4 septembre 2005

Partout dans le cimetière avaient fleuri des nouvelles tombes. Le gazon qui s’étendait naguère verdoyant à perte de vue se retrouvait à présent découpé et morcelé par des délimitations de terre fraîchement retournée, là où de nouveaux corps étaient revenus à la poussière. Le spectacle était saisissant mais le pire était de se dire que le terrain allait encore être mis à rude épreuve le temps que le retour à la normale se fasse. Les disparus n’avaient pas tous été retrouvés. Certains pourraient revenir si la chance leur souriait, d’autres retourneraient en ville pour rejoindre leurs parents dans les caveaux familiaux de St Louis et d’autres encor pourraient s’estimer heureux de s’en être sorti, tout simplement et de ne pas laisser de proches pour les pleurer.

Octavia ne venait pas pleurer de proches disparus durant Katrina. Elle avait déjà donné durant la tempête Andrew, treize ans plus tôt, lorsqu’elle avait perdu sa mère. Dieu merci, toute sa famille avait largement eut le temps de se mettre à l’abri avant que l’ouragan ne s’abatte véritablement sur la ville. Quant à elle, si elle avait survécu à Katrina en parvenant à se frayer un chemin pendant l’accalmie, elle n’était pourtant pas certaine d’en être ressortie parfaitement indemne. Depuis presque une semaine maintenant, la jeune femme ne parvenait pas à fermer les yeux. Elle n’y arrivait pas parce qu’à chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle se revoyait en train de courir les rues pendant la tempête, essayant de rallier le stade puis elle réentendait cette voix venue d’outre-tombe qui hurlait son prénom, et qui ressemblait désespérément à celle de sa mère.

Son esprit rationnel était en surchauffe. Bien sûr, une partie d’elle, la partie logique et sensée de sa personne, savait pertinemment que ça ne pouvait pas être vraiment la voix de sa mère et essayait de se trouver des arguments plausibles pour expliquer ce phénomène, pensant au vent qui rugissait ou à la fatigue. Mais une autre partie d’elle voulait y croire, et avec cette fois venait la peur de l’inconnu. Une peur qui la prenait à la gorge pour ne plus la lâcher et qui lui filait des insomnies.

C’était d’ailleurs en partie pour cela qu’elle se retrouvait à présent dans le cimetière de St Louis, un bouquet de fleur à la main, marchant à reculons vers la tombe de sa mère. Elle ne savait pas trop à quoi s’attendre mais elle avait senti qu’elle avait besoin, au plus profond d’elle-même de venir pour voir. Quant à savoir à quoi elle s’attendait… un terrain vide, terre retournée, une main sortant de la tombe pour saisir son poignet… Octavia s’était déjà rejoué toutes les pires scènes des plus grands films d’horreur dans sa tête mais s’il y avait bien une chose à laquelle elle ne s’attendait pas, c’était bien à celle de voir une gerbe de fleurs fraîches décorer la dernière maison d’Adrienne Ryers.

Fronçant les sourcils, la jeune femme accélera le pas pour se pencher au-dessus et saisir les quelques fleurs avec la douceur d’un démineur. Un petit bruit la fit sursauter et elle se redressa d’un bond, comme monté sur un ressort, pour faire face à jeune homme qui était à peine plus âgé qu’elle. Elle le dévisagea un instant, observant ses yeux qui semblaient emplis de chagrin avant de passer à la tombe – fraîche – voisine à celle de sa mère. Un bouquet, plus épais, des mêmes fleurs y était adossé. Une boule se forma dans sa gorge et elle lutta un instant avec elle-même en sentant ses yeux qui commençaient à s’humidifier.

« C’est vous qui avez posé ça là ? »

Demanda t-elle, la voix enrouée comme une personne atteinte d’un rhume carabiné en présentant les fleurs qu’elle avait ramassé quelques instants plus tôt.

La nature est parfois autant injuste et cruelle qu'elle peut être belle et incroyable. C'est justement ce qu'il s'est passé auparavant et dernièrement. Un ouragan c'est une nouvelle fois abattu dans le coin causant de terrible dégâts, mais aussi des morts. Drake et sa famille avait toujours eu de la chance jusque-là, échappant au pire et n'ayant que des dégâts matériel. Voir sa maison à moitié détruite voir complétement est certes terrible. Mais ça l'est beaucoup moins que la mort d'un être cher. La mère du jeune pompier faisait partie des victimes de la tempête. Son corps avait été retrouvé sous les décombres de sa maison. Le quartier entier avait presque été détruit par la force des vents. Survivre à l'effondrement de sa maison était quasiment impossible. Le jeune homme en vient encore à se demander pourquoi sa mère n'avait pas écouté les consignes de sécurité et quitté la ville ou rejoins l'un des lieux sûrs. C'était peut-être à cause de ça trop grande confiance en dieu. Elle devait s'imaginer que ce dernier allait l'épargner dans sa miséricorde. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Son corps n'a été découvert que quatre jours plus tard alors qu'une équipe de recherche fouillait encore les décombres des maisons. Pour les McLeod se fut une nouvelle terrible.

En ce 4 Septembre 2005, les enterrements sont nombreux et tout le monde vient rendre un dernier hommage aux défunts disparus. La cérémonie avait été très belle et surtout rempli d'émotion. Beaucoup de personnes étaient venus témoigner devant les autres pour énoncer quelques mots en l'honneur des disparus. Chaque parole était un véritable déchirement et les larmes ne cessaient de couler dans l'assemblée abattue de tristesse. La société kleenex a d'ailleurs dû voir son chiffre d'affaire augmenter ce jour-là.

Une fois la cérémonie terminée, Drake était parti dans son coin laissant les autres discuter entre eux pour évoquer des souvenirs. Quelques personne avaient fait comme lui et se retrouvaient dans les allées du cimetière pour se recueillir devant la tombe d'un ami ou d'un parent. Le pompier se retrouva devant la sépulture de sa mère. Une pierre carré à l'allure de marbre recouvrait les sols ou le nom de la défunte était gravé dedans et dorée. D'ici quelques mois, elle n'aura plus son allure luxuriante et sera terni, recouverte de mousse par endroit et de feuille morte. Un soupire lui échappa à cette pensée. Il finit par déposer le bouquet de fleur sur la tombe et regarda la stèle juste à côté. Celle-ci lui sembla plus triste que celle de sa mère, elle n'avait pas de fleur et il s'imagina clairement sa mère en train de lui demander gentiment de déposer quelques fleurs dessus. En voyant à présent les quelques fleurs pour égayer la tombe, il se sentait mieux. Un peu après, une femme arriva, mais il ne fit pas tout de suite attention à elle. Son téléphone avait sonné juste avant, c'était un collègue de boulot qui voulait prendre de ces nouvelles. Ce n'est quand se retournant vers la tombe qu'il remarqua la demoiselle, qui se tourna d'ailleurs vers lui. Elle voulait savoir si c'était lui qui avait déposé les fleurs. "Oui, c'est bien moi. J'avais un gros bouquet et je suis certain que ma mère aurait aimé le partager," confia-t-il avec une petite boule dans la gorge. Parler de sa mère au passé c'était plus dur qu'il ne le pensait. A présent, il commençait à comprendre et réaliser qu'il ne pourra plus jamais la voir. "J'espère que ça ne vous dérange pas ?" demanda-t-il en se rendant compte que c'était une question tout à fait idiote. Même s'il ne connaissait pas la personne enterrée juste à coté de sa mère, s'il en avait envie, il avait le droit de déposer des fleurs.

Apparemment, Valerie ne s’était pas trompée, le jeune homme à peine plus âgé qu’elle semblait bien être à l’origine de ces quelques fleurs qui décoraient à présent la tombe de sa mère. Soudain, sans comprendre pourquoi, sa gorge se serra et elle sentit ses yeux commencer à la piquer un peu.

« Merci »

Souffla t-elle du bout des lèvres. Elle baissa les yeux sur le bouquet qu’elle avait elle-même apporté et en tira quelques fleurs, comme lui l’avait fait alors qu’il ne la connaissait ni elle ni sa mère pour les lui tendre sans un sourire et sans le regarder. Vu la terre fraiche qui maculait le pourtour de la dernière maison de celle qui devait être sa mère, Valerie en conclut que son décès ne devait qu’être très récent. Elle se souvenait de la douleur, exacerbée au plus haut point vu le jeune âge auquel elle avait perdu sa mère. Est-ce que le fait d’être plus âgé, de grandir, rendait la tâche plus facile à surmonter ? Ça, elle ne le savait pas, et elle n’allait certainement pas lui demander de lui décrire en détail ce que ça faisait de ressentir quelque chose pareil. Ce n’aurait pas été juste surtout qu’il avait aussi l’air d’être encore affecté par la perte de cette personne chère, si on en jugeait par sa voix rauque, comme obstruée. Semblable à celle de Valerie. La douleur devait être si fraiche, si présente. Elle s’humecta les lèvres avant de se lancer.

« Tenez, prenez-en des miennes. En remerciement. »

C’était un simple échange de bons procédés, mais elle avait vraiment l’impression de se mouvoir au ralenti, comme si elle était prise dans une boule d’ouate, et dire qu’elle croyait avoir fait son deuil, et bien non, ce n’était définitivement pas le cas du tout. Du tout.

À sa seconde question, elle secoua la tête. Bien sur que non ça ne la dérangeait pas, comment est-ce que ça aurait pu ? Et de toute façon, il ne lui appartenait pas de lui dire comment il devait gérer ses fleurs, comment il devait s’en servir, quoi en faire. Et ça, Valerie se doutait fortement qu’il soit parfaitement au courant. De quoi aurait-elle eu l’air si jamais elle s’était mise à craquer, se mettant soudainement à hurler contre lui comme une espèce de cinglée qui ne se sent plus, lui disant qu’il ne lui appartenait pas de fleurir toutes les tombes du cimetière et que s’il voulait vraiment voir des fleurs partout, il n’avait qu’à devenir fleuriste. Non. De toute façon, elle n’était pas en état de faire un tel esclandre.

« Non, bien sûr que non… »

Ses yeux se posèrent sur la dorure qui formait le nom et le prénom de sa mère et qui commençait à essuyer les années puis sentit la boule qui lui serrait la gorge s’épaissir encore plus et l’empêcher de respirer. La brune haleta un instant, cherchant sons souffle tandis que la voix d’outre-tombe qu’elle avait entendu se rappelait à sa mémoire et la jeune femme éclata en sanglot. Poussée par une force mystérieuse qu’elle irait regretter quelques temps plus tard, la brune s’approcha de l’inconnu et enroula ses bras autour de lui en cachant son visage inondé de larmes contre lui. Dans son esprit anéanti par le chagrin et la tension qui l’avait submergée depuis Katerina, c’était tout à fait logique, après tout, il était le seul dans les parages à potentiellement pouvoir comprendre son chagrin.

Etre dans un cimetière n'est jamais bon signe. A cet instant, Drake aimerait être à l'autre bout du monde, dans un endroit désert où il n'y a pas la moindre trace de tombe. S'il était là, c'est pour se recueillir sur les restes enterrés de sa défunte mère. Plus jamais il ne pourra lui parler, plus jamais il ne pourra l'entendre lui parler, il n'y aura plus jamais rien à présent. Elle était partie tristement lors de la tempête et rien ne pourra la ramener. C'était triste et il avait encore du mal à se faire à l'idée de ne plus jamais la voir. Avant de perdre quelqu'un, on n'imagine pas la douleur que c'est. Même une fois que c'est fait, l'esprit ne veut pas y croire, il pense encore que la personne sera là le lendemain matin avec un grand sourire. Mais non, il ne reste plus que des souvenirs, bon et mauvais de cette personne. Le jeune homme avait déposé des fleurs sur la stèle à côté sans vraiment comprendre pourquoi il le faisait. Peu importe, ça lui faisait plaisir. Il n'avait pas vu qu'une jeune femme était arrivée et remarquée les fleurs. Le pompier s'excusa presque de les avoir déposés et justifia que sa mère aurait fait la même chose. La demoiselle le remercia et il remarqua qu'elle avait l'air d'en avoir autant sur le coeur que lui. Oui, c'était un jour triste pour tout le monde. Même si elle n'avait perdu personne pendant la tempête, ça pouvait raviver de vieux souvenir.

