sa course sur le sol. Le pauvre se sentit mal et désolé. Qu'est-ce qu'il pouvait être maladroit des fois ! "Oh... je... je suis vraiment désolé ! J'étais perdu dans mes pensées et je ne vous ai pas vus. Pour me faire pardonner, je peux peut-être vous offrir une autre crêpe ? Ça me semble être la moindre des choses." Ce n'était qu'un petit accident et il proposait généreusement de rembourser sa bêtise, comment lui en vouloir ? Il afficha d'ailleurs un sourire désolé en espérant que la demoiselle accepte ses excuses.

A sa remarque, je le charriais du tac au tac :

"Tu serais jaloux ? Ouuuuh mais oui ! Tu veux rester numéro un, c'est ça ! Aucune solidarité entre collègues, c'est moche !"

Bonne humeur oblige, je me marre en passant énergiquement une main sur son crâne. J'ai décidé de l'embêter et même pas peur si je suis sur son dos. Au cas où, je retomberais bien sur mes pattes. Hayel devait forcément s'attendre à une réaction pareille de ma part, il le méritait bien !

Je me raccroche soudain à lui avec une petite exclamation surprise, alors que nous sommes entrainés par la foule. La foule est animée et extravagante, si bien qu'elle ne porte pas attention à ses mouvements. Un lampadaire me permet de garder mon équilibre, une main dessus.

"Hi !", cri de surprise, s'expliquant par le froid bizarre qui remonte par mon pied dont la pointe touche le poteau.

Ce n'est pas juste la température qui me surprend alors qu'il fait beau, mais il y a aussi cette sensation, étrange. Je ne sais pas mettre de mots dessus, seulement elle paraît familière... Bien sûr, si je savais qu'en réalité j'effleure un esprit, je serais déjà bien loin.

Sa remarque me fit éclater de rire. Même en disant des âneries j’apprenais des choses intéressantes !

« Jaloux … Bien sûr que non voyons… ils ne font pas le poids devant moi. Alors comme ça je suis le numéro un ? Intéressant… »

Sourire insolent, je ne pouvais m’empêcher de jouer l’idiot. En même temps, elle le cherchait bien et je le lui rendais avec amusement. Je savais très bien que j’étais de loin le meilleur des pompiers, en tous cas pour elle. Jill n’osait juste pas se l’avouer à elle-même tout simplement, c’était aussi bête que cela. Je la taquinais juste mais bon.

« Qu’est ce qu’il t’arrive ? »

Je la tenais fermement, de ce que je pouvais en tout cas pour le cas où elle tomberait. Elle était quand même sous ma responsabilité alors il n’était pas question qu’elle se fracasse la jambe par ma faute. J’avais vraiment l’art d’être un papa poule quand je m’y mettais et m’inquiéter pour rien, mais c’était dans ma nature de réagir ainsi. D’ailleurs, j’étais certaine qu’elle allait me dire une phrase qui était bien dans le thème d’ailleurs, mais je fus le premier à m’exprimer, avant qu’elle ne le fasse. Une petite marque d’autodérision de ma part, comme quoi je pouvais m’habituer à mes surnoms…

« Je t’attends toi, à me dire que ce n’est rien et que je suis un bisounours… je t’attends ! »