Son regard se reporta sur la tombe de sa mère et un soupire s'échappa de sa bouche. L'inconnue lui tendit des fleurs. Oh, elle n'avait pas à se sentir obligé de le faire. Malgré tout, il accepta avec un petit hochement de tête pour la remercier. Puis il déposa les quelques fleurs juste à côté des siennes. "Merci !" C'est tout ce qu'il arriva à répondre avant de se relever. La demoiselle sembla encore plus triste et lorsqu'il vit des larmes perler sur ses joues, elle vint se blottir contre lui à la recherche de réconfort sans doute. Un peu surpris, il finit par refermer ses bras autour d'elle. Ce fut très difficile pour lui de ne pas craquer également. Oh, il avait envie de pleurer et même de s'effondrer. Hors il ne le fit pas, car s'il le faisait, il avait peur que la jeune femme soit encore plus triste. Alors, il resta fort, seules quelques larmes parvinrent à glisser sur son visage sans qu'il n'en ait le contrôle. "Je suis désolé... je ne voulais pas vous faire pleurer..." Non, il ne savait pas quoi dire pour la consoler, pour ça il faudrait déjà qu'il arrive à se consoler lui-même. De toute manière, il n'a jamais été très doué pour ce genre de choses. Il a peur d'être maladroit et de dire quelque chose qui pourrait la rendre encore plus triste. "Je peux vous raccompagner chez vous après, si vous voulez." Non, ceci n'avait rien à voir avec de la drague. C'était juste une proposition sympathique pour ne pas la laisser seul. Il ignorait si elle était venue à pied ou en voiture, mais elle avait l'air tellement triste qu'il ne voulait pas la laisser partir seule dans un moment pareil.

Si quelqu’un était venu lui demander ce qui lui avait prit soudain pour se mettre à jouer les madeleines sur un total inconnu, Valerie aurait été bien incapable de se justifier sans passer pour une vraie cinglée bonne pour l’internement immédiat à l’hôpital psychiatrique. La situation était d’autant plus étrange qu’elle n’était naturellement pas quelqu’un de tactile ni incline à verser de larmes. Le pire dans tout ça, c’était que le pauvre bougre qui passait par là se croyait responsable de cet accès de larmes alors qu’il ne l’était pas ou si peu. Bon d’accord, elle n’aurait peut-être pas été actuellement occupée à sangloter comme une perdue si elle n’était jamais venue à croiser son chemin mais Valerie ne pouvait quand même pas obliger le cimetière à fermer ses portes aux autres visiteurs à chaque fois qu’elle rendait visite à un défunt de sa famille, si ?

Non. Au moins avait-il la délicatesse de ne pas la repousser comme une pestiférée et de la consoler même s’il ne la connaissait ni d’Ève ni d’Adam et de s’excuser en plus de la faire pleurer ! Elle se sentit coupable quand il referma ses bras autour d’elle. La brune se sentit alors encore plus stupide d’avoir cédé à sa faiblesse et se mordit la lèvre pour essayer vaillamment de se reprendre. En vain. Valerie ferma les yeux d’autant plus fort qu’elle se remit à pleurer de plus belle en reserrant son étreinte autour du jeune homme. Elle se sentait nulle, pire qu’une gosse. Quelque part au fond de sa tête, une partie de sa conscience qui ne s’était pas effondrée, qui n’était pas occupée à jouer les madeleines vivantes était même un peu embarrassée et se demandait si elle n’exagérait pas un peu au fond. Ce qui était très, très loin d’être le cas. Ses larmes finirent par se tarir et elle se dégagea doucement en hoquetant pendant qu’elle se calmait.

« Je suis désolée Ce n’est pas vous, ce n’est pas de votre faute. »

Valerie tira sur la manche de son pull et sécha ses larmes avant de partir à la recherche d’un paquet de mouchoir dans ses poches pour se moucher. Elle hoqueta une dernière fois avant de finir par relever son regard clair vers le jeune inconnu qui lui aussi, elle s’en rendait compte à présent, avait laissé couler quelques larmes. La brune songea qu’elle n’aurait pas du céder aux larmes. Il se proposait même de la raccompagner chez elle. La brune resta silencieuse quelques instants à réfléchir avant d’acquiescer platement.

« Je veux bien, merci. »

Se penchant, elle déposa enfin le bouquet de fleur qu’elle avait ramené pour sa mère avant de se relever en triturant ses mains. Elle sentait qu’elle lui devait une véritable excuse pour son comportement pour le moins inapproprié et inattendu. Le seul truc, c’est qu’elle ne savait pas comment faire pour recommencer une discussion après ce petit interlude larmoyant. Elle se mordit la lèvre avant de relever les yeux vers l’inconnu.

« Je m’excuse de vous avoir pleuré dessus comme ça, je ne sais pas ce qui m’a prit… Pardon. »

Elle chercha son regard, un vague sourire embarrassé flottant sur ses lèvres pour l’affronter doucement, qu’il puisse voir qu’elle était sincère et qu’elle ne cherchait pas à faire quoi que ce soit de déplacé.

Le pompier avait l'habitude de voir des gens pleurer et dans la détresse. Son métier le confronte souvent à ce genre de situation. Pourtant, ça ne le rend pas plus doué pour consoler les gens. Au contraire, il n'a jamais réussi à être un soutien pour toutes ces personnes malheureuses qui se sont effondrés devant lui à l'annonce d'une mauvaise nouvelle. En général, ce sont toujours ses collègues qui consolent les gens en les rassurants ou les prenants dans leurs bras. Drake n'est pas vraiment doué avec ce genre de situation. Trouver les mots qu'il faut pour apaiser la peine de quelqu'un c'est simplement trop difficile. Parce que vous pensez vraiment que des mots pourront vous faire oublier la mort d'un être cher ? Non, ça ne fera rien, ça parait plus hypocrite qu'autre chose. C'est peut-être bizarre de dire ça, mais à présent que sa mère est morte c'est ce qu'il pense. Aucune parole gentille qu'on a pu lui dire ne lui a fait du bien, ça fait juste toujours plus de mal. Alors avoir la demoiselle en train de pleurer dans ses bras ne le rendait pas très à l'aise. Il se contenta de l'étreindre en espérant que ça puisse la réconforter plus que des paroles inutiles. Après quelques minutes, elle finit par sécher ces larmes et se reculer un peu tout en s'excusant. Elle n'avait pas à le faire, elle n'avait rien fait de mal. "Oh... ce n'est pas grave."

Plutôt que de rester là à se regarder dans le blanc des yeux, il proposa de reconduire la jeune femme chez elle. Il préférait largement faire ça et s'assurer qu'elle soit bien chez elle que de trouver des mots pour la réconforter qui ne serviront à rien. Après réflexion, elle accepta l'offre de Drake. Il lui laissa tout de même le temps de se ressaisir et de déposer les fleurs sur la tombe. De toute manière, il n'était pas pressé. Il avait le reste de sa journée libre et il n'allait pas en faire grand-chose en ce jour de deuil. Il se retrouvera sans doute chez lui avec sa sœur certainement effondré de tristesse à ressasser de vieux souvenir de leur mère. L'idée n'était pas des plus plaisantes. Peut-être parce qu'il n'avait pas envie d'être envahie de nouveau par l'envie de pleurer. C'était bien assez difficile comme ça. Il voudrait faire toute autre chose histoire de se changer les idées et surtout de ne pas penser à tout ça. "Vous n'avez pas besoin de vous excuser. Vous n'avez rien fait de mal !" là rassura-t-il. McLeod ne voulait pas qu'elle se sente coupable de ça. Une fois qu'elle fut prête à partir, ils commencèrent à marcher doucement en direction de la sortie. Le silence était pesant, il ne savait pas quoi dire et c'était justement ce genre de moment qu'il détestait. "Vous allez faire quoi ? Enfin, je veux dire, une fois que vous serez chez vous.... Qu'est-ce que vous allez faire ?" finit-il par dire pour rompre le silence. "Je...j'ignore ce que je vais faire. J'ai juste peur de tourner en rond en pensant à ma mère. En fait, je crois que j'ai envie de faire quelque chose de complètement fou aujourd'hui pour que la journée soit moins triste." La jeune femme s'en fichait surement et elle allait le prendre pour un fou ou un parfait connard. Mais vous savez chacun gère le deuil à sa manière et lui, il n'avait pas envie de s'effondrer dans un canapé avec un paquet de mouchoir. "Je crois que je vais aller loin d'ici. Le plus loin possible et trouver un coin calme, peut être un lac, ou une simple ballade en montagne jusqu'à ce que cette journée soit enfin terminée." Oui, c'était peut-être pas si fou que ça, mais il aura tout le loisir de trouver d'autres idées en chemin. "Vous voulez venir ?" demanda-t-il soudainement. Pourquoi ne pas partager cette journée avec quelqu'un se trouvant plus ou moins dans le même état d'esprit que lui.

C’était pourtant bien l’impression qu’elle avait. De faire quelque chose de mal tout simplement parce qu’elle avait craqué, qu’elle avait laissé court à sa détresse. Chez elle, ils étaient très ouverts mais entre eux seulement et depuis que sa mère était morte, cette propension avait tendance à disparaître dans leur foyer alors autant dire tout de suite que craquer devant un inconnu lui semblait être très déplacé. Seulement son inconnu paraissait au moins autant embarrassé qu’elle-même s’il lui assurait qu’elle n’avait pas besoin de s’excuser. Valerie acquiesça doucement et le suivit vers la sortie du cimetière en marchant tout doucement quand il posa une nouvelle question qui la laissa sans mots. À dire vrai, elle ne savait pas vraiment ce qu’elle allait faire en rentrant, elle n’en avait pas la moindre idée et à tous les coups, elle allait finir par tourner en rond en se ressassant encore et encore ce qui c’était passé durant Katrina. Ce n’était peut-être pas la meilleure chose à faire mais c’était tout ce qu’elle voyait de possible à faire. Elle haussa un peu les épaules et le laissa continuer, se rendant ainsi compte que lui non plus n’avait pas la moindre fichue idée de ce qu’il allait faire dès qu’il serait rentré.

Il n’avait qu’une vague envie, faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire, qui le change de d’habitude pour pouvoir le sortir un peu de son chagrin. Valerie le comprenait parfaitement, elle aussi aurait aimé pouvoir faire ça, mais ce n’était tout simplement pas le genre de chose qu’elle avait l’habitude de faire. Elle ne savait pas si elle aurait été capable de faire quelque chose de pareil et elle se mit à rêvasser à l’endroit qu’il décrivait comme celui où il voulait aller, songeant qu’elle aussi aurait bien aimé pouvoir s’offrir une petite virée à l’air pur, loin d’ici puis la réalité lui retomba dessus comme une grosse pierre en songeant qu’elle ne pouvait pas quitter la Nouvelle Orléans comme ça.

« Ça à l’air sympa comme plan. »

Fit-elle remarquer à haute voix en baissant la tête sur ses chaussures, se contentant de regarder les brins d’herbes qu’elle dépassait un pas après l’autre. Oui, un lac ou une balade à la montage, ça avait l’air super bien comme idée, très reposante, très… paisible. Il faisait beau en ce jour de septembre et elle pouvait très bien s’imaginer s’allonger sur le rivage du lac bercée par le doux ressac de l’eau à peine agitée pendant qu’elle laissait les rayons du soleil réchauffer son visage. Valerie leva les yeux en l’entendant lui proposer de venir avec lui. Sérieusement ? Il la connaissait à peine et voulait pourtant qu’elle l’accompagne ? C’était… inattendu et pourtant…

« Bien sûr. »

S’entendit-elle répondre sans même y réfléchir plus d’une seconde. Il voulait faire quelque chose d’insensé et en cette occasion et c’était peut-être bien la meilleure chose à faire pour sortir de là. Valerie se surprit elle-même mais sa décision était prise. Elle l’accompagna jusqu’à la sortie du cimetière puis jusqu’au parking où elle le suivit à sa voiture.

« Si vous n’avez pas d’idée précise en tête, est-ce que vous pourriez juste conduire ? Je paierais l’essence, bien sûr mais… je veux juste m’éloigner d’ici en attendant. »

Demanda t-elle en se postant près de la voiture. Valerie, ou Octavia comme elle s’appelait encore à l’époque, réalisa qu’elle ne lui toujours pas demandé son prénom mais étrangement, elle ne ressentait pas le besoin de lui demander. Elle était très bien comme ça.

Drake ne voulant pas se morfondre davantage, il avait bien l'intention de faire ce qu'il avait dit. Partir loin de la ville et ne pas retourner s'enfermer dans sa maison penché sur de vieux album photo tout en ressassant un passé autrefois si joyeux, mais en ce jour de deuil si triste. La jeune femme étant dans la même situation que lui, il n'hésita pas à lui proposer de venir. Le dicton le dit bien non, plus on est de fou, plus on rit. Oh, ils n'allaient surement pas, mais juste s'évader de leur tristesse, ce qui est déjà pas mal. Elle accepta et il lui fit un petit sourire et la conduisit jusqu'à son véhicule. C'était un vieux Land Rover qui n'était plus d'époque depuis beaucoup d'années. La technologie était dépassée. L'ouverture des portes n'étaient pas centralisées ce qui obligeant le pompier à déverrouiller la porte passager ainsi que la sienne. Les fenêtres quant à elles n'étaient même pas électriques, pour les ouvrir il fallait mouliner à l'ancienne. Oui, sa voiture était assez old school, mais l'avantage c'était qu'elle roulait et tenait le choc. En bon petit 4x4 tout terrain, il avait de bons amortisseurs, des sièges qui étaient confortables et un autoradio pour ne jamais s'ennuyer et chanter à tue-tête. Que demander de plus ? Le jeune homme s'installa derrière son volant pendant que sa passagère faisait de même à côté de lui. Elle ajouta même que s'il n'avait pas d'idée sur le lieu de leur destination, il pouvait simplement ce contenter de rouler. Elle ajouta qu'elle était prête à payer l'essence s'il le faut, mais elle n'avait pas à faire ça, c'est lui qui venait de l'embarquer dans sa folle idée. "Ne vous inquiétez pas pour ça !" murmura-t-il avant de démarrer son véhicule.

Voilà le duo partie sur les routes. Petit à petit, il quittait la Nouvelle-Orléans en direction de l'Alabama. Pour le moment, il se dirigeait vers Mobile, une ville plutôt grande et juste à côté d'une grande zone de marécage. Il leur faudra bien deux heures trente de route pour y arriver. Mais Drake avait bien envie d'aller encore plus loin. Pourquoi ne pas filer vers la Floride ? Certes, la route était très longue, environ plus de sept heures, mais ils peuvent très bien s'arrêter ailleurs en chemin. C'est l'aventure qui les attends et du moment qu'il ne pense pas au défunt... "Et si on roulait en direction de la Floride ? On pourrait avoir plus de sept cents kilomètres pour nous séparer d'ici." Ça lui semblait une bonne idée, il avait même envie de trouver une plage et de s'y asseoir et pourquoi pas tenter un petit bain de minuit même si l'eau n'est pas super chaude. Oui, ça peut être la folie qu'il cherche. Et pour trouver une jolie plage, il n'est pas obligé d'aller jusqu'en Floride, Panama City a de très jolie plage à ce qu'il parait. Peu importe, partir en direction de l'eau semble une idée cool. "Une jolie plage et de l'eau turquoise, ça vous dit ?"

Elle le laissa mettre le plus de distance entre eux et le cimetière en gardant le silence, le regard rivé sur l’horizon qui s’effaçait peu à peu. Quoi qu’il dise, Valerie comptait bien prendre part à ce petit voyage financièrement parlant d’une manière ou d’une autre même si, à l’époque, du haut de ses dix-neuf ans, elle ne roulait pas particulièrement sur l’or. Elle ne trouvait pas ça très juste mais ne répondit rien du tout, se contentant juste d’acquiescer platement du menton avant de reprendre sa contemplation du monde de l’extérieur qui continuait malgré tout de tourner comme parfaitement ignorant et insensible au chagrin de ces deux personnes. La jeune femme avait depuis longtemps appris que ce n’était pas parce que son monde s’effondrait qu’il en allait de même avec celui des autres. La vie continuait, tout continuait et il fallait juste continuer avec.

L’air était lourd dans le petit habitacle. Le mois de septembre, malgré Katrina passé, était chaud et lourd et la température risquait fortement de monter encore dès qu’ils commenceraient à monter vers les marécages et les bayous de Mobile. Valerie posa son coude sur le rebord de la portière et glissa son front contre la fenêtre fraiche en restant silencieuse pendant un petit moment. Et pendant ce temps, ils roulèrent sans rien dire l’un comme l’autre jusqu’à ce que l’autre homme finisse par prendre la parole pour lui proposer d’aller jusqu’en Floride. La brune resta silencieuse quelques secondes avant d’hocher du bonnet.

Pas un instant elle avait pensé à aller aussi loin mais étrangement, elle ne redoutait pas de s’éloigner de sa ville et donc de toutes les personnes qui comptaient pour elle avec un parfait étranger. C’était comme si elle sentait que c’était le mal nécessaire pour pouvoir laisser derrière elle cet horrible sentiment de vide et de chagrin qui la rongeait de l’intérieur et puis, la Floride la changerait probablement de la Nouvelle-Orléans. Une belle plage telle qu’il la décrivait serait surement le meilleur endroit pour se détendre et oublier son chagrin.

« Oui, ça me dit. »

S’entendit-elle répondre avant de retourner la tête en direction du paysage. Elle se contorsionna un peu pour retirer sa veste et former une boule qu’elle glissa entre elle et la fenêtre avant de s’abandonner au paysage dont la contemplation qui finalement termina par l’entraîner dans les bras de Morphée.

***

Quelques temps plus tard, Valerie se réveilla en sursaut et mit un petit moment avant de se rappeler comment elle avait atterri dans une voiture qu’elle ne connaissait pas. La jeune femme se redressa un peu sur son siège avant d’être prise d’une irrésistible envie de s’étirer et s’y abandonna avant de retourner le visage vers le jeune homme. Elle se sentait un peu mieux à présent, dormir lui avait fait le plus grand bien et le paysage avait changé, différant avec celui des environs de NOLA. La brune passa une main sur ses yeux avant de reprendre contenance.

« Où sommes nous ? »

Demanda t-elle d’une petite voix en se retournant complètement vers lui. Elle ne savait vraiment pas combien de temps avait duré son sommeil mais les sept heures qui séparaient la Nouvelle-Orléans de la frontière de la Floride ne s’étaient probablement pas déjà écoulées même si le soleil avait déjà entamé sa course dans le ciel.

« Est-ce que vous voulez vous arrêtez ? Ou que je prenne la relève ? »

En route vers l'inconnu, Drake tenta de réfléchir un bon moment où ils allaient pouvoir aller. Au début, il ne pensait pas aller plus loin que Mobile, mais finalement c'était une ville qui restait bien trop proche de la Nouvelle-Orléans. Le but de cette escapade n'était-elle pas de jouer la carte de la folie et de partir loin, très loin sans en avoir averti quiconque. Justement, c'était le cas, alors il fallait être fou et partir encore plus loin. Plus il roulait, plus il se disait que la journée risquait de se prolonger en week-end. C'est bien beau de partir loin, mais les kilomètres et les heures de route qui les séparent de chez eux sont bel et bien là. De toute manière, aucun des deux n'avaient vraiment pas la tête à réfléchir aux conséquences d'un si long voyage. La jeune femme était d'accord pour partir loin, même jusqu'en Floride, alors autant garder ce petit grain de folie et y aller jusqu'au bout. Pendant un moment, il se dit que la Floride était peut-être une destination un peu trop exagéré et que Panama City pourrait faire l'affaire. Hors en passant à travers la ville, il n'eut pas le gout de s'arrêter. Celle-ci lui semblait encore trop proche de sa tristesse.

La jeune femme s'était endormi, alors il alluma la radio pas trop fort histoire d'avoir un léger bruit de fond et écouta une radio de musique country. Ce n'était pas son genre de musique favorite, mais aujourd'hui, elle semblait de circonstance. Cela faisait un peu plus de huit heures qu'il filait sur les routes quand sa voiture ralentit à Fernandina Beach en Floride. Oui, il l'avait fait ! Le jeune homme avait roulé jusqu'en Floride et se trouvait à présent sur la côte Est du pays. La jeune femme sortie de son sommeille pour demander où il se trouvait. Drake stoppa la voiture sur un parking où un panneau non loin de celui-ci indiquait le nom de la ville. "Nous sommes en Floride depuis plusieurs heures. On vient de faire environ 900 kilomètres." La route avait été longue, mais tellement nécessaire pour eux deux. La jeune femme demanda s'il voulait s'arrêter ce qui était à présent le cas vu que la voiture était garée. Se dégourdir les jambes en ville semblait une bonne idée. "On peut laisser la voiture ici et trouver un endroit où manger ?" proposa le jeune homme en attrapant sa veste. Sans plus attendre, il sortit de la voiture et fut bien content de détendre un peu ses jambes en faisant quelques pas vers la portière de sa passagère qu'il ouvrit tel un gentleman. L'air avait cette odeur si particulière du bord de l'Océan. Le vent était frais et avait un petit côté rafraichissant. Finalement, il avait bien fait de venir jusque ici. La Floride changeait pas mal de la Nouvelle-Orléans. La ville n'avait pas du tout la même architecture ce qui lui donna l'impression d'être un peu dépaysé. "Qu'est-ce que vous avez envie de manger ? Je serai bien tenté par de l'alligator, j'ai entendu dire que c'était une spécialité de la Floride." Pour le moment, manger un crocodile semble être la première chose folle qu'il pourrait faire. Mais il pourrait tout aussi bien se contenter d'un Fish & chips s'il ne trouve pas un restaurant qui en cuisine. Sa tristesse se ressentait beaucoup moins à présent qu'il était ici et il n'avait vraiment pas envie d'y penser. Les presque neuves heures de route lui avait suffi à ressasser les évènements passés.

En l’entendant dire qu’ils étaient déjà arrivés en Floride, qu’ils avaient déjà avalés les neuf cent kilomètres qui séparaient la Nouvelle-Orléans de la Floride, la jeune femme se redressa en ressentant un pic d’angoisse la saisir. Elle avait dû dormir des heures et le pauvre avait dû se taper tout le trajet en silence alors qu’il lui avait si gentiment proposé de l’amener avec lui dans son échappée de la réalité. Toutes ces nuits d’insomnies avaient dû finir par reprendre leur droit sur son sommeil.

Une fois ce détail appris et accepté, Valerie se laissa retomber doucement dans son siège en se passant une main dans les cheveux en regardant autour d’elle pour reconnaître un parking et un panneau planté pas loin lui apprit qu’il se trouvait sur le bord de l’océan Atlantique. Il était trop tard pour qu’elle se propose de le remplacer au volant, qu’il ait lui aussi le droit d’essayer de fermer un peu les yeux, vu qu’ils étaient déjà arrivés et il lui proposa d’abandonner la voiture pour aller se trouver un endroit où manger. Son estomac gronda comme pour lui accorder que son idée relevait du génie dans une situation pareille. Elle acquiesça mais se retrouva face au dos de l’homme qui était déjà sorti de sa voiture et qui venait faire le tour pour lui ouvrir sa portière.

« Merci »

Dit-elle alors qu’il refermait la portière. Sa veste froissée de lui avoir servi d’oreiller en main, Valerie descendit à son tour de l’habitacle surchauffé, elle sentit une irrépressible envie de s’étirer s’emparer d’elle et elle se laissa faire avant de se mettre à trembler sous le vent frais de la côté Est. Puis elle arracha l’élastique qui ne retenait plus grand chose d’autre qu’un immense nid de pieds et glissa ses doigts dans ses cheveux comme un peigne pour essayer de les arranger un peu avant de se refaire une queue de cheval. Le vent était frais mais extrêmement lourd malgré l’arrivée du mois de septembre, épais et en plus, il paraissait chargé de cendres, mais étrangement ce n’était pas plus mal, ça donnait un air sauvage et inconnu à l’endroit où ils étaient arrivés.

Valerie attacha les manches de sa veste autour de sa taille en croisant les bras sur sa poitrine tout en le suivant tranquillement. Elle avait oublié que l’alligator était un peu le plat typique de la région mais même si elle avait faim, elle n’était certaine d’avoir de la place pour un bout de carne à écailles, que ce soit un plat typique ou non d’ailleurs. Elle avait la gorge serrée et n’était pas certaine d’avoir la force de faire quelque chose de particulièrement innovant. Un seul acte de folie par journée suffisait amplement. S’enfuir avec un total inconnu suffisait largement.

« Oui, c’est aussi ce que j’ai entendu dire. »

Répondit-elle en regardant autour d’elle. S’il voulait en manger, elle n’allait certainement pas l’en empêcher, et même au contraire. Elle suivit la route en laissant derrière eux le parking pour finir par atterrir sur une artère annexe où il y avait du monde, des tas de gens insouciants qui continuaient leurs vies tranquilles. Elle marcha en silence quelques instants avant de s’arrêter devant le premier restaurant qu’ils trouvèrent. Elle jeta un raide coup d’œil à la carte et nota qu’ils avaient de l’alligator et d’autres plats, la brune tourna alors le regard vers le jeune homme.

« Ici, ils ont de l’alligator en tout cas. Vous voulez y mangez ? »

Proposa t-elle avant de se laisser tomber sur une des tables en terrasse tout en prenant tranquillement ses aises, trouvant encore la foi de se sentir fatiguée même après avoir dormir pendant tout le trajet.

Être loin de chez lui n'était finalement pas une mauvaise idée. Au moins ici, il n'y avait rien pour lui rappeler les dégâts qu'avait fait l'ouragan. De même, il n'allait pas croiser des visages pleins de tristesses. Ici tout était différent. Aucun bâtiment n'était abimé ou recouvert de bâche pour des tuiles arrachés ou pire encore. Les gens semblaient tous joyeux avec des sourires sincères. C'était l'endroit rêvé pour ne pas penser à la mort de toutes ces personnes. Les neuf heures de route l'avaient un peu fatigué et il n'avait fait qu'un seul arrêt à une station-service pour remettre de l'essence, faire un tour aux toilettes et se reposer une petite trentaine de minutes. En soit, sur la totalité du trajet c'était très peu. Drake va surement bien dormir cette nuit avec la fatigue qu'il vient d'accumuler bien qu'il ne la ressente pas.