Le petit incident qui venait de se passer embêta le jeune homme. Le pauvre, il n'avait vraiment pas eu l'intention de priver la jeune femme de cette crêpe qu'elle était en train de manger. Du coup, il se sentait terriblement désolé et s'excusa aussitôt, c'était la moindre des politesses. D'ailleurs, il proposa même de lui offrir une autre crêpe vu qu'il venait de gâcher celle qu'elle s'était offerte juste avant. Sans même qu'il puisse le deviner, elle attrapa son bras et le tira dans la foule. Pourquoi se laissa-t-il faire aussi docilement ? Il aurait pu protester ou même lui demander où elle était en train de l'embarquer. Mais il n'en fit rien. Peut-être qu'il avait justement besoin de voguer vers l'inconnu afin d'oublier les vieux souvenirs qui refaisait surface. Un peu après, il se retrouva devant le stand de nourriture ou un monsieur à l'air fort sympathique vendait des crêpes, des gaufres, des bonbons... Visiblement, c'était lui qui lui avait vendu la première crêpes -paix à son âme- car il reconnut la demoiselle. La jeune et jolie inconnue demanda deux crêpes ce qui étonna Drake. Il fut tellement pris de court qu'il n'eut pas le temps de mettre sa main dans sa poche pour sortir son portefeuille que la demoiselle l'avait déjà fait. Sur le coup, la surprise fut telle qu'il ne savait pas quoi dire jusqu'au moment où elle lui donna ce qu'elle avait commandé. Le pompier eut presque l'impression de rougir. Il ne comprenait pas pourquoi elle faisait ça. Ce qu'elle lui dit n'était pas faux et il tenta de cacher ses vieux souvenirs derrière un sourire un peu plus radieux. "C'est très sympa, mais ce n'était pas la peine. C'est moi le fautif dans l'histoire et c'est toi qui m'offre une crêpe !" Finalement, la situation était plutôt cocasse et tellement inattendu. Un premier coup de dents dans la crêpe et il se sentit tout de suite un peu mieux, c'était peut-être les effets du chocolat qui était super rapide, à moins que ce soit cette jeune femme. "J'espère que tu me laisseras t'offrir quelque chose à boire après cette crêpe !" Le jeune homme se sent redevable et puis après avoir mangé il n'est pas rare d'avoir soif, non ? C'est aussi un moyen de faire plus ample connaissance avec cette jeune inconnue. "Au fait, je m'appelle Drake !" confia-t-il avec un sourire tout en tendant sa main vers elle. Il n'ajouta pas qu'il était pompier vu que son uniforme le montrait très bien.

"Il fait froi... AH !"

Une main. J'ai vu une main. Rien d'anormal si elle n'était pas apparue soudainement avant de disparaître. Deux secondes à peine. Sous le choc, je pousse Hayel en avant pour mieux descendre de son dos tout en m'éloignant. De façon impulsive et violente, de quoi assurer un atterrissage raté bien sûr. L'élan ne m'aide pas à récupérer mon équilibre, je fais des pas en arrière en essayant de trouver un appui stable tout en bousculant les gens. Et les gens me poussent, donc ma stabilité ne s'arrange pas. Au fur et à mesure que je butte dans quelqu'un, je lance à tout-va des "Désolée !".

Ça donne un peu : Boum. "Hé !" "Désolée !" "Aïeuh !" Bam. "Désolée !" "Regarder où vous allez !" "Merde !" Bim. "Désolée !"

Bref, un petit numéro de cirque assez clownesque. Quelques personnes sont tombées alors ce n'est que justice que je tombe à mon tour. Arrivant de dos, je finis ma course sur deux personnes (deux certains mangeurs de crêpes, mais ce détail m'échappe pour le moment), que j'essaye d'attraper vainement par l'épaule - sans oublier le "Désolééée !". J'ai juste le temps de lâcher un : "Bordel de merde !" avant de m'affaler. Enfin, c'est pas trop tôt.

Spoiler:

Je perds Jillian. Encore. ça devient une habitude en fait, mais à force on s'y fait. Je n'ai pas tout compris, ce qu'il vient de passer mais je viens de la perdre de vue. Bon, elle est assez grande pour retrouver son chemin toute seule. Oui mais non. C'est Jill, alors je vais quand même partir à sa recherche sait-on jamais ce qui pourrait arriver. Alors je prends la direction qu'elle a prise, malgré la foule dense présente qui retarde mon avancée. J'aurais du lui mettre un gilet jaune, au moins je l'aurais facilement identifiée parmi tous ces gens. On est reparti pour des recherches qui je l'espère ne dureront pas autant de temps que la dernière fois.