Au côté de la jeune femme dont il ignore le nom, il marcha dans les rues à la recherche d'un endroit où manger. C'est fou, mais à aucun moment il n'avait pensé lui demander son prénom. Ceci ne le dérangeait pas. Les choses c'étaient faites de manière tellement naturelle et surtout imprévu qu'il n'avait pas pris le temps de poser la question. Peut-être la posera-t'il plus tard, une fois qu'il aura le ventre plein. La demoiselle s'arrêta devant une carte et il en fit de même. Comme elle venait si bien de le remarquer, le petit restaurant se trouvant devant eux servait justement de l'alligator. Un rapide coup d'oeil lui permit de trouver le lieu sympathique, il n'était donc pas nécessaire de courir à la recherche d'un autre coin ou manger. Sans plus attendre, il fit comme sa compagne de voyage et prit place à table. Un serveur assez jeune, à peine âgée d'une vingtaine d'année ne tarda pas à leur apporter une carte tout en leur souhaitant la bienvenue avec un grand sourire. D'un simple hochement de tête, il le remercia et ouvrit silencieusement le menu. Ne voulant pas trop faire la fine bouche, il regarda directement les plats à base d'alligator et en choisi un totalement au hasard. Tant qu'à rester dans un vent de folie, autant le faire jusqu'au bout, n'est-ce pas. Son choix fait, il posa la carte sur la table en attendant le retour du serveur. "Vous avez fait votre choix ?" demanda-t-il par curiosité et pour faire un peu la conversation. Voilà que le jeunot ne tarda pas à revenir à la table pour prendre leur commande. Drake lui donna l'intitulé du plat qu'il désirait le tout avec un verre de Sprite histoire de boire quelque chose. La jeune femme expliqua également ce qu'elle désirait avant que le serveur parte en cuisine donner la commande. "On ne l'a pas encore fait, mais je suppose que ça peut être le bon endroit pour le faire. Je m'appelle Drake." Autant attaquer les présentations et engager la conversation, ceci permettra aussi de penser à autre chose qu'à ce début de journée qui n'a pas été très fort pour eux deux. "Je veux pas paraitre indiscret, mais vous faites quel genre de job ?" Il faut bien commencer la conversation quelque part. Ok, il commençait de manière vraiment très, voir trop classique. A aucun moment, nous n'avons dit qu'il serait original. Et puis, il avait fait déjà assez fort en décidant de partir à l'aventure comme ça sur un coup de tête avec une parfaite inconnue.

À la proposition qu’elle fit pour s’arrêter manger dans le premier restaurant qu’ils trouvèrent, le jeune homme n’opposa pas la moindre opposition et la suivit à l’intérieur. Peut-être qu’il y aurait pu avoir d’autres établissements plus loin sur le boulevard, des peut-être même mieux, mais la brune ne pouvait pas imaginer qu’on puisse vouloir piétiner une demi-heure dans une artère envahie par les gens décidés à profiter du temps doux après avoir fait près de neuf heures de route. Le jeune homme qui l’accompagnait devait en avoir plein les pattes et être avide d’enfin pouvoir se poser un peu après ce long voyage. Pour ce qui était d’elle, Octavia se sentait plus calme et sereine après avoir dormi pendant tout ce temps. Comme reposée.

La jeune femme s’installa à une table en face de son compagnon de route et resta silencieuse quelques temps jusqu’à ce qu’un serveur qui était à peine plus âgé qu’eux ne vienne leur donner la carte du restaurant. L’alligator ne la tentait ni de près ni de loin et elle observa toutes les catégories de plats qu’ils proposaient. Quand le jeune homme lui demanda si elle avait fait son choix, Octavia le regarda de nouveau en se sentant rougir. Elle découvrit que son début de faim venait de se transformer en véritable fringale à la lecture des plats qui paraissaient tous plus alléchants les uns que les autres et qui la faisaient à la fois hésiter et saliver devant ce choix.

« Oui. Je vais prendre des cristophines au colombo, du ragoût de Chatou aux haricots rouges et des accras. »

Oui, rien que ça. On mangeait bien et beaucoup en général chez les Ryers. Même après le décès de sa mère pendant l’ouragan Andrew. La brune redescendit le regard sur sa carte pour se trouver quelque chose à boire et finit par se décider pour un Coca-Cola.

« Toujours décidé pour l’alligator ? »

Demanda t-elle en retour avec un petit sourire mutin qui lui paraissait assez compliqué à arborer malgré la sieste qui lui avait permis de reprendre ses esprits. Le serveur revint prendre leur commande et après avoir laissé son compagnon de route commander ce qu’il voulait manger — en constatant ainsi qu’il était bel et bien décidé pour l’alligator —la brune commanda à son tour en rendant la carte au serveur. Elle resta à regarder la table en sentant un léger silence commencer à s’installer entre eux, se demandant comment éviter qu’il se prolonge quand il finit par reprendre la parole pour se présenter. Il fallait reconnaître que c’était peut-être le bon moment pour faire les présentation. Là-dessus, il avait complètement raison. Elle le regarda avec curiosité quand il dit qu’il s’appelait Drake puis tendit sa main au-dessus de la table pour serrer la sienne comme on le faisait en bonne société.

« Je m’appelle Octavia. Octavia Ryers. »

Répondit-elle en retour en écartant son verre pour laisser de la place sur la table en voyant le serveur revenir en un temps record avec leur commande. Elle huma avec plaisir le bouquet qui émanait des plats qu’on lui mettait sous le nez et son estomac se détendit un peu en sachant pertinemment qu’il n’allait pas tarder à être rassasié. Octavia dut faire appel à toute sa volonté pour se retenir de monter les jambes en tailleur sur sa chaise comme elle avait eu tendance à le faire tout au long de son enfance. Elle releva tout de suite les yeux en l’entendant reprendre tout de suite la parole, et elle arrêta de remuer la sauce au colombo qu’elle avait commandé.

« Oh non, pas de soucis. Je suis étudiante à l’université de Huntsville, au Texas. Je suis une bi-licence en ingénierie et biochimie. Je ne suis rentrée que pour aider mon père à faire le ménage et faire les réparations nécessaires chez nous. Je repars après-demain. »

Expliqua t-elle avant de mettre un accra dans sa bouche et de le déguster avec un plaisir non dissimulé. Elle repoussa un peu l’assiette vers Drake et l’invita d’un mouvement de tête à se servir si le cœur lui disait. Elle finit sa bouchée et reprit la parole.

« Et vous ?… enfin… toi. Ce serait plus sympa de se tutoyer non ? On doit avoir le même âge, à peu près, ça me fait bizarre… Je n’ai que dix-neuf ans, je suis pas vraiment une vieille dame. »

Expliqua t-elle avec un petit sourire embarrassé.

Se poser faisait le plus grand bien. Bien qu'il soit resté assit pendant près de neuf heures de route, c'était différent d'être assit à une table sans avoir des pédales à contrôler et une route à surveiller. Là en plus, il savait qu'il allait pouvoir déguster quelques choses ce qui n'était pas négligeable car il commençait vraiment à avoir très faim. On ne dirait pas comme ça, mais faire de la route ça creuse. Drake fit assez rapidement son choix, de toute manière il savait ce qu'il voulait depuis qu'il avait décidé de venir en Floride. La jeune femme le surpris en énonçant tout ce qu'elle souhaitait dévorer. A côté d'elle, il avait l'impression d'être un petit joueur alors que c'était un homme. C'est bien connu, les hommes mangent beaucoup... là, il risque de passer pour une fillette à côté d'elle. "Eh bien, Vous avez de l'appétit !" s'étonna-t-il avec un sourire amusé avant de répondre à sa question. "J'ai toujours dit qu'un jour je gouterai à l'alligator, se serait dommage de louper l'occasion." Peu importe si c'est un animal qui effraie les gens et qui peut également les manger. Ceci reste tout de même assez rare qu'un être humain se fasse avoir. Et puis, même si c'était le cas, est-ce que ça se ressentirait dans la viande ? Bien sûr que non. Est-ce qu'on sent la différence entre une vache qui mange du blé et une vache qui mange de l'herbe ? La réponse est non, la viande aura le même gout. Drake indiqua au serveur ce qu'il voulait tout comme le fit juste après la jeune femme.

En attendant l'arrivée de leur plat, il se présenta et appris ainsi le nom de sa mystérieuse compagne de route. Octavia. C'était un nom peu commun et plutôt charmant. Rien à voir avec son prénom à lui qui sonnait beaucoup plus durement aux oreilles. Et heureusement qu'il n'avait pas dit son nom de famille à l'origine Écossaise et très "cinématographique" qui lui vaut souvent des remarques. Bref, il était enchanté de faire sa connaissance avec ces circonstances plutôt étonnante. Les meilleurs rencontrent se font peut-être avec des situations totalement loufoque. Il remarqua tout comme la jeune femme, le retour du serveur avec les bras chargés d'assiette. Tout avait l'air très appétissant et la vue de son assiette d'Alligator lui donna grandement l'eau à la bouche. C'était étrange de voir que la viande était blanche, il aurait pensé qu'elle aurait été rouge comme du bœuf. Ceci lui fait penser qu'il avait cru entendre quelque part que l'alligator avait le gout du poulet. C'est une chose qu'il ne va pas tarder à savoir. Il prononça un "Bon appétit" et s'empara de sa fourchette et de son couteau pour couper un morceau de sa viande afin de la porter à sa bouche et de déguster. C'était absolument délicieux et ce qu'il avait entendu était bien vrai, ça avait un petit gout de poulet, en meilleur. Tout en mangeant, ils continuèrent de parler et il voulut savoir ce qu'elle faisait dans la vie. Contrairement à lui, elle était encore étudiante à l'université."Vous suivez des études qui ont l'air plutôt intéressante, bien que je n'ai aucune idée de ce à quoi ça correspond vraiment. Quel métier vous aimeriez faire par la suite ?" Drake était presque un peu déçu d'apprendre qu'elle allait repartir bientôt. Peut-être qu'il aurait aimé la connaitre encore un peu plus. Après tout, c'était surement l'une des personnes qui pouvaient comprendre ce qu'il traversait et vice et versa. Rien n'est perdu, elle reviendra peut être en ville une autre fois. Bien sûr, elle posa la même question au jeune homme tout en oubliant le vouvoiement qui devenait un peu trop "vieux" pour deux jeunes comme eux. "Je suis à l'université aussi, j'y une licence sciences appliquées en protection contre le feu afin de rentrer chez les pompiers pro. Je suis d'ailleurs en train de préparer tous les concours d'entrée et tout ce qui est entrainement physique." On ne rentre pas si facilement chez les pompiers professionnel. L'avantage de la Licence qu'il suit c'est qu'elle débouche sur le métier de pompier et se trouve être un véritable atout pour faire partir des soldats du feu. Quand la jeune femme approcha son assiette pour le laisser gouter, il se laissa tenter par un accra. Ce n'était pas mauvais, elle avait fait un bon choix. "Si tu veux gouter, hésite pas ! Tu verras ça à un gout de poulet c'est assez surprenant." Drake continua de manger son plat pendant une ou deux bouchées sans rien dire le temps de trouver une nouvelle question. "Tu es native de la Nouvelle Orléans ? Je ne t'ai jamais croisé avant aujourd'hui..." La ville d’où il vient n'est pas si grande que ça, il n'est pas rare de croiser souvent les mêmes têtes et il se serait surement souvenue d'Octavia.

La jeune femme vit bien qu’elle l’avait surpris à commander autant de plats juste pour un seul repas mais elle était comme ça, et préférait mille fois écouter les réclamations que faisait son ventre plutôt que de jouer les picoreuses en grignotant une pauvre feuille de salade. Valerie venait de la Nouvelle Orléans, elle avait un bon appétit et n’estimait pas à avoir à s’en cacher, alors tant pis si elle passait pour un ventre sur patte. Au moins, il avait l’air de prendre ça plutôt bien, de le prendre avec humour. Alors avec un petit instant d’hésitation, la brune lui rendit son sourire à son tour en hochant de la tête.
 
« Toujours. »
 
Mais si elle avait un bon appétit, lui en avait un plutôt singulier. Pour rien au monde elle aurait gouté de l’alligator sans un bon demi litre de vin pour accompagner sa dégustation. Ce n’était pas tant le fait que la créature soit dangereuse pour l’homme s’il ne prenait pas garde, au contraire, l’idée de manger quelque chose qui aurait pu la manger lui plaisait mais ce n’était pas ça du tout. Non, elle imaginait cette carcasse de sang froid, sinuant dans le bayou, un seul œil hors de l’eau à la recherche de son repas qu’elle allait entrainer au fond de l’eau jusqu’à ce que la pauvre créature se noie et cette simple vision lui donnait la chair de poule. Non, elle ne voulait pas manger une créature comme l’alligator. Non.
 
Mais elle n’allait pas imposer à Drake ses opinions et s’il tenait à en manger et bien qu’il en mange. Pour sa part, Valerie allait juste se contenter d’ignorer le plat et d’essayer de toutes ses forces de ne pas lorgner dessus. Ils profitèrent de ce petit moment pour prendre enfin le temps de se présenter, après plsu de neuf heures passées ensemble, il était en effet temps de le faire, songea t-elle avec un petit sourire au coin des lèvres. Mais avant qu’ils aient eu le temps d’échanger autre chose que leurs prénoms, le serveur ramenait déjà leur commande et elle se retrouva coupée par les douces effluves qui montaient des plats alléchants qu’on leur ramenait. Elle répondit à sa formule de politesse et entama elle aussi ses plats en sentant son estomac se tordre de plaisir à l’avance. Elle avait vraiment faim mais s’efforça de se retenir et de manger correctement au lieu de tout engloutir comme un aspirateur à nourriture, ce que semblait vouloir faire son corps qui se languissait de protéines. Puis au bout d’un moment, lorsque son ventre commença à ronronner en recevant de la nourriture, et sûrement aussi du côté de Drake puisqu’il finit par lui demander ce qu’elle faisait. Valerie eut un sourire triste pour son assiette en se demandant ce qu’aurait pensé sa mère des études très poussées qu’elle avait faite. Valerie termina sa bouchée avant de se mettre à expliquer.

« Oh, c’est pour faire de la Science après… en fait, j’aimerais assez travailler pour construire des fusées, des satellites, des navettes… des trucs dans le genre mais espérer trouver un travail dans la Nasa révèle plus du rêve je crois. »

La brune se mordit la lèvre en secouant la vaguement la tête. Valerie connaissait son propre niveau par rapport aux autres personnes de sa classe mais depuis l’ouragan, elle n’était pas certaine de vouloir faire ça. Oui plutôt, d’avoir la motivation pour reprendre le rythme de travail et continuer son année. Elle remonta vivement le regard en l’entendant dire qu’il faisait des études pour être pompier, et au moins, il acceptait d’arrêter le vouvoiement.

« Donc en fait, ce serait pour travailler bientôt, c’est ça ? »

En tout cas, ça expliquait au moins son physique mais ça ne l’empêchait pas de se demander depuis quand il avait eu cette idée de faire ce travail et si Katrina n’avait pas précipité un peu les choses. Après tout, les pompiers ne faisaient pas qu’éteindre le feu, ils sauvaient aussi les gens. Elle lui proposa de partager son plat et vit avec satisfaction qu'il acceptait de bon cœur et lui proposait même de gouter son bout d'alligator, offre qu'elle refusant avec une petite moue.

« Mh… je suis pas trop sûre là… »

Mais ne précisa pas que manger du crocodile ne la bottait vraiment, mais alors vraiment pas, le laissant manger un peu pendant qu'elle faisait pareil en attaquant son « plat principal ». Elle acquiesça en prenant une gorgée d'eau.

« Oui. Née et élevée à la Nouvelle Orléans. Je suppose que c'est aussi ton cas, non ? »

Pas qu'elle partait du fait que tout le monde venait de là mais s'il lui posait la question en lui demandant pourquoi il ne l'avait jamais croisée dans les rues de la ville, c'était bien qu'il y 'avait quelque chose dans cette question.

« Et … sans compter le fait que je ne sortait plus très souvent après la mort de ma mère, il y a des fois où le hasard fait qu'on ne se croise jamais. »

Et c'était vrai même si Nola était une petite ville finalement, où tout le monde se rassemblait pour les carnavals et diverses célébrations.

« C'est comme ça, et c'est tout. Mais peut-être qu'on s'est déjà croisé sans se voir. Ce n'est pas comme si on avait quelque chose à se dire …avant. »

Valerie sentit son visage se brouiller et du s'arrêter de parler avant que sa voix ne trahisse son trouble. Elle se dépêcha au contraire d'engloutir deux nouvelles bouchées pour étouffer l'envie de pleurer qui la reprenait. Quand elle fut calmée, elle retrouva la force de lever la tête.

Le ventre de Drake faillit faire un petit bruit à la vue des plats qui arrivaient à leur table. Par chance, celui-ci parvint à rester silencieux et évita un moment un peu dérangeant. C'est tout à fait naturel d'avoir son ventre qui gargouille, surtout après de plus de douze heures sans manger, mais ça reste un poil gênant face à une inconnue. Ceci aurait pu être drôle et détendre l'atmosphère encore plus. Son regard balaya les différents plats de la jeune femme et lui-même n'était pas sûr d'avoir un estomac assez grand pour engloutir tout ça alors que c'est un homme. En même temps, Drake n'est pas un homme qui mange et mange encore et encore. Son appétit est plutôt normal, sa mère lui a toujours apprit à ne pas ce gaver, chose qu'il avait appliqué depuis ça plus tendre enfance. Content de pouvoir calmer son ventre en train de crier famine, il enfourna une première bouché d'alligator et ce n'était pas mauvais du tout. Au moins, il n'était pas déçu du voyage ! Tout en mangeant, ils discutèrent et firent les présentations, jusqu'à parler de leurs études. Octavia et lui avait à peu près le même âge, un âge auquel les jeunes poursuivent leurs études à l'université. C'était le cas pour la jeune femme qui faisait quelque chose en rapport avec la science. En gros, elle visait quelque chose de vraiment intéressant. En plus, elle avait l'ambition de rentrer à la NASA. Certes, ça ne sera pas une chose facile, mais c'est bien qu'elle ait un but. Il espéra sincèrement qu'elle y parviendrait. "C'est un projet très intéressant. Au moins tu sais ce que tu veux faire. J'espère que tu me réserveras une place dans une fusée !" s'amusa-t-il à dire en s'imaginant à bord de l'engin prêt pour un départ sur la planète Mars ou dans une galaxie lointaine, très lointaine... "Tu as une passion pour tout ce qui touche à l'espace alors ?" demanda-t-il avec curiosité. Drake aimait bien tout ce qui touche à la science-fiction, s'imaginer qu'à des milliards d'années-lumière de la terre il puisse y avoir une autre planète habitable ou des gens se demandent s'il y a de la vie ailleurs...

A son tour, il expliqua aussi ce qu'il faisait. C'était un projet qui faisait tout de même moins rêver que le sien. Mais il n'est pas à plaindre. Être pompier c'est un beau métier, très risqué mais c'est très noble et courageux de risquer sa vie pour sauver celle d'autres personnes. "Je suis déjà en relation avec les pompiers. J'espère pourvoir intégrer une caserne à la fin de ma licence. Logiquement ça devrait bien se passer. Je suis plutôt bien les cours et j'ai largement le niveau physique. Ça fait plus de trois ans que je m'entraine pour ça," expliqua-t-il tout en mangeant une autre bouchée de son assiette. Octavia refusa poliment de gouter à l'alligator. Il ne s'offusqua pas, elle avait parfaitement le droit de ne pas avoir envie de gouter. Peut-être qu'elle n'aimait pas ça, ou que l'idée de manger un animal qui peut manger des humains la déranger. La soeur de Drake serait d'ailleurs en train de crier au scandale si elle était là. Elle est du genre à ne pas vouloir tester des plats un peu trop hors du commun. Tout le contraire de Drake qui est prêt à gouter aussi bien du requin et même du serpent. Tout comme lui, elle était de la Nouvelle Orléans, mais leur routes ne s'étaient jamais croisées."Oui, je suis né et j'ai grandi à la Nouvelle-Orléans, bien que ma famille ne soit pas pure souche. Ma mère était du coin, par contre mon père est un pur Écossais et aujourd'hui encore, il se demande tous les jours pourquoi il a quitté son pays natal pour venir dans un pays qui ne sait pas faire un bon Whisky !" Juste après, il repensa à sa mère qu'il venait de perdre, mais préféra s'attarder sur l'idée de son père en train de pester contre le mauvais alcool américain. Le jeune homme fut désolé que la conversation ait ramené le sujet de leur mère. Il vit bien que la demoiselle fut troublée juste après et qu'elle resta silencieuse sans le regarder. Qu'est-ce que c'est dur de ne pas être triste même quand on refuse de justement d'éprouver de la tristesse. Finalement, il se dit qu'il devait dire quelque chose de drôle pour effacer les douloureux sentiments qu'elle devait ressentir en ce moment. "A mon quatorzième anniversaire, mon père à eut "l'excellente" idée de m'offrir un kilt. Et le pire c'est qu'il était en colère et qu'il ne comprenait pas pourquoi je refusais de mettre ce truc. Quelle idée d'avoir un père écossais aussi ! Le pire, c'est le jour où il a importé une cornemuse. Pour notre plus grand malheur, il avait plus ou moins apprit à en jouer quand il était petit. Autant dire quand il en jouait à la maison, on avait tous envie de lui faire bouffer cet instrument de malheur !" Il raconta tout cela avec un grand sourire tout en rigolant un peu, car ses souvenirs étaient vraiment amusants. Le souvenir du kilt l'avait tellement marqué. Et dire que lui il voulait un gant de baseball. Ce fut surement l'anniversaire où il fut le plus déçu de son père. "Franchement... tu m'imagines avec un kilt ? J'aurai l'air tellement ridicule !"

La brune ne put s’empêcher de rougir en l’entendant dire que son projet professionnel était intéressant. Ce n’était pas tout le temps que les gens montraient autant d’enthousiasme envers ce qu’elle voulait faire. En général, les gens se contentaient juste de lui dire qu’elle avait de l’ambition avec un air sceptique avant de lui dire qu’elle allait en baver quand ce n’était pas une simple moquerie sur ses rêves irréalisables. Car comme on lui avait déjà dit : avait-on déjà vu un astronaute venant de La Nouvelle Orléans ? Non. Mais la jeune femme se plaisait à se dire qu’elle serait la première à le faire.

« Je prend note, je verrais si je peux t’amener avec moi dans l’espace quand j’y serais. »

Ses lèvres esquissèrent un petit sourire et elle but une grande gorgée de vin pour faire passer les christophines avant de lui retourner la question sur ce qu’il comptait faire comme métier. Etre pompier, c’était quand même plus utile pour les villes qu’un astronaute. Il fallait être diablement courageux pour affronter les flammes, sauver des gens et tout ce qui allait avec. Il fallait aussi être courageux pour espérer devenir astronaute et se tourner vers l’espace, mais c’était une toute autre forme. L’ingénierie, c’était tout autre chose, une science froide et impersonnelle, ce n’était pas pratique, pas utile dans l’immédiat pour la vie des contribuables.

« Tu es un fonceur alors. Tu vas commencer tout de suite. Je ne sais pas si j’aurais pu. »

En fait, si, elle le savait parfaitement. Elle n’aurait pas pu. Car il était tout le contraire d’elle qui préférait s’enterrer dans les études pour ne pas avoir à penser à l’avenir et au futur car oui, elle avait des projets mais ce n’était que ça et rien de plus. Rien ne lui permettait d’être sûre que ce qu’elle voulait se voir réaliser allait se concrétiser. Sans compter que… après ce qu’elle avait cru entendre pendant Katrina, elle n’était pas sûre de pouvoir continuer tel qu’elle était partie pour le faire. La brune se mordit la lèvre, se sentant un instant déstabilisée par le fait de revenir sur son histoire d’indigène de la ville alors elle se força à manger en rivant son attention à ce que Drake lui racontait. Lui aussi était donc né à la Nouvelle Orléans, tout comme elle, même si ses parents, contrairement à ceux de l’étudiante, n’étaient pas tout à fait de la Louisiane.

« Je ne suis jamais allée en Écosse, qu’est-ce qu’il y a de si beaux là-bas qu’on en vienne à la regretter ? »

Demanda t-elle avec un air faussement offusquée, comme si la Louisiane était le paradis sur Terre et qu’elle ne supportait pas qu’on la critique. Elle resserra son verre contre elle en l’écoutant en s’efforçant de repousser la douleur qui l’inondait à présent. Drake dut le sentir car il se mit à lui raconter une histoire sur son enfance qui eut le mérite de la sortir de ses sombres pensées. Même si elle ne connaissait pas trop l’Écosse, elle savait quand même ce qu’était un kilt tout comme elle comprenait qu’on puisse refuser de porter une telle chose dans un pays qui ne connaissait rien aux traditions de la Vieille Europe. Elle essaya avec sérieux de se représenter son compagnon de route en jupette à carreaux mais elle ne réussit qu’à se faire une image comique à laquelle vint se rajouter une cornemuse. Dur de garder son sérieux avec une telle vision en tête. La jeune femme étouffa un sourire dans sa main en l’écoutant rire doucement à ce souvenir.

« Tu ne peux pas savoir tant que tu ne l’as pas essayé. Si ça se trouve, tu seras très élégant avec. Je serais d’ailleurs curieuse de voir ça. »

Ajouta t-elle avec un sourire en coin avant de terminer son « entrée » pour attaquer son ragoût de bon appétit. Le plat d’alligator semblait lui faire de l’œil depuis l’assiette de Drake mais elle refusait catégoriquement de céder à la demande muette de son estomac, toujours pas très à l’aise avec l’idée de manger du Croc’humains.

« Ceci dit, je pense que tu ne devrais pas être aussi catégorique. Ce côté écossais, c’est aussi ton héritage, tu devrais en être fier. En plus, il paraît qu’il font un excellent whisky là-bas, ça devrait être une bonne consolation, non ?»