Mardi gras. Voilà une fête que j’avais toujours détestée. Pourquoi ? Sans doute à cause du fait qu’il faille se déguiser et donc, par conséquent, se retrouver dans une tenue complètement ridicule. J’avais toujours été l’exception : cette petite fille qui ne voulait pas se déguiser en princesse parce qu’elle avait décrété qu’elle en était déjà une ou cette même gamine qui refusait de se déguiser en sorcière parce qu’elle hurlait haut et fort qu’elle était beaucoup trop jolie pour se déguiser de la sorte. Néanmoins, j’avais décidé d’aller faire un tour en ville, juste pour voir le défilé. A ce qu’on m’avait dit ça valait le détour. J’avais essayé d’y trainer l’une de mes aînés mais rien à faire. Ils ne voulaient pas bouger. Peut-être que j’aurais dû moi aussi rester à la maison. Après tout, les évènements qui ramènent énormément de monde, très peu pour moi. Surtout que bien qu’on m’avait dit de me méfier des voleurs qui pourraient repérer à trois kilomètres que j’étais une plein d’argent, j’avais quand même opté pour des vêtements et accessoire de luxe. Quoi ? Je n’allais pas non plus m’habiller comme une plouc. Bref, cela faisait bien une bonne vingtaine de minutes que j’étais dans les rues de la ville, essayant de me frayer un chemin parmi les gens et surtout en faisant attention aux gens qui pouvaient potentiellement vouloir me voler quelque chose.

Dans l'ensemble ce cortège de Carnaval se déroulait plutôt bien. Chacun s'amusait et si quelques tensions naissaient, cela ne troublait en rien l'atmosphère festive de la journée. Les couleurs s’enchaînaient dans des costumes plus somptueux les uns que les autres et les musiciens semblaient faire revivre pleinement la ville.

Un sourire se glissa discrètement sur les lèvres de Belaam alors qu'il observait la divine comédie se dressant devant lui. Un geste de la main lui permit de mettre en place ses troupes tout autour de la foule qui ne se doutait strictement de rien. Il avait décidé de s'offrir un peu d'amusement lui aussi. Les terrorise, les terrifier tous jusqu'au dernier et leur faire comprendre que rien dans cette ville ne serait plus en sécurité tant qu'il s'y trouverait.

Un bruit de détonation survint, juste à l'emplacement d'un char qui avait désormais prit feu, stoppant derechef le cortège et faisant se précipiter les habitants dans la débâcle la plus totale. Les gens couraient en tout sens, hurlant, pleurant, se demandant réellement ce qu'il se passait pour que leur ville devienne un tel bazar. Au loin, le Chef des Esprits souriait, regardant le chaos qu'il créait petit à petit à la Nouvelle Orléans.

« Ça, c'est ce que j'appelle du spectacle. »

Le pompier dégusta sa crêpe bien mérité bien qu'à la base se soit entièrement sa faute s'il s'en était fait offrir une. C'était un peu le monde à l'envers de se dire que la crête au Nutella qu'il était en train de manger était gracieusement offerte par la jeune femme à qui il a fait échapper la sienne. Qu'importe, il voyait que ça avait l'air de lui faire plaisir de faire ce geste si sympathique. D'un autre côté, ça lui redonna un peu le sourire, c'était surement ce dont il avait besoin pour apprécier cette journée. Au passage, il se présenta, ce qui lui permit d'apprendre qu'elle se prénommait Pearl. Son sourire s'élargit, heureux de connaitre le nom de la demoiselle qu'il avait importuné. D'ailleurs, elle accepta l'offre de Drake qui était de lui offrir à boire. Il allait lui répondre quand quelqu'un les bouscula pour tomber à leur pied deux secondes avant une explosion qui affola tout le monde. Pearl attrapa la main du pompier, surprise par ce bruit qui n'était pas prévu. A voir la fumée qui était au loin, ça avait l'air grave et l'explosion avait peut-être fait des dégâts. Pour le moment, il décida de ne pas lâcher la main de Pearl pour éviter qu'elle soit embarquée dans la foule au risque de tomber sur le sol et de se faire piétiner. En parlant de se faire piétiner, il se pencha rapidement pour aider la jeune femme qui les avait bousculés à se relever. "Venez avec moi, je vais vous sortir de là !" Et comme-ci ce n'était pas suffisant, la voiture ou quoi que ce soit qui avait autour devait contenir des pétards et feu d'artifice. Avec le feu, certains commencèrent à exploser rendant les lieux encore plus dangereux. La rue commençait à avoir des allures de champs de bataille. Drake entraina les filles vers le côté de la rue, espérant trouver refuge dans une boutique ou trouver une sortie de secours à l'arrière d'une boutique.