Son regard se fit mutin et elle finit par craquer en tendant sa fourchette par-dessus la table pour lui chiper un bout de son plat. La brune regarda prudemment le bout de viande qu’elle avait empalé avant de gouter du bout des lèvres. Bon, ok, ça n’avait pas n goût de vieille algie oubliée sur la plage ni de viande avariée. Ça ressemblait plutôt, comme prévu, à du poulet.

« Ok, c’est délicieux ce truc. »

Mais elle allait être sage et ne pas lui voler tout son assiette. Elle avait déjà suffisamment à faire avec ce qu’elle avait commandé elle. La brune avala deux fourchettes de ragout de chatrou avant de relever la tête en décidant de lui retourner la confidence qu’il lui avait faite.

« Mes parents sont tous les deux natifs de la Nouvelle Orléans, je ne connais que ça et mon père n’a jamais essayé de me faire porter de jupette à carreaux. Mais ma mère… elle se disait voyante. Elle communiquait avec les esprits et tout ça… Du coup, chez nous, ça sentait toujours l’encens et différentes herbes. J’aimais bien l’écouter. Sa voix était toute douce et elle racontait toujours les meilleures histoires de fantômes…»

Sa voix se perdit un instant et elle se rabroua pour se forcer à revenir à l’instant présent.

Le jeune homme fit un large sourire quand elle répondit à sa proposition de l'emmener dans l'espace. Drake E. McLeod dans l'espace ? Suffit de prendre juste son nom de famille, le mot espace et on crée un titre de film pour le prochain Highlander. Bon, il lui manque tout de même une épée pour se battre contre les autres immortels, chose qu'il n'a pas acquise et que sa famille ne possède pas. Aussi étonnant que ça puisse paraitre, son père un McLeod (du clan des McLeod) n'a jamais possédé d'épée. Sa famille n'a jamais rien eu avoir avec les personnages des films et de la série télé. Si leur nom de famille a été utilisé, c'est un simple hasard, l'auteur voulait un nom et Écossais et c'est le leur qui a été choisi. D'un côté, c'est plutôt cool, de l'autre c'est un peu chiant d'avoir les commentaires de tout le monde. Au moins, il n'avait rien dit à la jeune femme, non pas pour éviter les commentaires, mais plutôt, car son nom de famille n'était pas réellement important. Ce n'est pas comme si elle allait nommer Drake par son nom de famille. On n'est pas au Japon ou dans les temps anciens pour agir de la sorte.

Notre futur pompier parla donc de ses racines Écossaises provenant de son père. La jeune femme s'interrogea sur ce pays qui était peu connu de Drake. Il avait dû y aller une fois mais c'était il y a fort longtemps quand il était encore un jeune garçon. Les souvenirs de ce voyage sont donc inexistants hormis des photos prisent par ses parents. "Je pense que c'est uniquement, car ce sont les racines de mon père que ça lui manque. J'étais trop jeune pour me souvenir du voyage que j'ai fait là-bas. Il ne reste que des photos. C'est certes jolie, mais plus "désert". De grandes plaines vertes, vallonnés, rocheuses, avec de jolis petits cottages perdus au milieu de nulle part. Dans l'ensemble c'est assez vieux, beaucoup de châteaux, des maisons en pierre datant de plusieurs siècles. Mes racines à moi c'est la Nouvelle-Orléans, alors j'ai toujours eu beaucoup de mal avec l'Écosse. Par la suite, il parlant de l'histoire du kilt pour plaisanter tout en espérant redonner le sourire a la jeune femme. Chose qui marcha vu que son air triste venait de laisser place à l'amusement. Bizarrement, elle aurait bien aimé voir Drake avec le fameux Kilt. Ce-dernier hocha négativement la tête, jamais il ne portera ce genre de truc. "Non, vraiment je préfère pas !" confirma-t-il avec un air aussi amusé que la demoiselle. Contrairement à ce qu'elle pensait, il n'était pas déçu d'avoir des racines Écossaises. Le passé de son père et chargé d'histoire, bien plus que celui de sa mère. L'Écosse ne sera peut-être jamais sa seconde maison, mais ça reste un endroit qu'il apprécie pour tous les mythes et légende que son père lui racontait et tout un tas d'autre chose. "Rassure toi, je ne renie pas mes origines. En plus, j'ignore pourquoi, la plupart des filles que j'ai rencontrées ont toujours été charmé quand elles ont appris mes origines. Ça doit être le côté classe "anglais" je suppose. Pour le Whisky je confirme ! Mon père importe son alcool du pays, le meilleur qu'il puisse exister !"

Continuant de manger, il remarqua le regard de la jeune femme qui avait l'air d'avoir drôlement envie de succomber à la tentation de gouter au crocodile. Il préféra ne rien dire et attendre de voir si elle allait se laisser tenter ou pas. Finalement, la tentation l'emporta puisqu'elle piqua dans son assiette. Un doux sourire amusé se dessina sur le visage de Drake et il le fut encore plus quand elle s'exclama que c'était délicieux. Le jeune homme haussa les épaules l'air de dire "je l'avais bien dit" avant de reprendre une bouché lui aussi. Octavia se mit à parler également de ses origines. Une pure fille de la Nouvelle-Orléans. Elle raconta des choses sur sa mère et le fait qu'elle était soit disant voyante. C'était plutôt original, mais pas inconnu dans le coin où ils ont grandi. D'ailleurs, il trouva cela plutôt cool. "C'est marrant, mon père a toujours cru aux fantômes, l'Écosse à soi-disant son lot de spectre dans les châteaux. Mais bizarrement, il n'a jamais cru aux histoires de voyante et vaudou de la Nouvelle-Orléans. Ça ne t'as jamais fait peur d'entendre toutes ses histoires de fantômes ? Quand j'étais gosse ça me terrorisé. J'arrivais plus à dormir la nuit. C'est là qu'il repensa à sa mère grondant son paternel pour qu'il cesse de raconter ce genre d'histoire. Sa gorge se noua en pensant à sa défunte mère. Parler du passé n'était peut-être pas une bonne idée. "Tu sais ce qu'on devrait faire ?" demanda-t-il en reprenant du poil de la bête. Après tout, c'est plus facile d'être dans le déni de la perte de sa mère que de l'accepter."On devrait commander tous les desserts que le restaurant propose ! Genre un méga assortiment, je suis sûr que ça ne te fais pas peur. Vois-tu, je suis très gourmand..." D'ailleurs, il appela le serveur pour qu'il se rapproche afin de lui expliquer son idée folle.

Quelque part, la jeune femme comprenait tout à fait qu’il se sente corps et âme venant de la Nouvelle-Orléans. Elle même n’aurait pas pu se sentir le moindre lien de famille avec un pays qu’elle n’avait vu que deux ou trois fois tout au plus et dont elle ne gardait qu’un souvenir flou. Cependant, la brune ne pouvait pas s’empêcher de rêvasser à une terre telle que celle qu’il décrivait. Ce n’était pas vraiment en Louisiane que l’on risquait de voir des paysages vastes et rocheux. Ici, ce n’était que marécages, bayous et arbres tordus. Ce n’était pas non plus sur ce continent que l’on risquait de tomber sur la moindre trace d’ l’histoire. En fait, la seule fois où elle avait vu ce qui approchait de ce que décrivait Drake était lorsqu’elle avait passé les vacances de Noël chez des cousins éloignés dans un coin perdu du Montana.

La brune s’arrêta de manger un instant pour poser son menton dans sa main en rêvassant sur les paysages de l’Écosse avant de voir sa vision interrompue par une autre qui s’imposa à elle : celle de son compagnon de route affublé d’un kilt rouge à carreaux Ça pour le coup, elle aurait été curieuse de voir ça dans la réalité mais bon, elle comprenait parfaitement que Drake n’ait pas la moindre envie de se retrouver à arborer la tenue traditionnelle masculine écossaise dans la rue de la Nouvelle-Orléans. De toute façon, elle n’était pas sûre qu’ils aient l’occasion de se revoir un jour après ce soir. Ne serait-ce que parce qu’elle repartait bientôt pour Huntsville, ce n’était donc pas la peine d’essayer de la convaincre de se laisser tenter par le kilt, juste une fois.

« Je veux bien te croire ! Le premier whisky que j’ai bu devait venir d’ailleurs parce c’était imbuvable ! »

Répliqua t-elle avec un sourire amusé. Néanmoins, elle l’avait bu jusqu'au bout sans trop râler. À l’époque, la jeune femme n’était pas trop critique sur ce qu’elle buvait et faisait aveuglément confiance à son père pour lui dire ce qui était bon et ce qui ne l’était pas. Aujourd’hui, elle avait encore du mal à se façonner son propre avis sur l’alcool étant donné qu’elle n’avait pas l’âge légal et jouait outrageusement sur sa propre assurance et le fait qu’elle paraisse plus âgé qu’elle ne l’était vraiment.

« En tout cas, ce n’est pas ton charme anglais qui fera quoi que ce soit sur moi. En bonne descendante française, je suis censée mépriser cordialement les anglais. C’est dans mon code génétique. »

Après, allez savoir d’où c’était parti, leur dispute entre anglais et français, ça elle ne le savait pas. L’histoire n’avait jamais fait partie de ses matières préférées à l’école et elle ne s’intéressait ni de près ni de loin à ce qui s’était passé il y a fort, fort longtemps dans des pays qu’elle ne connaissait que de non. Elle n’ignorait pas les clichés qu’il existait sur la rivalité entre anglais et français tout comme elle n’ignorait pas le crédit que l’on attribuait facilement à l’accent anglais qui offrait une petite touche classe aux notes de tous les jours.

La conversation dériva sur le sujet des mythes et des histoires de spectres en tout genre. À croire que c’était un truc de vieux.

« Non, quand j’étais petite, j’adorais ça. J’aimais beaucoup l’idée d’être entourrée des fantômes de mes parents pour veiller sur moi et sur mes proches. Mais aujourd’hui, je n’y crois plus du tout. J’ai grandis, dieu merci. »

Elle sentit que Drake commençait à replonger dans des souvenirs tristes mais avant qu’elle n’ait eu le temps de faire quoi que ce soit pour essayer de le distraire de ses sombres pensées, le jeune homme proposa quelque chose. La brune l’observa comme si c’était un alien. Après tout, seul un alien aurait pu avoir une idée aussi… géniale. Non, en effet, ça ne lui faisait pas peur.

« Oh mon dieu, en voilà une idée brillante. Je suis partante, oui ! Carrément ! »

Un sourire amusé étira ses lèvres et elle s’efforça de ne pas saliver à l’avance comme le ventre sur pattes qu’elle était. Il attrapa un serveur pour lui demander de réaliser leur plan et de son côté, elle demandé qu’il leur rajoute une bouteille de cidre pour accompagner le dessert. Puis elle se dépêcha de finir le peu qui lui restait dans son assiette pour qu’il puisse les débarrasser et faire place nette.

« Tu es gourmand mais tu es sûr de pouvoir tenir le coup ? »

Demanda t-elle en tapotant sa petite cuillère contre le bois de la table en attendant l’arrivée de leurs desserts avec un sourire mutin. Même en espérant très fort, la brune savait très bien qu’ils n’auraient pas leur dessert pendant un petit moment vu le nombre de plats qu’ils demandaient, alors ils allaient devoir trouver un sujet de conversation qui ne risquaient pas de les ramener sur la pente des souvenirs douloureux.

« Comment est-ce que tu en es venu à penser à la Floride ? C’est vraiment une superbe idée. Est-ce que… tu voudras aller sur la plage après ? Pour digérer avec une balade, les pieds dans l’eau ? »

Ça, ça serait sympa quand même.

C'était tellement agréable d'être loin de chez lui et de vivre cette aventure hors du commun malgré le triste jour que c'est. Au moins, ce jour n'était plus aussi triste qu'il devait l'être. Drake avait bien fait de prendre ce petit moment de folie pour oublier, pour ne pas se morfondre comme le font en ce moment toutes les familles en deuil. Dans le fond, les mortes n'aimeraient surement pas voir leur famille aussi triste. C'est peut-être leur faire un plus grand honneur d'avoir le sourire en ce jour si particulier. Cette pensée n'a rien d'égoïste, elle provient d'un profond raisonnement de la part du jeune homme. S'il était mort, voir ses proches tous accablés de tristesse le rendrait encore plus triste. C'est pourtant difficile de lutter contre ce sentiment. Au lieu de rien choisir de ne rien ressentir, chose qui est tout simplement très difficile voir impossible quand on est humain, il a préféré géré ça de manière tout à fait original. Embraquer Octavia n'était pas dans son plan au départ, mais au final c'était la meilleure idée qu'il avait eu.

Discuter avec la jeune femme faisait prendre à cette macabre journée une dimension tellement plus sympathique et légère. Avec elle, il parlait un peu de tout et de rien, de lui, de sa famille ou même de ce kilt horrible que son père voulait lui faire porter. Il se retrouva même à parler de Whisky Irlandais pour dire jusqu'où la conversation allait. Par contre, il fut un peu déçu et surpris que son charme anglais n'opère pas sur la demoiselle. Elle devait bien être la première à y résister. Tout s'expliqua quand elle parla de ses origines Française. "Je suis encore plus honoré de te connaitre alors ! Tu es la première fille qui ne me dit pas "Whaaaou, t'as des origines anglaises, c'est tellement cool, les anglais ont tellement de classe" se mit-il à dire en imitant les filles un peu pimbêche qui lui disait ça en général, avec une voix très aigu. Non, il ne se moquait pas d'Octavia, juste des idiotes qui pensaient automatiquement que Anglais = la grande classe internationale. "Peut-être que tu seras la première à apprécier mon charme américain !" confia-t-il avec un certain sourire amusé. Non, il n'était pas en train de la draguer, bien qu'elle soit jolie et qu'il l'apprécie, ce n'était surement pas le jour pour faire ce genre de choses.

En discutant de leurs parents, ils vinrent à discuter des vieilles légendes, de tous ses mythes qu'on peut entendre. Drake avait évoqué le sujet, car son père lui parlait souvent des histoires de fantômes des châteaux Irlandais ou même de l'histoire du Loch Ness. Sauf que lui il n'avait jamais pensé que les esprits de sa famille pouvaient veiller sur lui. Dans les histoires de son père, les fantômes faisaient toujours peur au vivant. A son père... quel vil sadique, il a détruit son enfance en lui racontant de terrifiante histoire. "T'es histoire avait l'air plus sympathique les miennes. A cause de mon père, j'ai cru à l'affreux croque-mitaine pendant des années. Cet idiot a ruiné mon enfance, je crois que ça l'amusait de me voir totalement terrifié," se rappela-t-il en souriant. Après tout c'était du passé et lui aussi avait grandi. Maintenant le croque mitaine n'était qu'une histoire pour faire peur aux enfants. Si un jour il a des gosses, il évitera de la raconter.

Maintenant que la plat principale arrivait à sa fin, il fallait finir ce repas en apothéose. Oui, il fallait le conclure d'une manière inattendue et totalement folle. C'est pourquoi il proposa l'idée d'un grand plateau avec tous les desserts que propose le restaurant. C'est le patron qui allait être content et la note allait être salée. Qu'importe, seule la folie de la journée compte. Octavia trouva même le moyen de douter de l'estomac de Drake. Il lui lança un regard digne d'un cow-boy prêt à en découdre dans un duel. "Attention, tu ne sais pas à qui tu parles ! Quand j'étais gosses j'ai été champion d'un concours de bouffe. J'ai battu ce gros Steevie Burk qui me prenait pour son souffre-douleur." C'était un vieux titre dont il n'était pas peu fière. Battre se goinfre de Steeve avait été l'un des plus beaux jours de sa vie. Alors s'enfiler une farandole de dessert ne lui fait aucunement peur.

En attendant que la suite arrive, elle lui posa une question plutôt intéressante. Pourquoi venir en Floride. Drake resta silencieux un instant, en pleine réflexion. "J'avais besoin de m'évader. La Floride est à mon sens assez différente de la Louisiane. Je serai bien allé dans le Nevada ou en Californie, mais c'était trop loin. Et encore, si je me serai écouté, on serait en route pour Miami." Le but était simple fuir loin de toute la peine de leur ville natale. Quant à sa proposition, il était partant. Venir en Floride sans mettre les pieds dans l'eau ça serait un véritable affront à cet endroit. "Bien sûr, c'était prévu au programme !" Un sourire et ses yeux se mirent à pétiller quand il vit deux plateaux gigantesques arriver pour se poser sur la table devant eux. Tout était différent et en un seul exemplaire, il se partagerait le tout en deux en chaque fois. Il remarqua les regards intrigués des tables voisines ce qui le fit doucement rire. Les gens devaient les prendre pour des fous ou des ogres. "Je crois qu'on va bientôt être pris en photo. Les gens sont en train d'halluciner..." il se saisit de sa cuillère et lança "A l'attaque !"

Son ton imitant la voix des nombreuses filles qu’il avait du côtoyer fit éclater de rire Valerie, d’un rire chaud et sincère qu’elle n’aurait pas cru possible d’entendre à nouveau dans sa propre gorge. À ce qu’il semblait en dire, le pauvre semblait s’être fait mettre le grappin dessus par des filles séduites par ses origines anglaises plutôt que pour lui. La brune pourrait presque le plaindre mais il n’avait pas l’air malheureux sur ce niveau-là. Elle pensa à ce qu’il devait être en train de vivre et son sourire diminua un peu, elle le cacha en finissant le fond de son verre rapidement. Leur discussion sur leurs familles respectives lui permit d’oublier la triste pensée qui lui avait traversé l’esprit et elle se retrouva de nouveau à sourire en l’entendant parler de son père. Il était vrai que sa mère avait tendance à évoquer les esprits qui rôdaient autour d’eux comme des présences lumineuses et non pas comme des spectres venus d’outre-tombe pour envahir les vivants. Ses histoires étaient tellement humaines, tellement précises que pendant très longtemps, elle avait cru à tout ce qu’elle lui racontait, pensant vraiment qu’il y avait des gens morts qui murmuraient leurs histoires à son oreille. C’était mieux de grandir avec des histoires paisibles et agréables plutôt que craindre les attaques d’un croque-mitaine.

« L’avantage avec ce genre d’histoires c’est qu’au bout d’un moment, tu as dû te rendre compte que ce n’était qu’une histoire, que ce n’était pas vrai. »

Fit-elle remarquer en souriant à son tour. Des histoires comme celles du père de Drake, ça faisait fonctionner l’imagination et ça tenait les enfants aux lits à huit heures et demi. La jeune femme sourit doucement et pencha un peu la tête sur le côté en repensant à toutes les histoires que sa mère lui avait racontées, tous les personnages et les vies qu’elle inventait.

« Pendant longtemps j’ai vraiment cru à ses histoires de fantômes. J’ai mis du temps avant de me rendre compte que ça ne pouvait pas être possible. »

Même si depuis Katrina, elle avait eu quelques doutes. Elle était persuadée que ce qu’elle avait entendu était un coup de vent plus fort que les autres, un rugissement qu’elle avait interprété à sa sauce. Ça ne pouvait pas être vraiment un esprit sorti de on-ne-sait-où juste pour lui faire dresser tous ses cheveux sur la tête. Non, ce n’était pas possible et par égard pour sa mère, elle préférait continuer à croire que les fantômes, s’il y en avait quelque part, étaient des présences lumineuses.

Elle resta silencieuse un instant avant de relever le regard sur Drake pour ne pas sombrer dans ses pensées qui lui faisaient si peur. Les mythes ne pouvaient pas être vérifiés, ils laissaient incertains et ça, Octavia n’aimait pas ça. Ce n’était pas comme la science, c’était bien pour ça qu’elle préférait ça. L’idée du jeune homme la fit sourire. Voilà au moins qui réglerait le dilemme qu’elle avait, à savoir qu’elle aurait bien été infichue de faire son choix parmi tous les desserts inscrits à la carte du restaurant. Elle lui fit remarquer qu’elle n’était pas certaine qu’il puisse avoir l’estomac pour se permettre cette folie. En ce qui la concernait, elle se connaissait et savait bien qu’elle avait un trou noir à la place du ventre mais elle ne savait pas ce qu’il en était pour Drake et quand elle laissa apparaître son scepticisme, il lui fit une réponse très marrante.

« Sérieusement ? Et tu as fait un concours pour qu’il te lâche ou c’est arrivé après ? »

Elle rigola doucement et s’accouda à la table en essayant d’imaginer la scène. La brune l’écouta pendant qu’il expliquait pourquoi il avait choisi la Floride à tous les autres états qu’il y avait autour de la Louisiane. Elle se rendit compte qu’il n’avait pas complètement tord et qu’elle aussi aurait choisi la Floride.

« Ici c’est mieux je trouve. C’est plus petit que Miami. C’est parfait. »

Au moins, elle était contente de pouvoir se réjouir d’avance d’aller faire trempette dans l’océan Atlantique. La vision de deux énormes plateaux se dirigeant vers eux ne fit qu’augmenter sa joie et elle se retrouva bientôt avec un sourire jusqu’aux oreilles en tapant dans ses mains comme une enfant. Le fait qu’ils se soient fait remarqué par toute la salle à cause de leur commande pour le moins singulière lui passa à des kilomètres au-dessus de la tête. Tout ce qui l’intéressait pour le moment, c’était juste cette montagne de mets sucrés qui arrivait droit devant elle.

« Tant pis pour eux s’ils veulent se priver… »

Elle aussi leva sa cuillère et fit un grand sourire à son compagnon de voyage.

***

Le bruit de la mer, si calme, si paisible résonnait dans ses oreilles comme une berceuse apaisante. La brune rouvrit les yeux pour tomber sur la voute céleste à peine polluée par les lumières orangées de la ville voisine. Un étrange sourire béat apparut sur les lèvres d’Octavia et elle glissa sa main sous sa tête, contre le sable en appréciant la douce sensation de bien-être qui la remplissait. Après les desserts, qu’ils avaient terminé jusqu’au bout contre toute attente, la jeune femme avait insisté lourdement pour payer, ce qu’elle trouvait tout à fait normal, et ils étaient sortis du restaurant. Elle s’était sentie grisée par tout le sucre qui glissait dans ses veines et l’alcool qu’elle avait bu pour accompagner tout ces chefs d’œuvres de pâtisserie et ils avaient rejoint la plage. Son autre main se posa sur son ventre gonflé et elle laissa glisser son regard sur les constellations qui illuminaient le ciel de Floride.

« Mon dieu je vais exploser… »

Murmura t-elle en se frottant les yeux. Le ventre plein, elle sentait désormais le sommeil la guetter pour la faire tomber dans ses bras quand elle relâcherait un peu son attention. Et ça, elle ne voulait pas, pas encore. Elle passait une si bonne soirée. Il ne lui semblait pas que c’était le matin même qu’elle avait déposé des fleurs sur la tombe d’Adrienne Ryers pour rencontrer Drake. Elle redressa la tête pour le regarder et lui tendit les mains avec un sourire.

« Tu peux m’aider à me relever, s’il te plait ? »

Pendant qu’ils y étaient, elle voulait encore un peu profiter de l’eau, relativement chaude pour la saison mais elle n’était pas certaine de pouvoir se remettre sur ses cannes toute seule.

Spoiler:

C'était sympa de discuter avec elle, même des histoires de fantômes qui l'avaient tant effrayé quand il était gamin. A l'écouter, il aurait bien aimé avoir un père comme sa mère qui ne racontait pas des histoires qui font peur. Elle avait eu le droit à de jolies histoires, le genre qui sont là pour faire en sorte qu'un enfant ne fasse pas de cauchemar la nuit. Il faut croire que le père de Drake devait aimer se lever en entendant son fils crier en pleine nuit qu'il était certain d'avoir entendu le croque-mitaine sous son lit. Si seulement ceci avait été que le croque-mitaine ! Son paternel était ce qu'on peut appeler un grand fan de tout ce qui touche à l'horreur. Donc les vampires, les loups-garous, les fantômes et autres créatures aussi immondes n'ont fait que peupler les nuits de l'enfant. Heureusement, de temps en temps, sa mère lui racontait des contes de fée qui lui permettait de dormir en toute sérénité. Le jeune homme aurait bien voulu s'imaginer que tout ce qu'il avait entendu de la bouche de son père était de la pure fiction, sauf qu'il était vraiment trop naïf à l'époque. "Hélas non ! J'ai bien dû faire des cauchemars jusqu'à mes 12 ans à cause de ces histoires. Pour me guérir, j'ai dû regarder des films d'horreurs et lire des livres sur le même sujet. Ça m'a permis de comprendre que ce n'était que des histoires. Depuis, plus aucun film d'horreur ne parvient à me faire peur." Autant dire que ça lui a donné un certain avantage quand il invitait une fille au cinéma à une séance horrifique. Il parvenait à passer pour le mec super fort, invincible et viril, car il ne sourcillait pas. Octavia aussi avait cru aux fantômes, mais aux gentilles esprits contrairement à lui. D'une certaine manière, ça le rassurait de savoir que ce n'était pas le seul à avoir cru pendant une époque à quelque chose qui n'est que pur invention.

Le plateau des desserts arriva enfin à l'heure table. Coloré, sucrée, appétissant... celui-ci avait tout pour ravir leurs papilles. Cette farandole était si intéressante qu'il ne savait pas par quoi commencer. La jolie île flottante dans sa crème anglaise qui demande à être mangé ou pourquoi pas la crème brulé encore tiède ? Finalement, il choisit le fondant au chocolat qui sera meilleur chaud que froid. Et puis, comment résister à l'appel du chocolat. En même temps, il affirma qu'il était capable de manger tout ça. "J'étais son souffre-douleur depuis bien longtemps. Je savais que si je gagnais, il allait me foutre la paix. Le pire, c'est que ça a marché !" Drake était parvenu à cette époque à briser l'égo de ce gros lard qui ne pouvait plus que s'incliner devant lui. "Enfin... il ignore toujours qu'après avoir reçu ma médaille, j'ai couru jusqu'aux toilettes à tout allure pour tout vomir. J'étais tellement malade... une vraie catastrophe. J'ai plus rien mangé pendant une bonne semaine après ce fichu concours," expliqua-t-il tout en rigolant. Ce souvenir était plutôt bon. A l'époque, il avait moins rigolé, mais maintenant ça lui semblait tellement ridicule qu'il s'en amusait beaucoup. Il continua de déguster chaque dessert avec autant d'appétit tout en bavardant avec sa nouvelle amie. Finalement, il était content d'avoir choisi cette destination qui convenait aussi à Octavia.