Alors que je viens de m'étaler à terre aussi gracieusement qu'un poulpe sur un plancher savonneux, une détonation retentit. Des cris volent dès lors de toute part. Je saisis immédiatement la main que l'homme me tend et me relève prestement. Je n'ai vraiment pas envie de me faire piétiner. Autour, c'est la cohue. Le pompier nous entraîne, l'autre femme que j'ai bousculée avant de tomber et moi. Paniquée, je le suis dans un premier temps, je ne veux pas me faire avaler par la foule, je ne veux pas me retrouver seule au milieu de ce foutoir disproportionné. En le suivant, je cris après Hayel, espérant qu'il ne soit pas loin et arrive à me rejoindre. Comme si un char qui prend feu n'était pas suffisant, d'autres explosions, plus minimes mais tonitruantes quand même, continuent la lancée. Chaque boom me fait serrer un peu plus fort la main de l'inconnu ; pauvre type, heureusement qu'il est baraqué. Mais Hayel n'arrive toujours pas. Je ne peux pas partir sans lui. Je m'arrête soudainement.

"Vous êtes pompier, vous devez connaître Hayel. J'étais avec lui, je dois le retrouver ! Dites-moi que vous le voyez s'il-vous-plaît !"

Bien plus grand que moi, il a plus de chances que moi de l'apercevoir, alors autant essayer. Ce disant, je lâche sa main et me retourne d'où nous venons. Pas facile avec tout ce monde qui se dépêche à s'éloigner et qui, du coup, bouscule comme des sauvages les gens en s'en fichant comme de l'an quarante. Je donne des coups de coude à ceux qui s'approchent trop.

"HAYEL !"

Je hurle pour tenter de passer par au-dessus le bordel ambiant. Et puis j'en vois un. Un putain d'esprit.

Je ne l’avais pas vu arriver, cette détonation. Comble de malchance, je me trouvais sur ce char qui prit feu, là où je n’aurais certainement pas du me trouver aussi prêt. Au mauvais endroit au mauvais moment. On se dit toujours que l’on peut s’en dégager, mais le jour où cela vous arrive, même si vous avez l’habitude de vous retrouver dans des situations impossibles, rien ne se passe comme cela aurait du se passer. Au lieu de cela, je pris la fumée noire asphyxiante en plein dans les poumons et me mit à éternuer. Il fallait que je sorte de là, ainsi que cet homme devant moi qui semblait dans une aussi mauvaise posture que la mienne. L’empoignant par le bras, je l’entrainais avec moi pour nous éloigner de ce foyer, début d’incendie qui sentait le brûlé et la chaleur de plus en plus étouffante. J’espérais vraiment que Jillian ne se trouvait pas là dedans car je n’étais pas actuellement capable de lui porter secours… Je devais m’assurer d’être hors de danger moi-même, premier devoir d’un pompier, même si parfois nous jouions les casse-cous de service.

Ma main devant ma bouche, je retenais le plus possible ma respiration pour me sortir de là. L’homme à mes côtés perdit connaissance et je ne pus même pas pousser un juron à haute voix sous peine de m’asphyxier davantage. Je n’avais pas trouvé la personne la plus légère qui soit, alors je la gardais sous mon bras tout en tentant de la tirer jusqu’à des nuages de fumée plus épais. J’espérais juste que quelqu’un nous verrait, car crier n’était actuellement pas possible.

L'explosion partait en chaîne, et d'autres chars implosèrent à la suite du premier assaut. Les sirènes de pompiers retentirent tandis que les policiers présents faisaient reculer les personnes trop curieuses. Une barrière de sécurité se créa alors entre les chars et la population, uniquement dans le but de protéger cette dernière des possibles éclats restants.

Peu l'avaient deviné, semblant songer à une défaillance technique, mais la Nouvelle Orléans venait d'être atteinte par son premier attentat. Une moue joyeuse s'installa sur le visage de Belaam tandis qu'il s'avançait parmi le chaos qu'il avait créé. Détruire le Carnaval si précieux de la Nouvelle Orléans n'était qu'une première étape. Parce qu'il comptait tout simplement détruire la ville.

Un sourire mauvais anima les traits de l'esprit alors qu'il s'approchait du cordon établi par les policiers. Un rire léger, quasiment inaudible retentit à l'oreille de l'un d'entre eux avant que celui-ci ne soit violemment tiré en arrière et jeté dans les flammes. Aux yeux de tous, cela passait pour une banale chute. Enfin aux yeux de presque tous.

Spoiler:

Le don de médium de Drake était trop "refoulé" pour qu'il puisse comprendre que cette explosion était l'oeuvre d'un esprit. Pour lui, tout ça était nouveau, il n'avait pas le contrôle de ce "pouvoir" étrange qu'il refusait d'avoir d'ailleurs. Pour lui ce n'était qu'une malédiction, alors il valait mieux pour le moment, qu'il ne voit pas le fameux esprit au risque de sombrer dans le chaos. Il se contenta de sauver les deux jeunes femmes qui étaient avec lui. Avant de rejoindre ses collègues, ils voulaient les savoir en sécurité. La demoiselle qui était tombée à leur pied demanda au pompier s'il connaissait Hayel. Bien sûr que oui, c'était un collègue. D'après elle, il était ici et elle ne voulait pas partir sans lui. "Je vous promets de le retrouver, mais avant je vous sors d'ici. Il est peut-être en train d'aider les autres. Avant tout, il aimerait vous savoir en sécurité !" Sans même lui laisser le choix que ce soit à elle ou à Pearl, il les traina dans la petite ruelle à l'abri de la pagaille."Sortez de l'autre côté de la ruelle. Pearl, je peux te demander de t'occuper d'elle. Je vais voir ce que je peux faire." Il se tourna vers l'autre jeune femme dont il ignorait le nom et lui dit "Je vais trouver Hayel, d'accord !" Sans même attendre sa réponse, il retourna vers la foule pour retrouver son collègue. Par moment, il aidait des gens qui étaient tombés à terre à se relever. Près de l'endroit de l'explosion, là où la fumée était dense, il crut voir une forme. Drake était peut-être fou, mais il y alla et découvrit son ami Hayel trainant le corps inerte de quelqu'un. Il se passa de commentaire et se mit à l'aider pour les sortir de là.

La vue du spectre me paralyse. Il se marre bien, l'enfoiré, en faisant tomber de temps en temps certaines personnes. La panique est trop élevée pour que les gens fassent attention aux autres, elles se font donc marcher dessus. Un peu plus loin, le feu se propage et la fumée commence à polluer jusqu'ici. La voix du pompier me sort de ma torpeur. Je tourne alors mon regard vers lui, prête à le contredire, mais il nous entraine à nouveau et je ne m'y oppose pas. L'esprit est bien trop proche à mon goût. Nous arrivons à l'embouchure d'une ruelle adjacente, là où il fait un peu plus calme.

"J'ai pas besoin qu'on s'occupe de moi !"

Je m'indigne, comme un enfant à qui on rappelle qu'il n'est pas en âge de regarder un film d'horreur. Je n'ai rien contre la bonne femme mais je ne la connais pas. Je me tais soudain et hoche la tête en réponse à sa promesse de retrouver Hayel.

"D'accord..."

Mais il est déjà parti. Quelqu'un me bouscule pour fuir par la ruelle, je grogne, regarde autour de moi. Je déglutis. Un autre esprit. Qui croise mon regard. Brusquement, j'attrape la nana par la manche et me met à courir pour sortir de l'autre côté de la petite rue comme nous l'a dit le pompier.

"Faut qu'on dégage vite !"