Sans même s'en apercevoir, le temps défila sans qu'il puisse avoir la moindre emprise sur lui. A présent, il était sur la place sous un ciel noir étoilé avec le bruit des vagues chantant doucement sa mélodie nocturne. Assit dans le sable, sa main droit dessinait des formes abstraites sur celui-ci. Octavia quant à elle, était allongée son regard visiblement planté vers le ciel. Elle ne tarda pas à se plaindre qu'elle avait trop mangé ce qui fit doucement rire le futur pompier. C'est ça d'avoir les yeux plus gros que le ventre. Quoi qu'il était mal placé pour parler, car il avait également la peau du ventre bien tendu. Quand elle demanda de l'aide pour qu'il la relève, il acquiesça, mais devait d'abord se lever. Une... deux... et trois, il souleva son derrière, chancela un petit peu et se retrouva bien debout en train de tendre sa main à la jeune femme. "Je crois que je vais exploser moi aussi !" D'un coup, il tira et hop elle se retrouva debout les deux pieds bien ancrés dans le sable. Par contre, Drake perdit l'équilibre sans doute à cause de l'alcool qu'il avait bu et de l'effet de son ventre plein et boom par terre. C'est idiot, mais il explosa de rire, un rire automatique qu'il ne pouvait pas contrôler. On dirait même un véritable fou-rire sans fin. Sans le savoir, c'est la pression de la journée et le stress qui s'en vont. Même s'il a fait comme-ci de rien été, la journée a été triste. Plutôt que de pleurer ce soir c'est un fou rire qui fait tressauter son corps presque joyeusement. "Je crois bien que cette fois-ci, c'est toi qui va devoir m'aider à me relever !" Juste avant, il retira son t-shirt, ça lui fera toujours ça de moins à retirer quand il sera debout avant de se jeter à l'eau. Car s'il est au bord de l'océan, ça serait bête de ne pas piquer une tête.

Sans rire, elle était remplie à fond, si bien qu’elle aurait été totalement incapable de se relever toute seule. Elle aurait très bien pu se contenter qu’il l’aide juste à se rassoir mais Drake se redressa au moins aussi douloureusement qu’elle si elle avait tenté de le faire juste pour l’aider. Pour le remercier, elle lui offrit un grand sourire en apprenant par le même biais qu’il souffrait autant qu’elle de leur repas pour ogres en séminaire et agita de plus belle ses mains pour qu’il l’aide. Il attrapa ses mains pour l’aider à se relever et d’un seul coup, elle se retrouva debout tandis qu’il s’effondrait au sol en explosant de rire.

La brune ne put s’en empêcher et l’imita en éclatant d’un rire franc et spontané. Elle se retrouva appuyée sur ses genoux, secouée d’un grand rire qu’elle ne parvenait pas à réprimer en tanguant comme une alcoolique sur le pont d’un bateau pris dans une mer démontée. Son rire était contagieux mais elle soupçonnait l’alcool et le stress de la journée de peser dans la balance.

« Ouais je vois ça… et c’est bien volontiers que je t’aiderai… donne moi tes mains, allez… »

Répondit-elle quand il lui dit que c’était à son tour d’avoir besoin d’aider pour se redresser. Octavia s’efforça de retrouver son sérieux en se relevant, essayant d’atténuer les derniers éclats de rire qui la secouaient. C’était bien dur mais elle lui devait bien ça puisqu’il l’avait aidée, alors elle pouvait bien mettre un peu du sien. Octavia se résolut en s’approuvant d’un mouvement de menton avant de baisser les yeux sur Drake pour voir qu’il retirait son t-shirt. Et que ce que ce dernier cachait n’était vraiment pas mal du tout. Elle se rabroua en se disant au fond d’elle-même que ce n’était pas le moment pour flirter, mais c’était parfait pour plaisanter.

« Oh… je vois que tu fais tomber le t-shirt rien que pour moi ! C’est gentil ça »

Un nouveau rire s’échappa de ses lèvres et elle tendit les mains pour attraper celles, chaudes, du jeune homme et l’aider à se relever en veillant à rester fermement accrochée à lui pour ne pas retomber de son côté. Il ne manquerait plus qu’ils passent encore un quart d’heure à s’aider mutuellement à se relever. Quoique ça pourrait être amusant, bien qu’épuisant à la longue. Elle lui sourit franchement en voyant sa tête arriver à son niveau.

« Te voilà de nouveau sur tes pieds, mon brave. Tu vas tenir tout seul sur tes jambes ou tu as besoin d’une canne, papy ? »

Fit-elle remarquer en le regardant droit dans les yeux. Soudain elle eut une idée et elle s’écarta de lui d’un bond avant de donner une petite tape sur son bras nu. Elle se débarrassa de ses chaussures avant de se mettre à courir en direction de l’eau.

« Le dernier dans l’eau a perdu ! »

Hurla t-elle comme une gamine avant de faire passer au-dessus de sa tête le t-shirt qui recouvrait sa robe pour le jeter sur le sable sur son passage. Elle se pencha pour attraper un pan de sa robe pour lui faire subir le même sort avant de dévorer les derniers mètres qui la séparaient de l’eau et se précipiter dans la mer. Elle était froide mais dans l’état où elle était, la brune s’en fichait comme d’une guigne. Octavia ne s’arrêta pas et se précipita dans l’eau pour se jeter entre deux vagues, disparaissant dans l’eau pour en ressortir en soufflant. Elle passa ses doigts sur son visage pour en chasser l’eau salée et continua à s’avancer dans l’eau jusqu’à en avoir jusqu’à la poitrine puis elle se retourna en direction de la plage pour chercher Drake du regard.

Le futur pompier avait à présent le postérieur bien ancré dans le sable après sa petite chute. Il se sentait bien bête, mais ne pouvait pas s'empêcher de rire tellement c'était d'une idiotie sans nom. Pour se relever, il avait bien peur de devoir avoir besoin d'aide et pour ça, Octavia allait être d'un grand secours vu que c'est elle qui était sur ses deux pieds à présent. Quand son regard se retourna vers le sol ou son t-shirt trainait, il se dit que c'était une mauvaise idée de l'avoir retiré. Ben oui, ça veut dire qu'il devra se baisser pour le ramasser et après avoir mangé autant, le moindre petit mouvement lui donne l'impression qu'il va retomber le sol. Il faut croire que son ventre n'a jamais été fait pour les concours de bouffe. Certes, il en avait gagné un pour tout vomir aux toilettes pas très longtemps après. La remarque d'Octavia le fit encore rire. C'est vrai qu'il n'avait pas pensé qu'elle puisse apprécier la vue de ses tablettes de chocolat. Quoi qu'après leur repas, celle-ci devait être un peu disgracieuse. "Que veut tu, c'est dans ma nature d'être gentil et de faire plaisir aux autres !" répondit-il pour jouer le jeu avec une certaine malice. Quand elle lui tendit sa main, il l'attrapa et se releva plus rapidement que s'il l'aurait fait tout seul. Toujours en train de rire, il fit un petit signe de tête pour la remercier avant de regarder de nouveau le ciel avant de s'intéresser à l'eau qui allait et venait sur le sable. La demoiselle le traita de papy ce qui lui fit arquer un sourcil. "Moi un papy ! Si j'en suis un, j'ai le mérite d'être le papy le plus séduisant de la terre !" Et les chevilles, ne seraient-elles pas en train de gonfler ? Non, pas du tout, elles conservaient leurs tailles normales. Avant qu'il n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit d'autre, elle était déjà partie en courant vers l'eau. La fourbe, elle voulait se jeter à l'eau avant lui. Sauf qu'elle avait la chance d'avoir des vêtements plus pratiques à retirer que lui. Une robe ça prend approximativement moins de cinq secondes à se retirer. Lui, il dû retirer ses chaussures, sa ceinture, déboutonner son jean avant de l'enlever et de se mettre à courir à son tour vers l'Océan. Drake venait de perdre la course, mais c'était perdu d'avance depuis le départ. Du coup, il prit son temps et se la joua même "Splinter Cell" en plongeant pour ne pas se faire remarquer. Tant qu'à jouer, il avait bien l'intention de faire peur à la demoiselle. Avant son plongeon, il avait localisé ou se trouvait la demoiselle et nageait vers elle. Tel un monstre marin, il surgit derrière elle en grognant tout en posant ses mains sur ses épaules pour la faire sursauter. Une fois fait, il se mit à rire, c'était pourtant une blague d'enfant. "T'aurais dû voir ta tête ! C'était énorme !" parvint-il à dire quand son fou rire se calma. "Tu sais que tu es partie avant, j'avais aucune chance de gagner ! Ca ne serait pas un peu de la triche ?" demanda-t-il avec un grand sourire avant d'ajouter "Je vais avoir droit à un gage ? Ou va tu m'épargner pour avoir perdu ?" Tout en l'écoutant parler, il se mit sur le dos et se laissa flotter au grès des vagues, ça avait un petit quelque chose de reposant et ceci faisait le plus grand bien.

Apparemment, la modestie n’était pas la plus grande qualité de Drake. Certes le sucre et le vin qu’il avait prit ne devait pas l’aider mais d’un autre côté, elle pouvait comprendre qu’il se complimente tout seul. Après tout, on est jamais mieux servi que par soi-même et en l’occurrence, ça marchait également pour les compliments. Parfois, même Octavia s’en faisait toute seule, complimentant son intelligence hors pair. Pour tout réponse au commentaire du jeune homme, la brune leva les yeux au ciel avec un sourire amusé et partit dans un simulacre d’une partie de chat en se jetant à l’eau comme une gamine après avoir retiré sa robe et ses chaussures.

L’eau n’était pas chaude, mais elle n’était pas glacée non plus, juste ce qu’il fallait pour qu’un être humain puisse rester dedans sans se transformer soudainement en statue de glace. La brune passa ses doigts sur son visage pour chasser l’eau qui menaçait d’entrer dans ses yeux et se retourna en cherchant Drake du regard. Où était-il donc passé ? Elle aurait pourtant pu jurer de l’avoir entendu entrer dans l’eau à sa suite, même si elle l’avait battu à plate couture à la course… alors où était-il donc ? La jeune femme tourna la tête en le cherchant mais tout avait l’air calme. Soudain, elle entendit un grognement quelques instants avant de sentir une masse se poser sur ses épaules. Elle sursauta comme si elle avait été soudain électrifiée et ne put s’empêcher de laisser échapper un petit cri de surprise. Octavia se retourna vers le futur pompier qui riait comme un bossu, visiblement très content de sa petite blague. Elle se retourna vers lui en faisant la moue

« Ha. Ha. Ha. C’est tellement drôle. »

Rétorqua t-elle en faisant mine d’être froissée avant finalement de se laisser gagner par son hilarité et de rire un peu en le regardant essayer de se calmer. Elle redressa le menton en souriant en l’entendant dire que si elle avait gagné, c’était uniquement parce qu’elle avait triché en partant la première. Du moment que personne n’avait défini de règle, c’est que tous les coups étaient permis alors de là à aller dire que c’était de la triche, c’était un peu fort de café. Elle éclata de rire en l’entendant presque réclamer un gage pour avoir perdu. Elle ne savait pas encore si elle comptait lui faire ce plaisir ou pas.

« Ta défaite est déjà une punition en soi, je crois que je vais peut-être te laisser passer ton tour pour cette fois. »

Le jeune homme s’allongea en se laissant aller sur les flots et Octavia s’enfonça dans l’eau jusqu’au cou pour échapper au vent désagréablement froid sur sa peau mouillée. Elle ne put s’empêcher d’ajouter juste pour l’embêter :

« Je sais que je suis géniale, pas la peine de me remercier, c’est un plaisir. »

Elle s’approcha de lui en restant protégée du froid dans l’eau et glissa ses mains sous sa tête pour le tenir hors de portée de la mer. Sa main glissa doucement dans la nuque de Drake et elle se laissa glisser en arrière pour s’allonger en le tirant en suivant la courbe du rivage. Son regard se leva vers les étoiles et elle sentit qu’elle était en train de se détendre de nouveau. Octavia lâcha les épaules du jeune homme pour s’avancer dans l’eau à hauteur de son visage.

« Sans compter que un, si j’ai vraiment triché comme tu m’accuses de l’avoir fait, je ne devrais pas avoir le droit de te donner de gage et que de deux, j’ai jamais été douée pour inventer des gages. Je suis une vraie buse pour ça. Mais si tu as des idées, je suis preneuse. »

Ajouta t-elle avec un sourire malicieux.